noit sans preuve, par la seule expérience que nous en avons. ou ne le pas donner quand bon lui semble, que lonté se concela peut être compté pour une de nos plus communes notions. Nous en avons eu ci-devant une preuve bien claire; car, au même temps que nous doutions du tout, et que nous supposions même que celui qui nous a créés employoit son pouvoir à nous tromper en toutes façons, nous apercevions en nous une liberté si grande, que nous pouvions nous empêcher de croire ce que nous ne connoissions pas encore parfaitement bien. Or ce que nous apercevions distinctement, et dont nous ne pouvions douter pendant une suspension si générale, est aussi certain qu'aucune autre chose que nous puissions jamais connoître. 40. vons aussi très certaine ment que donné toutes choses. Mais, à cause que ce que nous avons depuis connu de Dieu nous assure que sa puissance est si grande Que nous saque nous ferions un crime de penser que nous eussions jamais été capables de faire aucune chose Dieu a préorqu'il ne l'eût auparavant ordonnée, nous pourrions aisément nous embarrasser en des difficultés très grandes, si nous entreprenions d'accorder la liberté de notre volonté avec ses ordonnances, et si nous tâchions de comprendre, c'est-à-dire d'embrasser et comme limiter avec notre entendement toute l'étendue de notre libre arbitre et l'ordre de la Providence éternelle. 41. Comment on Au lieu que nous n'aurons point du tout de peine nous en délivrer, si nous remarquons que notre peut accorder bitre avec la divine. notre libre ar- pensée est finie, et que la toute-puissance de Dieu, préordination par laquelle il a non seulement connu de toute éternité ce qui est ou qui peut être, mais il l'a aussi voulu, est infinie. Ce qui fait que nous avons bien assez d'intelligence pour connoître clairement et distinctement que cette puissance est en Dieu; mais que nous n'en avons pas assez pour comprendre tellement son étendue que nous puissions savoir comment elle laisse les actions des hommes entièrement libres et indéterminées; et que d'autre côté nous sommes aussi tellement assurés de la liberté et de l'indifférence qui est en nous, qu'il n'y a rien que nous connoissions plus clairement; de façon que la toute-puissance de Dieu ne nous doit point empêcher de la croire. Car nous aurions tort de douter de ce que nous apercevons intérieurement et que nous savons par expérience être en nous, parceque nous ne comprenons pas une autre chose que nous savons être incompréhensible de 42. Comment en core que nous jamais faillir, sa nature. Mais, parceque nous savons que l'erreur dépend de notre volonté, et que personne n'a la volonté ne voulions de se tromper, on s'étonnera peut-être qu'il y ait de l'erreur en nos jugements. Mais il faut remarquer qu'il y a bien de la différence entre vouloir être trompé et vouloir donner son consentement à des opinions qui sont cause que nous nous trompons quelquefois. Car, encore qu'il n'y ait per c'est néanmoins par notre volonté que nous faillons. sonne qui veuille expressément se méprendre, il 43. Que nous ne sanrions failgeant que des lir en ne ju choses que nous aperce vons claire ment et dis Mais il est certain que nous ne prendrons jamais le faux pour le vrai tant que nous ne jugerons que de ce que nous apercevons clairement et distinctement; parceque Dieu n'étant point trompeur, la faculté de connoître qu'il nous a donnée ne sauroit faillir, ni même la faculté de vouloir, lorsque tinctement. nous ne l'étendons point au-delà de ce que nous connoissons. Et quand même cette vérité n'auroit pas été démontrée, nous sommes naturellement si enclins à donner notre consentement aux choses que nous apercevons manifestement, que nous n'en saurions douter pendant que nous les aper cevons de la sorte. 44. Que nous ne mal juger de Il est aussi très certain que toutes les fois que nous approuvons quelque raison dont nous n'avons saurions que pas une connoissance bien exacte, ou que nous nous trompons, ou si nous trouvons la vérité, comme ce n'est que par hasard, que nous ne sau ce que nous n'apercevons pas claire ment, bien que notre ju- rions être assurés de l'avoir rencontrée, et ne saugement puisse être vrai, et rions savoir certainement que nous ne nous trom que c'est sou nous trompe. vent notre pons point. J'avoue qu'il arrive rarement que nous mémoire qui jugions d'une chose en même temps que nous remarquons que nous ne la connoissons pas assez distinctement; à cause que la raison naturellement nous dicte que nous ne devons jamais juger de rien que de ce que nous connoissons distinctement auparavant que de juger. Mais nous nous trompons souvent, parceque nous présumons avoir autrefois connu plusieurs choses, et que tout aussitôt qu'il nous en souvient nous y donnons notre consentement, de même que si nous les avions suffisamment examinées, bien qu'en effet nous n'en ayons jamais eu une connoissance bien exacte. Il y a même des personnes qui en toute leur vie qu'une per- n'aperçoivent rien comme il faut pour en bien juet distincte. ger; car la connoissance sur laquelle on peut établir un jugement indubitable doit être non seulement claire, mais aussi distincte. J'appelle claire celle qui est présente et manifeste à un esprit attentif; de même que nous disons voir clairement les objets, lorsqu'étant présents à nos yeux ils agissent assez fort sur eux, et qu'ils sont disposés à les regarder; et distincte, celle qui est tellement, précise et différente de toutes les autres, qu'elle ne comprend en soi que ce qui paroît manifestement à celui qui la considère comme il faut. 45. Ce que c'est ception claire Par exemple, lorsque quelqu'un sent une douleur cuisante, la connoissance qu'il a de cette douleur est claire à son égard, et n'est pas pour cela toujours distincte, parcequ'il la confond ordinairement avec le faux jugement qu'il fait sur la nature de ce qu'il pense être en la partie blessée, qu'il croit être semblable à l'idée ou au sentiment de la douleur qui est en sa pensée, encore qu'il n'aperçoive rien clairement que le sentiment ou la pensée confuse qui est en lui. Ainsi la connoissance peut quelquefois être claire sans être distincte; mais elle ne peut jamais être distincte qu'elle ne soit claire par même moyen. 47. Que pour ôter les préjugés de notre enfance il faut considérer ce qu'il y a de clair en cha cune de nos notions. Or, pendant nos premières années, notre âme ou notre pensée étoit si fort offusquée du corps, qu'elle ne connoissoit rien distinctement, bien qu'elle aperçût plusieurs choses assez clairement; et parcequ'elle ne laissoit pas de faire cependant une réflexion telle quelle sur les choses qui se pré- premières sentoient, et d'en juger témérairement, nous avons rempli notre mémoire de beaucoup de préjugés, dont nous n'entreprenons presque jamais de nous délivrer, encore qu'il soit très certain que nous ne saurions autrement les bien examiner. Mais, afin que nous puissions maintenant nous en délivrer sans beaucoup de peine, je ferai ici un dénombrement de toutes les notions simples qui composent nos pensées, et séparerai ce qu'il y a de clair en |