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LES PRINCIPES

DE

LA PHILOSOPHIE.

TROISIÈME PARTIE.

DU MONDE VISIBLE.

I.

Qu'on ne sau.

Après avoir rejeté ce que nous avions autrefois roit penser reçu en notre créance avant que de l'avoir suffiment des cen. samment examiné, puisque la raison toute pure

trop haute

œu.

vres de Dieu.

nous a fourni assez de lumière pour nous faire découvrir quelques principes des choses matérielles, et qu'elle nous les a présentés avec tant d'évidence que nous ne saurions plus douter de leur vérité, il faut maintenant essayer si nous pourrons déduire de ces seuls principes l'explication de tous les phénomènes, c'est-à-dire des

effets qui sont en la nature, et que nous aperce-
vons par
l'entremise de nos sens. Nous commen-
cerons par ceux qui sont les plus généraux et
dont tous les autres dépendent, à savoir par l'ad-
mirable structure de ce monde visible. Mais, afin
que nous puissions nous garder de nous mépren-
dre en les examinant, il me semble que nous de-
vons soigneusement observer deux choses: la
première est que nous nous remettions toujours
devant les yeux que la puissance et la bonté de
Dieu sont infinies, afin que cela nous fasse con-
noître que nous ne devons point craindre de faillir
en imaginant ses ouvrages trop grands, trop beaux
ou trop parfaits; mais que nous pouvons bien man-
quer, au contraire, si nous supposons en eux quel-
ques bornes ou quelques limites dont nous n'ayons
aucune connoissance certaine.

2.

Qu'on présu

meroit trop

de soi-même

si on entre

prenoit de connoître la

s'est proposée

La seconde est que nous nous remettions aussi ⚫ toujours devant les yeux que la capacité de notre esprit est fort médiocre, et que nous ne devons pas trop présumer de nous-mêmes, comme il semble que nous ferions si nous supposions que l'u- fin que Dieu nivers eût quelques limites, sans que cela nous fût assuré par révélation divine, ou du moins par des raisons naturelles fort évidentes, parceque ce seroit vouloir que notre pensée pût s'imaginer quelque chose au-delà de ce à quoi la puissance de Dieu s'est étendue en créant le monde; mais aussi

en créant le

monde.

3.

En quel sens on peut dire

que Dieu a créé toutes

choses pour l'homme.

4.

Des phéno

encore plus si nous nous persuadions que ce n'est que pour notre usage que Dieu a créé toutes les choses, ou bien seulement si nous prétendions de pouvoir connoître par la force de notre esprit quelles sont les fins pour lesquelles il les a

créées.

que

Car encore que ce soit une pensée pieuse et bonne, en ce qui regarde les mœurs, de croire Dieu a fait toutes choses pour nous, afin que cela nous excite d'autant plus à l'aimer et à lui rendre grâces de tant de bienfaits, encore aussi qu'elle soit vraie en quelque sens, à cause qu'il n'y a rien de créé dont nous ne puissions tirer quelque usage, quand ce ne seroit que celui d'exercer notre esprit en le considérant, et d'être incités à louer Dieu par son moyen, il n'est toutefois aucunement vraisemblable que toutes choses aient été faites pour nous, en telle façon que Dieu n'ait eu aucune autre fin en les créant; et ce seroit, ce me semble, être impertinent de se vouloir servir de cette opinion pour appuyer des raisonnements de physique; car nous ne saurions douter qu'il n'y ait une infinité de choses qui sont maintenant dans le monde, ou bien qui y ont été autrefois, et ont déjà entièrement cessé d'être, sans qu'aucun homme les ait jamais vues ou connues, et sans qu'elles lui aient jamais servi à aucun usage.

Or les principes que j'ai ci-dessus expliqués

périences, et

́à quoi elles peuvent ici

servir.

sont si amples qu'on en peut déduire beaucoup mènes ou explus de choses que nous n'en voyons dans le monde, et même beaucoup plus que nous n'en saurions parcourir de la pensée en tout le temps de notre vie. C'est pourquoi je ferai ici une briève description des principaux phénomènes dont je prétends rechercher les causes; non point afin d'en tirer des raisons qui servent à prouver ce que j'ai à dire ci-après, car j'ai dessein d'expliquer les effets par leurs causes, et non les causes par leurs effets, mais afin que nous puissions choisir entre une infinité d'effets qui peuvent être déduits des mêmes causes ceux que nous devons principalement tâcher d'en déduire.

Il nous semble d'abord que la terre est beaucoup plus grande que tous les autres corps qui sont au monde, et que la lune et le soleil sont plus grands que les étoiles; mais, si nous corrigeons le défaut de notre vue par des raisonnements de géométrie qui sont infaillibles, nous connoîtrons premièrement que la lune est éloignée de nous d'environ trente diamètres de la terre, et le soleil de six ou sept cents: et, comparant ensuite ces distances avec le diamètre apparent du soleil et de la lune, nous trouverons que la lune est plus petite que la terre, et que le soleil est beaucoup plus grand.

Nous connoîtrons aussi, par l'entremise de nos yeux lorsqu'ils seront aidés de la raison, que

5.

Quelle proportion il y a

entre le soleil,

la terre et la' lune, à raison

de leurs distances et de

leurs grandeurs.

6.

Quelle distance il y a

entre les autres planètes

et le soleil.

7.

Qu'on peut

étoiles fixes

veut.

Mercure est distant du soleil de plus de deux cents diamètres de la terre; Vénus, de plus de quatre cents; Mars, de neuf cents ou mille; Jupiter, de trois mille et davantage; et Saturne, de cinq ou six mille.

Pour ce qui est des étoiles fixes, selon leurs supposer les apparences nous ne devons point croire qu'elles autant éloi- soient plus proches de la terre ou du soleil que gnées qu'on Saturne; mais aussi nous n'y remarquons rien qui nous puisse empêcher de les supposer plus éloignées, même jusques à une distance indéfinie : et nous pourrons même conclure de ce que je dirai ci-après touchant le mouvement des cieux, qu'elles sont si éloignées de la terre que Saturne, à comparaison d'elles, en est extrêmement proche.

8.

Que la terre,

Ensuite de quoi il est aisé de connoître que la étant vue du lune et la terre paroîtroient beaucoup plus petites ciel, ne paroi à celui qui les regarderoit de Jupiter ou de Saturne,

troit que

comme une

ter ou Saturne.

planète moin- que ne paroît Jupiter ou Saturne au même spectadre que Jupi- teur qui les regarde de la terre, et que si on regardoit le soleil de dessus quelque étoile fixe, il ne paroîtroit peut-être pas plus grand que les étoiles paroissent à ceux qui les regardent du lieu où nous sommes de sorte que si nous voulons comparer les parties du monde visible les unes aux autres et juger de leurs grandeurs sans prévention, nous ne devons point croire que la lune, ou la terre, ou le soleil, soient plus grands que les étoiles.

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