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prise contre la loi éternelle et pour un sacrilége plus qu'à l'état. A trente ans, le temps des illucontre la seconde Majesté. » ID.

SYNONYMIE DES VERBES NEUTRES QUI SE CONJU-
GUENT AVEC LES AUXILIAIRES avoir ET être.

Avoir ou être passé, monté, descendu, entré,
abordé, résulté. - Avoir ou être change, em-
belli, disparu. — Avoir ou être échappé, péri,
parti. Avoir cessé, être cessé.. Avoir ou
être demeuré, resté, sorti.
Avoir été, être
allé.

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--

sions est passé, et on se plaint généralement qu'il a passé trop vite. La flotte a passé à Cadix à telle époque (DELAF.); c'est un fait qu'on apprend. Heureusement les conspirations sont passées de énonce. A l'idée d'action propre à l'auxiliaire mode (VOLT.); c'est un état de choses qu'on forment comme le cortège ordinaire, celles des avoir s'en joignent naturellement d'autres qui en circonstances de temps, de lieu, de manière, de motif, au milieu desquelles l'action s'est produite quand, par où, comment, pourquoi a-tPour trouver la règle de distinction, il suffit de il passé, monté, etc.? Rien de tout cela ne conbien saisir le rôle des deux auxiliaires, car en vient à l'auxiliaire être, parce qu'au lieu de eux seuls réside évidemment toute la différence marquer l'action, il exprime l'état, la possession qui puisse exister entre les expressions synony- d'une qualité, comme on s'en convainc en le tramiques de ce genre. Or, ils s'emploient pour mar- duisant, et on le peut toujours, par se trouver. quer, le premier, une action et une action pas- Est-il passé, monté, descendu? "Se trouve-t-il sée, j'ai aimé; le second, un état et un état passé, monté, descendu ? c'est-à-dire dans l'état présent, je suis aimé. Ils doivent immanquable-d'un homme passé, monté, descendu? et le sujet ment garder ces caractères quand ils servent à étant tel, qu'ai-je à faire? où dois-je le cherconjuguer un même verbe neutre. Avoir, l'auxi- cher ? liaire des verbes actifs, exprimera par conséquent un fait et un fait passé; être, l'auxiliaire des verbes passifs, un état et un état présent, résultant de ce fait. Ils formeront avec le même participe, auquel ils sont joints, deux expressions légèrement différentes, l'une plutôt historique, pourtante. Vous avez été témoin de leurs querelles, ainsi dire, ou narrative, l'autre plutôt qualificative; l'une rappelant plutôt le côté verbal du participe, et l'autre son côté adjectif; l'une faisant voir le sujet pendant l'action qui a eu lieu, et l'autre dans l'état qui est résulté de cette action; toutes deux relatives au temps, mais celle-là au temps qu'a duré le fait, et celle-ci au temps depuis lequel le sujet se trouve dans tel état par suite de ce fait. l'application on verra combien le principe est rigoureux, et combien est grande ici la coïncidence entre la logique instinctive du langage et la logique réfléchie de la grammaire.

AVOIR RÉSULTÉ, ÊTRE RÉSULTÉ. Être devenu | le résultat ou la conséquence.

Avoir résulté présente comme événement et comme s'opérant dans le temps passé ce que être résulté signifie comme chose présentement exis

et vous avez vu comment il en a résulté un procès; moi qui n'y étais point, je sais qu'il en est résulté un procès. Les physiciens, qui suivent les actions les plus cachées de la nature, peuvent dire que tels ou tels effets en ont résulté; ils en sont résultés pour le vulgaire. Buffon décrivant la formation de la terre dit : « De la combinaison du mouvement de rotation et de celui de l'attraction des parties il a résulté une figure sphéroïde. » Et ailleurs rappelant un résultat qu'il considère en lui-même et non relativement à son mode de production: « Whiston a si étrangement mêlé la science divine avec nos sciences

1° Parmi les verbes neutres susceptibles de se conjuguer avec avoir et être, on en peut distin-humaines qu'il en est résulté la chose la plus exguer d'abord un certain nombre qui marquent de traordinire du monde, qui est le système que la part du sujet l'action de se mettre dans un nous venons d'exposer. » nouvel état, d'aller d'un lieu à un autre tels sont passer, monter, descendre, entrer, aborder, résulter. Ils méritent un examen à part, à cause de l'analogie de leur signification et de la manière spéciale dont la règle générale s'y adapte. | Composés avec avoir et étre, tous les participes de ces verbes donnent naissance à des locutions qui, prises deux à deux, sont synonymes, à raison de l'identité de leur radical. La synonymie n'est cependant pas absolue, et les verbes dont il est question ne reçoivent pas indifféremment pour auxiliaire avoir ou être. Conjuguez-les avec avoir, vous représentez le sujet pendant qu'il a fait l'action de se rendre d'un lieu à un autre; si vous le conjuguez avec étre, vous montrerez le même sujet comme étant dans tel état par suite de cette action. La procession a passé ici, sous mes fenêtres, je l'ai vue; en parlant ainsi, je songe à l'action de la procession qui passait. La procession est passée, ne l'attendez plus; c'est ce que je réponds à celui qui me demande s'il vient à temps pour la voir, parce qu'alors je ne pense

2o Une seconde espèce de verbes neutres prenant tantôt l'auxiliaire avoir, tantôt l'auxiliaire être, est celle de ceux qui signifient que le sujet est mis dans un certain état, qu'il devient tel ou tel: avoir et être changé, embelli, etc. Quand ils prennent avoir, ils rappellent l'action ou l'opération qui a mené à cet état; et s'ils se conjuguent avec être, ils se rapportent tout à l'état et nullement au fait. Les propositions dans lesquelles entre avoir sont propres à représenter le sujet comme étant devenu dans et pendant tel temps, successivement, progressivement, de telle manière et par tel moyen, ce qu'il est. Celles où le même participe est composé avec être sont simplement énonciatives d'une qualité, et signifient simplement que le sujet est ou se trouve ce qu'il est, sans autre indication, si ce n'est quelquefois celle du degré. - « Vous avez disparu comme un éclair. » J. J. « Maintenant ma première âme est disparue, et je suis animé de celle que tu m'as donnée. » ID. l'état de tout le corps de la nation ont change

1« Les mœurs et

J'ai retenu le chant, les vers m'ont échappé. J. B. ROUSSEAU.

d'âge en âge.» FÉN. « Quand notre langue sera | qui supposerait son existence. Pour être tel ou changée, le dictionnaire servira à faire entendre tel, dans tel ou tel état, il faut d'abord être. les livres dignes de la postérité. » ID. « Cet homme est changé à ne pas le reconnaître. » ACAD. - « Depuis qu'il a perdu son libertin de fils aîné, tu sais comment tout a changé pour nous. » BEAUM. On dirait: tu sais comme ou combien (MARM.) cette personne ou cette chose est changée.

On pourrait aisément appliquer la règle à chaque exemple en particulier, et la justifier par de nombreux passages des écrivains les plus scrupuleux sur le choix des mots; mais la facilité même de ce travail nous l'interdit. L'intelligence du lecteur saura bien y suppléer.

3° Cette distinction conduit à une remarque importante qui n'a encore été faite par aucun grammairien. Si l'action qu'exprime le verbe est telle qu'elle anéantisse le sujet, celui-ci ne pouvant plus être qualifié après l'action qui le détruit, le verbe ne devra s'employer qu'avec avoir. Si, au contraire, l'action est très-courte, instantanée, ou que l'état du sujet, après l'événement, soit de nature à préoccuper, on se servira plus volontiers d'être que d'avoir. Les trois exemples qui suivent rendront la chose évidente.

AVOIR ÉCHAPPÉ, ÊTRE ÉCHAPPÉ. On dit également d'un cerf, qui s'est mis hors de la portée des chiens : il a échappé, et il est échappé aux chiens.

Il leur a échappé peint le fait, l'événement; il leur est échappé signifie l'état où la bête se trouve en conséquence. Il leur a échappé, c'est à-dire que, par ses ruses, par ses détours, par la légèreté de sa course, en un mot par son action, il a évité d'être pris ou saisi par eux; il leur est échappé, c'est-à-dire que, grâce à l'action qui l'a soustrait à leur poursuite, il est dans un état à ne plus craindre cette poursuite. En agissant il a échappé, et, depuis qu'il a échappé, il est échappé. Il en est de même de celui qui a échappé relativement à celui qui est échappé à la mort. Il tenait mal sa canne, elle lui a échappé; elle a fait l'action de choir : sa canne, dont il a besoin, lui est échappée, ramassez-la-lui; elle est dans l'état postérieur à la chute.

Mais voici une autre différence essentielle. Quand vous parlerez d'une chose dite ou faite par imprudence, par indiscrétion, par mégarde, par négligence, servez-vous toujours du verbe être, parce que la chose dite ou faite, subsistant après l'action, est propre à être qualifiée en raison de cette action.

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« Le véritable sens avait échappé à tous les traducteurs. ACAD. « Jamais il ne m'a échappé une seule parole qui pût découvrir le moindre secret. » FÉN.

AVOIR PÉRI, ÊTRE PÉRI. Être mort, avoir succombé à une cause de destruction.

Régulièrement, avoir péri donne l'idée de l'événement, du fait qui a amené la cessation de l'existence, de l'époque de ce fait, de sa manière et de ses moyens. « Louis II, roi de Hongrie, avait péri dans les plaines de Mohatz, lorsqu'en 1526, Soliman II couvrait ces plaines de morts. » VOLT. Etre péri indique l'état qui résulte de l'action de périr, l'état de ce qui a été et n'est plus. Toutefois, et malgré l'exemple de Pascal, de Bossuet, de Lafontaine, de Mme de Sévigné, de Boileau, de Fénelon, de J. J. Rousseau, l'Académie ne paraît point admettre être péri, pas plus que être expiré dans le sens de Racine, « ce héros expiré, » et tout homme de goût répugne à l'employer. La raison en est qu'on a bien de la peine à considérer une chose comme étant telle ou telle, dans tel ou tel état, quand elle n'est plus, quand elle a péri. — On peut expliquer de même, mais en sens opposé, pourquoi, au contraire, on conjugue toujours le verbe tomber avec être. L'état de la chose, après la chute, est trop important pour ne pas nous préoccuper tout entiers: la chute, d'ordinaire instantanée, n'intéresse qu'en raison de l'effet qui en résulte. L'attention se porte d'abord et exclusivement sur la chose qui est là, affectée de telle ou telle manière : il faudrait, pour la considérer à son point de départ et pendant le chemin qu'elle parcourt si vite, une liberté d'esprit dont on est incapable; on ne la voit qu'à son terme, et telle que l'action l'a faite.

AVOIR PARTI, ÊTRE PARTI. Avoir quitté un lieu, être allé ailleurs.

On dit plus volontiers, il est parti, parce qu'on songe presque toujours à l'état de la personne partie, absente, et aux conséquences de son départ il est parti, il ne se trouve plus ici, je ne le reverrai plus, il habite un lieu éloigné, il va peut-être tomber malade, etc. Mais on dira bien d'un lièvre, il est parti, et il a parti: il est parti, c'est-à-dire, il n'est plus ici, ne le cherchez plus ici; il a parti, c'est-à-dire qu'il a pris la fuite, qu'il s'est soustrait aux poursuites, et qu'il est perdu pour le chasseur; ce qui doit empêcher de le qualifier par la phrase, il est parti. En parlant

« Il vous est échappé deux cruelles lignes contre de la décharge d'une arme à feu, on dira touBayle.» ID.

Peut-être, si la voix ne m'eût été coupée, L'affreuse vérité me serait échappée. RAC. Que si vous voulez faire entendre, au contraire, qu'une chose n'a pas été dite ou faite, quelle qu'en soit la cause, il faudra toujours préférer aroir, parce que la chose non dite ou non faite ne subsistant pas après l'oubli ou l'omission, ou plutôt ne subsistant pas, sa production n'ayant pas eu lieu, ne peut pas recevoir de qualification

jours, le coup a parti. « Le fusil avait parti sans que le chasseur y pensât. » S. S. Si on disait le coup est parti, cela signifierait le coup subsiste, se trouve étant parti; mais on ne peut pas le considérer comme ayant telle ou telle qualité, comme étant dans tel ou tel état, après qu'il a été anéanti par le départ.

4° Une autre conséquence résulte de la distinction générale. Avec avoir le verbe neutre décrit, raconte, c'est-à-dire exprime quelque chose de

temporaire et d'accidentel; avec étre il qualifie, | « J'ai demeuré captif en Egypte comme Phéni

c'est-à-dire énonce quelque chose de fixe et de durable. Cette différence est bien sensible dans avoir cessé et étre cessé.

AVOIR CESSÉ, ÊTRE CESSÉ. Ne plus agir, ne plus se faire sentir.

cien. » Et ailleurs il dit : « L'école d'Epicure est demeurée perpétuellement dans une égale splen deur.» «Quel temps avez-vous demeuré en Angleterre?» MoL., se demande à un homme qui n'est plus en Angleterre. Mais si, revenu d'Angleterre, j'y ai laissé un ami, je dirai, il est demeuré en Angleterre, pour tel ou tel motif, dans telle ou telle intention.

Le premier marque un fait, et tout fait est relatif, passager, accidentel; le second, une qualité, et toute qualité est plus ou moins permanente. De là, entre ces deux expressions une Du reste, ce double point de vue convient aussi différence particulière, outre celle qui est com- quelquefois aux verbes neutres qui marquent mune à tous les synonymes de cette classe. Con-action. Dire qu'une personne a sorti, c'est supdillac l'a bien saisie, mais ne l'a pas bien expli- poser qu'elle est rentrée, ce qui n'est pas supposé quée. Quand on dit la fièvre a cessé, on pré- dans elle est sortie. sume qu'elle reviendra, on a au moins tout lieu de le craindre. La fièvre a cessé signifie donc qu'elle a cessé momentanément, qu'elle a cessé d'agir pour recommencer. « La fièvre lui a duré continue pendant trois ou quatre jours, et puis a cessé puis il est venu un redoublement que nous ne croyons pas dangereux. » LAF. Mais, quand on dit la fièvre est cessée, c'est qu'on juge qu'elle ne reviendra pas; cessée est un adjectif, comme le prouve son accord avec le sujet, et c'est pourquoi il représente la cessation comme un état ou une qualité, c'est-à-dire comme quelque chose de durable et non comme un accident. Le fléau de la contagion qui désolait nos provinces est enfin cessé. MASS.

Où sont-ils ces maris? La race en est cessée. LAF. 5° Malgré la différence réelle reconnue en commençant entre deux espèces de yerbes neutres, signifiant, les uns que le sujet fait l'action qui le met dans un nouvel état, et les autres qu'il la subit, ils ont pourtant cela de commun, qu'ils marquent une action d'où résulte un état; et ce qui fait qu'ils se conjuguent avec avoir ou avec étre, c'est principalement qu'on se propose en les employant, ou bien de rappeler l'action, ou bien d'arrêter l'esprit sur l'état.

Mais deux verbes neutres, demeurer et rester, se tenir ou s'arrêter en certain lieu, pendant un certain temps, expriment essentiellement l'état. Les locutions synonymiques avoir et être demeuré ou resté ne peuvent donc pas différer en ce que la première désignerait une action et la seconde un état.

Il faut se rappeler ici le second caractère distinctif des deux auxiliaires: avoir n'est pas seulement réservé pour l'actif, mais aussi pour le passé; et étre est tout ensemble significatif de l'état et relatif au présent. En conséquence, avoir demeuré ou resté désignera l'état comme un fait dans le passé; étre demeuré ou resté le désignera comme une qualité possédée dans le présent. Avec avoir, on fera entendre que le sujet n'est plus dans le lieu dont il est question, qu'il n'y était plus ou qu'il n'y sera plus à l'époque dont il s'agit; et avec être, on exprimera que le sujet est encore au lieu dont il est question, qu'il y était encore, ou qu'il y sera à l'époque dont il s'agit. J. J. Rousseau dit, en parlant de deux envois qu'il a reçus: «Ils ont demeuré très-longtemps en route.» Et ailleurs : « Les premiers traits qui se sont gravés dans ma tête y sont demeurés.»- De même, Fénelon fait dire à Télémaque devant Calypso:

C'est aussi de cette manière et pour la même raison qu'on doit distinguer les deux expressions, avoir été quelque part, et y être allé. Qui a été dans un lieu en est revenu ou sorti; qui y est allé, s'y trouve encore. « Tous ceux qui ont été à Rome n'en sont pas meilleurs : tous ceux qui sont allés à la guerre n'en reviendront pas. Lucinde a été au sermon, et n'en est pas devenue plus charitable pour sa voisine. Céphise est allée à l'église, où elle sera moins occupée de Dieu que de son amant. » GIR.

SYNONYMIE DES ADVERBES ET DES PHRASES
ADVERBIALES.

Sagement, avec sagesse; littéralement, à la lettre;
abondamment, en abondance; forcément, de ou
par force. Aveuglément, à l'aveugle; vaine-
ment, en vain. ·Sottement, en sot. Etc.

L'adverbe est du nombre des mots que les dictionnaires définissent toujours par des locutions prétendues synonymes, c'est-à-dire en apparence équivalentes et plus ou moins différentes en réalité. Jamais il n'y a parfaite identité entre l'adverbe et son explication; défaut de justesse inėvitable, mais de grande conséquence, parce que l'explication étant souvent aussi usitée que l'adverbe lui-même, il en résulte pour celui qui parle ou écrit, indécision, embarras. C'est au synony miste à lever toute difficulté.

La seule règle de distinction vraiment générale et applicable à tous les exemples se tire du rôle grammatical de l'adverbe. Il accompagne toujours le verbe, comme l'adjectif le substantif. Aussi existe-t-il entre l'adverbe et le verbe une espèce d'affinité ou d'alliance intime: l'adverbe prend la livrée du verbe, il se teint de ses couleurs, il participe de ses diverses nuances. Il rappelle une action et un agent; il exprime un fait ou quelque chose d'effectif, quelque chose qui se passe, et il a un certain rapport à un sujet qui agit; ou, pour le dire en termes trèsabstraits, mais précis, il est marqué d'un caractère de phénoménalité ou de contingence et d'un caractère de subjectivité.

Mais la différence que cette règle peut servir à faire trouver entre l'adverbe et la phrase adverbiale n'est pas la seule ou est la seule qu'il y ait, suivant que, de son côté, la phrase adverbiale est telle ou telle. De là la nécessité de distinguer plusieurs cas, eu égard à la nature de la phrase adverbiale, la nécessité par conséquent de partager en

eux-mêmes. Cet écrivain dit encore, au sujet de J. B. Rousseau : « Il pense hautement: il peint bien et avec force. » Voltaire a dit de même : « Cet avocat me paraît un homme de mérite qui pense sagement et qui agit avec noblesse. »

plusieurs classes les synonymes provenant de la | rieure qui n'oblige point à porter l'attention sur comparaison de l'adverbe avec son explication. La phrase adverbiale se compose toujours d'une préposition et d'un substantif. Mais ce substantif n'est pas toujours du même genre. Tantôt c'est un substantif abstrait (sagement, avec sagesse; littéralement, à la lettre; abondamment, en abondance; forcément, de ou par force); tantôt c'est un adjectif pris substantivement (aveuglément, à l'aveugle; vainement, en vain); et tantôt c'est un substantif qualificatif (sottement, en sot; héroïquement, en héros, etc.).

Or, la nature du substantif, contenu dans la phrase adverbiale, paraît être la seule chose importante à considérer du côté de celle-ci, pour en déterminer l'opposition avec l'adverbe. Donc, puisqu'il peut entrer dans la phrase adverbiale trois différentes sortes de substantifs, il faut, dans trois articles séparés, mettre l'adverbe en rapport avec chacune des trois espèces de phrases adverbiales que ces substantifs servent à composer. Adverbe et phrase adverbiale substantive; adverbe et phrase adverbiale adjective; adverbe et phrase adverbiale substantive-qualificative; voilà les trois titres sous lesquels le sujet doit être successivement examiné.

§ I. Adverbe et phrase adverbiale substantive. 1° La phrase adverbiale étant composée d'un substantif abstrait et de la préposition avec. Sagement, avec sagesse ; hautement, avec hauteur; moderément, avec moderation; fortement, avec force; noblement, avee noblesse; ardemment, avec ardeur; passionnement, avec passion; soigneusement, avec soin; attentivement, avec attention; certainement, avec certitude. D'abord la règle de distinction indiquée cidessus comme pouvant être employée dans tous les cas où il est question de mettre une différence entre un adverbe et une phrase adverbiale quelle qu'elle soit, trouve ici son application naturelle et conduit à un résultat aussi clair que certain. L'adverbe est pour le verbe ce qu'est l'adjectif pour le substantif. Il s'y ajoute et le qualifie. De cette concomitance habituelle naît pour l'adverbe, relativement au verbe, une certaine analogie de signification : c'est d'ordinaire un caractère de subjectivité par lequel l'adverbe se rapporte toujours en quelque manière au sujet de l'action. La phrase adverbiale, au contraire, est de sa nature objective, c'est-à-dire relative à la chose et modificative de la chose.

Ainsi, pour nous faire comprendre immédiatement par un exemple, un plan sagement combiné donne une haute idée du mérite de son auteur; un plan combiné avec sagesse fait entendre que les moyens y sont bien adaptés aux fins. Vous avez sagement fait de quitter cette société; je vous en loue: ses mesures étaient prises avec sagesse; l'ennemi ne pouvait guère échapper. Fénelon a bien senti cette différence dans le passage suivant : « On a donné souvent aux Romains un discours trop fastueux: ils pensaient hautement, mais ils parlaient avec modération. » Modérément formerait un contre-sens, car il s'agit ici des Romains considérés objectivement, dans leurs discours, par rapport à une qualité exté

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En conséquence, on devra dire plutôt aimer (ACAD.), aspirer ou soupirer (J.J.), désirer (FÉN.), demander (ID.), vouloir (ID.), ardemment, et courir (Boss.), chasser (FEN.), suivre quelqu'un (ID.), chercher quelque chose (D'AG.), disputer (S. S.) ou se battre avec ardeur : là le sujet seul est en scène avec ses sentiments intimes; ici on en considère les actions, la conduite extérieure.

«Il doit, au fond de son cœur, désirer ardemment l'expulsion de ses durs maîtres. » J. J. « Je cours, je monte avec ardeur, je m'élance sur les rochers, etc. » ID.-« Je désire ardemment. ô mon Dieu, de jouir de vous et de vous voir.... O moment heureux où!... Courons-y avec ardeur.» Boss.

Même différence entre passionnément et arec passion. L'adverbe arrête les regards sur le sujet seul : la phrase adverbiale, au contraire. « Les sauvages de l'Afrique aiment passionnément la danse et les instruments de musique.» MONTESQ. C'est une qualité envisagée dans le sujet. « Si j'ai faim, je cherche avec passion la nourriture nécessaire. Boss. Il s'agit ici d'une affection considérée hors du sujet, dans ses actions. On dit aimer (MONTESQ., Boss., FÉN.), désirer (ROLL.), souhaiter (Boss., LES.) passionnément, et agir (Boss., PASC.) ou parler (FÉN.) avec passion.

On a mis beaucoup de soin à faire ce qui est soigneusement fait; ce qui est fait avec soin est soigné d'une part, la pensée se tourne vers le sujet; de l'autre, elle se porte vers l'objet. «Elle me conjura que le secret fût soigneusement gardé. » J. J. « Ces vins n'ont d'autre façon que d'être recueillis avec soin. » ID. On est soigneur de garder ce qu'on garde soigneusement; ce qu'on garde avec soin ne reçoit pas de dommage.

Le rapport est le même entre attentivement et avec attention: celui qui écoute ou examine attentivement est attentif; celui qui écoute ou examine avec attention ne perd rien; rien ne lui échappe.-« Je prêtai l'oreille attentivement. » J. J. « Prêter l'oreille au dedans, c'est écouter attentivement. » Boss. · - Je demande en grâce qu'on me relise avec attention. » J. J. « Vous le comprendrez aisément, si vous considérez avec attention comme Dieu parle différemment dans son Ecriture. » Boss.

Qu'on rapproche l'adverbe certainement de la locution adverbiale synonyme avec certitude, on trouvera sans difficulté de l'un à l'autre la même différence. La subjectivité frappe tout d'abord dans certainement; c'est un terme affirmatif par lequel le sujet expose sa conviction, et l'autorité qu'il veut donner à son discours par son témoignage, plutôt que les raisons qu'il peut avoir d'assurer ou d'affirmer; avec certitude, au contraire, est tout objectif, il se rapporte aux raisons qu'on a de croire et de dire une chose comme certaine. A la rigueur même, il n'y a pas de synonymie entre les deux expressions: l'une est toute relative au sujet, et signifie assurément ;

Mais l'adverbe ne se distingue pas seulement par sa subjectivité de la phrase adverbiale substantive. Pour découvrir toutes ses nuances ca

l'autre regarde uniquement les motifs de la conviction, et ne s'emploie guère qu'avec connaître et savoir. Aussi ne pourrait-on substituer avec certitude à certainement dans ce vers du Misan-ractéristiques, il ne suffit pas de considérer son thrope:

α

rôle dans le discours, il faut de plus consulter son origine. Or, l'adverbe est formé de l'adjectif, et souvent il n'en diffère que par sa terminaison : tels sont proprement et sensément par rapport à propre et à sensé. En conséquence de cette dérivation, l'adverbe tient quelque chose de l'adjectif. Il correspond bien au substantif qui sert å l'expliquer dans la phrase adverbiale substantive: mais, en passant par l'adjectif, sa valeur fondamentale s'est altérée, et d'ordinaire elle a perdu de sa force, elle s'est atténuée.

Sagement vient de sage, qui signifie, conforme à la sagesse, ayant rapport à la sagesse, qui tient de la sagesse; de sorte que se conduire sagement, ce n'est pas toujours précisément se conduire avec sagesse, mais d'une manière qui a rapport à la sagesse, qui approche de la sagesse, et c'est pourquoi au lieu de définir sagement par, avec sagesse, il vaut mieux et on préfère quelquefois lui donner pour équivalent, d'une manière sage; et de même d'un grand nombre d'adverbes. Toutes les acceptions détournées, métaphoriques, approximatives que reçoit l'idée radicale dans l'adjectif se réfléchissent dans l'adverbe. Il ne saurait dès lors y avoir parité entre lui et une locution dans laquelle cette

Voilà certainement des douceurs que j'admire. Mais si la subjectivité de l'adverbe et l'objectivité de la phrase adverbiale mettent souvent entre eux une telle distance, que leur confusion soit véritablement impossible, quelquefois aussi certainement se prend dans le sens d'avec certitude et accompagne également les verbes connaître et savoir. Dans ce cas, il se distingue toujours par la même circonstance; il conserve un reste de subjectivité et se considère in ordine ad nos, au lieu que avec certitude se considère in ordine ad se ou ad res savoir certainement, c'est savoir de manière à être certain, à ne pouvoir douter; savoir avec certitude, c'est savoir de manière que les choses sues soient certaines, inébranlables et dégagées de toute obscurité. « Si j'étais dans une ville, dit Pascal, où il y eût douze fontaines, et que je susse certainement qu'il y en eût une empoisonnée, etc. » Certainement, c'est-à-dire de manière à en être sûr ou pleinement convaincu. Ailleurs il dit : « Quand l'Écriture même nous présente quelque passage dont le premier sens littéral se trouve contraire à ce que le sens ou la raison reconnaissent avec certitude, il ne faut pas entreprendre de les dés-même idée a conservé toute sa valeur primitive. avouer. Avec certitude, c'est-à-dire, de manière à n'avoir plus besoin de preuves, et à ne pas redouter les contradictions. « On voyait Luther parler si certainement de la ruine pro-rieuse dépense. Passionnément et affectueusement chaine de la papauté, que les siens n'en doutaient plus. Boss. Si certainement, c'est-à-dire d'une manière si convaincue. « Ce qui intéresse le plus Orosmane, c'est de savoir avec certitude si Zaïre est coupable ou non. » LAH. Avec certitude, c'est-à-dire d'après des rapports ou des renseignements convaincants. On dit croire certainement (FEN.), et voir ou discerner avec certi- Telles sont, à notre avis, les deux seules diftude (ID.), la croyance étant tout intérieure et férences qui se puissent trouver entre l'adverbe considérée dans le sujet seul, au lieu que la vue et sa définition. Cependant Beauzée et Roubaud et le discernement nous supposent en rapport en ont proposé une autre, que nous avions nousavec les objets et dépendent des objets. C'est même adoptée dans la première édition de cet pourquoi on dira aussi plutôt connaître avec ouvrage, moins par conviction que par déférence. évidence (NIC.) que connaître évidemment : l'évi- | De nouvelles réflexions nous y font renoncer dence est une qualité des choses, et non un état absolument.

de l'esprit.

Ainsi furieusement ne signifie pas avec fureur, mais beaucoup, énormément, de même que l'adjectif furieux dans un furieux menteur, une fu

n'équivalent point à avec passion, avec affection; passionnément, c'est-à-dire en homme passionné, tout particulièrement possédé par une passion; affectueusement, c'est-à-dire en homme affectueux, plein d'affection, et de cette affection qui se marque par de petits soins, conformément à la valeur de l'adjectif.

qu'il signifie, habituelle, constante, générale, au lieu que la phrase adverbiale désignerait cette même modification dans un seul cas. Ainsi se conduire sagement, par exemple, se dirait pour caractériser toute la conduite d'un homme, et se conduire avec sagesse n'en ferait connaître qu'une particularité, un fait, une seule action.

Suivant ces deux philologues, l'adverbe expriAu reste, la subjectivité de l'adverbe est si ma-merait une modification du verbe ou de l'action, nifeste et si incontestable, que plusieurs philologues, Ménage, Beauzée, Court de Gébelin et Roubaud, n'ont pas hésité à faire dériver la terminaison de l'adverbe du latin mente, ablatif de mens, esprit, âme, pensée, intention; en sorte que sagement, ardemment, attentivement, par exemple, reviendraient à sapienti mente, ardenti mente, attenta mente, c'est-à-dire avec une âme ou une disposition intérieure sage, ardente, attentive. Ovide dit forti menti; Stace, honesta mente; Tibulle, tacitâ mente, etc. Les Espagnols terminent de même leurs adverbes, et quand ils en ont deux à mettre de suite, ils n'appliqnent qu'au dernier la désinence mente, segura y libremente, sûrement et librement.

Nous pensons, au contraire, que l'adverbe n'est point du tout propre de sa nature à marquer la constance et l'habitude. Platon et Aristote, ces grands maîtres en matière de langage comme en beaucoup d'autres choses, ont réduit toutes les parties du discours à deux mots, seuls essentiels, le substantif et le verbe, désignant, l'un les choses permanentes ou qui demeurent, l'autre

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