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des parties dont un corps est composé ne dépend point de la pesanteur ou de la dureté que nous sentons à son occasion, comme il a été aussi remarqué, mais seulement de l'étendue qui est toujours égale dans un même vase.

20.

Qu'il ne peut

y avoir aucuns atomes

ou petits

bles.

Il est aussi très aisé de connoître qu'il ne peut pas y avoir d'atomes, c'est-à-dire de parties des corps ou de la matière, qui soient de leur nature indivisibles, ainsi que quelques philosophes ont ima- corps indivisiginé. D'autant que, pour petites qu'on suppose ces parties, néanmoins, parcequ'il faut qu'elles soient étendues, nous concevons qu'il n'y en a pas une d'entre elles qui ne puisse être encore divisée en deux ou plus grand nombre d'autres plus petites, d'où il suit qu'elle est divisible. Car, de ce que nous connoissons clairement et distinctement qu'une chose peut être divisée, nous devons juger qu'elle est divisible, parceque, si nous en jugions autrement, le jugement que nous ferions de cette chose seroit contraire à la connoissance que nous avons; et quand même nous supposerions que Dieu auroit réduit quelque partie de la matière à une petitesse si extrême qu'elle ne pourroit être divisée en d'autres plus petites, nous ne pourrions conclure pour cela qu'elle seroit indivisible, parceque, quand Dieu auroit rendu cette partie si petite qu'il ne seroit pas au pouvoir d'aucune créature de la diviser, il n'a pu se priver soi-même du pouvoir qu'il

21.

Que l'éten

est indéfinie.

a de la diviser, à cause qu'il n'est pas possible qu'il diminue sa toute-puissance, comme il a été déjà remarqué. C'est pourquoi nous dirons que la plus petite partie étendue qui puisse être au monde peut toujours être divisée, parcequ'elle est telle de sa nature.

Nous saurons aussi que ce monde, ou la matière due du monde étendue qui compose l'univers, n'a point de bornes, parceque, quelque part où nous en voulions feindre, nous pouvons encore imaginer au-delà des espaces indéfiniment étendus, que nous n'imaginons pas seulement, mais que nous concevons être tels en effet que nous les imaginons; de sorte qu'ils contiennent un corps indéfiniment étendu, car l'idée de l'étendue que nous concevons en quelque espace que ce soit est la vraie idée que hous devons avoir du corps.

22.

Que la terre

Enfin, il n'est pas malaisé d'inférer de tout ceci et les cieux ne que la terre et les cieux sont faits d'une même

sont faits que

matière, et qu'il ne peut

sieurs

mondes.

d'une même matière, et que, quand même il y auroit une infinité de mondes, ils ne seroient faits que de cette y avoir plu- matière; d'où il suit qu'il ne peut y en avoir plusieurs, à cause que nous concevons manifestement que la matière, dont la nature consiste en cela seul qu'elle est une chose étendue, occupe maintenant tous les espaces imaginables où ces autres mondes pourroient être, et que nous ne saurions découvrir en nous l'idée d'aucune autre matière.

23.

Que toutes les

variétés qui matière de

sont en la

pendent du

mouvement

Il n'y a donc qu'une même matière en tout l'univers, et nous ne la connoissons que par cela seul qu'elle est étendue; et toutes les propriétés que nous apercevons distinctement en elle se rapportent à cela seul, qu'elle peut être divisée et mue de ses parties. selon ses parties, et partant qu'elle peut recevoir toutes les diverses dispositions que nous remarquons pouvoir arriver par le mouvement de ses parties. Car, encore que nous puissions feindre par la pensée des divisions en cette matière, néanmoins il est constant que notre pensée n'a pas le pouvoir d'y rien changer, et que toute la diversité des formes qui s'y rencontrent dépend du mouvement local: ce que les philosophes ont sans doute remarqué, d'autant qu'ils ont dit en beaucoup d'endroits que la nature est le principe du mouvement et du repos, et que par la nature ils entendoient

ce qui fait que les corps se disposent ainsi que nous

voyons qu'ils font par expérience.

Or le mouvement (à savoir celui qui se fait d'un lieu en un autre, car je ne conçois que celui-là, et je ne pense pas aussi qu'il aussi qu'il en faille en faille supposer d'autre en la nature), le mouvement donc, selon qu'on le prend d'ordinaire, n'est autre chose que l'action par laquelle un corps passe d'un lieu en un autre. Et partant, comme nous avons remarqué ci-dessus qu'une même chose en même temps change de lieu et n'en change point, de même aussi nous pouvons

24.

Ce que c'est que le mouve ment pris se

lon l'usage

commun.

Ce

25.

que c'est

vement pro

prement dit.

dire qu'en même temps elle se meut et ne se meut point. Car, par exemple, celui qui est assis à la poupe d'un vaisseau que le vent fait aller croit se mouvoir quand il ne prend garde qu'au rivage duquel il est parti, et le considère comme immobile; et ne croit pas se mouvoir quand il ne prend garde qu'au vaisseau sur lequel il est, parcequ'il ne change point de situation au regard de ses parties. Toutefois, à cause que nous sommes accoutumés à penser qu'il n'y a point de mouvement sans action, nous dirons que celui qui est ainsi assis est en repos, puisqu'il ne sent point d'action en soi, et que cela est en usage.

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Mais, si au lieu de nous arrêter à ce qui n'a point que le mou- d'autre fondement que l'usage ordinaire, nous désirons savoir ce que c'est que le mouvement selon la vérité, nous dirons, afin de lui attribuer une nature qui soit déterminée,« qu'il est le transport d'une partie de la matière ou d'un corps du voisinage de ceux qui le touchent immédiatement, » et que nous considérons comme en repos, dans » le voisinage de quelques autres.» Par un corps, ou bien par une partie de la matière, j'entends tout ce qui est transporté ensemble, quoiqu'il soit peut-être composé de plusieurs parties qui emploient cependant leur agitation à faire d'autres mouvements; et je dis qu'il est le transport et non pas la force ou l'action qui transporte, afin de mon

trer que le mouvement est toujours dans le mobile, et non pas en celui qui meut; car il me semble qu'on n'a pas coutume de distinguer ces deux choses assez soigneusement. De plus, j'entends qu'il est une propriété du mobile et non pas une substance; de même que la figure est une propriété de la chose qui est figurée, et le repos de la chose qui est en repos.

Et d'autant que nous nous trompons ordinairement, en ce que nous pensons qu'il faut plus d'action pour le mouvement que pour le repos, nous remarquerons ici que nous sommes tombés en cette erreur dès le commencement de notre vie, parceque nous remuons ordinairement notre corps selon notre volonté, dont nous avons une connoissance intérieure, et qu'il est en repos de cela seul qu'il est attaché à la terre par sa pesanteur, dont nous ne sentons point la force. Et comme cette pesanteur, et plusieurs autres causes que nous n'avons pas coutume d'apercevoir, résistent au mouvement de nos membres, et font que nous nous lassons, il nous a semblé qu'il falloit une force plus grande et plus d'action pour produire un mouvėment que pour l'arrêter, à cause que nous avons pris l'action pour l'effort qu'il faut que nous fassions afin de mouvoir nos membres et les autres corps par leur entremise. Mais nous n'aurons point de peine à nous délivrer de ce faux préjugé si

26. Qu'il n'est pas requis plus d'action pour le mouve

ment que

pour le repos.

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