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faisants le remède à leurs blessures. » ID. Sans doute l'épithète de nuisible se donne quelquefois à un genre d'animaux, aussi bien que celle de malfaisant; mais ce n'est pas dans le

L'animal nuisible est capable de nuire, sans nuire effectivement dans le moment où on parle, ou son action de nuire est faible, peu apparente. ours (de la Grande-Bretagne) y soient venus à la Il n'est pas à présumer que ces loups et ces nage, ni que les hommes aient transporté ces animaux nuisibles. » BUFF. On dit des insectes nuisibles (BUFF.) plutôt que des insectes malfaisants. L'animal malfaisant exerce présentement frappant, remarquable, immédiat. En Egypte sa rage, sa cruauté, ou le mal qu'il fait est les hommes ont lutté très-longtemps contre les espèces malfaisantes. » BUFf.

ar le degré, parce qu'il exprime un mal plus rand. En effet, ce qui est nuisible est propre à uire, désavantageux, capable de causer des nconvénients, des désagréments, des contrariéEs, de susciter des embarras; ce qui est perni-même cas ni dans le même sens exactement. eur, du latin pernicies, ruine, destruction, st propre à faire périr, c'est quelque chose de nortel, de délétère ou une source féconde de naux. << Epictète, en combattant la paresse, mène à l'orgueil, et pourrait être nuisible à ceux ui ne sont pas persuadés de la corruption de oute justice qui ne vient pas de la foi. Montaine est absolument pernicieux, de son côté, à eux qui ont quelque pente à l'impiété et aux ces. PASC. « Il y a bien de la différence entre a livre qui contient des erreurs nuisibles et un vre pernicieux. » J. J. Une trop forte contenon d'esprit est nuisible à la santé : « Amusezous un peu par les livres, sans application uisible à la santé. » FÉN. Mais les plantes vénéeuses sont pernicieuses pour la santé : J. J. ousseau dit quelque part au sujet des terribles fets du napel : « Cette plante a souvent causé s accidents à des enfants et à d'autres gens i ignoraient sa pernicieuse vertu. Ensuite, isible, comme utile son contraire, s'emploie préférence pour ce qui regarde le corps et les aires; au lieu que pernicieux, comme salu ire auquel il est opposé, convient tout aussi en pour le moins quand il est question de l'âme de ce qui s'y rapporte. Le vin est nuisible à rtaines personnes (LABR.); on dit un exemple I un écrit pernicieux, une maxime pernicieuse. Ils croient qu'on manquerait de charité si on leur découvrait pas les choses nuisibles à leur nté et à leur vie.... Qu'ils considèrent combien morale que vos casuistes répandent de toutes rts est honteuse et pernicieuse à l'Église. »

SC.

Malfaisant, qui fait mal ou le mal, se dis-
gue par l'idée d'action. L'être malfaisant ne
ntient pas un principe mauvais, comme l'objet
isible ou pernicieux, il agit, il se comporte
ine manière mauvaise. Aussi ce mot se dit-il
oprement de l'homme et de ses dispositions.
son humeur, de son caractère, de ses pas
ns, ainsi que de certains autres agents d'un
are supérieur ou inférieur à l'espèce humaine.
›mme ou naturel malfaisant (ACAD.), activité
ilfaisante (J. J.), divinités malfaisantes (FÉN.,
LL.), animaux malfaisants (LAF., BUFF.).
Satan, cet esprit malfaisant, se remue conti-
ellement avec ses complices pour persécuter
fidèles. Boss. « Charopus étant d'un carac
e brouillon et malfaisant attaquait et harce-
t sans cesse les chefs de la nation. » ROLL.

Non; je hais tous les hommes :
Les uns, parce qu'ils sont méchants et malfaisants;
Et les autres, pour être aux méchants complaisants.

MOL.

Voltaire n'a jamais cru qu'au diable, puisque n Dieu prétendu n'est qu'un être malfaisant i selon lui ne prend de plaisir qu'à nuire.» J. « La prévoyance éternelle a placé à côté de verses plantes nuisibles des simples salutaires, dans la substance de plusieurs animaux mal

SYN. FRANC.

Et mon esprit enfin n'est pas plus offensé
De voir un homme fourbe, injuste, intéressé,
Que de voir des vautours affamés de carnage,
Des singes malfaisants et des loups pleins de rage.

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MOL.

α

Et si, de son côté, malfaisant s'applique aussi abusivement aux choses, c'est à celles qu'on considère comme actives, comme produisant sur la santé des effets sensiblement mauvais. « Dans ces malachites le cuivre conserve encore quelquesunes de ses qualités malfaisantes. » BUFF. « L'estomac s'irrite et se soulève contre ce qui lui est pénible ou malfaisant. » MARM. 1o. MAUVAIS, MÉCHANT; - 2° MALICIEUX, MALIN. Qui n'est pas moralement bon. Mauvais et méchant ont rapport à l'effet: un homme mauvais ou méchant est à craindre; une chose mauvaise ou méchante est telle, qu'on n'en peut faire usage. Malicieux et malin ont rapport à la cause un homme malicieux ou malin est fin, mordant, enclin et habile à se divertir aux dépens des autres; une chose maligne a une vertu, une influence, une action nuisible. - Ensuite, le mauvais et le méchant font le mal d'une manière ouverte et directe, en ennemis déclarés; au lieu que le malicieux et le malin emploient la finesse, la ruse, et non pas la force. Néron a été le plus mauvais ou le plus méchant des hommes; le démon, pour séduire nos premiers parents, se servit d'artifices, de ruses malicieuses, et, dans l'Écriture, il est appelé le Malin.

1° Mauvais, méchant.

Le mauvais l'est par instinct ou par nature: un mauvais fond, un mauvais cœur, un mauvais caractère. « C'était un grand seigneur dont le fond n'était pas mauvais. » VOLT. Les pécheurs ne haïssent Dieu que parce qu'ils jugent librement et faussement qu'il est mauvais. » MAL. « Les juges de l'inquisition présument toujours l'accusé coupable, apparemment parce qu'ils croient les hommes mauvais. » MONTESQ. Mais le méchant commet des méchancetés, nuit de fait, avec réflexion et parce qu'il le veut. « Lépidus était le plus méchant citoyen qui fût dans la république, toujours le premier à commencer les troubles, formant sans cesse des projets funestes. » MONTESQ.

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Oh! qu'ils ne seront pas si méchants qu'ils le

disent!

MOL.

L'homme n'est donc pas né maurais. Pourquoi plusieurs sont-ils donc infectés de cette peste de la méchanceté? C'est que ceux qui sont à leur tête étant pris de la maladie, la communiquent au reste des hommes.... Il y a des nations entières qui ne sont point méchantes; les Philadelphiens, les Banians, n'ont jamais tué personne.» VOLT. « On voulut trouver dans le Tractatus theologico-politicus de Spinosa les semences de son atheisme, par la mème raison qu'on trouve toujours la physionomie mauvaise à un homme qui a fait une méchante action. » ID 2° Malicieux, malin.

CQ

Le malicieux a de la malice, de la finesse, une sorte de défaut peu odieuse; le malin a de la malignité, du venin, une envie de nuire constante et profonde, et non pas accidentelle et légère. Voy. Malice et malignité, Le partie, p. 226.

MAUVAIS, MÉCHANT, CHÉTIF. Ces mots se disent des choses qui ne sont pas bonnes.

MÉCHANCETÉ, MALIGNITÉ, MALICE. Disposi

tion à nuire, à faire du mal.

D

a La méchanceté suppose un goût à faire d mal; la malignité, une méchanceté cachée. V Et la malice implique plus évidemment encore que la malignité l'emploi de la ruse, des moyens subtils et artificieux. La méchanceté agit à décou vert, d'une manière violente et brutale; la malgnité et la malice, au contraire, font leurs coups en secret, à la sourdine. La méchanceté de cetains chiens les porte à se jeter sur les gens, à les attaquer; la malignité des astres, da sort, de l'air se fait sentir qu est censée se faire sentir par une influence occulte. Les méchants persécutent les bons; le malin, autrement dit le diable, leur tend des embûches. Un tyran est méchant : il ne craint pas de commettre ouvertement des injustices et des meurtres. Quatre gentilshommes périrent dans des supplices recherchés par vengeances de ce Louis XI, si dissimulé et si violent, si barbare et si timidement superstitieux, si étourdi et si profondément méchant. On croit être au temps des Phalaris. » VOLT. « P. Sulpicius était un homme à qui personne ne pouvait être comLes défauts, les vices, rendent une chose mauraise ou méchante; le peu de valeur ou l'insuffi- paré pour l'excès de la méchanceté... On trouvait en lui cruauté, audace, avidité insatiable; et sance la rend chétive. La chose mauvaise ou méchante n'est rien moins que bonne; la chose cela sans remords, sans pudent, sans aucune chétive n'est pas assez bonne, laisse à désirer. De attention à sauver au moins les deurs. ROLL, la mauvaise monnaie est fausse; le sou est une L'envie ou la jalousie est maligne ou malicieuse, chétive monnaie de cuivre (VOLT.). Une mauvaise c'est une passion honteuse, qui porte ses coups nourriture est contraire à la santé; une chétive dans l'ombre. « La charité est douce, elle n'a nourriture (FÉN.) est maigre ou pas assez abon- point de jalousie, elle n'est point maligne ni dante. Un homme mauvais ou méchant fait des malicieuse dans les jugements. Boss. a Ces es actions nuisibles; une chétive créature est faible, prits lumineux (les anges) devinrent esprits de impuissante, imparfaite. Mauvais et méchant ténèbres : ils n'eurent plus de lumières qui ne se tournassent en ruses malicieuses. Une maligne • impliquent l'idée positive de mal, annoncent un démérite essentiel : une action mauvaise ou mé-envie prit en eux la place de la charité. I. D'un autre côté, la méchanceté est plus perchante; un écrit mauvais ou méchant. Chetif marque seulement une qualité inférieure ou une verse, plus impitoyable, et, quart aux cousequantité médiocre : chétive aumône (Boss.), chéquences, plus grave. Elle aime le mal pour tive durée (PASc.), chétifs gages (VOLT.), chétive mal; au lieu que la malignité et la malice n'aspi ressource (J. J.), chetif patrimoine (ID.), chétives rent souvent qu'à se satisfaire aux depens aapommes (ID.), chétives baies (BUFF.). Un mauvais trui, il est vrai, mais sans qu'il en résulte pour (ACAD.), un méchant (VOLT.) métier est honteux autrui beaucoup de dommage, et sans quedés ou dangereux; un chétif emploi (REGN.) est peu se proposent le dommage pour but. La c élevé ou peu lucratif. Un esprit critique trouve est méchante; la satire n'est que maligne ou már tout mauvais ou méchant; un esprit difficile licieuse. Ce que fait le méchant, il le fait pare trouve tout chétif. On reprend, on censure, on que cela nuit; ce que font le malin et le mal fuit ce qui est mauvais ou méchant; on fait peu cieux, ils le font souvent quoique cela puisse nuire. « Tous les honnêtes gens qui pensent sat De leur côté, mauvais ou méchant diffèrent en critiques; les malins sont satiriques; les pers ce que mauvais se dit de toutes sortes de choses, font des libelles, et ceux qui ont fait, avec m particulièrement des choses naturelles, et mé- le Temple du goût, ne sont ni malins in chant seulement des choses humaines mauvais chants. » VOLT. « Fontenelle prétendait que air, mauvais temps, mauvais terrain, mauvaise pieux auteur d'Esther était beaucoup plus a

de cas de ce qui est chétif.

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(ID.), méchante prose (VOLT.), méchants vers leau. Despréaux pensait à peu près de même, a
eau; méchante preuve (Boss.), méchantes troupes | chant, c'est le terme dont il se servait, que B
(BOIL.), méchant manteau (J. J.). Ou bien même, employant à la vérité une expression moins ant
tandis que mauvais s'applique à tout, méchant se Racine, disait-il, est beaucoup plue main que
réduit à qualifier ce qui est moralement mauvais: moi. » D'AL. « Je n'ai pas vu fort souvent M.S
« Ces épigrammes joignent au malheur d'être wyn; je le trouve assez aimable; il est ma
méchantes la maladresse d'être mauvaises.» D'AL. mais je ne le crois pas méchant.» DUDEFY.

Ou bien enfin mauvais exprime une disposition à
faire du mal constante et vague, et méchant une
méchanceté précise, exercée dans, un cas parti-
culier.

Ire partie, p. 226.

Malignité et malice ont été distingues dans MELANCOLIQUE, ATRABILAIRE. Tour d'une bile noire, et mis par suite dans us

er

t

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de tristesse profonde et concentrée qui approche plus ou moins de la folie. Un homme mélancolique, un homme atrabilaire; un mélancolique, un atrabilaire; esprit, tempérament, humeur mélancolique ou atrabilaire..

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L'homme le plus mélancolique ne l'est toujours que pour lui-même, et non contre les autres; il Melancolique, du grec péλas, noir, etxoǹ, bile, est sauvage plutôt que farouche: tel était le méet atrabilaire, du latin atra bilis, bile noire, sem-lancolique Oreste (VOLT.). Sa maladie peut aller blent avoir exactement le même sens étymologique. Cependant μéλaç en grec n'a pas la même force que ater en latin: péλaç signifie simplement noir, sombre, comme le latin niger; mais ater, d'où a été formé atrox, atroce, se prend souvent, comme celui-ci, pour farouche, affreux, cruel..

En conséquence, le mélancolique n'est que triste et languissant, il est porté à la méditation et recherche la solitude. « Quoique Platon fût naturellement mélancolique, et d'un génie fort méditatif, il avait cependant de la douceur et une sorte d'enjouement. » FÉN. « Le prince d'Orange s'était retiré à Loô, lieu solitaire conforme à son humeur sombre et mélancolique. » RAC. « Le déplorable Jean Meslier, cet homme vertueux, à la vérité, et très-charitable, mais sombre et mélancolique. VOLT. « Les Égyptiens sont très-paresseux, si tristes et si mélancoliques, qu'ils ont besoin de plus de fêtes qu'aucun autre peuple. BUFF. & Homme mélancolique et vaporeux. » MARM. « Molière était habituellement mélancolique, cet homme qui a écrit si gaiement. » LAH. Un lièvre en son gite songeait;

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jusqu'au spleen et le mener au suicide (VOLT.).
Tout au plus est-il par rapport aux autres fleg-
matique et rebutant.. Mais l'atrabilaire l'est
toujours contre les autres; sa folie n'est point in-
nocente, mais presque toujours portée jusqu'à la
fureur, à la rage, à la férocité. « Les fureurs atra-
bilaires des misanthropes, ennemis mortels du
genre humain. » J. J. « Les haines de Lysander
étaient implacables, ses vengeances terribles; et
quand l'âge eut aigri son humeur atrabilaire, la
moindre résistance le rendait féroce. » BARTH.
« Les fous furieux, les atrabilaires sont plus re-
marqués dans notre nation que dans toute au-
tre. » VOLT. « Rien ne fut plus atrabilaire et
plus féroce que les huguenots. » ID. « La féro-
cité atrabilaire de ces factieux. » ID.
Lorsqu'un dévot atrabilaire,
Nourri de superstition,

A, par cette affreuse chimère,
Corrompu sa religion,

Le voilà stupide et farouche;
Le fiel découle de sa bouche,
Le fanatisme arme son bras:
Et, dans sa piété profonde,
Sa rage immolerait le monde
A son Dieu qu'il ne connaît pas.
Et ces vautours de la société,
Qui comme l'eau, boivent l'iniquité,
Et dont le cœur, farouche, atrubilaire,
Immole tout au plaisir de mal faire.

ID.

J. B. Rouss.

1o MÉMOIRE, SOUVENIR ; 2o RÉMINISCENCE, RESSOUVENIR. Idée précédemment acquise ou aperçue, et qui se présente encore à l'esprit. 1° Mémoire, souvenir.

Mémoire, latin memoria, de mens, âme, esprit, pensée (allemand meinen, penser), exprime proprement la faculté. Souvenir, venir en sousordre, après, succéder, ne désigne que l'acte ou l'idée. La mémoire, dit l'Académie, est la faculté par laquelle l'âme conserve et réveille en ellemême des souvenirs. « Ma mémoire ne me fournissait que des souvenirs imparfaits. » J. J. « Les choses qui nous ont frappés se gravent profondément dans la mémoire, et le souvenir s'en retrace souvent. » COND. « Votre souvenir ne peut pas demeurer dans ma mémoire chargée de tous les incidents qui ont accompagné ce mariage. » SÉv.

Mais mémoire se prend bien aussi par extension pour l'effet ou l'action de la faculté, et réciproquement souvenir se dit quelquefois pour la faculté elle-même. Il reste alors néanmoins des différences entre ces deux mots.

(La Folie au Carnaval). RBG. Thury était noir, méchant, cynique, atrabilaire, avec beaucoup d'esprit, insolent et dangereux. » S. S. « Le chevalier de Coislin était un homme fort extraordinaire, fort atrabilaire, et fort incommode. » ID. « La plume atrabilaire du poëte satirique Hipponax n'épargna pas même ceux à qui il devait la vie... ROLL. Les opinions violentes et fanatiques dont une théologie atrabi- Mémoire signifie quelque chose de plus grand, laire a mêlé sa doctrine. » MARM. La maladie c'est-à-dire de plus noble ou de plus étendu; de qui emporta Charles IX est très-rare; son sang plus noble, parce que c'est un mot latin; de plus coulait par tous les pores : cet accident est la suite étendu, de plus long, de plus compréhensif, ou d'une crainte excessive, ou d'une passion fu- parce que c'est primitivement le nom de la farieuse, ou d'un tempérament violent et atrabi-culté. Mémoire est d'un style plus relevé : laire. » VOLT. « Persécuteurs atrabilaires.. » ID. | aussi dit-on célébrer (BOURD.) ou solenniser

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(SÉv.) la mémoire; des faits dignes de mémoire | Racine fils ne voit dans le style d'OEdipe (MARM.), d'une mémoire éternelle ou immortelle (ACAD.); la mémoire de ses grandes actions ne mourra jamais (ID.). « Quel souvenir que celui du jour de votre départ! J'en solennise souvent la mémoire. » SÉv. « Ne croyez point que le souvenir de Turenne soit déjà fini dans ce pays-ci; ce fleuve, qui entraîne tout, n'entraîne pas sitôt une telle mémoire, et elle est consacrée à l'immortalité. » ID. « Rapportez tout au dernier moment, où la mémoire des faits les plus éclatants ne vaudra pas le souvenir d'un verre d'eau présenté à celui qui a soif. >> DIDEROT.

D'autre part, la mémoire est le souvenir de tout un ordre de faits, ou un souvenir d'une longue durée, prolongé, continué, perpétué; au lieu que le souvenir est partiel ou d'un moment. Aussi mémoire ne s'emploie point au pluriel comme souvenir; et on dit de préférence la mémoire d'un homme et le souvenir d'une action particulière. « Le souvenir des extrémités où je fus réduit à Lyon ne contribua pas à m'en rappeler agréablement la mémoire. » J. J. « En mourant, cet évêque laissa à ses diocésains le souvenir de ses vertus, à l'Eglise la mémoire de son zèle, et à la littérature celle de ses talents. » D'AL. « Ministres saints, faites entrer dans le récit des merveilles de Dieu le souvenir de ma délivrance que de nouveaux cantiques en conservent la mémoire aux siècles les plus reculés. » MASS. « Vous cherchez à vous tourmenter vousmême par ces souvenirs rappelés de personnes, dont la mémoire vous fait du bien. » Boss.

α

Il y a plus; mémoire s'entend plutôt en bonne et souvenir en mauvaise part, l'un rappelant des choses utiles, précieuses ou agréables, l'autre des choses nuisibles, tristes ou de peu de valeur. « La mémoire de saint François de Paule est toujours vivante; mais qu'importe aux saints que leurs noms soient ici gravés dans le souvenir des hommes? » BOURD. « La mémoire de Mme de Sévigné me sera toujours très-précieuse.... Je donne beaucoup de moments au triste souvenir de notre illustre amie. COULANGES. « Le lion garde le souvenir des mauvais traitements, et paraît en méditer la vengeance, comme il conserve aussi la mémoire et la reconnaissance des bienfaits. >> BUFF.

2o Réminiscence, ressouvenir.

Réminiscence et ressouvenir sont des mots rares en comparaison des deux autres. Ils annoncent, par leur particule initiale re, quelque chose d'éloigné, qui revient de loin, qui a été oublié depuis longtemps, et dont il n'y a que de légères traces dans le cerveau.

Mais réminiscence reproduit le latin reminiscentia, et ressouvenir a été formé du français souvenir. C'est pourquoi réminiscence appartient au langage de la philosophie et des arts libéraux, tandis que ressouvenir est du langage ordinaire. Platon prétendait que les connaissances que nous acquérons sont moins de nouvelles connaissances que des réminiscences de ce que nous avons su autrefois. » FÉN. << Nous n'employons dans la plupart de nos raisonnements que des réminiscences. » Vauv.

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qu'un plagiat éternel; il y a en effet des réminiscences assez fréquentes pour faire voir que l'auteur était plein de la lecture de nos poètes et surtout de Racine. LAH. « On n'a pas trouvé dans ma musique la moindre réminiscence d'aucune autre. » J. J. — Dans la langue commune, réminiscence indique le plus faible, le plus imparfait des souvenirs, celui qu'on ne reconnaît pas même pour une idée qu'on a déjà eue. Nos songes ne sont qu'une faible réminiscence de nos idées de la veille, quoique la correspondance nous échappe (VOLT.). Le ressoutenir est plus net et plus distinct; on sait au moins, on a la conviction que ce n'est pas une idée nouvelle. « J'avais encore, dit Philoctėte, je ne sais quelle aversion pour le sage Ulysse, par le ressouvenir de mes maux. » FEN. « J'introduisis au milieu de la terreur de ce chef-d'œuvre de l'antiquité (OEdipe), non pas une intrigue d'amour, mais au moins le ressouvenir d'une passion éteinte. » VOLT. Les vieillards vivent de ressouvenirs (BARTH.).

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MÉNAGEMENT, CIRCONSPECTION. Ces mots ont rapport à la manière de traiter les gens qu'on craint de blesser ou d'offenser. Agir envers quelqu'un avec ménagement ou circonspection, c'est se conduire à son égard sans rigueur, avec modération, en l'épargnant.

Une première différence indiquée par Girard, c'est qu'on use de ménagement ou de ménagements dans la conduite, et de circonspection sur · tout dans le discours. « Cette disposition des enfants à l'emportement, au dépit, à la colère, demande des ménagements excessifs.» J. J. « Sophie ne parle des absents qu'avec la plus grande circonspection. » ID. Mais les deux mots s'emploient bien, et par rapport à la manière d'agir, et par rapport à la manière de parler. Cette distinction est donc insuffisante.

Le ménagement consiste à ménager, à ne pas blesser; et la circonspection à prendre garde que peut-être on ne blesse. Circonspection vient de circumspicere, regarder autour de soi avec défiance, et exprime qu'on observe tout et qu'on s'observe de peur de rien dire ou de rien faire de mauvais ou d'offensant. Parler d'une personne avec ménagement, c'est ne la pas maltraiter de paroles, n'en pas médire; en parler avec circonspection, c'est en parler avec retenue et avec la crainte de lui nuire. Dans le premier cas, le mal qu'on évite à la personne est certain; dans le second, il est seulement possible, ce n'est qu'un soupçon. Avec ménagement signifie donc avec douceur, et avec circonspection revient à avec prudence. On doit avoir des ménagements pour les faibles, les malades, les gens susceptibles, et de la circonspection quand il s'agit de choses ou de personnes qu'on ne connaît pas.

Ensuite, ménagement se disant plutôt au pluriel, et circonspection toujours au singulier, ménagement désigne proprement un procédé, et circonspection une qualité. On a des ménagements par circonspection. Avec des ménagements, on ménage, on traite de telle façon; avec de la circonspection, on est circonspect, doué de telle

disposition louable ou blåmable. « Je donne ici ce nom (de précautions oratoires) à de certains ménagements que l'orateur doit prendre pour ne point blesser la délicatesse de ceux devant qui ou de qui il parle. » ROLL. « La démangeaison de parler emporte le fou; la circonspection mesure toutes les paroles du sage. » Boss.

1o MENÉES, PRATIQUES, MACHINATIONS; · 2° MANOEUVRES, MANEGES; 3° INTRIGUES, BRIGUES; — 4° MANIGANCE, MICMAC. Tous ces mots se prennent en mauvaise part et signifient des moyens détournés auxquels on a recours par finesse ou par artifice, au lieu de chercher à réussir en suivant franchement, ouvertement la droite voie.

1. Menées, pratiques, machinations.

Le caractère commun qui rend synonymes tous les mots de cette classe se trouve à un degré plus remarquable dans les trois premiers. Menées, pratiques et machinations expriment quelque chose d'essentiellement mauvais, nuisible et odieux, quelque chose qui tient du complot. Ils sont moins susceptibles que tous les autres mots d'être employés dans un sens favorable. Du Cange dérive menées de mina, d'où vient évidemment notre mot mine, et Malherbe dit dans une de ses lettres : « Je vous envoie la harangue de M. le garde des sceaux: j'y loue tout, mais j'y admire cette comparaison des mines et des menées des factieux. Il doit donc y avoir de l'analogie entre les menées et les mines que des assiégeants pratiquent sous des remparts ou des forteresses. Les menées, en effet, ont pour caractère distinctif d'être secrètes ou cachées. De secrètes menées (Boss., BOURD., ROLL.); de sourdes menées (J. J., ROLL.). « L'envie ne va que par des menées secrètes. Ainsi le médisant; il se cache. Boss. « Le duc de Bourgogne voyant toutes ces menées découvertes, se retira en Flan dre. » ID. « Malgré les soins extrêmes que l'ambitieux apporte à tenir cachés tant de mystères d'iniquités, on arrive à connaître toutes ses menées, et à percer le voile qui les couvrait. » BOURD. Au dernier jour sera tiré des ombres tout ce qu'il y aura eu de plus lâche dans leurs déguisements, dans leurs menées et leurs fourbe

ries. » ID.

a

par

nobles motifs pouvaient dicter des pratiques aussi basses. » J. J. « Les PP. Tellier et Doucin firent tant de pratiques si dangereuses et si hautement, que le régent fut obligé de les chasser. » S. S.

Machination, action de rassembler des machines. Or, les machines servaient anciennement à renverser des remparts. Les machinations donnent donc l'idée d'un vaste complot, d'une conspiration où on combine des ressorts et des moyens cachés pour démolir, en quelque sorte, pour produire un effet terrible, pour frapper un grand coup, détrôner un souverain ou bouleverser un État. Vengeance, haine implacable, noirceur profonde, longue préméditation, haute ca · pacité pour le mal, toutes ces idées semblent réunies dans celle de la machination. Machination infernale, diabolique; tout ce que l'enfer peut former de machinations. « On faisait craindre à Néhémias de secrètes machinations contre sa vie, pour l'obliger à prendre la fuite. » Boss. Dans les troubles de la minorité de Louis XIV, lorsque Condé était à la tête des rebelles, « Michel Le Tellier découvrait les entreprises les plus cachées et les plus sourdes machinations. » Boss. « On voit un grand crime, une grande tromperie, une machination pleine d'artifices: on ne veut pas que ce meurtre, que ce vol soit impuni.. ID. « Minerve dit à Télémaque : Laissez là les complots et les machinations des amants insensés de votre mère. » FÉN. « Quelles sont donc ces pratiques et machinations dont on m'accuse?» J. J. « Lorsque, entrant ensuite dans le détail des manœuvres systématiques dont ce malheureux homme est l'objet, vous m'avez développé le plan de conduite à son égard..., la force de vos preuves l'emportait sur tous les soupçons que ces machinations pouvaient m'inspirer. »ID. Les complots du duc de Noailles, ses pratiques sous terre, ses noires impostures et ses infernales machinations étaient ses armes véritablement à redouter. » S. S.

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2o Manœuvres, manéges.

Ces mots ne se prennent pas toujours et nécessairement en mauvaise part, comme les précédents. Ce qui les distingue, ce n'est pas l'odieux; on dit bien de petites manœuvres (DEST.) et de petits manéges (J. J.); c'est l'art ou l'adresse. En effet, manœuvre et manége ont la même racine, manus, main, et marquent l'un et l'autre de l'habileté dans l'exécution, une certaine habileté de main.

Les manœuvres diffèrent cependant des manéges.

Les manœuvres rappellent des évolutions militaires ou navales; et les manéges, l'adresse à conduire un cheval. En conséquence, le mot ma

Pratiques s'est dit d'abord des intelligences qu'on entretient avec ceux du parti contraire, avec les ennemis. Mais ensuite, et par extension, on l'applique à toutes sortes d'opérations coupables, déloyales, qui sentent la trahison. En sorte que les pratiques sont proprement criminelles ou moralemen répréhensibles. Des pratiques odieuses. » MARM. Élevez-vous les voies de la vertu, et non par des pratiques basses et honteuses. » Boss. Un homme droit dans toutes ses voies est bien éloigné de mettre en œuvre de criminelles pra-nœuvre fait concevoir une disposition, un arrantiques dont il voit toute l'imposture et toute la honte.» BOURD. « Si nos amis quittent les voies droites et permises, ne nous rendons pas compliees de leurs mauvaises pratiques et de leurs injustes desseins. » ID. « Un voleur public et un enchanteur pourraient tenir le même langage, quand on les presse de renoncer à leurs infâmes pratiques. » ID. « J'admirais comment d'aussi

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gement de plusieurs moyens, un concert, une tactique; on concerte une manœuvre. « Le monde vous applaudit, et canonise toute la manœuvre que vous avez concertée, toute l'intrigue que vous avez fait jouer. » Boss. « J'oserais me persuader du succès, si j'avais concerté mes manœuvres avec l'aimable Frontin. » DEST. « Le Tellier, voulant commettre le cardinal de Noailles avec

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