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des lieux particulièrement destinés aux pro- | la forteresse est grande, et le fort petit. La Holmenades à cheval ou en voiture; on les appelle des cours.

DÉPENSES, DÉPENS. Ce qu'on dépense, la quantité d'argent qu'on est obligé de donner.

Les dépenses comprennent tout l'argent dépensé ; les dépens sont l'argent qu'on doit dépenser conformément à la loi ou à la sentence qui en a déterminé le montant; c'est un argent qui reçoit une destination précise et réglée. Ou bien dépens sert à spécifier la personne à la charge de laquelle est une dépense. « Quand les souverains font beaucoup de dépense, c'est aux dépens de leurs sujets. COND.

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JUPE, JUPON. La partie de l'habillement des femmes qui descend depuis la ceinture jusqu'aux pieds.

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lande ayant été inondée par la rupture des digues en 1672, « Amsterdam fut comme une vaste forteresse au milieu des eaux.» VOLT. « L'île de Cabrera est une île déserte, où il y a un petit fort gardé alors par cinq ou six soldats.» LES. Une ville a une forteresse, c'est-à-dire une citadelle qui la domine et la protége, et plusieurs forts qui l'entourent et sont propres à la défendre en détail. «Tite tira tout autour de Jérusalem une muraille munie de quantité de forts.» Boss.

CERVELLE, CERVEAU. Viscère qui a son siége dans la tête.

Cervelle le fait considérer d'une manière vague, par rapport à sa masse et à sa nature; cerveau le présente toujours comme un organe particulier et qui remplit une fonction spéciale. « Le cerveau, qu'on a dit être le siége des sensations, n'est pas le centre du sentiment, puisqu'on peut au contraire le blesser, l'entamer, sans que la mort s'ensuive, et qu'on a l'expérience qu'après avoir enlevé une portion considérable de la cervelle, l'animal n'a pas cessé de vivre, de se mouvoir, et de sentir dans toutes ses parties. » BUFF. Aussi, quand ce viscère est hors de son contenant et à l'état de désorganisation, on ne l'appelle plus que cervelle: les cuisiniers accommodent des cervelles et non des cerveaux. « Des cervelles étaient répandues sur la terre à côté de bras et de jambes coupés.» VOLT.« Regardez ces cervelles sanglantes, et tous ces membres épars. » ID. La chimie fait l'analyse de la cervelle; la physiologie et la psychologie étudient les fonctions du cerveau.

Jupe exprime le genre, et jupon une espèce: le jupon est une jupe courte; c'est le diminutif et pour ainsi dire l'enfant de la jupe. « Les jeunes filles de la campagne, en Egypte, vont presque nues, ne portent qu'un petit jupon très-court. » BUFF. Les femmes qui savaient filer au fuseau faisaient de cette façon des bandes en forme de jupons fort courts. » LES. « La taille de Marthon est leste, et son petit jupon laisse entrevoir sa jambe blanche et fine.» VOLT. Suivant l'usage actuel des deux mots, le jupon est effectivement une espèce de jupe courte que les femmes mettent sous l'autre ou sous les autres jupes. Dans la Foire Saint-Germain de Reguard, le marchand, que la coquette ne veut pas payer, lui prend l'écharpe, le manteau, la jupe, et elle demeure en corset et en jupon de Marseille. - D'autre part, jupon, apparemment parce qu'il est masculin, signifie aussi un vêtement d'homme qui ressemble à une jupe, qui est une sorte ou une espèce de jupe. « Le chevalier don Alonze portait ce nœud de ru-bien penser: une tête sans cervelle, un homme de bans à son jupon en forme d'ordre. » LES.

-

Vous pourriez bien ici sur votre noir jupon,
Monsieur l'huissier à verge, attirer le bâton.

(Damis á M. Loyal dans le Tartufe.) Dans Lafontaine, le berger devenu le favori d'un roi, et accusé d'avoir amassé des trésors, ouvre un coffre et y montre

L'habit d'un gardeur de troupeau
Petit chapeau, jupon, houlette.

LIMACE, LIMAÇON. Mollusque rampant.
Le limaçon est une espèce de limace; c'est la
limace renfermée dans une coquille qui la borne
et la détermine. « Les uns disent que ce sont les
limaces simples, que j'appelle incoques, qui re-
prennent une tête (quand on les a décapitées);
les autres disent que ce sont les escargots, les
limaçons à coquille. » VOLT.

FORTERESSE, FORT. Lieux où l'on est en sûreté contre les attaques de l'ennemi.

L'idée de la forteresse est beaucoup plus étendue que celle du fort; elle représente à l'esprit un édifice avec des tours garnies de soldats, de canons, de meurtrières, de bastions, et avec un fossé profond qui en défend l'approche; c'est un assemblage de forts. Le fort n'est qu'une tour élevée isolément ou bien dans la forteresse, à l'égard de laquelle il est comme le mont à l'égard de la montagne, comme le roc à l'égard de la roche. De sa nature

D

La même distinction se montre au figuré, c'està-dire quand les deux mots se disent de l'esprit. Cervelle signifie alors une matière qu'il faut avoir en certaine quantité et d'une certaine qualité pour

peu de cervelle, une cervelle légère, évaporée, etc. Cerveau exprime plutôt un organe renfermé dans un espace déterminé, un instrument qui travaille, produit des résultats plus ou moins bons et est susceptible de se déranger: son cerveau travaille; cerveau faible, débile; avoir le cerveau dérangé, être affaibli du cerveau; cerveau timbré, fêlé, etc.

ESCABELLE, ESCABEAU. Siége de bois sans bras ni dossier, et qu'on saisit par un trou pratiqué à la planche supérieure.

Escabelle signifie un escabeau à plusieurs personnes, une sorte de banc. Il paraîtrait même qu'autrefois on comprenait sous le mot d'escabelle tout ce qui sert de siége dans une maison, car on disait, remuer ses escabelles, pour déménager. Il semble aussi qu'escabelle désigne un siége plus élevé. Les chantres, devant le lutrin, sont assis sur des escabelles, et les enfants de chœur sur des escabeaux. Dans les maisons pauvres des campagnes, tous les membres de la famille s'asseyent sur des escabelles, et les enfants ont des escabeaux. On peut encore appeler escabeau, mais non pas escabelle, cette sorte de carreau ou de petit banc, qui sert aux femmes à poser leurs pieds, et sur lequel aussi on fait asseoir les petits enfants. Cela est conforme au sens le plus général du mot. On s'assied sur l'escabelle c'est le meuble qui a précédé la chaise. « Il était

ridicule d'imaginer que Thésée fût éternellement assis sur une escabelle.» VOLT. « Je fis asseoir le misérable sur une vieille escabelle réservée à ces sortes de gens.» LES. On pose les pieds sur l'escabeau, et l'Académie a plus raison qu'elle ne pense de définir par escabeau un marchepied. «La terre est appelée dans l'Ecriture l'escabeau des pieds de Dieu.» BOURD. « Les six degrés, par où on montait au trône, et les escabeaux, où posaient les pieds, étaient d'or.» Boss. « Vous avez fait de vos ennemis l'escabeau de vos pieds.» VOLT. CHARRETTE, CHARIOT. Voitures communes employées à transporter diverses choses.

La charrette est presque informe en comparaison du chariot. Aussi est-ce exclusivement à la campagne qu'on s'en sert, et on s'en sert pour voiturer toute sorte de choses. Le chariot se distingue par sa façon il est fait moins simplement et moins grossièrement; il a quatre roues; et de plus, il a une destination qui lui est propre et qu'on indique presque toujours quand on fait usage de ce mot: chariot de bagage, chariots d'ambulance, d'artillerie, de vivres, etc. D'ailleurs, le chariot est plus petit; les enfants s'amusent à traîner des chariots. « Il y avait un homme à Paris qui avait fait pour chef-d'œuvre un petit chariot traîné par des puces. » Sév. « Il y avait force petits chariots à un ou à deux chevaux toujours prêts pour les dames et les vieillards qui voulaient se promener. » S. S.

TROUPE,

TROUPEAU, Réunion, assemblage

d'êtres vivants.

Une troupe est une agrégation d'animaux ou d'hommes quelconques : troupe d'oiseaux, de loups, de tigres; une troupe de séditieux, de forcenés, parcourait la ville. Troupeau est plus spécial, plus déterminé; il ne se dit que des ani maux et encore des animaux domestiques utiles à l'homme, qui les nourrit et les élève ensemble.

BANDE, BANDEAU. Longue pièce d'étoffe qu'on met autour de quelque partie du corps.

« La bande, dit Laveaux, d'après l'Académie, serre ou est destinée à serrer quelque objet que ce soit; le bandeau ne se met qu'autour de la tête, autour du front. » Il a raison de dire, serre ou est destinée à serrer, car c'est encore une chose à remarquer que le bandeau a actuellement son usage, tandis que la bande peut simplement

avoir le sien.

BARRE, BARREAU. Pièce de bois, de fer, etc., étroite et longue.

Barre, tout morceau de fer ou d'autre métal allongé. Le barreau est une barre ayant une certaine forme, et appliquée à un usage spécial: c'est une barre de fer mise en dehors des fenêtres et aux ouvertures des prisons.

TONNE, TONNEAU. Vaisseaux de bois formés de planches appelées douves, contenues par des cercles, et ordinairement destinés à recevoir des li

queurs.

aujourd'hui par tonneaux de liqueur. » MONTESQ. On dit un vaisseau de tant de tonneaux pour donner idée de sa force et de sa grandeur, parce que, dans cette locution comme dans toute autre, tonneau a une signification précise; il indique un poids de deux mille livres, ou l'espace de quarante pieds cubes. Tonne n'a jamais été employé dans ce sens, à cause de son indétermination. Ensuite la capacité de la tonne étant illimitée est par cela même très grande au prix de celle du tonneau le tonneau a la tonne pour mère, en quelque sorte. « L'abbé de Citeaux a les meilleures vignes de Bourgogne et la plus grosse tonne. » VOLT. Sachez que dans ce temple on a mis deux tonneaux: L'un est vaste et profond; la tonne de Citeaux N'est qu'une pinte auprès...... L'autre tonneau, ma sœur, est celui de l'amour; Il est petit....

POUSSIÈRE, POUSSIER. Matière réduite en poudre fine.

Poussière se dit de tout ce qui est réduit en parcelles ténues, par exemple, de tout ce que le vent enlève de la surface du sol. Le poussier est seulement cette poussière qui s'amasse fond d'un sac à charbon; c'est aussi la poussière dans un petit endroit, comme, par exemple, au qui a un usage, une destination spéciale, par opposition à la poussière ordinaire, qui n'en a au

cune le poussier de mottes sert à faire du feu.

VAPEUR (f.), VAPEUR (m.). L'usage ne paraît pas avoir encore décidé s'il faut dire la vapeur ou le vapeur, en parlant d'un bateau à vapeur.

Il n'y a cependant pas à hésiter, il faut évidemment, pour que le mot devienne précis dans cette acception particulière, qu'il reçoive le genre masculin. Prendre le vapeur s'entend sans peine; prendre la vapeur serait une expression vague, indéterminée, équivoque. D'ailleurs, n'a-t-on pas déjà fait passer le mot foudre du féminin au masculin, quand on s'en est servi pour désigner en particulier un héros et un grand orateur : un foudre de guerre, un foudre d'éloquence.

Il est à remarquer que dans toutes les langues, à la différence des genres masculin et féminin se trouve attachée la même différence de signification. En italien, fiasca (f.) désigne un grand vase de forme peu déterminée, une espèce de damejeanne, et fiasco (m.), un flacon, c'est-à-dire un vase plus petit, qui a une forme bien caractérisée. Pareillement en grec, arpovðía (†) signifie des petits oiseaux de toutes les espèces, et (), la ville de Delphes, et Пvov (6), le serpent στρουθός (ὁ), le passereau ou le moineau; Πυθών Python, ou Apollon qui le vainquit; xéopos (†), le cèdre, et xéopos (4), le fruit de cet arbre; uyòs (), le joug, et tuyòs (6), le fléau de la balance, ou la balance elle-même; xápa (†), un échalas, et xápak (6), un échalas travaillé ou faconné, un pieu dont on fait des palissades ou

des retranchements.

QUE PAR L'ARticle.

Tonne est le terme générique; il se dit pour SYNONYMIE DES SUBSTANTIFS QUI NE DIFFÈRENT désigner toutes sortes de barriques. Le tonneau est une espèce, par rapport à la tonne; c'est une tonne dont l'usage et la capacité sont réglés suivant les pays. « La capacité des vaisseaux, qui se mesurait autrefois par muids de blé, se mesure

De cour, de la cour. Ouvrage d'esprit, ouvrage de l'esprit. Demander raison, demander la raison. Par force, par la force. On, l'on. A vras

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dire ou à dire vrai, à dire le vrai. Entendre | fiée; dans de la cour, cour conserve sa signification raillerie, entendre la raillerie. Avoir intention, primitive dans toute sa restriction, et bien délidessein, envie; avoir l'intention, le dessein, mitée. Un homme de cour est un homme qui, l'envie. Condamner à mort, condamner à la sans avoir été peut-être jamais à la cour, ressemble mort, Etc.- Avoir peine, pitié, horreur, honte; aux courtisans, qui a les mœurs, les habitudes, avoir de la peine, de la pitié, de l'horreur, les idées à peu près telles que les ont la plupart de la honte. Etc.-Fournir le sel, de sel et du de ceux qui hantent les cours. Or, comme, sous sel. Avoir nouvelle, avoir des nouvelles. - Faire ces divers rapports, les courtisans ne jouissent affront ou injure, faire un affront ou une in-pas d'une bonne réputation, un homme de cour jure. Etc. — La naïveté, une naïveté. Le champ, un champ. Le roi sage, un roi sage.

L'article se met devant les noms communs, pour annoncer qu'ils sont pris dans un sens précis et déterminé, qu'ils désignent un genre, une espèce ou un individu en particulier. Il circonscrit l'idée ou la chose exprimée par le nom qu'il précède; il la signale à l'attention, en la tirant du vague et en la débarrassant de toute ambiguité. Sans l'article, le substantif a une valeur indéterminée; il réveille d'une manière indécise l'idée dont il est le signe : ainsi, dans les phrases, parler en homme, traiter avec honneur, les mots, homme et honneur, laissent l'esprit dans

est un homme adroit, artificieux, et, en général, de cour se prend en mauvaise part: promesses de cour, eau bénite de cour, amis de cour; aussi faux qu'un homme de cour (J. J.). Racine dit, dans la préface de Britannicus, qu'il a choisi Burrhus, pour opposer un honnête homme aux confidents de Néron, cette peste de cour. Un homme de la cour fait partie de la cour, y a un emploi, est attaché auprès du prince sous un ticois de Paule fut appelé à la cour de nos rois, il tre quelconque; c'est un courtisan. « Saint FranBOURD. Tous les hommes de cour ne se trouvent y vécut; en ce sens, ç'a été un homme de la cour.» pas à la cour, et il serait injuste de prendre pour hommes de cour tous les hommes de la cour. Le qualificatif de la cour n'entraîne par lui-même aucune idée défavorable; il marque avec la cour un rapport direct, réel, concret, d'appartenance ressemblance. « L'esprit d'une femme de la cour ou de dépendance, et non un rapport éloigné de est plus remué et plus actif que celui d'une paysanne.» NIC. « Les femmes de la ville sont moins naturelles que celles de la cour. » LABR.

le vague et l'incertitude relativement à l'étendue de leur sens. Avec l'article, le même mot a une valeur fixe et précise: l'homme est mortel, détermination générique; l'homme à prétention, détermination spécifique; l'homme de tantôt est revenu me voir, détermination individuelle. Le genre, l'espèce, l'individu se trouvent indiqués dans ces trois phrases, de manière à rendre toute confusion impossible. Telle sera donc, pour les synonymes dont il s'agit ici, la règle générale de distinction: le substantif avec l'article a un sens bien arrêté, certain, précis; le même sub-garo. «L'homme de la cour, dit-il, peint seulement stantif, sans l'article, a une valeur vague et mal vivant avec la noblesse et l'éclat que son rang lui un noble état; il s'entend de l'homme de qualité déterminée. Le premier, fixant mieux l'esprit sur l'idée ou la chose particulière, la lui fait mieux impose: si cet homme de la cour aime le bien par goût, sans intérêt; si, loin de jamais nuire à perremarquer; l'autre, au contraire, se trouve orsonne, il se fait estimer de ses maîtres, aimer de dinairement faire partie d'une locution générale, ses égaux et respecter des autres, alors cette acdans laquelle sa valeur primitive s'obscurcit et ception reçoit un nouveau lustre. Mais un devient peu saillante. homme de cour, en bon français, est moins l'énoncé d'un état que le résumé d'un caractère adroit, liant, mais réservé, pressant la main de tout le monde en glissant chemin à travers; menant finement son intrigue avec l'air de toujours servir; ne se faisant point d'ennemis, mais donnant, près d'un fossé, dans l'occasion, de l'épaule au meilleur ami, pour assurer sa chute et le remplacer sur la crête; laissant à part tout préjugé qui pourrait ralentir sa marche; souriant à ce qui lui déplaît, et critiquant ce qu'il approuve, les hommes qui l'écoutent, etc. »

Cette distinction a été parfaitement indiquée par Beaumarchais dans la préface du Mariage de Fi

SI". Article défini le, la, les.

Tout ce qui vient d'être dit sur le rôle de l'artiele en général s'applique particulièrement bien à l'article défini, dont le nom seul le représente déjà comme un déterminatif. C'est ce qui résulte aussi de son étymologie; il vient de ille, illa, celui-ci, celle-ci, et voilà pourquoi il est propre à indiquer, parmi les choses ou les personnes, celle-ci ou celle-là, telle ou telle en particulier, de manière qu'on ne puisse pas s'y méprendre. 1° Synonymie des noms sans article avec ces mêmes noms précédés de l'article simple le, la, les. Les derniers, outre qu'ils sont plus précis et plus déterminés, ont tantôt plus et tantôt moins de généralité que les premiers.

DE COUR, DE LA COUR. Ces deux expressions servent à qualifier par rapport à la cour.

Mais la valeur du mot cour est vague dans l'une, précise dans l'autre. De cour forme un véritable adjectif, un qualificatif abstrait qui présente l'idée de la cour d'une manière très-générale et modi

selon

D'ailleurs de cour n'indique pas plus une cour qu'une autre, une seule cour que plusieurs; de la cour indique spécialement la cour du pays où se trouve celui qui parle. En employant l'expression poisson de mer, on ne songe pas à telle ou telle mer en particulier; mais poisson de la mer se dit, dans une localité, du poisson qui vient de la mer déterminée dont est proche cette localité.

OUVRAGE D'ESPRIT, OUVRAGE DE L'ESPRIT. Ouvrage auquel l'esprit a part.

Dans la première expression, esprit désigne quelque chose de vague, de mal connu, dont la

notion n'est pas fixe, qui a des variétés, des | âme; un homme qui se prétend outragé demande nuances, que l'on ne détermine pas;. dans la raison de ses discours à celui dont il croit avoir seconde, ce même mot a une valeur qu'on peut à se plaindre. définir au juste. D'une part, esprit signifie la qualité qui rend plus ou moins spirituels, plus ou moins capables de traits d'esprit, les hommes du monde en qui se réunissent plusieurs qualités indéterminées elles-mêmes, telles que la vivacité, la pénétration, la finesse et le tact; de l'autre, esprit est le nom de cette faculté commune à tous les hommes, la raison, qui produit la pensée, qui nous distingue des animaux et nous fait inventer dans les sciences et dans les arts.

PAR FORCE, PAR LA FORCE. C'est-à-dire, nonseulement de force, mais, ce qui est beaucoup plus énergique et beaucoup plus expressif, de vive force; non-seulement contre son gré, involontairement, invitus, mais absolument contraint. Par force se prend plutôt au moral, parce qu'il fait moins ressortir l'idée de force; et par la force ne se prend qu'au physique, grâce à l'article qui donne à cette même idée sa valeur stricte et rigoureuse. « Le mariage est une chaîne où l'on ne doit jamais soumettre un cœur par force.» MOL. On soumet un ennemi par la force, c'est-àdire par les armes et en employant la violence proprement dite. - «Par là le Saint-Esprit veut nous faire entendre qu'il y a un règne de fer, et c'est le règne de la justice rigoureuse qui assu

traignant de porter le poids d'une impitoyable vengeance. » Boss. « Un prince justement irrité se jette vers les terres de son ennemi, et se les assujettit par la force. » ID.

ON, L'ON. Expressions presque équivalentes, employées dans les phrases générales. Toutes deux viennent du latin homo, homme.

Les ouvrages d'esprit sont ceux dont le mérite est apprécié par le goût, les comédies, les romans, par exemple, et qui, sous ce rapport, ressemblent à la conversation et aux beaux-arts; les femmes en sont capables comme les hommes : il y a un écrit de Montesquieu intitulé : « Réflexions sur les causes du plaisir qu'excitent en nous les ou-jettit par force les esprits rebelles, en les convrages d'esprit et les productions des beaux-arts. » << Pourquoi voulez-vous que les romans et les comédies, ces ouvrages d'esprit, soient une occupation peu honorable? » RAC. « La finesse dans les ouvrages d'esprit, comme dans la conversation, consiste dans l'art de ne pas exprimer directement sa pensée. » VOLT. « Juger avec goût des ouvrages d'esprit. » MONTESQ. « Les romans sont de tous les ouvrages d'esprit ceux dont les femmes sont le plus capables. » LAH.-Les ouvrages de l'esprit comprennent toutes les compositions littéraires, même les plus sérieuses, tout ce qui fait la matière des livres, même les traités scientifiques de géométrie, de rhétorique, de morale, par exemple : les hommes y sont plus habiles que les femmes, parce qu'ils ont naturellement plus de génie et de profondeur; c'est dans ce sens qu'il faut prendre le titre du premier chapitre des Caractères de Labruyère, Des ouvrages de l'esprit. « Nos livres ne sont point écrits à la main, mais imprimés à peu près comme les estampes, et cette invention éternise aussi les ouvrages de l'esprit. » VOLT.

D

Mais la première étant privée de l'article, a moins de précision que la seconde. On dit, homme dit, signifie il y en a qui disent, sans aucune détermination de nombre. L'on dit, l'homme dit, signifie positivement les hommes, les hommes en général, tous les hommes disent. On dit que vous avez été chez lui hier donne à entendre que ce n'est pas tout le monde qui le dit, mais quelqu'un qui ne doit pas être nommé. L'on dit se dit à propos d'un bruit généralement répandu. On commence une proposition particulière indéfi nie, et l'on une proposition générale définie. Aussi le premier est souvent employé lorsqu'il s'agit d'une ou de plusieurs personnes dont on a l'idée dans l'esprit et qu'on ne veut pas nommer. Une personne en colère dit à une autre : Il faudra bien qu'on m'obéisse, c'est-à-dire, que vous m'obéissiez. Un domestique vient-il annoncer à son maître qu'une ou plusieurs personnes désirent lui parler, il dira: On demande à vous parler. Certains écrivains religieux, tels que ceux de Port-Royal et Malebranche, évitant par esprit de piété l'emploi du mot je ou moi, qui est toujours haïssable, suivant Pascal, se servent du mot on, en parlant d'eux-mêmes. On n'est pas Demander raison est une expression faite et con- des esclaves pour endurer de si durs traitements sacrée, dans laquelle le mot raison exprime vague- (ACAD.), est bien une proposition particulière inment et confondue avec d'autres, l'idée qui, grâce définie, et l'on y serait tout à fait impropre; de à l'article, se trouve définie et déterminée dans même que si, en vous adressant à une femme, au demander la raison. Demander la raison, c'est lieu de lui dire, on n'est pas plus jolie, vous lui demander la cause pourquoi : on demande la rai- disiez, l'on n'est pas plus jolie. Le mot on conson d'un phénomène. Demander raison, c'est vou- vient seul dans tous ces cas, parce qu'il s'agit loir qu'on rende compte d'un procédé ou d'un d'indiquer vaguement et en termes indirects une propos, qu'on en dise le pourquoi et le comment, ou plusieurs personnes. Le mot l'on convient seul qu'on les expose de manière qu'ils paraissent rai- quand il s'agit d'exprimer rigoureusement la gésonnables, faute de quoi on encourra une puni-néralité des hommes: nous devons croire que nous tion, ou l'on aura tout au moins à se repentir. Le confesseur demande au pénitent la raison de ses fautes, afin de s'éclairer sur l'état de son

Cette même dualité de sens du mot esprit, employé avec et sans article, se retrouve dans les expressions, défaut d'esprit et défaut de l'esprit, dont l'une marque un manque de cette qualité indéfinissable qui rend spirituel, et l'autre une imperfection de l'âme, de cette partie différente du corps, qui nous distingue des animaux.

DEMANDER RAISON, DEMANDER LA RAISON. Demander qu'on explique quelque chose.

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mourrons, parce que l'on est mort jusqu'ici. Cependant, comme il est rarement besoin de marquer expressément si on pense à un nombre in

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défini de personnes ou au genre humain tout en- à railler, être entendu dans l'art de railler, tier, au mot on, qui signifie proprement quel- le mot raillerie a perdu toute indétermination; qu'un ou des hommes, on fait signifier presque il ne s'agit plus d'une ou de plusieurs railletoujours les hommes, et, dans les phrases mêmes ries quelconques, mais de la raillerie, art parde la plus grande généralité, on se met à la place ticulier d'amusement qui diffère de tout autre : de l'on. C'est un abus; il faudrait n'employer que on entend la raillerie, comme on entend la poésie Ton quand on veut marquer strictement la géné- ou le métier des armes. « Vous n'avez pas le taralité des hommes. lent d'entendre la plaisanterie. » DUDEFF. Voltaire écrit au roi de Prusse : « Vous savez vous moquer des gens mieux que personne; le neveu de Constantin, qui a ri et fait rire aux dépens des Césars, n'entendait pas la raillerie aussi bien que vous. » La première expression fait songer aux cas particuliers, mais ne les détermine pas; la seconde marque le genre et le détermine.

A VRAI DIRE ou A DIRE VRAI, A DIRE LE VRAI. Sans mentir, à ne rien celer; espèces de locutions adverbiales dont on se sert pour attirer l'attention et obtenir créance.

A trai dire est général, vague, indéterminé; c'est une sorte de remplissage, une expression peu rigoureuse qu'on emploie fréquemment par manière de parler, sans beaucoup de conséquence, sans bien peser la valeur des termes; mais à dire le erai est plus expressif, plus fort, moins commun; on ne s'en sert qu'à bon escient; il marque l'intention bien arrêtée de ne pas tromper et l'attention qu'on fait à ses paroles. A vrai dire se trouve à chaque instant dans nos conversations; un témoin devant le juge dira plutôt à dire le vrai, pour donner de la force ou de l'autorité à sa déposition.Avec ces caractères, à vrai dire se place naturellement au commencement de la phrase, comme certes, en guise de simple formule affirmative; au lieu que à dire le vrai convient au milieu d'une phrase pour marquer une correction ou une modification dans ce qu'on vient de dire, modification importante et qu'on ne hasarde pas sans y avoir bien réfléchi. « A dire vrai, l'art n'est jamais plus parfait que lorsqu'il ressemble si fort à la nature, qu'on le prend pour la nature même. » BOIL. Les étrangers viendraient dans notre ville...; quoique, à dire le vrai, sur beaucoup de fortes raisons, je regarde ce concours comme un inconvénient bien plus que comme un avantage. » J. J. - Du reste, cette différence qui provient de l'absence de l'article dans une des deux phrases et de sa présence dans l'autre est plus considérable et plus frappante quand, non content de retrancher l'article dans la première, on place vrai avant dire (à trai dire), et non dire avant vrai (à dire trai), comme le fait Boileau. Aussi nous disons généralement aujourd'hui à vrai dire plutôt qu'à dire trai.

AVOIR INTENTION, DESSEIN, ENVIE; AVOIR L'INTENTION, LE DESSEIN, L'ENVIE. Vouloir faire, se proposer de faire quelque chose et y tendre.

Les expressions sans l'article forment des locutions générales dans lesquelles les substantifs s'effacent en quelque sorte, perdent ce qu'ils ont de saillant et ne se font plus remarquer; elles signifient toutes une disposition incertaine, chancelante et molle, une simple velléité. Ces mêmes expressions avec l'article présentent les substantifs avec un caractère de détermination qui les signale et les met en relief: elles signifient une résolution bien arrêtée, pour l'exécution de laquelle, le lieu, le temps, les moyens, sont fixés, et pour l'exécution de laquelle on est près d'agir, et prêt à agir, dût-on avoir des obstacles à braver. On a intention, etc., de voyager, longtemps à l'avance, sans qu'on y ait réfléchi, sans qu'on sache si on changera d'avis, ni quelle direction on prendra. Lorsqu'on a l'intention, etc., de voyager, le voyage est prochain, la résolution ferme, la direction certaine. On a intention, etc., de nuire à quelqu'un sitôt que l'occasion s'en présentera; on a l'intention, etc., de lui nuire, quand on en a formé expressément le projet et qu'on cherche à le réaliser.

CONDAMNER A MORT, CONDAMNER A LA MORT. Condamner à mourir.

Condamner à la mort est une expression faite et consacrée pour désigner une manière ordinaire ENTENDRE RAILLERIE, ENTENDRE LA RAIL- ou habituelle de condamner à mourir, c'est-àLERIE. Ces deux expressions désignent la ma- dire celle dont les tribunaux font usage en génière d'être, la disposition de quelqu'un par rap-néral contre certaines espèces de grands crimiport à la raillerie. nels les assassins, les infanticides et les incenDans la première, le mot raillerie marque quel- diaires sont condamnés à mort. Condamner à que chose d'indéterminé : entendre raillerie, c'est la mort se dit quand il est question d'un fait, entendre sans s'offenser une ou des railleries aux-d'une application de la loi ou de la coutume quelles on est en butte, quel qu'en soit le sujet, dans quelques circonstances qu'elles aient lieu.

Hé! mon Dieu! tout cela n'a rien dont il s'offense.
Il entend raillerie autant qu'homme de France;
Et de bien d'autres traits il s'est senti piquer,
Sans que jamais sa gloire ait fait que s'en moquer.
MOL.

à un cas particulier les juges, après avoir longtemps délibéré sur la peine à infliger à cet accusé, l'ont enfin condamné à la mort. Ou bien même condamner à la mort n'emporte l'idée d'aucune formalité légale et signifie une action unique, singulière, sans aucune analogie avec celle des tribunaux: un général, qui Le duc de Veragua entendait raillerie, jusque-vient de prendre une ville d'assaut, condamne d là que ses amis l'appelaient familièrement don la mort les hommes en état de porter les armes; Puerco.... Tout cela se passait en plaisanterie une conspiration venant à manquer, on condamne qu'il recevait le mieux du monde. » S. S. Dans à la mort tous les conjurés. « J'avais élevé un entendre la raillerie, dont le sens est, s'entendre jeune loup qui jusqu'à l'âge d'un an n'avait fait

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