» dans l'Église et dans les États, sous le >> voile spécieux d'un institut religieux, > non un ordre qui aspire véritablement >> et uniquement à la perfection évangé» lique, mais plutôt un corps politique, >> dont l'essence consiste dans une ac»tivité continuelle pour parvenir, par » toutes sortes de voies, directes ou in>> directes, sourdes ou publiques, d'abord » à une indépendance absolue, et succes» sivement à l'usurpation de toute auto>> rité. >>

Il serait difficile de mieux peindre cette corporation, son esprit, sa volonté, son action et sa tendance. Pour justifier l'exactitude du tableau, rappelons quelques règles de la constitution des Jésuites, et montrons les ressorts de leur organisation intérieure.

Tous les membres de l'ordre reconnaissent un chef suprême ou général dont l'autorité est sans bornes; on doit lui obéir en

tout et toujours; chaque frère doit jouer le rôle d'un bâton sous la main de celui qui le meut, ou d'un cadavre qui ne fait aucune résistance; il doit renoncer à son propre sens, à ses lumières, croire que celui qui ordonne a raison en tout ce qu'il commande, l'exécuter aveuglément, sans hésitation; un signe et moins qu'un signe de la volonté du général, doit faire courir à l'obéissance comme si Jésus-Christ luimême eût parlé; la totalité de l'autorité, l'universalité des biens de la société, son administration, sa direction sont réunies dans la seule main du général; tous ceux qui composent la société doivent en dépendre aveuglément pour leur sort, pour leur personne, leurs actions et leurs biens ; pour leurs consciences, pour leurs doctrines et leur manière de penser sur tous les points, afin que l'esprit du chef soit universellement celui du corps et de chacun de ses membres.

Les règles d'administration sont confor

mes à cet esprit de concentration générale entre les mains du chef. Tous les pays occupés par les enfans de Loyola sont divisés en assistances, comme l'assistance de France, l'assistance d'Espagne etc.; les assistances se divisent en provinces et les provinces en maisons. Les assistans recoivent les rapports particuliers des provinciaux soumis à leur surveillance et les transmettent au général; chaque provincial reçoit ceux des chefs de maisons et les transmet tous les mois au général; enfin, comme l'assistant et le provincial pourraient, par négligence ou autrement, omettre quelque circonstance, le chef dé maison doit tous les trois mois rendre compte directement au général; et tous sont obligés d'entrer dans les plus grands détails, tant sur les choses temporelles que sur les choses spirituelles; c'est ainsi que par une administration habilement combinée, tous les membres de l'association se surveillent mutuellement, et sont dans l'impossibilité

de trahir les intérêts de la société; car l'une des roues du mécanisme viendrait-elle à manquer, il n'en résulterait aucun dérangement dans la machine entière. Le general des Jésuites est donc tout puissant; il a une milice immense répandue partout; initiée dans les secrets et dans les intentions de tous les États; une milice composée non de citoyens, non d'hommes, mais d'esclaves à l'égard de leur chef, de tyrans et d'espions à l'égard de leurs subordonnés ou de leurs égaux. La politique de Rome, en s’unissant aux Jésuites, trouve donc des auxiliaires dont le pouvoir occulte est immense; dont la force, le dévouement et la persévérance ne trouvent aucun obstable invincible, et ne sont enchaînés par aucun lien civil ou politique.

Il est facile de juger maintenant de quelle importance a été le rétablissement des Jésuites d'abord, en Russie en 1801, en Sicile en 1804, et enfin à Rome et en Espagne en 1814.

Les termes de la bulle du 7 août 1814 sont remarquables : le Pape y déclare qu'intercédé par l'Empereur Paul de Russie et le Roi Ferdinand de Naples, de rétablir l'ordre des Jésuites dans ses États, et ayant gracieusement accédé à leurs humbles prières par ses brefs du 7 mars 1801 et du 30 juin 1804, il répand aujourd'hui sur l'univers ce bienfait si judicieusement apprécié par les esprits éclairés.... « Le >> monde catholique, dit-il, demande d'une >> voix unanime, le rétablissement de la > compagnie de Jésus, et nous recevons » chaque jour, à cet effet, de pressantes » supplications des archevêques et évê» ques..... nous ordonnons que les pré» sentes lettres patentes soient invariable»ment observées, suivant leur forme et >> teneur, dans tous les temps à venir; » qu'elles obtiennent leur plein et entier >> effet; qu'elles ne soient jamais soumises >> au jugement ou à la révision d'aucun » juge, quelle que soit l'autorité dont il >> se trouve investi.... Si quelqu'un es