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dont il auroit eu connoissance, et par conséquent qu'il ne sauroit subsister par aucun autre que par celui qui possède en effet toutes ces perfections, c'est-à-dire qui est Dieu.

Je ne crois pas que l'on puisse douter de la vérité de cette démonstration, pourvu qu'on prenne garde à la nature du temps, ou de la durée de notre vie; car, étant telle que ses parties ne dépendent point les unes des autres et n'existent jamais ensemble, de ce que nous sommes maintenant, il ne s'ensuit pas nécessairement que nous soyons un moment après, si quelque cause, à savoir la même qui nous a produits, ne continue à nous produire, c'est-à-dire ne nous conserve. Et nous connoissons aisément qu'il n'y a point de force en nous par laquelle nous puissions subsister ou nous conserver un seul moment, et que celui qui a tant de puissance qu'il nous fait subsister hors de lui et qui nous conserve, doit se conserver soi-même, ou plutôt n'a besoin d'être conservé par qui que ce soit, et enfin qu'il est Dieu.

Nous recevons encore cet avantage, en prouvant de cette sorte l'existence de Dieu, que nous connoissons par même moyen ce qu'il est, autant que le permet la foiblesse de notre nature. Car, faisant réflexion sur l'idée que nous avons natulrellement de lui, nous voyons qu'il est éternel, Lout-connoissant, tout-puissant, source de toute

21.

Que la seule

durée de nopour démon

tre vie suffit

trer que Dieu

est.

22.

Qu'en connoissant qu'il

y a un Dieu

en la façon ici

expliquée, on

tous ses attributs, autant qu'ils peuvent être connus

connoit aussi

par la seule bonté et vérité, créateur de toutes choses, et qu'en

lumière na

turelle.

23. Que Dieu

n'est point

corporel, et

point par l'ai

de des sens

comme nous,

ché.

fin il a en soi tout ce en quoi nous pouvons reconnoître quelque perfection infinie, ou bien qui n'est bornée d'aucune imperfection.

Car il y a des choses dans le monde qui sont limitées, et en quelque façon imparfaites, encore ne connoit que nous remarquions en elles quelques perfections; mais nous concevons aisément qu'il n'est et n'est point pas possible qu'aucunes de celles-là soient en Dieu: auteur du pé ainsi, parceque l'extension constitue la nature du corps, et que ce qui est étendu peut être divisé en plusieurs parties, et que cela marque du défaut, nous concluons que Dieu n'est point un corps. Et bien que ce soit un avantage aux hommes d'avoir des sens, néanmoins, à cause que les sentiments se font en nous par des impressions qui viennent d'ailleurs, et que cela témoigne de la dépendance, nous concluons aussi que Dieu n'en a point, mais qu'il entend et veut, non pas encore comme nous par des opérations aucunement différentes, mais que toujours par une même et très simple action il entend, veut et fait tout, c'est-à-dire toutes les choses qui sont en effet; car il ne veut point la malice du péché, parcequ'elle n'est rien.

24.

Qu'après

avoir connu

que Dieu est

Après avoir ainsi connu que Dieu existe, et

qu'il est l'auteur de tout ce qui est ou qui peut pour passer à être, nous suivrons sans doute la meilleure mé

la connois

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sance des thode dont on se puisse servir pour découvrir la

créatures, il venir que no

se faut sou

tre entendement est fini

ce de Dieu in

finie.

vérité, si, de la connoissance que nous avons de sa nature, nous passons à l'explication des choses qu'il a créées, et si nous essayons de la déduire en telle sorte des notions qui sont naturellement et la puissanen nos âmes, que nous ayons une science parfaite, c'est-à-dire que nous connoissions les effets par leurs causes. Mais afin que nous puissions l'entreprendre avec plus de sûreté, toutes les fois que nous voudrons examiner la nature de quelque chose, nous nous souviendrons que Dieu, qui en est l'auteur, est infini, et que nous sommes entièrement finis. Tellement que s'il nous fait la grâce de nous révéler, ou bien à quelques autres, des choses qui surpassent la portée ordinaire de notre esprit, telles que sont les mystères de l'incarnation et de la Trinité, nous ne ferons point difficulté de les croire, encore que nous ne les entendions peutètre pas bien clairement. Car nous ne devons point trouver étrange qu'il y ait en sa nature, qui est immense, et en ce qu'il a fait, beaucoup de choses qui surpassent la capacité de notre esprit.

Ainsi nous ne nous embarrasserons jamais dans les disputes de l'infini; d'autant qu'il seroit ridicule que nous, qui sommes finis, entreprissions d'en déterminer quelque chose, et par ce moyen le supposer fini en tâchant de le comprendre; c'est pourquoi nous ne nous soucierons pas de répondre à ceux qui demandent si la moitié d'une

25. Et qu'il faut

croire tout ce

que

Dieu a

révélé,encore qu'il soit au

dessus de la

portée de no

tre esprit.

26.

Qu'il ne faut

point tâcher dre l'infini,

de compren

mais seule

ment penser que tout ce en quoi nous ne trouvons au

cunes bornes

est indéfini.

27.

Quelle diffé

ligne infinie est infinie, et si le nombre infini est pair ou non pair, et autres choses semblables, à cause qu'il n'y a que ceux qui s'imaginent que leur esprit est infini qui semblent devoir examiner telles difficultés. Et pour nous, en voyant des choses dans lesquelles, selon certains sens, nous ne remarquons point de limites, nous n'assurerons pas pour cela qu'elles soient infinies, mais nous les estimerons seulement indéfinies. Ainsi, parceque nous ne saurions imaginer une étendue si grande que nous ne concevions en même temps qu'il y en peut avoir une plus grande, nous dirons que l'étendue des choses possibles est indéfinie; et parcequ'on ne sauroit diviser un corps en des parties si petites que chacune de ces parties ne puisse être divisée en d'autres plus petites, nous penserons que la quantité peut être divisée en des parties dont le nombre est indéfini; et parceque nous ne saurions imaginer tant d'étoiles que Dieu n'en puisse créer davantage, nous supposerons que leur nombre est indéfini, et ainsi du reste.

Et nous appellerons ces choses indéfinies plutôt rence il y a qu'infinies, afin de réserver à Dieu seul le nom entre indéfini et infini. d'infini; tant à cause que nous ne remarquons point de bornes en ses perfections, comme aussi à cause que nous sommes très assurés qu'il n'y en peut avoir. Pour ce qui est des autres choses, nous savons qu'elles ne sont pas ainsi absolument par

faites, parcequ'encore que nous y remarquions quelquefois des propriétés qui nous semblent n'avoir point de limites, nous ne laissons pas de connoître que cela procède du défaut de notre entendement, et non point de leur nature.

28. Qu'il ne faut

point exami

Dieu a fait

chaque chose, mais seulement par quel moyen il a

voulu qu'elle fût produite.

Nous ne nous arrêterons pas aussi à examiner les fins que Dieu s'est proposées en créant le monde, et nous rejetterons entièrement de notre philoso-elle fin phie la recherche des causes finales; car nous ne devons pas tant présumer de nous-mêmes que de croire que Dieu nous ait voulu faire part de ses conseils mais, le considérant comme l'auteur de toutes choses, nous tâcherons seulement de trouver, par la faculté de raisonner qu'il a mise en nous, comment celles que nous apercevons par l'entremise de nos sens ont pu être produites; et nous serons assurés, par ceux de ses attributs dont il a voulu que nous ayons quelque connoissance, que ce que nous aurons une fois aperçu clairement et distinctement appartenir à la nature de ces choses, a la perfection d'être vrai.

29.

Que Dieu

cause de nos

erreurs.

Et le premier de ses attributs qui semble devoir être ici considéré, consiste en ce qu'il est très vé- n'est point la ritable et la source de toute lumière, de sorte qu'il n'est pas possible qu'il nous trompe, c'est-à-dire qu'il soit directement la cause des erreurs auxquelles nous sommes sujets, et que nous expérimentons en nous-mêmes; car, encore que l'adresse à pouvoir

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