Page images
PDF
EPUB

D'un autre côté, ces deux expressions sont | git d'une convenance qui est plus qu'une analoencore à un autre titre, la première générale, la gie naturelle, qui est, sinon toujours plus intime seconde spéciale. Comparer à se dit en parlant en effet, au moins rendue plus saillante et plus d'une comparaison ordinaire, ou de l'action de fortement marquée. On allie la force à la prucomparer comme elle se fait à l'ordinaire, c'est- dence, le courage à la vertu, les maximes de à-dire sans attention, sans application, sans ef- l'Evangile à celles des stoïciens. « On voit la séforts et sans soin remarquables. C'est une com-curité, la vertu s'allier, dans son chaste regard, paraison de première vue, souvent sans exacti- à la douleur et à la sensibilité. » J. J. Mais on tude, peu rigoureuse, par laquelle on rapporte allie les plaisirs avec les devoirs, les maximes de une chose à une autre. Mais comparer avec donne l'Evangile avec celles du monde; il est difficile l'idée de l'examen détaillé des choses comparées d'allier le vice avec la vertu. « J'admirais comet de leur opposition, point par point; c'est une ment tant de marches obliques pouvaient s'allier comparaison réfléchie, expresse, par laquelle on avec la droiture. » J. J. Pareillement, vous vous va d'un objet à un autre, puis de celui-ci au pre- alliez à une famille dont la condition est en rapmier, de manière à les ramener sous un seul re- port avec la vôtre; vous vous alliez avec une fagard. Il suffit d'ouvrir les yeux, pour que la mille dont vous étiez éloigné par votre état ou comparaison des œuvres de la nature aux ou votre fortune.-D'autres fois, avec indique une vrages de l'homme fasse reconnaître Dieu. C'est convenance plus intime, et pour un cas plus paren comparant les uns avec les autres les phéno- ticulier : une puissance s'allie à une autre pour mènes physiques, que l'on parvient à découvrir le commerce, pour un système de douanes, pour les lois de la nature. « La plaisante comparaison, les rapports ordinaires qui regardent le droit des lui dis-je, des choses du monde à celles de la gens, et avec une autre avec laquelle elle s'unit conscience!» PASC. « Pour comprendre ce qu'est étroitement pour combattre de concert un enson corps, il faut que l'homme le compare avec nemi commun. D'un côté, il y a seulement actout ce qui est au-dessus de lui et tout ce qui est cession, tendance d'un terme vers un autre qui au-dessous, afin de reconnaître ses justes bor- reste toujours un peu dans l'éloignement; et nes. » ID. Les poëtes, les hommes d'esprit, les es- d'autre part, il y a rapprochement réciproque et prits superficiels comparent les choses les unes comme fusion des deux termes: on s'allie à une aux autres; les savants et les philosophes les com- famille en s'alliant avec une femme. parent les unes avec les autres. Pour terminer la question de la supériorité littéraire d'un siècled, de mêler, joindre, unir avec. « On a toujours sur un autre, « il ne faut pas, dit Labruyère, se borner à comparer un froid écrivain de l'un aux plus célèbres de l'autre. » Suivant Condillac, << se faire une idée d'une grandeur, c'est la comparer avec d'autres qu'on observe, et juger qu'elle en diffère plus ou moins. »— — Après confronter, on emploiera plutôt avec que à, parce que la confrontation est toujours une opération réfléchie, entreprise à dessein, et faite avec quelque soin. RESSEMBLANCE À et AVEC.

On distinguera de même, mêler, joindre, unir

été dans l'usage de mêler le chant au plaisir de
la table. » BARTH. « Rien n'est si rare que de mê-
ler la charité avec la vérité. » MASS.
- « Joindre
le crime de la haine à celui de la médisance. »
Boss. « Les hommes veulent que nous leur fas-
sions un Evangile commode qui joigne le monde
avec J. C. » ID. « Notre roi unit toujours la
bonté à toutes les autres qualités que nous admi-
rons en lui.» Boss. « Par un mélange étonnant.
la cour veut toujours unir les plaisirs avec les
affaires. ID.

D

<< avec la

Malebranche parle de la légèreté quelle l'esprit considère les objets qui sont proportionnés à sa capacité : » proportion générale; et le même écrivain dit que « ceux qui s'appliquent à trop de sciences à la fois ont une manière d'étudier qui n'est pas proportionnée avec la capacité de leur esprit : » proportion ou plutôt défaut de proportion spéciale. Ensuite, on a moins de facilité et on met plus de soin à pro

Une chose a quelque ressemblance, ou n'a que peu de ressemblance à une autre. « Les pétales de l'asphodèle ont quelque ressemblance à des fers de piques. » J. J. « Qui en voudra croire Pline et Hérodote, il y a des espèces d'hommes qui ont fort peu de ressemblance à la nôtre. » MONTAIGN. Ou bien à sert à marquer une ressemblance apparente, facile à apercevoir, qu'on saisit sans effort, qui frappe à la première vue. Avec annonce dans tous les cas une ressemblance plus forte, plus expressément marquée, à laquelle on ne s'at-portionner, tout comme à accommoder avec, qu'à tend pas, qu'on ne peut percevoir qu'avec peine et sur laquelle on insiste davantage.

ALLIER, MÊLER, JOINDRE, UNIR, PROPORTIONNER, ACCOMMODER À ou AVEC.

En employant à vous exprimez l'action de produire une convenance ordinaire, apparente, facile, entre choses qui la comportent naturellement; et de plus, cette convenance est peu étroite, c'est plutôt un simple rapprochement qu'une fusion. Mais vous préférerez avec, s'il s'agit d'une convenance qu'on n'établit qu'avec effort, parce qu'elle suppose une sorte de résistance de la part des deux termes, qui a lieu de surprendre, ou sur laquelle vous voulez insister particulièrement, ou s'il s'a

proportionner et à accommoder à, et presque toujours la convenance établie dans le premier cas est plus intime, en même temps que plus extraordinaire. « Cette manière d'expliquer la création est accommodée à notre manière de concevoir les choses. » MAL. « Nous sommes comme surpris de voir que les phénomènes des corps célestes s'accommodent parfaitement avec ce qu'on vient de dire. » ID. « Il s'est trouvé des princes et des rois astronomes. La grandeur des astres semblait s'accommoder avec la grandeur de leur dignité. » ID.

Même différence entre ajuster à et ajuster avec. « On retranche de la loi de Dieu, on y ajoute, on

l'ajuste à l'humeur, à l'âge, à l'état.» MASS. | cution rappelle très-faiblement l'idée de peine, « Rejeter tout ce qui ne s'ajuste pas à la loi de reproduite à la rigueur par avec peine. A peine, Dieu. » ID. << Mais cette réputation de valeur, c'est-à-dire difficilement, relativement aux objets comment l'ajuster avec la douceur et l'humilité et aux obstacles qui en naissent; avec peine, chrétienne? » ID. « Un prédicateur détourne in- c'est-à-dire avec douleur ou souffrance du sujet, sensiblement la matière pour ajuster son style selon la signification essentiellement subjective de avec son sermon. » FĖN. peine. On peut à peine marcher dans un mauvais chemin; on marche avec peine, quand on ne marche pas sans peine, sans effort, sans fatigue et douleur, et ce peut être par faiblesse ou parce qu'on a les jambes mauvaises. 4° A, POUR.

On lie ou on associe ses idées les unes aur autres en vertu de rapports accidentels, variables, qui se présentent d'eux-mêmes à l'esprit; on les lie, ou on les associe les unes avec les autres en vertu de rapports constants et que l'esprit ne découvre qu'avec effort, qu'après les avoir cherchés. S'ACCOUTUMER A et AVEC.

bois pour brûler. Si, dans une réunion, les joueurs arrivent en très-grand nombre, et qu'on manque de tables à jouer, on pourra faire de tables à écrire des tables pour jouer.-A et pour sont également synonymes, en tant que tous deux marquent la fin, le but qu'on cherche à atteindre en agissant. Mais ils se distinguent par une différence analogue à la précédente à s'emploie dans les phrases où le sens est général, pour dans celles où il est particulier. Hercule cherchait des monstres à combattre, et le lion de Némée pour le combattre. Il faut employer tous ses soins à servir ses amis; il emploie tout le monde pour obtenir cette place.

A et pour sont synonymes en tant qu'ils marquent tous deux la destination, l'usage des choS'accoutumer à est général et se dit d'une ac- ses bois à brûler, bois pour brûler; table à coutumance qui regarde tout un genre d'actions jouer, table pour jouer, etc. Mais à exprime une à faire ou de maux à supporter. S'accoutumer destination naturelle ou habituelle, et pour une aree est spécial et n'a rapport qu'à un objet destination tout accidentelle et subordonnée à avec lequel on se familiarise; c'est pourquoi des exigences passagères. Au milieu d'un hiver on dit plutôt s'accoutumer avec les personnes. très-rigoureux, si l'on manquait tout à fait de Mais en outre, on s'accoutume à ce qui ne cause bois à brûler, on pourrait faire de divers instrupas trop de répugnance d'abord; et on s'accou-ments en bois, des bancs, des tables, etc., du tume avec ce qui était d'abord antipathique, arec ce qui offrait une sorte de résistance et demandait des efforts pour qu'on s'y fit. « J'admire comme on s'accoutume aur maux et aux incommodités. » SÉv. « Les maux les plus pénibles qu'on voit venir de loin nous accoutument peu à peu avec eux. » FÉN. — On dit plutôt accoutumer et s'accoutumer à, et, au contraire, apprivoiser et s'apprivoiser avec. La raison en est toute simple. Par eux-mêmes ces deux verbes supposent, l'un, savoir accoutumer, un médiocre éloignement pour la chose ou la personne dont on se rapproche, et l'autre, savoir apprivoiser, une grande aversion, et par conséquent une grande difficulté à sympathiser avec cette chose ou cette personne. Cependant on trouve quelquefois avec à la suite d'accoutumer, et à se met aussi quelquefois à la suite d'apprivoiser: c'est, d'une part, quand accoutumer a un sens bien voisin de celui d'apprivoiser, et, d'autre part, quand apprivoiser ne signifie guère plus qu'accoutumer. « Il faut s'apprivoiser au risque même pour apprendre à ne pas s'en troubler. » J. J. « On apprivoisera le public à cette union des Alberti de Florence avec ceur desquels vous descendez. » FÉN.

α

Il en est de pour comme d'avec. Il a pour valeur propre d'exprimer un certain rapport que désigne aussi quelquefois à, à cause de l'indétermination et de la flexibilité de cette dernière préposition, si commune, si usuelle; mais comme avec il reprend sa fonction et sa place, il se substitue à la préposition à, toutes les fois que le rapport qu'il signifie proprement n'est point ordinaire, mais spécial, remarquable. De là la règle à suivre dans le choix que l'on doit faire entre deux expressions synonymiques, qui ne La différence entre d et avec est sensiblement ana-diffèrent qu'en ce qu'elles renferment, l'une la logue à la précédente dans à peine et avec peine. A préposition à, l'autre la préposition pour. Ces peine, latin vir, est une locution absolue et très-expressions sont les unes substantives, les autres générale, dans laquelle l'idée de peine s'est tellement affaiblie et idéalisée, qu'il n'en reste point de trace. A peine signifie presque pas, ou presque pas encore cela est à peine esquissé, à peine le soleil est-il levé. Mais avec peine, en latin ægrè, est une expression spécificative dans laquelle led mot peine conserve toute sa valeur originelle. Avec peine, c'est-à-dire avec fatigue, douleur ou souffrance: enfanter avec peine, séparer des combattants ou repousser des ennemis avec peine, voir, sacrifier, accorder ou céder quelque chose avec peine. « Mme de Sévigné écrit sans effort ces bagatelles, mieux que Voiture ne les écrivait aree peine. » VOLT. Toutefois on emploie aussi à peine dans le sens de difficilement à peine voit-on à se conduire. Mais alors même cette lo

:

adjectives, les autres verbales, et quelques-unes adverbiales. Quoique soumises à la même distinction, elles méritent d'être examinées séparé ment.

ATTENTION A et POUR une chose; attention faire et pour faire une chose.

On emploie attention avec à quand on ne veut exprimer qu'une attention ordinaire ou même médiocre : avoir attention à ce qu'on fait, à ce qu'on dit (ACAD.); c'est un homme qui n'a attention à rien (ACAD.). Mais pour doit être mis après attention, toutes les fois qu'il s'agit d'une attention particulière, sérieuse ou constante. « On découvre dans les abeilles la plus soigneuse attention pour les plaisirs de leur reine.» BUFF. « Cette connaissance engage à avoir plus d'attention pour

Vos auteurs. >> PASC.

D

α

De même avoir attention commune. Nous avons tous de l'inclination au à faire une chose annonce une attention habi-mal (J. J.). Il y a des hommes qui ont de l'inclinatuelle ou générale plutôt que forte ou vive. « Les tion pour les lettres ou pour les armes : c'est une Romains avaient attention à ne recevoir dans la inclination à part, une vocation. L'homme a de milice que des gens assez riches. » MONTESQ. Au l'inclination à toutes sortes de biens; mais il a contraire, avoir attention pour faire quelque | une inclination ou propension naturelle pour le chose implique une attention peu commune. bien suprême. » FÉN. Chaque homme a une cer<< Ayez de plus en plus attention pour ne vous taine inclination à la vertu; mais « d'ordinaire relâcher jamais et pour éviter la dissipation. les princes et les grands naissent avec des indiFÉN. Un roi doit avoir attention à ne choisir que nations plus heureuses pour la vertu que le peudes ministres capables et fidèles (MASS.), et une ple. » MASS. On a peu ou on n'a pas de penattention suivie pour redresser tout ce qui en a chant à une chose; on a pour une chose un besoin (FEN.). penchant plus ou moins fort et décidé. Et de même avec le verbe pencher on emploie ordinai rement à, mais on se sert de pour dans les cas remarquables : « Si cette lettre obtient une réponse favorable, je penche extrêmement pour en profiter. » J. J. Nous avons tous une pente naturelle à faire le mal; mais un homme en particulier a besoin du secours de la prière, parce qu'il trouve en lui « une pente malheureuse pour faire le mal. » MASS. - « Ces matières nous décèlent leur nature commune par leur aptitude à se réduire immédiatement en verre. » BUFF. « L'alouette huppée a une singulière aptitude pour ap prendre en peu de temps à chanter un air qu'on lui aura montré. » ID. - « Helvétius affirme que tous les hommes sont nés avec les mêmes dispositions à tous les progrès de l'esprit. » LAB. « Ce sont là les causes occasionnelles du développement des dispositions particulières de Vaucanson pour la mécanique. » ID.

Pareillement, fermeté à faire quelque chose est l'expression courante ou communément usitée. « Je regarde ces prospérités comme les récompenses éclatantes de la fermeté et de la force de Votre Majesté à réprimer l'hérésie, à exterminer l'erreur, à abolir le schisme. » BOURD. « Une autre qualité caractérisait encore davantage Fabius, c'était une fermeté à se tenir au parti qu'il avait pris sur de bonnes raisons. » ROLL. Mais on dira plutôt fermeté pour, s'il s'agit d'une fermeté singulière ou qu'on veut faire remarquer sous quelque rapport. « Notre roi s'est acquis beaucoup d'estime par sa fermeté pour régler les finances, pour discipliner les troupes, pour réprimer les abus. » FÉN. « Andronic Comnène avait une fermeté admirable pour empêcher les injustices et les vexations des grands. » MONTESQ. ATTACHE et ATTACHEMENT, quand ils sont suivis de à, signifient une affection plus vague, plus faible ou moins profonde que quand ils sont suivis de pour.

C'est pourquoi on dit généralement attache ou attachement aux choses, à la vie (Boss., FLÉCH.), à la santé (Boss.), aux biens de ce monde (MASS.), aux choses sensibles (MAL.), à l'étude (ACAD.); et attache ou attachement pour les personnes : D'ailleurs pour cet enfant leur attache est visible. RAC. « Mon attachement pour vous. » VOLT. J. J. « Il a de l'attachement pour son maître. » LABR. Que si on se permet quelquefois pour en parlant des choses, c'est afin de marquer un grand attachement, un attachement tel que celui qu'on a pour les personnes : « Peut-on avoir plus d'attachement pour ses devoirs? » Sév. Et, d'autre part, l'attache ou l'attachement à une personne doit être, en fait de sentiments, quelque chose de bien peu énergique, puisque c'est ce que nous éprouvons pour les choses: « L'attache sensible que les apôtres avaient à la personne de J. C.

PROPRE, BON, UTILE, NÉCESSAIRE A et POUR; PRÈT A et POUR; IMPUISSANT, INDIFFÉRENT A et POUR.

A fait partie de l'expression générale, com mune, ordinaire, et on n'y substitue pour que dans les cas particuliers, extraordinaires, remar quables. Avec l'une de ces deux prépositions comme avec l'autre, l'adjectif signifie dans le suje une certaine aptitude ou disposition à certaine choses; mais il la signifie, d'un côté, comm générale, et, de l'autre, comme spéciale. Comme générale, c'est-à-dire d'abord comm convenant à tout un genre, ou à un individu er tant qu'il fait partie de ce genre; comme spe ciale, c'est-à-dire comme appartenant particuliè rement à un individu ou à une espèce, et comm tenant aux dispositions de sa nature. Le bee bœuf est très-propre pour le labour. Parmi le est propre au labour; ce boeuf ou telle espèce d choses propres, bonnes, utiles, nécessaires à li conservation de la vie, il y en a qui sont pro pres, etc., pour la conservation de notre vie, sa voir, celles qui peuvent nous guérir de nos me ladies. Comme générale, c'est-à-dire encor c'est toujours pour comme s'appliquant à tout un genre de choses comme spéciale, c'est-à-dire comme dans le genre à tel individu ou à telle espèce. O est propre à tout, prêt à tout entreprendre, im penchant à et pour certaines choses, comme on dit tout, on est propre ou indifférent pour telle chose Mais on peut dire avoir de l'inclination ou du puissant à faire quoi que ce soit, indifférent avoir de la pente, de l'aptitude, des dispositions prêt ou impuissant pour faire telle action. aux choses et pour les choses. Or, avec à on cheval est propre ou utile à la guerre, et pourl exprime, par rapport aux choses dont il s'agit, une guerre de campagne. Un général est propre a puissance ou une capacité plus générale ou plus guerre, et propre pour la guerre d'escarmouche

était un obstacle à l'amour spirituel. » Boss.

C'est de la même manière qu'il faut distinguer inclination à et pour, et penchant à et pour. Quand ces mots signifient des sentiments qui ont pour objet des personnes, qu'ils demandent après eux. « J'avais de l'inclination pour ce jeune homme. » J. J. La sincère Éliante a du penchant pour vous. MOL.

s'appliquan

[ocr errors]

Après les verbes, à et pour remplissent le même rôle, avec les mêmes nuances caractéristiques, qu'après les adjectifs, et ce rôle peut s'exprimer de 'la même manière à généralise la signification du mot précédent, et pour la spécialise. Mais cette opposition n'étant ni simple ni facile à comprendre dans toute son étendue, des développements redeviennent nécessaires; d'autant plus que les différences entre à et pour, à la suite des adjectifs, ne sont pas les seules qui distinguent à et pour à la suite des verbes; d'autant plus aussi que ces différences ne se réalisent pas toutes à la fois à propos de chaque verbe, mais les unes uniquement ou principalement avec certains verbes, les autres avec d'autres, suivant le sens particulier des uns et des autres.

A généralise, et pour spécialise l'action du verbe. C'est pourquoi on dira: telle somme ne peut suffire à mes dépenses, et d'une manière particulière : telle somme ne peut suffire pour un voyage, pour cette emplette. Si la raison suffit à vous conduire, elle suffira toujours pour vous faire éviter des fautes dans l'occasion. A la tête d'un chapitre de Montaigne on lit : « Des mauvais moyens employés à bonne fin, » et dans le cours du chapitre : « La faiblesse de notre condition nous pousse souvent à cette nécessité de nous servir de mauvais moyens pour une bonne fin. »

Le pharmacien qui a des remèdes propres à gué- | l'égard des choses, et pour à l'égard des perrir toutes sortes de maux, vous donne le remède sonnes : vous êtes indifférent aux avances d'une propre pour guérir votre mal. La guerre est né personne pour qui vous êtes indifférent. cessaire au militaire comme l'ouvrage à l'ouvrier; la guerre est nécessaire pour le militaire qui veut avancer en se distinguant par des actions d'éclat. A généralise, et pour spécialise le sens de l'adjectif d'une troisième manière fort importante. Avec à l'adjectif désigne une aptitude vague, éloignée, peu prochaine, peu prononcée; et avec pour, au contraire, une aptitude toute particulière, immédiate, qui peut se réaliser à l'instant; à n'emporte que l'idée d'une simple tendance vers un but placé dans l'éloignement, et pour donne celle d'une fin qu'on atteint sur-le-champ. En conséquence, on est propre à un emploi quand on a des talents relatifs à cet emploi, quand, au besoin, on peut le remplir convenablement et encore moyennant quelques instructions, le temps et la pratique; on est propre pour un emploi quand on a le talent même de cet emploi, quand on y est spécialement propre, destiné, préparé, de manière à pouvoir commencer sans retard de l'exercer. La même différence sépare propre à de propre pour, quand, au lieu de se dire des personnes, cet adjectif se dit des choses, comme bon, utile, nécessaire. De même, être prêt à rendre service indique une disposition moins décidée qu'être prêt pour rendre tel service. - Une quatrième nuance distinctive dépend de la précédente, et est contenue comme elle dans l'opposition de la généralité à la spécialité; elle consiste en ce que pour, qui détermine davantage l'aptitude, la détermine quelquefois au point de la rendre non-seulement dominante dans le sujet, mais encore exclusive. On est propre à plusieurs choses à la fois, et propre pour une seule : un cheval peut être propre à la guerre et au labour, mais non pas propre pour la guerre et le travail des champs.- Cinquièmement, dire que à est général et pour spécial, c'est dire que le premier exprime le constant, l'habituel, le naturel, et pour l'accidentel, le particulier. Je suis toujours prêt à vous servir; me voilà prêt pour vous rendre tel service, par tel moyen. Le cheval est propre à la guerre, c'est chez lui une disposition naturelle, un état habituel, une qualité constante: tel cheval est propre pour la guerre, annonce, dans le cheval, une disposition acquise, une qualité accidentelle, résultant de l'exercice et comme ajoutée à sa nature. « Les peuples, dit Montesquieu, par la nature et par l'éducation sont plus ou moins propres pour la guerre. » Otez de cette phrase par Péducation, et rien n'y justifiera l'emploi de pour. Une plante bienfaisante de sa nature est utile et bonne à la santé; une plante vénéneuse peut, entre les mains d'un pharmacien, devenir utile et bonne pour la santé. - Sixièmement, et conséquemment encore au caractère de généralité de à et au caractère de spécialité de pour, à désigne plutôt une disposition d'esprit abstraite, idéale, morale, et pour une disposition physique. C'est ce qui fait qu'il n'y a pas identité entre être prêt à la mort et prêt pour la mort, tout prêt pour le départ. — Enfin, à convient mieux à

-

A est plus vague et suppose un but plus éloigné. On se prépare et l'on se dispose à une guerre éventuelle et possible, et pour la guerre qui va avoir lieu. On est porté à une chose par un penchant peu décidé, et pour une chose, quand le penchant est fort. De même, destiner, réserver, déterminer, employer à n'annoncent pas comme destiner, etc., pour, une destination, une fin prochaine, fixe, précise et bien arrêtée.

A s'emploie plutôt dans le sens abstrait, idéal, et pour dans le sens physique et rigoureux. Un prince est destiné à instruire la terre, et un salon est destiné pour la musique ou pour la comédie (VOLT.). On est disposé à la mort, et disposé pour un voyage: disposé au combat, animé, plein d'ardeur; disposé pour le combat, n'ayant plus de préparatifs à faire. Se préparer à un voyage, c'est y disposer son esprit, et presque simplement y songer; se préparer pour un voyage suppose qu'on fait des préparatifs effectifs, réels. Sacrifier quelque chose à quelqu'un, se dit, dans un sens affaibli et peu rigoureux, en parlant de choses idéales, les intérêts, le repos, le ressentiment; et sacrifier quelque chose pour quelqu'un annonce un sacrifice positif, considérable, comme celui de la vie, et dans une circonstance particulière.

L'une des manières dont se manifeste la spécialité propre à pour, consiste en ce qu'il indique un emploi ou une destination exclusive. Ce qu'on destine, réserve, détermine, dispose, prépare pour quelqu'un est mis de côté pour lui être appliqué à lui seul de préférence aux autres. « Le ciel nous a destinés l'un pour l'autre. » LES. L'argent qu'on emploie pour bâtir n'aura pas

d'autre destination. Concourir pour une place, c'est aspirer à posséder cette place seul, à l'exclusion des autres; au lieu que l'effet qu'on concourt à produire sera rapporté à tous ceux qui auront concouru à sa production. On est absolument porté à une chose pour laquelle on a de l'inclination, et relativement plus porté pour une chose que pour une autre. On s'intéresse à quelqu'un sans que cet intérêt nuise à celui qu'on porte à d'autres; mais dans une affaire où des concurrents sont en présence, vous vous intéressez pour celui-ci ou pour celui-là.

Dans les locutions adverbiales, en apparence l'autre équivalentes, qui admettent, l'une à, pour, ces deux prépositions produisent toujours le même effet qu'après les substantifs et les verbes. Rapporter un discours mot à mot, c'est le rapporter à peu près tel qu'on l'a tenu. « Je vais vous rapporter sa réponse presque mot à mot. » J. J. « J'ai rendu les scènes anglaises presque mot à mot, malgré la difficulté de la rime. » DEST. Rapporter un discours mot pour mot marque plus de précision et de rigueur : c'est, nonseulement n'y rien changer d'essentiel, le rendre par des termes équivalents, mais pousser la fidélité jusqu'à rapporter les propres termes dont s'est servie la personne qui a parlé. « Le chancelier me dit mot pour mot ce que j'avais dit à la Chapelle; je convins qu'il n'y avait pas un mot de changé. » S. S. « La mémoire des mots consiste à réciter fidèlement et à rendre mot pour mot ce qu'on a appris par cœur. » ROLL. On rend bien ce qu'on rapporte mot à mot; on reproduit d'une manière parfaitement exacte ce qu'on rapporte mot pour mot. On traduit mot à mot (Boss., VOLT.); une traduction n'est jamais qu'une copie plus ou moins approchante: mais apprendre par cœur, c'est apprendre mot pour mot (ROLL., FÉN.), et citer un passage, c'est le transcrire mot pour mot (VOLT.).

Enfin, de la généralité inhérente à à et de la spécialité qui caractérise pour résulte, pour les locutions verbales synonymiques dans lesquelles ils entrent comme seul élément de différence, un trait de grande importance. Pour rend l'action du verbe remarquable par l'effort, l'application, le soin, l'attention qu'il exprime de la part du sujet. Conspirer, concourir à conviennent même en parlant de l'action des choses inanimées; il n'en est pas ainsi de conspirer et de concourir pour. On travaille quelquefois à sa propre perte sans le vouloir, même sans le savoir, sans s'en douter; on ne travaille que pour un but qu'on se propose et qu'on s'efforce d'atteindre. Dans tous les cas, travailler à n'est que spontané et ne suppose qu'une application modérée : c'est ainsi qu'un bon fonctionnaire travaille au bien-être de son pays, tout en ne songeant peut-être qu'à ses propres intérêts. Travailler pour est toujours volontaire et marque beaucoup de soin et d'effort. Il en est de même de s'appliquer pour par rapport à s'appliquer à. On emploie une partie de son temps à faire telle ou telle chose, et tous ses efforts pour arriver au but de ses désirs. « S'affectionner à, dit Marmontel, c'est s'attacher; s'affectionner pour, s'intéresser vivement, se passionner. » L'un consiste en un certain laisser-aller de sympathie, l'autre en une affection active. S'intéresser à, c'est n'être pas indifférent, se trouver touché en entendant un récit ou en voyant un spectacle; impression purement passive quand on s'intéresse pour, on déploie de l'activité, on se porte à des démarches. S'empresser pour faire une chose marque bien plus d'empressement, de zèle ou d'ardeur que s'empresser à ou de la faire. (Voy. p. 60). « La fille d'un pauvre laboureur était belle comme le jour. Toute la jeunesse de son voisinage s'empressait pour la voir, et chaque jeune homme eût cru assurer le bonheur de sa vie en l'épousant. » FÉN. « Ces ambassadeurs athéniens, les philosophes Carnéade, Diogène et Critolaüs, furent extraordinairement accueillis à Rome. Ils parurent des hommes merveilleux, et les jeunes gens s'empres-là. La première est l'expression ordinaire, cousèrent pour les entendre. » COND.

A n'est donc plus qu'indicatif du but lointain auquel tend l'action; il est tout objectif. Pour, au contraire, est subjectif; il appelle l'attention vers l'agent, il fait remarquer la part considérable que celui-ci prend à l'action pour arriver à un but prochain et précis. C'est pourquoi à est plutôt suivi d'un substantif significatif du but à atteindre, et pour, d'un infinitif marquant une action précise, à faire à l'instant.

Le rapport est le même entre à jamais et pour jamais. A jamais est indéfini, vague, hyperbolique; pour jamais est précis et positif : le premier permet encore, dans un avenir indéterminé, l'espérance d'un retour qu'exclut rigoureusement le second. C'est, d'une part, une expression qui convient au langage passionné, et qui peut recevoir des augmentatifs à tout jamais, au grand jamais; c'est, de l'autre, une expression d'une valeur pleine et entière, laquelle appartient au langage froid et exact de la philosophie. « Exemple mémorable à jamais. » J. J. « Jour à jamais malheureux ! » BARTH. « Sésostris laissa l'Egypte riche à jamais. » Boss.

Moi, parler pour Valère ? il faudrait être folle. Que plutôt jamais je perde la parole! REGs. « Le traité de Westphalie sera peut-être à jamais parmi nous la base du système politique. » J. J. J'ai cru que cette nuit serait sa nuit dernière, Et que je fermerais pour jamais sa paupière. REGN, « Elle n'est plus. Mes yeux ont vu fermer les siens pour jamais. » J. J. « En sortant de ce monde, je tombe pour jamais dans le néant ou dans les mains d'un Dieu irrité. » PASC.

Une différence semblable a lieu aussi entre alors et pour lors, expressions synonymiques, comme signifiant, l'une et l'autre, en ce temps

rante, usuelle; elle rappelle une époque étendue, pendant laquelle se faisait tout un genre ou toute une suite d'actions; elle s'emploie surtout avec un verbe à l'imparfait. « On pensait alors (au temps des rois de Rome).dans les républiques d'Italie, que les traités qu'elles avaient faits avec un roi ne les obligeaient point envers son successeur. » MONTESQ. « Les forces du Nord étaient toutes en Orient, en Egypte, Ionie, Grèce, seuls pays où il y eût alors (lors des empires d'Orient et d'Oc

« PreviousContinue »