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pendant l'instance: ici les avocats non stagiaires sont eux-mêmes gênés dans leur liberté. Souvent des mémoires sont produits après l'instance, pour dissiper quelques soupçons ou donner quelques éclaircissemens on se souvient encore à Bordeaux, et l'on se souviendra long-temps des mémoires composés dans l'affaire Lamorine par le vertueux Ferrère et par cet homme dont il suffit de dire, pour son éloge, qu'il est sorti du ministère sans s'y être enrichi, et qu'il n'a pas trouvé d'imitateurs : elle était pourtant souverainement décidée, puisque l'accusé avait été acquitté par le jury. Si l'article 2 du projet eût alors existé, nous aurions été privés de deux pièces d'éloquence, dont la première, sur-tout, est une des plus remarquables qu'ait produites le barreau moderne.

3o. Enfin les mémoires signés par d'anciens avocats, et faits pendant l'instance, sont bien dispensés du dépôt, mais non du timbre s'ils n'ont que cinq feuilles; or la plupart en ont presque toujours moins: on ne pourra donc plus en faire, à moins de les faire très

volumineux; ce qui deviendra dispendieux pour les parties.

4°. Pour être dispensés du dépôt pendant un temps limité, les écrits présentés aux Chambres doivent être publiés pendant que la discussion sera ouverte dans chacune d'elles cette restriction ne rend-elle pas la dispense illusoire? Quel est l'écrit qui pourra paraître à temps sur la plupart des projets de loi, s'il faut que la discussion soit ouverte? Il s'écoulera toujours près d'un mois avant qu'il puisse être publié; car pour peu que la loi soit importante, il faudra bien quinze jours pour composer l'ouvrage, une semaine pour l'impression, puis l'annonce dans les journaux ; car c'est un préalable nécessaire pour qu'un ouvrage soit connu : cette annonce pourra être retardée par beaucoup de circonstances, et la loi sera rendue avant que les Députés aient été éclairés par la lecture de l'ouvrage, et mis à même d'apprécier ce qu'il contient d'utile et d'en faire usage dans leurs délibérations.

Tout ce qui précède concerne exclusive

ment les imprimeurs, voici maintenant ce qui s'applique aux journaux seuls. L'art. 8 était inutile; il exige, pour la publication d'un journal, une déclaration indiquant le nom et la demeure du propriétaire; on a vu que tout cela était déjà prescrit par les lois précédentes.

Il en est de même de l'art. 12, relatif au cautionnement.

Quant à l'art. 11, il est inutile aussi, mais par un autre motif, c'est qu'il prescrit une formalité dont on ne peut retirer aucun avantage : il veut, en effet, que le nom des propriétaires des journaux ou écrits périodiques soit imprimé en tête de chaque exemplaire; mais qu'importe que ce nom y soit ou n'y soit pas ? Si l'on peut éluder la loi dans le deuxième cas, il sera tout aussi facile d'y parvenir dans le premier : l'Autorité seule peut avoir intérêt à connaître le nom, or elle le connaît déjà par la déclaration faite à la Direction en publiant le journal. Si dans aucun cas on ne peut éluder la loi, pourquoi la règle n'est-elle pas identique ?

L'art. 20 interdit toute publication sur la vie privée de tout homme résidant en France, soit Français, soit étranger, à peine d'une amende; il est très-sage, on ne peut qu'y applaudir: il tarit la source impure de ces écrits éphémères, qui le plus souvent n'ont d'au que d'alimenter, par leurs calom

tre mérite

nies, la malignité publique.

J'en dirais autant de l'art. 21, qui autorise à poursuivre d'office tout délit de diffamation envers les particuliers, si cet article s'entendait du délit dont a parlé l'art. 20. En effet, dans ce cas la publicité sur la vie privée de l'individu diffamé est déjà acquise, il ne reste plus qu'à poursuivre le diffamateur; le diffamé n'en éprouve aucun préjudice, puisque quand même on ne poursuivrait pas celui qui aurait publié les faits que le diffamé avait intérêt de cacher, ces faits n'en seraient pas moins connus de tout le monde, l'impression les ayant répandus en tous lieux.

Mais ce n'est pas dans ce sens qu'est conçu l'art. 21, la preuve, c'est qu'il veut que la poursuite ait lieu d'office, quand même le

diffamé ne se serait pas plaint; tandis que l'art. 20 permet à celui dont on publie la vie privée, d'autoriser ou d'approuver la publication avant le jugement; ce qui peut avoir lieu, soit qu'il ait poursuivi lui-même et s'en soit repenti, soit que la poursuite ait eu lieu d'office.

En admettant que la poursuite doive être dirigée, d'après l'art. 18, non contre les éditeurs responsables, mais contre les propriétaires mêmes des journaux ou écrits périodiques, les art. 16 et 17, qu'on a si amèrement censurés, me paraissent à l'abri de la critique. En effet, qui veut la fin veut les moyens; tous actes, toutes conventions et dispositions faites par quelqu'un qui se prétendra propriétaire, quoiqu'il ne le soit pas, devront donc subsister nonobstant les contre-lettres qui pourraient établir le contraire.

Par la même raison, ces actes, conventions et dispositions devront être nuls, s'ils émanent de personnes autres que celles qui ont fait la déclaration de propriété.

S'il en était autrement, la loi serait cons

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