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règle générale, indépendante de lui, accomplit un devoir. « Assister tous les dimanches à la messe régulièrement. » Mass.

Repentir et repentance ont été distingués dans la I partie, p. 23 et 188. Ils different I'm comme l'autre de remords. Suivant Vauvenargue et Condillac, le repentir suppose une faute, et le remords un crime; ce qui revient à dire que è

Un homme qui dispose de son temps à sa guise travaille réglément tant d'heures par jour; il n'y est pas obligé : dans un couvent ou dans un pen-second est plus fort, plus violent que le premie. sionnat on travaille régulièrement tant d'heures par jour.

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Suard et Roubaud ne se sont point contentés de cette distinction superficielle et banale.

Le repentir est une douleur volontaire et salataire; le remords, une douleur forcée et vengeresse. Le repentant déteste ce qu'il a fait, et s'occupe de le réparer, de rentrer dans la bonne voie, ce qui adoucit toujours sa peine; celui qui a des remords souffre une punition sans avoir peut-être le dessein de changer de conduite. On s'excite au repentir, et un poète a dit :

Dieu fit du repentir la vertu des mortels.

« Quand je vois un chrétien touché de repentir, et non content de détester son crime, en faire une sérieuse réparation..., je ne puis m'empê cher alors de croire que c'est un pécheur contrit, mortifié, parfaitement réconcilié avec Dieu. » BOURD. & On se contenta, pour le présent, d'accorder la paix aux Latins; et, pour leur faire mieux sentir leur faute, et leur donner le temps de la réparer par un sérieux repentir, on leur fit demander et attendre l'alliance pendant quelque temps. » ROLL. Le remords nait de lui-même, nous le subissons, et il peut se trouver dans l'âme d'un criminel endurci, bien décidé à pour

Heureux si je puis....

Regret mérite une place à part : c'est le mal physique qui excite les regrets, c'est le mal moral qui fait naître le repentir et les remords. Un accident fâcheux ou une imprudence nous fait éprouver des regrets : « Quand on tient aux biens de la terre et qu'on vient à les perdre, quels re-suivre comme il a commencé. grets du passé!» BOURD. Le repentir et le remords ont pour cause une mauvaise action, une faute, un crime. « Cette tristesse que nos fautes nous causent a un nom particulier, et s'appelle repentir. On ne se repent pas d'être mal fait, ou d'être malsain; mais on se repent d'avoir mal fait. De là vient aussi le remords. » Boss. On regrette d'avoir été contre ses propres intérêts, d'avoir manqué une bonne affaire; on se repent d'avoir transgressé la loi : dans le premier cas on a été malheureux ou malavise; dans le second, coupable. «Il vaut mieux, dit Lisette dans Tur-affectif, est plus ou moins cruel. caret, sentir quelques jours des remords pour avoir ruiné un homme d'affaires que le regret d'en avoir manqué l'occasion.» LES. Dans le Mahomet de Voltaire, le crime triomphe; mais du moins ce scélérat est-il puni par des regrets et par des remords: il perd ce qu'il aime, et il est tourmenté du souvenir de ses forfaits (LAH.). Lorsque regret marque aussi abusivement la douleur d'avoir mal agi, d'avoir agi contre le devoir, c'est une expression faible et sur laquelle enchérissent repentir et remords. « Tâche de calmer l'ivresse des vains désirs que suivent toujours les regrets, le repentir, la tristesse. >> J. J. « Ces pécheurs sont touchés du sentiment de leur misère, et en forment des regrets et des repentirs. BOURD. « Je ne vous écris jamais sans regrets, sans remords et sans amertume. » VOLT. Mes fautes me donnent moins d'effroi que de honte j'ai des regrets, et non des remords. J. J. « Au moment de la mort on se rappelle avec tant de regrets et de remords le mal qu'on a fait et le bien qu'on a négligé de faire. BARTH.

A force d'attentats perdre tous mes remords!

(Mathan dans Athalie). Rac. « Chercher seulement à étouffer le remords, afin de trouver la tranquillité dans le crime. Boss. Le repentir est une tristesse dans laquelle on se complaît et qu'on entretient; le remords est un tourment importun dont on voudrait être délivré. Le repentir annonçant condamnation spontanée du passé, et disposition à revenir à soi, est plus ou moins sincère; le remords, purement

Toutefois il peut arriver que le remords, quoiqu'il n'implique pas en lui-même retour, désir d'amendement, soit une invitation ou une préparation au repentir. La première des grâces prévenantes est le remords qui mène au repentir Boss.). Les remords ne font que troubler la tranquillité; le repentir fait reculer, ou porte à quit ter une résolution, un projet, un genre de via.

Je crois que Brute même, à tel point qu'on le prise, Vonlut plus d'une fois rompre son entreprise, Qu'avant que de frapper elle lui fit sentir Plus d'un remords en l'âme et plus d'un repentir, (Cinna). Coss. RELEVÉ, SUBLIME, TRANSCENDANT. Ces mots expriment dans les choses de l'esprit, intellectuelles ou morales, une certaine excellence.

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Mais d'abord sublime renchérit manifestement sur relevé. Ce qui est relevé n'est point has ou est relevé de l'abaissement; ce qui est sublime est dans les airs, au plus haut point. On appellera relevée simplement une chose distinguée ou qui n'est point commune. « Les fables d'Esope sont dénuées de tout ornement.... Celles de Phedre

Transcendant s'applique proprement, non aux choses de l'esprit, mais à l'esprit lui-même et à ce qui le concerne esprit, génie, mérite transcendant. D'ailleurs, ce mot a rapport à la quantité seule, et point du tout, comme les deux autres, à la qualité. Un esprit relevé (PASc.) se distingue par le savoir, le raisonnement, la prefondeur; un esprit sublime fait ou produit des choses admirables; mais un esprit transcendant

sont un peu plus relevées et plus étendues, mais cependant d'une simplicité et d'une élégance qui ressemble beaucoup à l'atticisme dans le genre simple. ROLL. L'épithète de sublime doit être réservée pour ce qu'il y a de plus relevé, pour ce qui est merveilleux, presque divin. « J'admire tout cela d'autant plus que la personne qui me tient ce langage si relevé et si sublime n'est quelquefois qu'une simple fille. » BOURD. « Archimède était par son inclination naturelle uni-est puissant, supérieur, et rien de plus, c'est quement occupé de ce que la géométrie a de plus noble, de plus relevé, de plus sublime. » ROLL. Ma lettre finit d'une manière si relevée en vous souhaitant les biens éternels, que j'ai peur qu'on ne puisse m'accuser d'avoir donné dans le sublime. » Sév. « Il fallait que le même ambassadeur, qui fut l'ange saint Gabriel, en portant à la sainte Vierge une parole plus excellente et plus relevée (qu'à Elisabeth), eût aussi un succès plus sublime et plus merveilleux. » Boss.

uniquement sa mesure que transcendant fait connaître. « Le premier ministre de Louis XIII fut un génie puissant et transcendant en tout. » S. S. « Bossuet est plus impétueux, et Pascal plus transcendant. » VAUV. « Je n'ai supposé dans mon élève ni un génie transcendant ni un entendement bouché. » J. J.

RELIGION, PIÉTÉ, DEVOTION. Sentiments d'une âme disposée comme il convient à l'égard

de Dieu.

Religion a du rapport avec obligation, l'un venant de religare, lier, attacher, et l'autre d'obligare, dont le sens est le même. La religion repose sur l'idée de ce qu'on doit à la divinité, et consiste simplement à ne pas y manquer ou dans la crainte d'y manquer; c'est pourquoi religieux se dit par extension de celui qui est exact à tenir ses engagements. « Avoir un fonds de religion et de crainte de Dieu. MASS. « Ces pauvres peuples ont une crainte de Dieu, un fonds de religion simple, vrai, réel. » ID. « Faire quelque chose par principe de religion. RAC. « Il (ce magis

D'autre part, relevé est plutôt théorique, relatif au savoir et à la croyance; sublime est plutôt pratique, relatif à l'action, à la morale et à l'art. On dit des sciences (MAL.), des vérités (ID.), des preuves ou des raisons (ID.) relevées, des mystères relevés (Mass.), une théologie relevée (BOURD.). « Il est tout science; et bien souvent il dit des choses tout à fait relevées. » MOL. Mais on dit une vertu (ACAD.), une scène de théâtre (VOLT.), un art ou un talent (BARTH.) sublime. « Le pardon des injures est ce que le christianisme a de plus sublime, de plus héroï-trat) se fit une religion d'écouter les raisons des que, de plus parfait. » BOURD.—« Qu'y a-t-il donc dans cette doctrine qui fait que ni les savants n'y trouvent rien au-dessous d'eux, ni les faibles rien de trop relevé ?... Ainsi la morale que saint François a enseignée est en elle-même une morale sublime et de la plus haute perfection. » ID. Il faut avouer que cette loi d'une perfection si sublime dans sa morale est en même temps d'une créance bien difficile dans ses mystères.... Mais autant ils sont relevés au-dessus de notre raison, autant sont-ils capables de l'élever à Dieu. » ID.

Tout le monde n'est pas capable d'atteindre à ce qui est relevé : c'est quelque chose d'abstrait, d'ardu, de peu compréhensible. Des expres sions abstraites et relevées. » RAC. Des points de méditation si relevés et si subtils. » BOURD. Cela est peut-être un peu relevé; mais tâchons de le rendre sensible par un exemple.» Boss. << Votre mérite s'étend jusqu'aux connaissances les plus fines et les plus relevées. » MOL. Tout le monde n'est pas capable de faire ce qui est sublime : : c'est quelque chose de beau, de délicat, de noble, de parfait. « Il est des devoirs simples et sublimes qu'il n'appartient qu'à peu de gens d'aimer et de remplir. » J. J. « Ainsi nous découvrirons les ressoris et les mouvements, et ensuite l'usage et l'application de cette sublime politique qui régit le monde. Boss. Un philosophe explique les choses d'une manière relevée (MOL.); un homme se conduit, un auteur traite un sujet d'une manière sublime. Le style relevé est celui de la raison; le style sublime, celui du génie.

parties, et de lire tous leurs mémoires. » FLÉCH. « Rien n'était plus connu que son désintéressement et la religion de sa parole. » ID.

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La piété, au contraire, n'est pas un sentiment froid, une vue de la raison; elle part plus du cœur; elle est plus zélée et plus ardente. « La foi nous inspire la ferveur, le zèle, la piété. » BOURD. « On ne trouve dans ces prêtres ni piété, ni zèle pour leur devoir, ni amour de la prière.» MASS. « Que dirai-je du bon zèle et de la piété de nos pères (lors des croisades)? » ID. « Une piété tendre, brûlante. » ID. Malgré les relâchements du siècle et le refroidissement de la piété. FLÉCH. « Dans cette ferveur de piété.... » ID. Aussi le mot de piété est propre à enchérir sur celui de religion. « Vivre comme un païen, sans aucun sentiment de religion et de piété. » MASS. « Remplir ses devoirs dans un esprit de religion et de piété. » ID. Communier avec des sentiments de religion, de pénitence, de piété et de ferveur. » BOURD. - D'autre part, la religion se borne plutôt à l'intérieur avoir un fonds de religion. La piété se montre davantage, et ne se conçoit guère sans les pratiques. « Des exemples de piété. » MASS. Piété exemplaire (ACAD.). « Quoi de plus grand que les pratiques les plus populaires de la piété accomplies avec un esprit de foi et de religion? » MASS.

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Dévotion signifie dévouement, et dévot, dévoué. « Dans le sens rigoureux des termes, ces qualifications ne devraient appartenir qu'aux moines et aux religieuses qui font des vœux. » VOLT. Mais on les applique à toutes les personnes qui rom

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pent avec le monde, qui quittent tout pour va-trie de l'homme. La nature fournit ou suggin quer à leur salut, pour se consacrer particuliè- les remèdes : le pharmacien fait, apprête les mérement à Dieu, pour vivre dans la retraite, qui dicaments. Le médecin Hyghens connaissait sont de toutes les bonnes œuvres, qui lèvent l'é- bien les simples et les remèdes dont il savait faire tendard de la piété (Mass.), qui en font profes-usage, et la composition des médicaments comme sion, sans pourtant prendre l'habit. La différence le meilleur apothicaire et comme un bon chiest donc bien grande entre la dévotion et la reli-miste. » S. S. Les anciens ont vanté, comme gion, puisque celle-ci réside dans l'âme et n'en médicament, la graisse d'oie que l'on préparat sort pas; la piété tient le milieu. « Le comte de à Comagène avec un mélange d'aromates; et Roucy était plus religieux, quoique moins dévot Wilhughby prétend trouver, dans la fiente d'oie, que sa femme qui l'affichait, et lui le contraire. » le remède le plus sûr de l'ictère. » BUFF. S. S. En conséquence, dévotion se prend souvent en mauvaise part pour marquer un excès, ou bien une religion ou une piété purement apparente. «Jamais tant d'extérieur de dévotion, et jamais peut-être moins de piété. » MASS. Nul autre motif ne me fait agir, que celui d'empêcher que les vaines dévotions ne prévalent contre l'ancienne piété, enseignée par saint Augustin et par saint Thomas. » Boss. « La distinction entre la vraie piété et la fausse dévotion, si solidement établie (ans le Tartufe) par Cléante.» LAH. « Un des plus beaux morceaux du Tartufe est celui où Molière fait l'éloge de la piété chrétienne, de la vraie dévotion. » ID. « J. B. Rousseau affectait un ton de dévotion très-propre à lui concilier tous ceux qui croyaient favoriser en lui la cause de la religion, sans songer que la piété véritable n'écrit point de méchancetés. » ID. « On a dit d'un prince de nos jours, très-respectable, très-pieux très-bienfaisant, très-indulgent pour les autres. et par conséquent ennemi de la persécution et du fanatisme, qu'il était religieux, et non pas dévot. Ce mot, plein de sens, est digne d'être médité par les dévots non religieux. » D'AL.

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Avec de la religion, on est pénétré du sentiment de ses devoirs envers Dieu tels peuvent être les philosophes et les gens du monde. La piété nous fait aimer et adorer Dieu; on n'est pas pieux sans l'habitude de prier avec ferveur et de fréquenter les temples. La dévotion nous dévoue à Dieu, nous fait donner à lui exclusivement, tout entiers.

La religion est plus dans le cœur qu'elle ne paraît au dehors. La piété est dans le cœur et paraît au dehors. La dévotion paraît au dehors, mais sans être toujours dans le cœur (GIR.).

REMÈDE, MÉDICAMENT. En latin remedium, medicamentum, dont la racine commune est mederi, guérir, d'où vient aussi medicus, médecin, celui qui guérit. C'est ce qu'on emploie pour guérir quelque mal.

Dans remède, re marque le rétablissement de la santé, le retour à l'état sain ou normal; et dans médicament la terminaison ment annonce un résultat, exprime quelque chose de fait et de donné pour guérir.

Tout ce qui guérit le mal est remède; il n'y a de médicaments que les matières ou les mixtions artificiellement composées, préparées et administrées pour produire cet effet. La diète, l'exercice, le bon air, la gaieté, la patience, l'eau, surtout certaines eaux minérales, le lait, la saignée, les simples, telles qu'on les recueille, sont des remèdes, et non des médicaments; les médicaments sont des produits d'une certaine indus

Ce qu'on considère dans le remède, c'est l'effet, la force, l'efficacité; et dans le médicament, c'est sa composition, ce qui y entre, ou bien l'application qu'on en fait. « Le médecin lai dit qu'il avait un remède dont le succès était prompt et infaillible, mais qui était fort violent.... Il applique donc sur ses yeux son médicament, où il avait fait entrer du suc de cantharides. = ROLL, « Si l'on fuit toutes sortes de médicaments lorsqu'on est en santé, l'usage des médicaments sera plus désagréable et plus pénible dans la maladie. D'un autre côté, si l'on s'accoutume trop aux remèdes, ils perdront de leur force et de leur eff cace quand on en aura un besoin réel. » D'AL.

Remède a une étendue de signification beaucoup plus grande : il est le seul de ces deux mots qui se dise au figuré comme au propre, au moral comme au physique, et en parlant de l'âme comme en parlant du corps. A force de médicaments on guérit les plus profondes blessures, et on en tire tout le venin; et à force d'employer les remèdes que fournit un confesseur, il n'y a point de passion si violente dont on n'amortisse peu à peu l'ardeur. BOURD. REMPART, BOULEVARD. Fortifications élevées autour d'une place; au figuré, abri, soutien, ce qui protége ou sert de défense.

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Le rempart, rem parat, prépare la chose, la met en état de résister; ou bien, comme le renfort (re en fort) donne beaucoup de force, le rempart (re en parer) pare efficacement, c'est-àdire met à couvert contre les assauts. Boulevard, allemand bollwerk, veut dire peut-être ouvrage, werk, contre les balles ou les boulets, suivant l'étymologie de Nicod; ou bien, comme le croit Voltaire, boulevard, écrit d'abord boulever ou bouleverd, vient de boule sur le verd, parce que le peuple de Paris jouait à la boule sur le verd ou le gazon du rempart.

Le rempart se conçoit comme quelque chose d'élevé, mais de simple. Une muraille, une barrière, est un rempart. « Les eaux minent peu à peu les voûtes et les remparts des cavernes souterraines. » BUFF. « Les habitants de Catane ont construit de très-fortes murailles de cinquante pieds de hauteur; et, environnés de ces remparts, ils se sont crus en sûreté contre les laves du volcan. ID. Le boulevard est proprement us ouvrage de fortification disposé en terrasse et placé devant le rempart pour le protéger; 01 c'est le rempart avec cette addition, ainsi compliqué; ou c'en est seulement le terre-plein, le talus, la surface supérieure plus ou moins étea due. « Les montagnes de Frisland sont entièrement couvertes de neige; et toutes les côtes, de

glace, comme d'un boulevard qui ne permet pas d'en approcher. BUFF. « Les montagnes du Pérou semblent être quelquefois des fortifications formées de longues courtines munies de boulecards. » ID. On arrive au pied ou au haut du rempart; on se promène sur le boulevard. Le rempart est plus ou moins haut: Le prince de Conti se présente au pas de Villefranche, rempart du Piémont, haut de près de deux cents toises.» VOLT. Sur le boulevard se passe tel ou tel événement « Gloire à ces guerriers morts sur des boulevards inaccessibles. MASS.

Au figuré, comme au propre, le rempart est peu étendu. Un homme se fait un rempart, et non pas un boulevard, du corps d'un autre homme, d'un tronc d'arbre, d'un rocher, d'un simple buisson. Il suffit d'une ville pour servir de rempart à un pays. « Cette place est le rempart de toute la province. » ACAD. « La ville d'Azof servit aux Russes de rempart contre les Turcs. » COND. Le boulevard, au contraire, est quelque chose de grand; il ne faut rien moins pour former le boulevard d'un pays qu'une ligne de places fortes, une vaste forêt, une chaîne de montagnes ou toute une contrée. « La Hollande, ce boulevard que nous avions élevé nous-mêmes contre l'Espagne, tombe sous nos coups: ses villes n'ont plus de murs à l'épreuve de la bravoure française. » MASS. « Le reste de la Hongrie n'était encore à la maison d'Autriche d'aucune ressource, mais c'était toujours un boulevard des Etats autrichiens.» VOLT. Voltaire dit aussi dans une épître, en parlant des Alpes :

Le voilà ce théâtre et de neige et de gloire,
Eternel boulevard qui n'a point garanti

Des Lombards le beau territoire.

« Les luthériens regardaient la scholastique comme le boulevard de tous les abus. » COND. << La justice des duels judiciaires n'était que le boulevard des criminels les plus hardis » ID.

RENAISSANCE, RÉGÉNÉRATION. (PALINGĖNĖ– SIE). Nouvelle existence.

Le premier de ces mots est français, quoique formé du latin renasci, renaître; le second est tout latin, car on a dit en latin regeneratio.

Ils different donc d'abord en ce que l'un est plus commun que l'autre. Renaissance appartient à la langue ordinaire; régénération est du style particulier de la théologie et de celui de la médecine. On dit la renaissance des lettres (ACAD., COND.), de la philosophie, de la peinture, de la sculpture, de la poésie, de la musique (D'AL.), du printemps et de la verdure (ACAD., MARM.). Mais en théologie on appelle régénération une transformation spirituelle opérée par la grâce du baptême (MASS., P. R., VOLT.), et en médecine on admet la régénération des chairs et de certaines humeurs (Boss.).

Ils diffèrent aussi quant à l'idée renaissance fait concevoir celle d'une réapparition, d'un retour à l'être, et régenération celle d'un travail intérieur semblable à celui qui a lieu quelquefois, dans l'âme suivant la religion, et au sein du corps suivant les médecins. La renaissance de Rome (ROLL.) après l'expulsion et l'extermination des Gaulois fut due à Camille; Massillon dépeint quelque part la régénération, le renouvellement des pécheurs en qui Dieu crée de nouveau l'homme céleste, et la vie de la grâce éteinte dans leur cœur. C'est par la renaissance de toutes les vertus que s'opéra la régénération de l'enfant prodigue.

Enfin renaissance se prend en mauvaise comme en bonne part; au lieu que régénération, le contraire de dégénération, se prend plutôt en bonne : on dit la renaissance d'une hérésie (Boss.), c'est-à-dire sa reproduction, et la régénération d'un peuple (ACAD.), c'est-à-dire sa réformation, son amélioration, son perfectionne

RENCONTRE (ALLER À LA), ALLER AU-DEVANT. Se porter vers quelqu'un qui vient.

D'un autre côté, le rempart couvre ou préserve plutôt une seule personne ou une seule chose. « On amasse les revenus de l'Eglise pour s'en faire un rempart contre les accidents à venir. » BOURD. Se former l'esprit au goût du bon et du solide pour s'en faire un tempart contre l'attrait des plaisirs et l'habitude de la dissipation. » S. S. Le rempart de la liberté (BUFF., MARM., VERT., LAH.), de la religion (COND.), de la pureté ou de la continence (BOURD.). Le boulevard, au con-ment'. traire, fait la sûreté de toute une société d'hommes. « Walstein paraissait le seul boulevard de l'empire. » COND. « Marius fut la terreur des barbares, le boulevard de la patrie. » LAH. L'art a inventé, dit Démosthène aux Athéniens, pour la garde et pour le salut des villes, diverses défenses de toute espèce, remparts, murailles, fossés et autres ouvrages semblables; mais la nature ceint et environne les sages d'un boulevard commun qui les couvre de tous côtés, et qui pourvoit au bien et au salut des Etats. Quel, de nouveau, et de véve, naissance, généra4. Palingénésie est grec, ayant été composé de άest donc ce boulevard ? C'est la défiance. » tion. Aussi est-ce un terme didactique employé en ROLL. parlant d'une fable de l'antiquité savante, la renaisEnfin, il semble que boulevard se prenne plu-sance du phénix, ou quand il est question de ce que tôt en mauvaise part. Serait-ce parce qu'il vieillit pensaient et disaient les philosophes anciens : « Cerdans le sens où nous le considérons ici? « On tains philosophies anciens admettaient la palingénésie voulait que la Bastille fût détruite, en haine de universelle, » ACAD. Des philosophes modernes, Bonnet et Ballanche, ont donné le titre de Palingenés ce despotisme dont elle était le boulevard. » à des ouvrages de leur composition sur des sujets MARM. L'Encyclopédie fut le boulevard de tous généraux et tout métaphysiques: Palingénésie philo les ennemis de la religion et de l'autorité. » LAH.sophique, Palingénésie sociale.

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Aller à la rencontre est agressif, et implique l'idée d'hostilité, d'opposition et de lutte: on va à la rencontre d'un ennemi pour le combattre, pour le repousser. Rencontre signifie dans une de ses acceptions le choc de deux corps de troupes; et aller à l'encontre de quelque chose, c'est

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pronius qui était arrivé à Messine, pour offrir ses services au consul.» ROLL. Après ces expéditions, Annibal retourna à Carthage. Toute h ville sortit au-devant de lui, et le reçut au milieu des cris de joie et des applaudissements. > ID. « Les Scythes poussèrent leurs conquêtes dans la Syrie jusqu'aux frontières d'Egypte. Mais Psammétique alla au-devant d'eux, et fit si bien par ses présents et par ses prières, qu'ils ne passèrent pas plus avant. » ID. « Pelopidas avec ses troupes marcha contre Ptolémée. Celui-ci alla au-devant de lui comme au-devant de son supérieur et de son maître, eut recours aux caresses et aux prières, et promit solennellement qu'il garderait le royaume pour le fils du defunt.» ID. Tous les citoyens, dans le temps même qu'ils allaient au-devant d'Alexandre pour lui rendre leurs hommages, furent égorgés. » ID. Lorsqu'après la défaite de Cannes, le consul Varron revint à Rome, tous les corps de l'Etat allèrent au-devant de lui, et lui rendirent grâces de ce qu'il n'avait point désespéré de la république. Boss., ROLL.

s'y opposer, y être contraire. « La pie voit elle approcher une corneille, elle vole aussitôt à sa rencontre, la harcèle et la poursuit sans relâche.» BUFF. « L'engoulevent vole à la rencontre des insectes, dont il fait sa proie, et qu'il semble engouler par aspiration.» ID. « Solon alla à la rencontre des Megariens qui s'étaient mis en campagne, et il leur donna bataille. » FEN. « Og, roi de Basan, vint aussi à main armée à la rencontre des Israélites, et ils le taillèrent en pièces. Boss. « Une multitude effroyable d'Allemands s'étant jetés dans les Gaules pour s'en emparer, Clovis fut à leur rencontre à Tolbiac. Il se donna là une sanglante bataille. » ID. « Louis VI entra à main armée dans la Normandie les Normands allerent à sa rencontre; et les deux armées s'étant trouvées en présence, il y eut une grande bataille. ID. Qui est le roi qui, ayant à faire la guerre contre un roi, ne songe pas auparavant s'il pourra marcher avec dix mille hommes à la rencontre de celui qui en a vingt mille?» ID. « Mardonius ne craignait pas d'assurer qu'aucun peuple de la Grèce n'oserait venir à la rencontre de Xerxès, qui marchait avec toutes les forces de l'Asie. » ROLL. « Les troupes (romaines) s'avancèrent jusqu'à quatre lieues au delà de Rome pour aller à la rencontre de l'ennemi (les Gaulois). qu'elles joignirent à la rivière d'Allia. » ID. «Cyrus marcha vers Sardes. Crésus n'attendit pas qu'il l'y enfermât; il sortit à sa rencontre avec ses troupes pour lui livrer bataille ID. & Hippias (lieutenant de Persée) marcha à la rencontre du consul Marcius, qui s'avançait avec toute son armée, harcela ses troupes, et les incommoda fort par les fréquentes attaques qu'il leur don-sacrifice qu'on fait. Renoncer à la couronne, à un droit, aux dignités, aux plaisirs, au bonheur,

nait. » ID.

Aller au-devant se distingue, au contraire,

α

עי

RENONCER, RENIER, ABJURER. Quitter une chose d'une manière volontaire et formelle, en le déclarant; faire par rapport à elle acte d'abandon.

objet, qui est toujours un bien, un avantage préLe caractère propre de renoncer se tire de son sent ou futur, quelque chose qu'on possède ou qu'on espère, qu'on prétend, qu'on poursuit. En peine, à regret; c'est un sacrifice ou comme un sorte qu'on renonce d'ordinaire avec quelque

à la richesse, à ce qui plaît, à une personne

qu'on aime.

sion se séparer honteusement, comme un renégat, de quelque chose à quoi on devrait tenir. Saint Pierre renia Jésus-Christ; renier sa foi, son baptême; renier la vertu pour le vice (J. B. Rouss.); Zaïre ne peut plus rester au sérail sans renier son père, son honneur et son Dieu (VOLT.).

par l'idée de prévenance, et suppose des intentions bienveillantes ou respectueuses on va auLe caractère propre de renier, c'est de se prendevant de quelqu'un pour l'assister ou pour lui dre en mauvaise part. Primitivement renier sirendre hommage, lui faire cortège, lui marquer gnifie déclarer contre la vérité qu'on ne connait de l'empressement, de la soumission, de la défé-point une personne ou une chose, et par extenrence. Le père de famille, voyant son fils faible, exténué, agité, et hors d'état presque de se soutenir, court au-devant de lui. Il court, il se hâte d'aller au-devant pour le soutenir. » MASS. «C'est alors, grand Dieu, que, loin d'être insensible à nos gémissements, et de dédaigner nos prières, vous venez au-derant de nous avec toute l'abon- Les martyrs ont mieux aimé souffrir la mort dance de vos consolations et de vos gràces. » ID. que de renoncer à leur religion à laquelle ils « Il est insensé de courir encore après ce qui étaient attachés comme au plus grand des biens; vous fuit (le monde), et de vous obstiner à fuir mais tous les premiers chrétiens n'eurent pas le un Dieu qui court au-devant de vous. » ID. « Mé-courage de les imiter : plusieurs renièrent la foi tellus revint à Rome : toute la ville sortit au-de-dans la crainte des tourments. Un père renonce vant de lui, et son retour fut un véritable triom- son fils, malgré la plus tendre affection, c'est phe. VERT. Quand l'empereur Charles IV arriva pour lui une chose douloureuse; un fils renie à Paris, le roi (Charles V) fut au-devant de lui, son père par lâcheté ou par intérêt, c'est de sa accompagné des princes du sang; l'entrée fut part une infamie. magnifique. » Boss. Comme le comte de Dunois amenait un second convoi (dans Orléans), la Pucelle fit une sortie pour aller au-devant de lui, et le conduisit dans la place. » ID. « Comme le maréchal de Foix approchait de Milan, Lautrec fut obligé d'envoyer au-devant de lui une partie de l'armée pour l'escorter. » ID. « Hiéron alla avec sa flotte toute équipée au-devant de T. Sem

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Le caractère propre d'abjurer est double : ce verbe marque une action brusque, violente, qui ne respecte ou ne ménage rien, et, d'un autre côté, il se prend le plus souvent en bonne part. On abjure d'une manière décidée, c'est-à-dire publiquement, solennellement, ou en rejetant loin de soi, en foulant aux pieds; et ce qu'on abjure peut être quelque chose de mauvais, des

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