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Toutefois poudre se prend aussi, quoiquemine spécialement, dans le sens de poussière. Quale est alors la différence des deux mots?

C'est que poussière rappelle seule l'idée d'ète

que ma volonté qui m'y détermine.» Boss. « Le duc crut que l'intérêt du roi d'Angleterre le porterait à secourir la Bretagne. » ID. « Son inclination le porte à ce genre d'études. » ACAD. « Les mauvaises compagnies l'ont porté à la débau-poussé par le vent, d'être enlevé. On dit très-bie che. » ID. Mais c'est malgré lui, contre son gré, ou au moins avec peine qu'on pousse quelqu'un à faire quelque chose. « Je ne voulais pas faire cette acquisition, c'est lui qui m'y a poussé. ACAD. La force de la vérité a poussé les réformés, contre leur dessein, à dire des choses qui favorisent la présence réelle. » Boss. Le connétable de Bourbon dit au roi qne, s'il avait écouté des propositions, il y avait été poussé par les indignes traitements que Madame lui avait faits.» ID. « Les coups retiennent et poussent les animaux, sans qu'il soit besoin qu'ils raisonnent. ID. «Dieu invite par ses promesses les pécheurs à la réformation de leur vie, il les y engage par ses bienfaits, il les y pousse par ses menaces, il les y force par ses châtiments. » BOURD.

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mettre ou réduire en poudre, être couvert de poudre; de poudre on a fait poudreur. Mais £ l'on veut représenter la même substance comme portée et agitée dans les airs par le vent, on emploiera de préférence le mot poussière. « Tout ce que nous aurons fait dans une autre vue que celle de Dieu sera semblable à la poussière que le vent emporte. Ainsi Dieu le marquait-il uimême, quand il disait à ce roi impie : je te réduirai en poudre. » BOURD. Dieu dit : je réduirai en poudre dans une seule nuit les ennemis de Jérusalem. J'écarterai le reste comme un tourbillon dissipe une poussière légère. ROLL. Que si, contre l'usage qui est de n'appeler poussière qu'une poudre inutile, on donne, en botanique, le nom de poussière aux corpuscules fécondants, Mouvoir est peu usité dans cette acception; il qui sont réunis dans les anthères des étamines, exprime l'action la plus faible et s'emploie ordi- c'est que dans beaucoup de plantes ils ont benairement d'une manière absolue, sans indica-soin, pour arriver au pistil, d'être transportés tion d'un but. « C'est la passion qui le meut. » ACAD. Les spirituels nous enseignent que, s'il y a quelques âmes qui soient tellement mues de Dieu, qu'elles n'aient aucun besoin de faire effort, ce sont des âmes uniques et privilégiées. Boss. Les stoïciens tenaient qu'il y avait des choses qui n'étaient ni un bien ni un mal, quoiqu'elles eussent la force de mouvoir notre appétit.» FEN.

POUDRE, POUSSIÈRE. Terre divisée, atténuée et réduite en petites particules.

La poudre est le genre, et la poussière l'espèce. La poussière est cette poudre particulière qui se forme par le desséchement de la terre, qui se trouve sur les chemins principalement, et qui est élevée, poussée ou emportée par le vent. «La surface du mercure ne se ternit à l'air que par la poussière qui la couvre. » BUFF. Les argiles dont la surface était découverte reçurent le dépôt des poussières de l'air et du limon des pluies. » ID. « Ces deux matières, la chaux et le plâtre calciné, exposées à l'air après la calcination, tombent en poussière et perdent la plus utile de leurs propriétés on ne peut plus les employer dans cet état. ID. Mais la poudre peut résulter d'autres substances que de la terre. Ensuite, ce nom se donne à beaucoup de choses qui ont un usage poudre de senteur, poudre à poudrer, poudre médicinale, poudre à canon; du tabac, du sucre, dn café en poudre; au lieu que la poussière est quelque chose d'inutile, de vil, une cendre, quelque chose qui ne sert qu'à faire de la boue. Les sables ou poudres métalliques qu'on trouve souvent dans les mines d'étain n'en sont que des détriments; et quelquefois ces détriments sont si fort altérés qu'ils ont perdu toute consistance et presque toutes les propriétés métalliques. Les mineurs ont appelé mundick cette poussière, qu'ils rejettent comme trop appauvrie, et dont en effet on ne peut tirer, avec beaucoup de travail, qu'une très-petite quantité d'étain. » BUFF.

par le vent. Au reste, dans les locutions où les deux mots semblent pouvoir se mettre indife remment, poussière devient de plus en plus usité, et poudre de moins en moins, parce que, pour ce qui concerne l'emploi des termes, le progrès consiste à pre' er toujours de plus en plus ceux qui sont speciaux et propres à ceux qui sont généraux et vagues. Qui voudrait dire présentement avec l'Académie: La poudre vole, il fait aujourd'hui beaucoup de poudre; on ne se voit point à cause de la poudre ?

Au figuré, on dit hyperboliquement mettre en poudre, c'est-à-dire dissoudre, détruire. Mais poussière désigne une poudre vile, méprisable, qui est de la nature de la boue tirer quelqu'un de la poussière; la poussière du collège; la poussière du tombeau.

Déplorable Sion, qu'as-tu fait de ta gloire?
Tout l'univers admirait ta splendeur:

Tu n'es plus que poussière: et de cette grandeur
Il ne nous reste plus que la triste mémoire. Rac.
L'homme n'est que poudre, a moins de force
que l'homme n'est que poussière, ce dernier mot
signifiant essentiellement, non pas une poudre
très-fine, comme quelques-uns le prétendent à
tort (poudre impalpable), mais une poudre qu'on
foule aux pieds, qui n'est d'aucun usage, une
ordure. « Voulez-vous donc, ô mon Dieu, me
laisser retomber dans la poussière hideuse et
dans l'infection du tombeau? » MASS. « La Provi-
dence a placé les uns sur le buffet comme des
vases d'honneur, et a laissé les autres dans la
poussière. » BOURD. O Sauveur, je me renferme
dans le tombeau avec vous je descends dans
les ténèbres et jusque dans la poussière. » FÉx.

Dormez votre sommeil, riches de la terre, et demeurez dans votre poussière. » Boss. « Criblez mes pensées, Seigneur que le vent emporte la poussière, le mauvais grain, les ordures. » In. POUR, QUANT. En ce qui regarde.

Pour est une préposition génér le, de tous les styles, sans étymologie bien significative, sans

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caractère particulier. Il n'en est point du tout de même de quant, dérivé du latin quantum, autant que, combien.

Pour s'emploie partout indifféremment; mais quant n'est guère de mise que dans le didactique, dans les comptes, où il s'agit de quantité, dans les discussions, dans les controverses. Toute personne dira qu'elle en estime une autre pour ses qualités; mais, en termes d'école, un philosophe étudie ou considère l'homme quant à sa nature et à ses facultés spirituelles.

Au commencement d'une phrase, pour marque transition à une autre chose. « Sésostris écoutait ceux de ses sujets qui.... Pour les étrangers, il les recevait avec bonté. FÉN. « Pour les seconds Assyriens, la plupart des Grecs les ont entièrement ignorés. » Boss. « Pour le corps de Brutus, il fut levé du champ de bataille et porté à Rome. ROLL. Quant à annonce un nouvel article. « Quant à tel article. » ACAD. « Voilà comment nous avons adouci les choses à l'égard des bénéficiers. Quant aux prêtres, nous avons plusieurs maximes qui leur sont assez favorables. PASC. « C'est l'ignorance du fait. Mais, quant à celle du droit, voyons si Aristote est de l'avis du P. Bauny. » ID. « Quant au second sujet de plainte, le consul songea réellement à y satisfaire. ROLL. - Je lui souhaiterais (à son petit-fils) un peu plus de penchant pour la lecture. Pour Pauline, ce. dévoreuse de livres, j'aime mieux qu'elle en avale de mauvais que de ne point aimer à lire : les romans, les comédies.... Ensuite, il faut l'histoire.... Quant aux beaux livres de dévotion, si elle ne les aime point, tant pis pour elle. » Sév.

Devant le mot moi, pour et quant forment deux locutions qui demandent à être distinguées avec le plus grand soin.

D'abord, pour moi est d'un usage universel; au lieu que quant à moi est commun et inusité dans le haut style. Pour moi se trouve souvent dans les tragédies de Racine et de Corneille, jamais ou très-rarement quant à moi.

Pour moi, quelque péril qui me puisse accabler....

RAC. Pour moi, qui le premier secondai vos desseins.... ID. Pour moi, quoique banni du rang de mes aïeux.... ID. Pour moi, j'ai su déjà par mes brigues secrètes.... ID.

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Pour moi, je sens les miens (mes maux) avec plus Pour moi, je ne vois rien, dans le trouble où je

suis, Qu'un gouffre de malheurs, qu'un abime d'ennuis. ID.

En revanche, quant à moi est une expression dont se servent assez fréquemment Molière et Lafontaine. « Le connaissez-vous? Non, quant

à moi. MOL.

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Quant à moi, j'ai toujours gardé cette coutume.
LAF.

Quant à moi, je voudrais ne mourir que ridée. ID. Charmants objets y sont (à Reims) en abondance. Par ce point-là, je n'entends, quant à moi, Tours ni portaux, mais gentilles Galoises. ID. Ensuite, pour moi n'indique dans celui qui parle de disposition d'au cune sorte. Quant à moi convient principalement dans la bouche d'un homme qui se compte et qui veut qu'on le compte, qui se pose, qui a des prétentions. Aussi dit-on bien dans le langage familier, mais dans le langage familier seulement, se tenir ou se mettre sur son quant à moi, pour signifier prendre un air fier, faire le suffisant, le hautain. Vous direz modestement et avec un air de doute, pour moi je penserais, je ferais; vous direz avec fermeté et d'une manière résolue, quant à moi je pense, je fais.

1° POURQUOI (C'EST), AUSSI ; - 2 PAR CON SÉQUENT, DONC, PARTANT; 3° AINSI. Conjonctions et locutions conjonctives servant à marquer une raison, non pas qu'on va donner comme car, en effet, parce que, etc., mais qui a été donnée.

Il y a d'abord une différence considérable entre c'est pourquoi et aussi, d'une part, par conséquent, donc et partant, de l'autre. C'est pourquoi et aussi expriment un rapport de cause à effet; par conséquent, donc et partant, un rapport de prémisses à conséquence. Il tomba malade; c'est pourquoi ou aussi, c'est-à-dire à cause de cela, il remit son voyage; ou, en renversant les deux membres de la phrase, il remit son voyage à cause qu'il tomba ou parce qu'il tomba malade. L'âme est immatérielle, par conséquent, donc ou partant, c'est-à-dire cela étant posé en principe, elle est immortelle, il s'ensuit qu'elle est immortelle; ou, en prenant un autre tour, l'âme est immortelle, puisque ou car elle est immatérielle. C'est pourquoi et aussi se disent dans l'ordre des faits, des événements, pour en indiquer la suite ou les expliquer, en physique et en histoire, par exemple; par conséquent, donc et partant ne conviennent que dans l'ordre des idées, quand on déduit, particulièrement dans le langage de l'école et des sciences exactes.

1° C'est pourquoi, aussi. Conjonctions explicatives à cause de cela, par cette raison ou par ce motif.

:

pourquoi, est l'expression commune. « Il est cerC'est pourquoi, voilà pourquoi, c'est la raison tain qu'Aristote est en effet un esprit très-vaste et très-étendu; et c'est pourquoi il a très-bien réussi en ce qu'il a dit des passions. » P. R. « Les hommes du monde osent bien se persuader qu'ils ne seront pas tout à fait morts, tant que leur nom fera du bruit sur la terre. C'est pourquoi la réputation leur paraît comme une seconde vie. Boss. « Les armes de Grignan sont sur la porte; vous les aimez, c'est pourquoi je vous en parle. SÉv. « Je pourrai bien n'être pas en état de vous écrire de cinq ou six jours; c'est pour quoi je vous écris aujourd'hui une si longue lettre. RAC. « Scipion ne douta point que les Gaulois ne courussent aux armes comme des fu

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rieux. C'est pourquoi il partit secrètement vers | et partant jaloux. Vous avez signé au contrat, la fin de la nuit suivante. » ROLL. et partant vous êtes obligé; reçu tant, payé tant, et partant quitte.

Aussi, autant, est bref, énergique; il établit entre les deux propositions qu'il lie un rapport étroit, une sorte d'identité ou d'égalité de valeur, et, pour le sens, il annonce une cause tout à fait déterminante ou une raison décisive: Cet homme est méchant, aussi est-il détesté, « Le maréchal de Brissac n'était pas de moitié près si fort que le duc d'Albe; aussi ne s'opiniâtra-t-il pas au siége qu'il avait commencé. » Boss. « Le roi Léopold de Lorraine fit du bien à ses sujets.... Aussi a-t-il goûté le bonheur d'être aimé. » VOLT. « Cet objet (l'éducation) me tenait au cœur plus que tous les autres. Aussi de tous les sujets dont je viens de parler, celui-là est-il le seul que j'ai conduit à sa fin. » J. J. « Camille s'était montré le plus grand capitaine de son siècle aussi fut-il regardé comme le père et le second fondateur de Rome. » ROLL.

:

2o Par conséquent, donc, partant. Conjonctions déductives d'où il suit que, de là il résulte ou il faut conclure que.

α

:

Par conséquent sert à énoncer une conséquence, et donc une conclusion. Dieu est parfait, par conséquent il est juste; Dieu est parfait, donc il est juste. Par conséquent il est juste, c'est-àdire il s'ensuit essentiellement, en soi, qu'il est juste; donc il est juste, c'est-à-dire j'en conclus, on en conclut, on en doit conclure selon les règles de la logique, qu'il est juste. Par conséquent fait penser à la nature des choses, et donc au discours. Par conséquent complète l'idée ; donc achève le raisonnement. « On ne doute point que nous ne soyons justifiés par la foi. Or celui qui croit sait qu'il croit: il est donc absolument assuré de sa foi et par conséquent de son salut. » Boss. « C'est visiblement un désordre qu'un esprit capable de connaître et d'aimer Dieu, et par conséquent fait pour cela, soit obligé de s'occuper des besoins du corps. Donc, l'âme étant unie au corps, il a fallu qu'elle fût avertie par des preuves d'instinct du rapport que les corps ont avec celui que nous animons. MAL. « Un monde rempli d'une infinité d'animaux ne coûte pas plus à Dieu qu'un autre, et porte par conséquent autant que tout autre le caractère de l'immutabilité divine. Il ne faut donc pas s'étonner que Dieu ait fait un si grand nombre d'insectes. » ID. En outre, par conséquent est preferable quand il s'agit d'une conséquence qui dérive immédiatement, sans conteste, de ce qui précède; et donc, au contraire, quand il faut un certain travail pour faire sentir le rapport qui existe entre l'antécédent et le conséquent. Si l'indulgence augmente l'amour, elle augmente par conséquent la douleur (Boss.); il est de fait qu'on ne baptisait pas les enfants, donc il est démontré qu'on était bien loin de les damner (VOLT.).

Partant. - Ce mot qui semble si nécessaire dans le raisonnement commence néanmoins à vieillir et à n'être plus guère bien reçu dans le beau style. » VAUG. Aujourd'hui c'est décidément un archaïsme, si ce n'est dans le langage familier ou en termes de pratique ou de comptabilité. Plus d'amour, partant plus de joie : amoureux

3o Ainsi,

Ainsi, de cette manière ou de cette sorte, le choses étant ainsi ou dans cet état, est une expression faible et vague, qui signifie une simple condition plutôt qu'une raison proprement dite

Parmi les conjonctions explicatives, elle es avec aussi dans une opposition manifeste; et parmi les conjonctions déductives, ce qui prouve qu'elle a moins de force que par conséquent et donc, c'est qu'on dit en enchérissant : ainsi par conséquent, ainsi donc. Le temps est au beau; ainsi nous partirons demain pour la campagne. « Les religieuses de Port-Royal étaient fort serrées dans ce monastère, situé dans un lieu fort humide et dont les bâtiments étaient extrêmement bas et enfoncés. Ainsi les maladies y devinrent fort fréquentes. » RAC. Entre les circonstances citées par l'auteur et la grande fréquence des maladies il n'y a pas de rapport nécesssaire, mais une simple convenance. < Le prince de Condé était dans cette armée, mais il ne com mandait pas ainsi il ne fut pas difficile à Turenne de vaincre. » VOLT. De ce que le prince de Condé ne commandait pas une armée il ne s'ensuivait pas rigoureusement que Turenne dût la vaincre. Un pécheur (le bon larron) s'est converti à l'heure de la mort, ainsi ne desespérez pas. Voilà une simple induction fondée sur un exemple.

POUVOIR, PUISSANCE, FACULTÉ. Ces mots sont pris ici comme signifiant dans un sujet une disposition qui le rend capable de quelque effet.

D

Pouvoir a déjà été distingué de puissance dans la Ire partie, p. 22 et 23. Il diffère de même de faculté. Le pouvoir est une disposition effective ou en action; la puissance et la faculté sont des dispositions inhérentes à un sujet et considérées en lui seul. On exerce un pouvoir; on a une puissance ou une faculté. « Quand, étant enfermé, vous voulez rester chez vous, vous exercez le pouvoir que vous avez de demeurer; vous avez cette puissance, mais vous n'avez pas celle de sortir. » VOLT. Le pouvoir sert à réaliser et à manifester la puissance et la faculté. « Nous connaissons ces facultés par le pouvoir que nous avons de les exercer.» LAH. - Une idée d'action, de fait, d'exécution est inséparable de celle de pouvoir: on dit particulièrement bien le pouvoir d'agir; un pouvoir passif serait une contradiction dans les termes. Une idée d'état, de qualité constamment possédée par un sujet, indépendamment de tout développement, s'attache aux mots puissance et faculté: on dit puissance passive et faculté passive; on dit les puissances et les facultés de l'âme, et non pas ses pouvoirs. Le mot pouvoir appliqué à l'âme ne convient qu'à sa liberté, c'est-à-dire à sa capacité d'agir, avec ou sans rapport aux secours qu'elle peut avoir.

Puissance, faculté. Dispositions ou capacités virtuelles, non actuellement agissantes ou en exercice, mais conçues comme attributs d'un sujet.

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Puissance annonce quelque chose de plus grand, de plus noble et de plus général : la puissance est d'un être puissant, et la faculté d'un être qui a la propriété de faire (facere). « La nature, indépendamment de ses hautes puissances qui se déploient par des effets universels, a de plus les facultés de nos arts qu'elle manifeste par des effets particuliers; elle sait fondre et sublimer les métaux, cristalliser les sels, etc. >> BUFF. << Il faut que la puissance exécutive n'ait de part à la législation que par sa faculté d'empêcher, et non par sa faculté de statuer. » MONTESQ. Dans le style ordinaire on dit les facultés, et dans le style élevé les puissances de l'âme. « La tête est le chef où domine la raison. et où résident les plus nobles puissances de l'âme.» BOURD. -( L'autruche est privée, par sa grandeur même, de la principale prérogative des oiseaux, je veux dire la puissance de voler.... Aucun des oiseaux dont la masse approche de celle de l'autruche n'ont ni ne peuvent avoir la faculté de voler. » BUFF.

En second lieu, puissance signifie plutôt une capacité physique, une force, et faculté une capacité spirituelle. « Les puissances naturelles sont les facultés de l'âme ou du corps, l'entendement, la volonté, la mémoire, les cinq sens, la puissance de marcher. » P. R. « Il faut une cause première qui donne aux objets sensibles la puissance d'agir sur moi, et qui me donne à moi la faculté de recevoir cette action en sentiments et en idées. » MARM.

PRÉCÉDER, DEVANCER. Aller, venir, se produire, non pas après les autres, mais avant, le premier.

Précéder, de præ cedere, passer avant, marque un avantage de rang ou de place: le chapitre qui précède et le chapitre qui suit. Devancer, aller en avant, marque un avantage d'activité, de diligence ou de progrès: devancer quelqu'un à la course. Celui-là précède qui, sans quitter les autres, est à leur tête, ouvre la marche, a le pas sur eux; celui-là devance les autres qui s'en sépare et s'en éloigne le plus possible, en gagnant les devants pour gagner de vitesse. A l'égard d'une armée en marche, on dit que les chefs la précèdent, et que les coureurs la devancent. On précède dans une marche, dans une assemblée, on y a le dessus, le haut bout, la préséance; on devance à la course, au concours, on l'emporte sur ses concurrents, on les passe.

La chose ou la personne qui en précède d'autres a celles-ci derrière elle, sans faire effort, sans peut-être même agir, sans aller ou se mouvoir proprement, il suffit qu'elle soit : c'est ainsi que dans une église la nef précède le choeur, c'està-dire est placée avant; et dans une assemblée vous précédez, quoique assis, et vous ne devancez pas. Mais la personne ou la chose qui devance laisse les autres derrière elle; elle agit, court ou se développe nécessairement quand nos facultés entrent en action, l'imagination la plus active de toutes, les a bientôt devancées (J. J.). Dans l'ordre de mérite ou de dignité la théorie précède la pratique; mais dans l'ordre d'apparition on trouve que c'est la pratique qui a devancé la

théorie. Ce qui précède a la priorité; ce qui devance l'a prise ou gagnée. Le premier en ordre, de droit ou de fait, qu'il s'agisse de situation ou de marche, précède les autres; qui sait dépasser les autres, et arriver avant eux, les devance.

Lorsque ces mots expriment un rapport de temps, précéder indique préexistence, et devancer une avance sur des concurrents, une priorité conquise. Hésiode a précédé Homère; les Chaldéens ont devancé les autres peuples dans l'observation des astres. Les ténèbres ont précédé la lumière; l'aurore devance le soleil. La découverte de l'Amérique a précédé celle des Indes orientales; les Portugais ont devancé les autres nations dans la découverte des terres inconnues. Dans l'acte de la volonté, lorsqu'il est complet, la délibération précède la détermination, y préexiste, a sa place avant; dans les âmes bien nées, la vertu devance l'âge, prend l'avance sur l'âge.

PRÉCIPICE, GOUFFRE, ABÎME. Cavités ou profondeurs considérables.

Précipice, de præ, en avant, et de caput, tête, représente un lieu où on va la tête en avant, où on est précipité, jeté de haut en bas. Gouffre, écrit anciennement goulphe ou goulphre, vient peut-être du grec xóλños, par corruption xóλpoc, golfe, baie, enfoncement, ou bien de gula, gorge, gueule, et de vorare, dévorer; ce qui est conforme au sens très-certain du mot, ouverture qui dévore, absorbe ou engloutit. Abime, comme le grec άovacos et le latin abyssus, signifie étymologiquement sans fond: l'abîme est quelque chose qui n'a pas de fond, qui n'a rien qui le détermine cu le borne par en bas.

On tombe donc dans le précipice, on s'y jette ou on y est jeté; le précipice a des bords escarpés du haut desquels on est entraîné d'une manière périlleuse. « Lorsqu'un aveugle en conduit un autre, ils tombent tous deux dans le précipice. MAL. « Il la posa sur le bord d'un fleuve dont la rive extraordinairement haute et fort escarpée pouvait passer pour un précipice plus horrible que le premier. » LAF.

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ID.

Sur le penchant des précipices. « Il faut que je marche par mille sentiers détournés, environnés de toutes parts de précipices fameux par la chute de tant de personnes. >> Boss. « Les chrétiens regardent les dignités comme des écueils, la grandeur comme le haut d'un précipice. » MASS. « Le sentier par où on monte à la tyrannie est rude et escarpé, mais il n'y a point de chemin pour en descendre: on n'en sort que pour tomber dans le précipice. » FÉN. « M. Manlius repousse avec son bouclier un des barbares qui embrassait déjà les créneaux du Capitole et le renverse dans le précipice. » ROLL.

On est englouti dans le gouffre; le gouffre est là béant pour saisir et faire disparaître tout ce qui y tombe ou en approche. « Je vois (dans la mer) ces gouffres dont on n'ose approcher, qui semblent attirer les vaisseaux pour les engloutir. » BUFF. « Les baleines et les cachalots ouvrent le gouffre de leur énorme bouche pour

engloutir des colonnes de harengs.» ID. « On a prétendu qu'il y avait dans le voisinage de Kilan deux gouffres où les eaux de la mer Caspienne étaient englouties. » ID. « Quand il vous faudrait être jeté dans la mer et englouti par une baleine, le sein affreux de ce gouffre vivant sera un temple pour vous. » Boss. « Notre navire devient le jouet et la victime du violent Zéphire il nous porte dans le gouffre de Charybde. » FÉN. « Plusieurs (des assiégeants) tombaient des rochers dans la rivière, qui les engloutissait dans ses gouffres. ROLL.

D

et comme anéanti; biens, joies, félicité, espé rances, tout y passe.

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Ce qui caractérise l'abime, c'est l'illimitation, l'incommensurabilité. « Les Juifs trouvaient bean de se perdre dans un abîme infini de temps qui semblait les approcher de l'éternité. » Boss. « L'homme considère avec curiosité les abíme presque infinis dont il est environné de toutes parts. FÉN. « Il y a entre telle et telle condition un abime d'intervalle si immense et si profond, que les yeux souffrent de voir de telles extrémités se rapprocher.» LABR. « Une fatale révolution entraîne tout dans les abîmes de l'éternité : les siècles, les générations, les empires, tout va se perdre dans ce gouffre; tout y entre et rien n'en sort. MASS. — Abîme désigne ce qu'il y a de plus vaste, de plus étendu, mais sans l'idée funeste de destruction attachée à gouffre. Les bâtiments sont des abîmes (ACAD.), on y dépense énormément, mais non pas tout à fait en vain; au lieu que dans le goussre du jeu les fortunes vont se fondre et se perdre (MASS.). Dans un abîme de malheurs on est au comble de l'infortune; dans un gouffre de malheurs, quoique peut-être l'infortune soit moins grande, moins signalée, on souffre davantage, on est en proie à des maux plus sensibles, plus dévorants: Marius, Les abimes profonds qui s'offrent devant moi. Rac. à Minturnes, se trouve dans un abîme de misères Au figuré, mêmes nuances. Précipice annonce une chute, une ruine, une disgrâce, un renversement.

L'abîme est d'une profondeur immense; on ne peut le sonder, en trouver le fond, on s'y perd. Etre caché dans les plus profonds abimes (MASS.). Il parut à Pyrrhon que la vérité était cachée au fond d'un abime. » FÉN. «L'impiété se creuse elle-même un abîme sans fond.» ID. << Fussiez-vous au fond des abimes, la main de Jupiter pourrait vous en tirer. » ID. « Ces vallées de la mer semblent être des abîmes de profon- | deur. BUFF. « La lumière du jour (dans les déserts) étend autour de l'homme l'abîme de l'immensité qui le sépare de la terre habitée. » ID. Dieu ouvre un chemin aux astres dans l'abîme immense de l'espace infini (VOLT.).

D

Je frémis quand je voi

Crois-tu que, toujours ferme aux bords du précipice,

Elle (ta femme) pourra marcher sans que le pied lui glisse? BOIL.

Vois-je l'Etat penchant au bord du précipice? RAC. Lafontaine dit en parlant du malheur de Fouquet disgracié:

Voilà le précipice où l'ont enfin jeté
Les attraits enchanteurs de la prospérité.
L'hymen...

Pouvait lui préparer des destins plus propices
Qu'un rang plus élevé, mais sur des précipices.
VOLT.

De son malheur prochain nous sommes les com-
plices,

Nous l'avons amené au bord des précipices. REGN. Gouffre donne l'idée de voracité, de quelque chose d'ouvert, de prêt à recevoir ou à prendre et à consumer sans retour. Le gouffre de l'oubli, du passé (ACAD.). « Les villes sont le gouffre de l'espèce humaine. Au bout de quelques généra- | tions les races périssent........ » J. J. « L'Allemagne devint un gouffre qui engloutissait le sang et l'argent de la France. » VOLT. « Ces maisons (les couvents) sont toujours ouvertes comme autant de gouffres où s'ensevelissent les races futures. >> MONTESQ. Il se dit particulièrement bien de ce qui absorbe beaucoup d'argent; les maisons de jeu sont des gouffres (ACAD.); c'est un gouffre qu'un grand dissipateur (ACAD.). « Le jeu engloutit tout; ils jettent dans ce gouffre des sommes immenses.» Boss. « Je ne m'étonne pas qu'il y ait des brelans publics, comme des gouffres où l'argent des particuliers tombe et se précipite sans retour. LABR. Dans un gouffre de malheurs, de maux ou de misères, on est dévoré

(ROLL.); le mauvais riche en enfer est dans un gouffre de tourments (Mass.). On dit un abime de délices (FÉN.), et un gouffre d'horreur (CORN.). - D'ailleurs abîme a cela de particulier, qu'il s'emploie quelquefois en parlant de choses difficiles à comprendre, où l'esprit se perd, ne trouve pas de fond. Un abîme de ténèbres (Féx.), un abime de mystère (J. J.); l'infini est un abîme pour l'esprit humain (ACAD.). « Voulons-nous pénétrer dans ces abîmes de la métaphysique qui n'ont ni fond ni rive ? » J. J.

Que sert à mon esprit de percer les abimes

Des mystères les plus sublimes? RAC. PRÉCISION, ABSTRACTION. Séparation faite par l'esprit dans la considération des objets.

La précision sépare des choses véritablement distinctes, et empêche qu'on ne les confonde; c'est une sorte de discernement, de distinction exacte. « Il ne faut pas s'étonner que Renier nous ait raconté plus exactement qu'aucun autre les différences des sectes de son temps. La première dont il nous parle est celle des pauvres de Lyon, et il en rapporte tous les dogmes jusques au: moindres précisions. » Boss. « Il faut recevoir avec respect ce qu'enseignent les prêtres, sans prendre garde à ce qu'ils font. Mais parce que le commun des hommes n'est ni assez spirituel, ni assez équitable pour faire cette précision, on juge communément de l'un par l'autre. » BOURD

a

L'abstraction, au contraire, sépare des choses réellement inséparables, et les examine à part. indépendamment les unes des autres; c'est une sorte d'analyse mentale. « Le peu d'étendue de notre esprit fait qu'il ne peut comprendre parfaitement les choses un peu composées, qu'en les considérant par parties, et comme par les diverses faces qu'elles peuvent recevoir. C'est ce qu'on peut appeler généralement connaître par abstrac

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