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პი.

Et que par

tout cela est

vrai que nous connoissons clairement

être vrai, ce qui nous délivre des doutes

ci-dessus proposés.

tromper semble être une marque de subtilité d'esprit entre les homines, néanmoins jamais la volonté de tromper ne procède que de malice ou de crainte et de foiblesse, et par conséquent ne peut être attribuée à Dieu.

D'où il suit que la faculté de connoître qu'il nous conséquent a donnée, que nous appelons lumière naturelle, n'aperçoit jamais aucun objet qui ne soit vrai en ce qu'elle l'aperçoit, c'est-à-dire en ce qu'elle connoît clairement et distinctement; parceque nous aurions sujet de croire que Dieu seroit trompeur, s'il nous l'avoit donnée telle que nous prissions le faux pour le vrai lorsque nous en usons bien. Et cette considération seule nous doit délivrer de ce doute hyperbolique où nous avons été pendant que nous ne savions pas encore si celui qui nous a créés avoit pris plaisir à nous faire tels, que nous fussions trompés en toutes les choses qui nous semblent très clairés. Elle nous doit servir aussi contre toutes les autres raisons que nous avions de douter, et que j'ai alléguées ci-dessus, même les vérités de mathématique ne nous seront plus suspectes, à cause qu'elles sont très évidentes ; et si nous apercevons quelque chose par nos sens, soit en veillant, soit en dormant, pourvu que nous séparions ce qu'il y aura de clair et de distinct en la notion que nous aurons de cette chose de ce qui sera obscur et confus, nous pourrons facilement nous assurer de

ce qui sera vrai. Je ne m'étends pas ici davantage sur ce sujet, parceque j'en ai amplement traité dans les Méditations de ma métaphysique, et ce qui suivra tantôt servira encore à l'expliquer mieux.

Mais parcequ'il arrive que nous nous méprenons souvent, quoique Dieu ne soit pas trompeur, si nous désirons rechercher la cause de nos erreurs, et en découvrir la source, afin de les corriger, il faut que nous prenions garde qu'elles ne dépendent pas tant de notre entendement comme de notre volonté, et qu'elles ne sont pas des choses ou des substances qui aient besoin du concours actuel de Dieu pour être produites; en sorte qu'elles ne sont à son égard que des négations, c'est-à-dire qu'il ne nous a pas donné tout ce qu'il pouvoit nous donner, et que nous voyons par même moyen qu'il n'étoit point tenu de nous donner; au lieu qu'à notre égard elles sont des défauts et des imperfections.

Car toutes les façons de penser que nous remarquons en nous peuvent être rapportées à deux générales, dont l'une consiste à apercevoir par l'entendement, et l'autre à se déterminer par la volonté. Ainsi sentir, imaginer et même concevoir des choses purement intelligibles, ne sont que des façons différentes d'apercevoir; mais désirer, avoir de l'aversion, assurer, nier, douter, sont des façons différentes de vouloir.

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33.

Lorsque nous apercevons quelque chose, nous Que nous ne

nous trom

ne sommes point en danger de noús méprendre si que nous ju- nous n'en jugeons en aucune façon; et quand même

pons que lors

geons de quelque chose qui

ne nous est pas assez

connue.

34. Que la volonté aussi

bien que l'en

tendement est

juger.

nous en jugerions, pourvu que nous ne donnions notre consentement qu'à ce que nous connoissons clairement et distinctement devoir être compris en ce dont nous jugeons, nous ne saurions non plus faillir; mais ce qui fait que nous nous trompons ordinairement est que nous jugeons bien souvent, encore que nous n'ayons pas une connoissance bien exacte de ce dont nous jugeons.

J'avoue que nous ne saurions juger de rien, si notre entendement n'y intervient, parcequ'il n'y a pas d'apparence que notre volonté se détermine requise pour sur ce que notre entendement n'aperçoit en aucune façon; mais comme la volonté est absolument nécessaire, afin que nous donnions notre consentement à ce que nous avons aucunement aperçu, et qu'il n'est pas nécessaire pour faire un jugement tel quel que nous ayons une connoissance entière et parfaite; de là vient que bien souvent nous donnons notre consentement à des choses dont nous n'avons jamais eu qu'une connoissance fort confuse.

35.

Qu'elle a plus

d'étendue que

lui, et que de

là viennent

nos erreurs.

De plus, l'entendement ne s'étend qu'à ce peu d'objets qui se présentent à lui, et sa connoissance est toujours fort limitée : au lieu que la volonté en quelque sens peut sembler infinie, parceque nous n'apercevons rien qui puisse être l'objet de quelque autre volonté, même de cette immense qui est en

Dieu, à quoi la nôtre ne puisse aussi s'étendre; ce qui est cause que nous la portons ordinairement au-delà de ce que nous connoissons clairement et distinctement; et lorsque nous en abusons de la sorte, ce n'est pas merveille s'il nous arrive de nous méprendre.

36.

Lesquelles ne

imputées à

Or, quoique Dieu ne nous ait pas donné un entendement tout-connoissant, nous ne devons pas peuvent être croire pour cela qu'il soit l'auteur de nos erreurs, parceque tout entendement créé est fini, et qu'il est de la nature de l'entendement fini de n'être pas

tout-connoissant.

Au contraire, la volonté étant de sa nature très étendue, ce nous est un avantage très grand de pouvoir agir par son moyen, c'est-à-dire librement; en sorte que nous soyons tellement les maîtres de nos actions, que nous sommes dignes de louange lorsque nous les conduisons bien : car, tout ainsi qu'on ne donne point aux machines qu'on voit se mouvoir en plusieurs façons diverses, aussi justement qu'on sauroit désirer, des louanges qui se rapportent véritablement à elles, parceque ces machines ne représentent aucune action qu'elles ne doivent faire par le moyen de leurs ressorts, et qu'on en donne à l'ouvrier qui les a faites, parcequ'il a eu le pouvoir et la volonté de les composer avec tant d'artifice; de même on doit nous attribuer quelque chose de plus, de ce que nous choi

Dieu.

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38.

Que nos er

reurs sont des

défauts de no

tre façon d'a

gir, mais non point de notre

les fautes des

souvent être

attribuées

aux autres

maîtres, mais

non point à

Dieu.

sissons ce qui est vrai, lorsque nous le distinguons d'avec le faux par une détermination de notre volonté, que si nous y étions déterminés et contraints par un principe étranger.

Il est bien vrai que toutes les fois que nous faillons, il y a du défaut en notre façon d'agir ou en l'usage de notre liberté; mais il n'y a point pour cela de défaut en notre nature, à cause qu'elle est nature; et que toujours la même quoique nos jugements soient sujets peuvent vrais ou faux. Et quand Dieu auroit pu nous donner une connoissance si grande que nous n'eussions jamais été sujets à faillir, nous n'avons aucun droit pour cela de nous plaindre de lui; car, encore que parmi nous celui qui a pu empêcher un mal et ne l'a pas empêché en soit blâmé et jugé comme coupable, il n'en est pas de même à l'égard de Dieu, d'autant que le pouvoir que les hommes ont les uns sur les autres est institué afin qu'ils empêchent de malfaire ceux qui leur sont inférieurs, et que la toute-puissance que Dieu a sur l'univers est très absolue et très libre. C'est pourquoi nous devons le remercier des biens qu'il nous a faits, et non point nous plaindre de ce qu'il ne nous a pas avantagés de ceux que nous connoissons qui nous manquent et qu'il auroit peut-être pu nous départir.

39.

Que la liberté

Au reste, il est si évident que nous avons une de notre vo- volonté libre, qui peut donner son consentement

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