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Première coupe. Dieu! daigne recevoir à ta gloire cette exposition ,, de l'œuvre de l'Esprit dans les formes terrestres; pour que ton „nom, ô Seigneur! soit sanctifié, pour la prospérité de la plus sainte cause des peuples; pour la prospérité de notre patrie. Seconde à Napoléon. La miséricorde du Seigneur, le parcoupe, ,,don et le repos, et prompte union avec nous, ô Esprit cher pour nous, d'un héros, frère, compagnon et coopérateur dans l'œuvre ,, sainte! ô toi! maître lumineux, plus avant dans les décrets du ,,Seigneur en faveur de la terre; toi qui, après tant d'années de ,, souffrances, par permission supérieure, assistes en ce moment à notre cène, en esprit, reçois, à cette heure, notre solennelle assu„rance, unique consolation qui te soit réservée, que nous fesons tous ,,nos efforts pour devenir dociles à tes inspirations, à la direction „que, d'après la volonté de Dieu, dont tu es rapproché, tu impri„meras, pour la joie, le repos et le salut de ton esprit."

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VIII.

L'ESPRIT DE SECTE.

Towianski expulsé, le cours du Collège de France fermé, la secte n'en continua pas moins, encore quelque temps, ses réunions privées, ses efforts pour messianiser le monde. Par ses lettres, Towianski, la conseillait et la gouvernait du fond de la Suisse où il s'était retiré en quittant Bruxelles. Pour juger de la puissance en quelque sorte fascinatrice qu'exerçait cet homme, il suffirait de voir avec quelle dévotion Mickiewicz parlait de lui dans ses leçons. Mais il est un fait qui, à cet égard, est plus significatif encore; nous le citerons au double titre de renseignement et d'enseignement; il fera apprécier au lecteur l'influence de Towianski, et il lui montrera, une fois de plus, comment les droits de l'homme sont compris dans certaines sectes, où l'on insiste sur les droits des animaux.

Ce fait, dont je parle, est un acte enregistré; je cite cet acte sans commentaires; le lecteur jugera jusqu'à quel point il honore Towianski, en l'honneur et à l'avantage de qui il est dressé, et Mickiewicz qui l'a contresigné de son nom glorieux.

«En présence de témoins.

«Je soussigné Sévérin, comte de Biberstein Pilchowski de « Terechowa, officier polonais émigré, demeurant actuellement aux Batignolles près Paris, rue de l'Elysée, no 18, ancienne«ment domicilié en Pologne à Terechowa, terre située dans le a district de Machnowka, palatinat de Kiovie en Ukraine, recon«nais André Towianski pour mon seigneur et maître, en me

«< constituant légalement son serviteur et sujet, et je m'engage «religieusement à remplir les obligations envers mon Seigneur «<et Maître André Towianski, dans les clauses suivantes.

<«< André Towianski, mon seigneur et maître dès ce jour, aura «<sur ma personne et sur mes propriétés acquises en Pologne «et à acquérir dans ledit pays, tous les droits qui sont assurés «<aux seigneurs dans le pays de l'ancienne Pologne sur leurs « sujets, par la législation, les us et contumes nationales.

«Toutefois, mon présent engagement n'est que personnel et « viable. Il en résulte que, si mon Seigneur et Maître André «Towianski, après une vie que je lui souhaite la plus longue, «quittait la terre, je redeviendrai libre de ma personne et j'aurai « le droit de réclamer, si je le trouve nécessaire, mes titres et « mes propriétés. Les enfants de mon Seigneur et Maître André <«<Towianski ne peuvent, ni du vivant de leur père, ni après «sa mort, prétendre à exercer aucun des droits spécifiés dans

«< cet acte.

<< Il est bien entendu que si je me marie, et que j'aie des «<enfants, mes enfants ne seront nullement liés par les obliga«<tions qui sont personnelles à leur père; mais je promets à «mon Seigneur et Maître André Towianski de faire à mes en«fants, quand ils auront atteint leur majorité, un appel en «<les engageant à embrasser volontairement la condition de « leur père.

«Je crois de mon devoir de déclarer les motifs que j'ai eus «à contracter la présente obligation.

«Convaincu que je ne puis mieux remplir mes devoirs de «chrétien, qu'en obéissant à Celui en qui il m'a été donné de «reconnaître la Vie, la Voie et la Vérité:

«Convaincu que je ne puis, comme Polonais, servir mieux «mon peuple et rendre un plus grand service à la race slave, « dont ce peuple fait partie, qu'en devenant de droit et de « fait sujet de Celui que j'ai reconnu en sa qualité de magis« trat universel;

«Convaincu que je dois, aux émigrés polonais, mes compa «<triotes, un gage extérieur de mes sentiments intimes, qui fût «en même temps un appel au dévouement que l'on doit à la <«< Vérité religieuse et nationale, et par conséquent à Celui qui << en est l'organe:

« Je suis devenu sujet de Maître et Seigneur, et je déclare, <«<en mon âme et conscience, que c'est le seul moyen d'être « complètement libre et heureux.

«Cet acte sera déposé entre les mains de monsieur Adam <«< Mickiewicz, professcur au Collège de France, demeurant à

«Paris, rue d'Amsterdam, no 1, et j'autorise le dépositaire à «en livrer des copies.

« Et j'ai signé le présent acte avec les témoins pour servir «que de droit.

« Fait à Paris, le six janvier, l'an mil-huit-cent-quarante-cinq.

Signé: Sévérin, comte de Biberstein PILCHOWSKI.

Ont signé les témoins:

" Charles Rozzcki, colonel; le prince Romuald Giedroye; « Michel Chodzko, chef insurgé du district de Wilijka en << Lithuanie.

"L'an 1845, 11 janvier.

« Pour copie conforme: MICKIEWICZ.

,,Enregistré à Paris, le neuf janvier 1845, fo 145, page 10. N. C. 2.”

Je reproche hautement à M. Adam Mickiewicz, le grand poète, le noble cœur, l'ami de Michelet et Quinet, l'hôte illustre de la France, l'une des grandes voix prophétiques du XIXe siècle, d'avoir contresigné un pareil acte; ce contreseing est une tache à son nom; c'est une sorte de honte à lui, quand cet homme est venu se déclarer serf, de ne lui avoir pas dit, avec l'autorité d'un prêtre de la raison et de la justice moderne: «Je ne puis bénir que la liberté!»

IX.

DEPUIS 1848.

J'achève ce chapitre par quelques rapides indications de faits. Le 22 janvier 1848, M. Mickiewicz quitta Paris pour aller à Rome. On dit qu'il se proposait d'entretenir le pontife Pie IX, alors si libéral, des idées de la secte towianskiste. Je ne sais s'il parvint à se faire entendre au Vatican.

Vint la Révolution. Elle trouva Mickiewicz à Rome. Le poète, sur le champ, rassembla les Polonais qui étaient dans la ville, et forma le noyau d'une légion polonaise dont il se proclama le conducteur en chef. Il alla à Florence, puis à Milan. Mais là, on ne s'entendit pas, et maître Adam revint à Paris.

De son côté, Towianski, dès le mois d'avril, quitta la Suisse et reparut en France; mais, après les journées de juin, le

gouvernement de M. Cavaignac le fit arrêter et emprisonner, et, après quelque temps, reconduire en Suisse, où il est encore. Quant à Mickiewicz, il a rompu, dit-on, avec son ancien maître, et, enveloppé d'un voile de tristesse, il exerce silencieusement les fonctions de bibliothécaire à l'Arsenal, place modeste à laquelle l'a nommé le gouvernement du neveu de Napoléon.

LIVRE V.

MYSTICISME PHILOSOPHIQUE.

CHAPITRE IER

Lamennais (1),

I.

HUMBLE CONFESSION A. M. LE PRÉFET DE POLICE.

Je dois commencer par faire un grand aveu à M. le préfet de police.

Le jour de l'enterrement de Lamennais, il y cut, comme on sait, un rassemblement considérable de peuple. L'illustre écrivain, le démocrate célèbre, le prêtre mort en philosophe : tout cela avait remué les esprits, et il était naturel que la foule accourût à ce convoi.

Des mesures d'ordre avaient été prises, fort analogues à celles dont j'ai retrouvé la trace dans les livres et les papiers publics qui, au XVIIIe siècle, purent, à l'étranger, raconter la fin et l'inhumation de Voltaire. Entre autres, l'entrée du cimetière du Père-Lachaise fut interdite à la multitude, et les intimes da défunt furent seuls admis à suivre le pauvre corbillard de dernière classe, qui conduisait les restes de ce puissant génie à la fosse commune.

(1) Je sens le besoin de dire ici une chose que je devrais malheureusement dire à presque tous mes chapitres: Ceci est une notice rapide, une esquisse; je déplore que le défaut d'espace empêche d'entrer dans plus de détails. Mais si j'avais voulu être complet, cet ouvrage eût demandé six volumes.

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