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CHAPITRE V.

Napoléon sacré par le Pape.

LE

Le jour où le général Bonaparte prit le titre de premier Consul, il fut aisé d'apercevoir le but que se proposait sa politique, et la puissance à laquelle tendait son ambition. Peu à peu et par degrés on vit son autorité s'accroître et repousser les idées et les institutions démocratiques. Quelques vaines dénominations subsistaient encore, mais elles formaient un contraste évident avec le nouvel ordre de choses qui s'établissait chaque jour en France. Enfin le trône fut relevé, et les institutions monarchiques reparurent. Napoléon, en ceignant la couronne impé

riale, ne négligea aucun des moyens qui lui parurent propres à l'affermir sur sa tête. Il crut que la religion devait lui procurer un appui très-puissant, il sollicita et obtint assez facilement des prêtres le secours qui lui paraissait utile. Il invoquait, comme titres à leur complaisance, le schisme éteint et les autels relevés. Il leur montrait, comme résultat de leur assistance, la protection de son pouvoir, et comme effet de leur refus, le danger de sa colère.

Le chef de l'Église apprécia ces offres, ou pressentit ces menaces; la politique romaine espérait d'ailleurs obtenir la restitution des légations, que le traité de Tolentino avait démembrées des états romains.

Le souverain Pontife partit de Rome, le 2 novembre 1804, après avoir développé les motifs de son voyage, dans une allocution prononcée en consistoire secret.

Il dit formellement qu'il se rendait en France sur la demande de Napoléon ; « ce » puissant Prince, qui a si bien mérité de » la religion Catholique, notre très-cher » fils en Jésus-Christ, Napoléon, Empe>> reur des Français, nous a fait connaître >> qu'il désirait vivement recevoir l'onction >> sainte et la couronne impériale, afin que » la religion, imprimant à cette cérémonie >> solennelle le caractère le plus sacré, en » fit la source des plus abondantes béné» dictions. » Tel était le langage du chef de la chrétienneté.

A son arrivée en France, le Pape fut accueilli avec de grandes démonstrations de respect et de joie. Partout les premiers magistrats le reçurent avec des honneurs extraordinaires, et la population entière des villes et des campagnes accourut sur son passage. On a prétendu que ce mouvement avait été imprimé par la police de Fouché; en partant de cette idée que l'impulsion n'avait pu naître naturellement

au milieu d'une nation chez laquelle les croyances religieuses étaient sinon éteintes du moins fort affaiblies. Mais avec un peu de réflexion, on s'aperçoit que l'accueil fait au Pape, fut précisément celui qu'on devait attendre des opinions dominantes et du caractère national. Il y avait dans l'empressement qu'on lui témoignait, au moins autant de curiosité que de vénération, et le prestige de grandeur qui environnait Napoléon, avait alors une influence tellement puissante, que le Pape attirait moins les regards par la thiare placée sur son front que par la couronne qu'il allait poser sur la tête du nouveau Charlemagne.

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Pie VII sentit lui-même ce que la position et les circonstances exigeaient mesura la distance qui séparait Paris de Rome, et il sut, sans rien perdre de sa dignité, s'accommoder assez heureusement au temps et au lieu.

La cérémonie du sacre, fut une véritable

représentation théâtrale, dont la pompe éblouit, dont la longueur fatigua les spectateurs et les acteurs *, et qui ne produisit ni impressions ni effets utiles. Il n'y avait dans tout cela rien de grand, parce qu'il n'y avait rien de vrai. Il paraît cependant que Napoléon conserva long-temps la pensée que son sacre avait eu une influence heureuse et puissante sur l'opinion; il se trompait et tout cet appareil religieux, ridicule pour quelques-uns, indifférent à la masse, ne put ramener la secte dévotę, alors obscure et faible, mais toujours dangereuse, par la violence et la persévérance de sa haine.

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La conduite du Pape, fut diversement jugée; les hommes vraiment religieux, c'est-à-dire, ceux dont le zèle n'aspirait qu'à la gloire de Dieu et au rétablissement du culte catholique, approuvèrent sa condescendance; ils enatendaient d'heureux ré

* Napoléon bâilla tout le temps de la cérémonie.

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