Page images
PDF
EPUB

quelques autres; mais que, selon l'usage commun, on appelle souvent du nom de mouvement toute action qui fait qu'un corps passe d'un lieu en un autre, et qu'en ce sens on peut dire qu'une même chose en même temps est mue et ne l'est pas, selon qu'on détermine son lieu diversement. Or on ne sauroit trouver dans la terre ni dans les autres planètes aucun mouvement selon la propre signification de ce mot, parcequ'elles ne sont point transportées du voisinage des parties du ciel qui les touchent, en tant que nous considérons ces parties comme en repos; car, pour être ainsi transportées, il faudroit qu'elles s'éloignassent en même temps de toutes les parties de ce ciel prises ensemble, ce qui n'arrive point: mais la matière du ciel étant liquide, et les parties qui la composent fort agitées, tantôt les unes de ces parties s'éloignent de la planète qu'elles touchent, et tantôt les autres, et ce par un mouvement qui leur est propre, et qu'on leur doit attribuer plutôt qu'à la planète qu'elles quittent; de même qu'on attribue les particuliers transports de l'air ou de l'eau qui se font sur la superficie de la terre à l'air ou à l'eau, et non pas à la terre.

Et si on prend le mouvement suivant la façon vulgaire, on peut bien dire que toutes les autres planètes se meuvent, et même le soleil et les étoiles fixes; mais on ne sauroit parler ainsi de la terre

29. Que même,

en parlant improprement

et suivant l'u

sage, on ne

tribuer de

la terre, mais

seulement

aux autres

planètes.

doit point at que fort improprement. Car le peuple détermine mouvement à les lieux des étoiles par certains endroits de la terre qu'il considère comme immobiles, et croit qu'elles se meuvent lorsqu'elles s'éloignent des lieux qu'il a ainsi déterminés; ce qui est commode pour l'usage de la vie, et n'est pas imaginé sans raison, parceque, comme nous avons tous jugé dès notre enfance que la terre étoit plate et non pas ronde, et que le bas et le haut, et ses parties principales, à savoir le levant, le couchant, le midi et le septentrion, étoient toujours et partout les mêmes, nous avons marqué par ces choses qui ne sont arrêtées qu'en notre pensée les lieux des autres corps. Mais si un philosophe qui fait profession de rechercher la vérité, ayant pris garde que la terre est un globe qui flotte dans un ciel liquide dont les parties sont extrêmement agitées, et que les étoiles fixes gardent entre elles toujours même situation, se vouloit servir de ces étoiles et les considérer comme stables, pour déterminer le lieu de la terre, et ensuite de cela vouloit conclure qu'elle se meut, il se méprendroit, et son discours ne seroit appuyé d'aucune raison. Car si on prend le lieu en son vrai sens, et comme tous les philosophes qui en connoissent la nature le doivent prendre, il faut le déterminer par les corps qui touchent immédiatement celui qu'on dit être mû, et non pas par ceux qui en sont extrêmement

une

éloignés, comme sont les étoiles fixes au regard de la terre; et si on le prend selon l'usage, on n'a point de raison pour se persuader que les étoiles soient stables plutôt que la terre, si ce n'est peutêtre qu'on s'imagine qu'il n'y a point d'autres corps par-delà les étoiles qu'elles puissent quitter, et au regard desquels on puisse dire qu'elles se meuvent, et que la terre demeure en repos, au même sens qu'on prétend pouvoir dire que la terre se meut au regard des étoiles fixes. Mais cette imagina- · tion seroit sans fondement, parceque notre pensée étant de telle nature qu'elle n'aperçoit point de limites qui bornent l'univers, quiconque prendra garde à la grandeur de Dieu et à la foiblesse de nos sens, jugera qu'il est bien plus à propos de croire que peut-être au-delà de toutes les étoiles que nous voyons il y a d'autres corps au regard desquels il faudroit dire que la terre est en repos et que les étoiles se meuvent, que de supposer que a puissance du Créateur est si peu parfaite qu'il n'y en sauroit avoir de tels, ainsi que doivent supposer ceux qui assurent en cette façon que la terre se meut. Que si néanmoins ci-après, pour nous accommoder à l'usage, nous semblons attribuer quelque mouvement à la terre, il faudra penser que c'est en parlant improprement, et au même sens qu'on peut dire quelquefois de ceux qui dorment et sont couchés dans un vaisseau, qu'ils

30.

Que toutes les

passent cependant de Calais à Douvres, à cause que le vaisseau les y porte.

Après avoir ôté par ces raisonnements tous les planètes sont scrupules qu'on peut avoir touchant le mouve

emportées au

tour du soleil ment de la terre, pensons que la matière du ciel

par le ciel qui

les contient. où sont les planètes tourne sans cesse en rond,

[ocr errors]

ainsi qu'un tourbillon au centre duquel est le soleil, et que ses parties qui sont proches du soleil

se meuvent plus vite que celles qui en sont éloignées jusques à une certaine distance, et que toutes les planètes ( au nombre desquelles nous mettrons désormais la terre) demeurent toujours suspendues entre les mêmes parties de cette matière du ciel ; car par cela seul, et sans y employer d'autres machines, nous ferons aisément entendre toutes les choses qu'on remarque en elles. Car, tout de même que dans les détours des rivières où l'eau se replie en elle-même, et tournoyant ainsi fait des cercles, si quelques fétus ou autres corps fort légers flottent parmi cette eau, on peut voir qu'elle les emporte et les fait mouvoir en rond avec soi; et même parmi ces fétus on peut remarquer qu'il y en a souvent quelques uns qui tournent aussi autour de leur propre centre; et que ceux qui sont plus proches du centre du tourbillon qui les contient achèvent leur tour plus tôt que ceux qui en sont plus éloignés ; et enfin que, bien que ces tourbillons d'eau affectent toujours de tourner en rond,

ils ne décrivent presque jamais des cercles entièrement parfaits, et s'étendent quelquefois plus en long et quelquefois plus en large, de façon que toutes les parties de la circonférence qu'ils décrivent ne sont pas également distantes du centre; ainsi on peut aisément imaginer que toutes les mêmes choses arrivent aux planètes; et il ne faut que cela seul pour expliquer tous leurs phéno

mènes.

31. Comment

si emportées.

Pensons donc que S est le soleil, et que toute la matière du ciel qui l'environne tourne de elles sont ainmême côté que lui, à savoir du couchant par le midi vers l'orient, ou d'A par B vers C', supposant que le pôle septentrional est élevé au-dessus du plan de cette figure. Pensons aussi que la matière qui est autour de Saturne emploie quasi trente années à lui faire parcourir tout le cercle marqué h, et que celle qui environne Jupiter le porte en douze ans avec les autres petites planètes qui l'accompagnent par tout le cercle marqué ; que Mars achève par même moyen en deux ans, la terre avec la lune en un an, Vénus en huit mois, Mercure en trois, leurs tours, qui nous sont représentés par les cercles marqués ♂ T† §.

Pensons aussi que ces corps opaques qu'on voit avec des lunettes de longue vue sur le soleil, et

qu'on nomme ses taches, se meuvent sur sa super

32. Comment le

sont aussi les

taches qui se

voient sur la

superficie du soleil.

[blocks in formation]
« PreviousContinue »