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Échec et traverse ont cela de commun entre eux et de distinctif par rapport aux autres, qu'ils expriment quelque chose qu'on éprouve, non pas après qu'on est arrivé au bonheur, mais pendant qu'on y tend, des coups qui ne détruisent pas une position heureuse déjà faite, mais qui nous contrarient tandis que nous nous y acheminons. Leur différence est bien simple. L'échec est une petite perte, et la traverse, une petite difficulté; l'échec affaiblit un peu et fait qu'on se tient sur ses gardes; la traverse arrête un moment et tracasse. L'échec est une entreprise partielle qui échoue, on la répare aisément; la traverse est un léger obstacle, placé en travers, on l'éloigne ou on le surmonte aisément. Un échec essuyé n'em. pêche pas toujours qu'on ne triomphe ou qu'on ne réussisse en dernier résultat; les traverses qu'on rencontre dans ses entreprises retardent, mais n'empêchent pas toujours d'en venir à bout.

FÉN.). Dans le jardin des Olives, Jésus n'ap-vers et par des disgrâces. » Mass. « Les revers et elle plus Dieu son père; pressé d'une détresse les disgrâces, dont les caprices des grands croyable, il ne l'appelle plus que son Dieu. payent ceux qui les servent. ID. « Domitius oss. « Retombé dans sa première détresse, sans avait éprouvé bien des revers et des disgraces. ain, sans asile, prêt à mourir de faim, il se ROLL. Revers est opposé à succès, et disgrâce à essouvient de son bienfaiteur. » S. S. « Lorsque prospérité. ugurtha eut été ainsi dépouillé d'argent, d'homnes et d'armes, il commença à craindre que les Romains ne voulussent lui faire souffrir les sup-lices qu'il méritait. Nulle issue pour sortir de la étresse où il se voyait réduit. Reprendre les armes après tous les échecs qu'il avait essuyés, et ans le dénument général où il se trouvait, lui araissait, de tous les partis, le moins soutenale. » ROLL. Marius et ses compagnons ne saaient quel parti prendre, ni de quel côté tourner urs pas. Tout leur était contraire la terre, où s appréhendaient d'être surpris par leurs enneis; la mer, parce qu'elle était toujours oraeuse. Rencontrer des hommes était pour eux un ujet de crainte; n'en point rencontrer, c'était anquer d'un secours absolument nécessaire, ar ils n'avaient plus de vivres, et ils commenient à sentir la faim. Dans cette détresse, ils ercurent des bergers. » ID. II. Accident, revers, échec, traverse, -camité, catastrophe, désastre, mésaventure, alencontre, déconvenue. Par la même raison que malheur figure le prehier dans la classe des mots qui précèdent, accient, quod accidit, ce qui arrive, est mis ici à la ète de cette nouvelle série: il est plus général u'aucun de ses synonymes, en même temps que ropre à les définir tous et presque toujours à es remplacer, quand on ne tient pas à une rande précision. Toutefois il se distingue aussi ar une nuance particulière : il marque un coup e la fortune soudain, inattendu, fortuit, passa-Calamité, de calamus, chaume, tuyau de blé, er, et généralement peu grave, ce qui fait u'on le prend quelquefois en bonne part: accient heureux, favorable.

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Calamité, catastrophe, désastre. — L'analogie est frappante entre ces trois mots. Ils signifient, non pas précisément comme infortune, quelque chose de grand, c'est-à-dire d'illustre, mais quelque chose de grand, c'est-à-dire de grave, de tragique, de terrible quant aux suites. Les accidents qu'ils expriment sont d'ailleurs d'une grande importance en cet autre sens qu'ils tombent d'ordinaire ou peuvent tomber, non sur un seul homme, mais sur plusieurs, sur un royaume, une ville ou une famille.

s'est dit proprement en latin de la grêle, d'un orage qui brise les épis. Il signifie aujourd'hui tout grand malheur public, la peste, la famine, Revers marque un retour de la fortune, un la guerre, une inondation. La calamité arrive angement en pis, qui fait voir le revers de la selon l'ordre de la nature ou de la Providence, et édaille. On était sur la voie du bonheur, un elle est souvent un châtiment dans la main de cident oblige à retourner en arrière (retro ver- Dieu. Job déplore les diverses calamités qui 3); c'est un revers. « Tous les revers ont suc-affligent la vie humaine. » Boss. S'il y avait édé à vos succès. » VOLT. — Il y a donc quelque quelque bataille perdue, s'il arrivait quelque esemblance entre un revers et une disgrace. inondation ou quelque sécheresse, on chargeait fais le revers est plus borné, plus partiel, plus les chrétiens de la haine de toutes les calamités ccidentel; c'est un commencement de disgrace. publiques. » ID. « Le Seigneur nous envoie auMener une vie très-fatigante, être exposé à des jourd'hui comme autrefois il envoyait ses proontre-temps très-désagréables, à des revers très-phètes, non vous annoncer des calamités fuicheux. BOURD. La disgrâce est un renverse-nestes, mais vous mettre devant les yeux les lent ou une ruine : elle détruit toute une situaion et une situation brillante. « Combien d'homles, après avoir vécu un certain nombre années dans la splendeur et y avoir eu tout agrément qu'ils pouvaient attendre, ont été renersés par une disgrace !» BOURD. « Il a manqué la gloire de Cyrus un trait qui l'aurait beauoup relevé c'aurait été d'être livré pendant La catastrophe est un événement effroyable, quelque temps à quelque grande disgrace, et dont la nouvelle fait trembler, anéantit; mais l'avoir quelque revers subit de fortune à es- ce qui la caractérise par-dessus tout, c'est uyer. » ROLL. Disgrace enchérit sur revers. que, comme l'indique l'étymologie (xataorpéNous venons de voir le règne le plus long et le petv, renverser, bouleverser, terminer), elle plus glorieux de la monarchie finir par des re- cause dans tout un ordre de choses ou dans

fléaux publics dont il nous frappe, et la juste punition de vos crimes. » MASS. « On avait à craindre quelque surprise de la part des Eques, des Volsques et des Sabins. Mais la contagion s'était répandue parmi eux avec la même fureur : une calamité commune et générale tint lieu de forces et de défense à la république. » VERT.

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l'existence des individus un bouleversement complet ou une fin violente. La chute de Troie fut une catastrophe (FÉN.). La révolution d'Angleterre fut considérée en France comme une catastrophe (VOLT.). Tout le monde connaît la catastrophe de Fouquet sous Louis XIV (VOLT., S. S.). Cela semble devoir produire quelques grands mouvements, quelque changement surprenant de fortune, quelque catastrophe.» VOLT. « L'invasion des barbares fut une catastrophe qui détruisit les progrès de l'esprit humain. » J. J. « L'histoire n'est intéressante que par les révolutions, les catastrophes. » ID.

Désastre, ce qui arrive par la funeste influence des astres, désigne un grand dommage, un grand dégât, ou bien une ruine totale, irréparable. Sainte Marcelle, voyant Rome prise et saccagée par les Goths, dit que le désastre de la ville l'avait trouvée et non rendue pauvre. » ROLL. « Si Rhodes est condamnée au pillage et au feu, du moins le spectacle de son désastre nous sera épargné. » ID. « Il était arrivé à Rhodes un grand tremblement de terre qui y causa des dommages considérables.... La perte montait à des sommes immenses. Dans ce désastre commun.... » ID. Le tremblement de terre de Lisbonne fut un désastre (J. J.). « Les Cimbres, qui ignoraient le désastre des Teutons (défaite complète), franchirent les Alpes. » COND. « Quatorze grands vaisseaux échouérent sur la côte : le roi Jacques, du rivage, avait vu ce désastre. » VOLT. Il m'est arrivé encore de nouveaux désastres. J'ai fait des pertes dans le chemin. » ID.

Ne t'en prends point à l'enfant de Cypris; Cause il n'est point de ta deconvenue, Quand la dame est d'attraits assez pourvue, On aime encor comme on aimait jadis. Dans une comédie, un personnage se flatte d' tenir la main d'une jeune fille; à la fin, ile trouve déçu, c'est une déconvenue (LAH.). [n femme épouse un homme qui la bat, au lieu de faire son bonheur, comme elle l'espérait; c'es encore une déconvenue (S. S.), au moins dans le langage familier et quand on parle en plaisantant'.

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MALHEUREUX, MISÉRABLE; — INFORTUNĖ. Qui est en proie au mal, ou dans une situation

fâcheuse.

D'abord on est malheureux par accident, parce qu'on éprouve des malheurs, des revers, qui ruinent une fortune naissante ou établie; on peut être misérable dès le principe, par sa condition ou sa naissance. « On trouvait Persée si malheu reux de n'être plus roi, qu'on trouvait étrange qu'il pût supporter la vie.... L'homme est si grand, que sa grandeur paraît même en ce qu'il se connaît misérable. » PASC.

Le malheureux est dans le malheur, le misérable dans la misère, c'est-à-dire dans un grand malheur, dans le dénûment, dans un état, non pas accidentel, partiel, passager, relatif, mais complet, constant, absolu, dans un état déplorable, où on est à plaindre, digne de pitié. « Vous ne connaissez pas, monseigneur, le malheur, je dirais presque la misère, de votre condition. » COND. Il n'y a guère de gens si malheureur,

Mésaventure, malencontre et déconvenue ap-qu'ils ne le soient moins par la comparaison de partiennent au style familier et badin: ils expriment des accidents de peu de conséquence et presque toujours risibles ou comiques.

La mésaventure est une mauvaise et plaisante aventure; c'est, comme l'aventure, quelque chose de prolongé, toute une histoire. Le chien à qui on avait coupé les oreilles vit, avec le temps,

Qu'il y gagnait beaucoup, car étant de nature
A piller ses pareils, mainte mésaventure
L'aurait fait retourner chez lui

Avec cette partie en cent lieux altérée. LAF. Une banqueroute essuyée (VOLT.), une perte d'argent par escroquerie (MARM.) ou par procès (S. S.), sont des mésaventures, quand on les tourne en ridicule.

La malencontre est.une mauvaise rencontre, une rencontre qui vient mal à propos, soit pour le temps, soit pour le lieu. C'est une malencontre de rencontrer un homme à une heure ou dans un lieu où il eût été à désirer qu'on ne l'eût point rencontré. C'est en tout temps une malencontre de trouver des voleurs sur son chemin. « Le roi de Léon sera sans doute retourné dans son byaume. Puisse-t-il y arriver sans malencontre !»

ES.

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quelqu'un plus misérable qu'eux. » BUSSY. Haï, craint, envié, souvent plus misérable Que tous les malheureux que mon pouvoir accable. (Aman dans Esther). Rac.

« César lui-même, dans tout le cours de sa vie. qu'a-t-il vu, qu'a-t-il fait? Des malheureux.... Les animaux sont encore plus misérables que nous.» VOLT. Etre malheureux et misérable (Boss., MAL.). — On est malheureux au jeu, on y éprouve de petits coups du sort; on est misé rable, quand on est destitué de tout secours. < On refusa l'entrée de Hambourg à plusieurs Altenois. à des vieillards, à des femmes grosses, et quelques-uns de ces misérables expirèrent sous les murs de cette ville, au milieu de la neige et de la glace, consumés de froid et de misère, tandis que leur patrie était en cendres. » VOLT. « Les maladies, la faim, la fatigue excessive accablent nos jeunes soldats. Miserables! On les voit étendus sur la neige, inhumainement délaissés. » VAUV.

classe ne signifient pas seulement des étals, mais 4. Il est à remarquer que les mots de la première aussi des faits comme ceux de la seconde : on dit, par exemple, éprouver un malheur ou une disgrace, ainsi qu'on dit, être ou tomber dans le malheur ou la disgrace. Mais, par cela seul qu'ils désignent praprement et primitivement des états, ils ont cela de particulier, dans le cas où ils marquent des faits. qu'ils les représentent comme quelque chose de constant. C'est un caractère distinctif de grande valeur, comme on peut le voir par la comparaison cidessus établie entre digráce et revers.

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Malheureux est subjectif, se rapporte entière- vais succès de ses armes infortunées, si on a pu nent au sujet, qu'il représente comme souffrant; le vaincre, on n'a pu le forcer. » Boss. « Darius, u lieu que misérable fait penser aux sentiments qui s'était vu, peu d'heures auparavant, une si le commisération, et quelquefois de pitié, de nombreuse et si florissante armée, et qui était népris, que l'état du sujet inspire ou peut inspi- venu à la bataille élevé sur un char, plutôt en er. L'unau et l'aï (deux pauvres animaux que appareil de triomphe qu'en équipage de guerre, a nature semble avoir traités en marâtre) parais- s'enfuyait à travers les campagnes. Cet infortuné sent très-mal ou très-peu sentir.... Ils sont misé-prince courut toute la nuit avec peu de suite. » rables sans être malheureux. » BUFF.

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Pour prendre de la main d'un avide imprimeur Celui de ridicule et misérable auteur. MOL. a Un philosophe dit à un financier, qui se plaignait que les pauvres riches ne fussent pas heureux malgré leur opulence: Bon! qui est-ce qui est heureux? Des misérables. » D'AL.

Quelquefois malheureux et misérable signifient, non pas qui est, mais qui mérite d'être en proie au mal ou dans une situation fâcheuse. Dans ce sens ils se disent, par exemple, d'un homme qui a fait de mauvaises actions.

ROLL.

MALINTENTIONNÉS, MÉCONTENTS. Les malintentionnés et les mécontents, sont dans un Etat, des ennemis du pouvoir.

Les malintentionnés ont de mauvaises intentions; les mécontents ne sont pas contents. L'un de ces mots regarde l'avenir, l'autre le passé. Il faut prendre garde à ce que les malintentionnés veulent faire, à leurs desseins; il faut, s'il est possible, faire droit aux griefs des mécontents.

Ensuite, comme les intentions sont quelque chose de caché et de vague, les malintentionnés agissent dans l'ombre, cabalent, et sont seulement disposés à mal. « Quel est le motif de la révocation des conseils? On s'effraye de l'ennemi, des | malintentionnés, des cabales. J. J. « Le frein du saint office retenait encore les malintentionnés, et les obligeait à se cacher, » S. S. « Le duc Le malheureux a eu le malheur de se rendre d'Orléans dit qu'il avait estimé devoir tenir le lit coupable, sa faute est légère, ce n'est qu'un de justice fort secret pour ne pas donner lieu accident auquel il a été entraîné. « S'il arrive aux cabales et aux malintentionnés d'y essayer qu'un maître livre son serviteur à la justice à continuer la désobéissance. » ID. « Mairan dit à pour un vol léger, et qu'on ôte la vie à ce Mme du Châtelet qu'elle n'a commencé sa rébelmalheureux.... » VOLT. Mais le nom de mise- lion qu'après avoir hanté les malintentionnés rables ne se donne qu'à de grands criminels, leibnitziens. » VOLT. Voltaire a écrit, au sujet de à des gens qui commettent le crime habituel- la prétendue conspiration d'Alexis Pétrowitch lement, par état, par penchant. « Pourquoi ap- contre son père et de ceux qu'on supposait y peler un maréchal de France et sa femme, dame avoir adhéré sous main : « Il était important de d'atour de la reine, ces deux misérables? Le ma- connaître les malintentionnés; et le czar menaça réchal d'Ancre qui avait levé une armée à ses frais son fils de mort, s'il lui cachait quelque chose.» contre les rebelles, mérite-t-il une épithète, qui Ailleurs, il assure que le czarowitch << ne fut coun'est convenable qu'à Ravaillac, à Cartouche, aux pable que d'une espérance chimérique dans quelvoleurs publics, aux calomniateurs publics?»ques mécontents secrets qui pouvaient éclater un VOLT. jour. Mais en général les mécontents ne sont pas secrets, ne se cachent pas; il se peut même qu'ils témoignent leur peu de satisfaction par la révolte, en se ralliant sous des chefs et en faisant actuellement une guerre ouverte. << On apprit les mouvements des mécontents de Hongrie. » S. S. « Le gouvernement (d'Espagne) étant si faible, les mécontents devinrent très-forts en Castille. » VOLT. Richard II d'Angleterre fit enlever et exécuter le duc de Glocester, son oncle, qui ralliait tous les mécontents contre son souverain (FÉN.).

Des écrivains et des écrits, dont on fait peu de cas, sont traités de misérables; on ne les qualifie point de malheureux, parce que ce n'est point par malheur, fortuitement, qu'on écrit mal, et que d'ailleurs il s'agit d'exprimer, non l'état de peine d'un sujet, mais le sentiment de pitié qu'il inspire aux autres.

Infortuné, non fortuné, non favorisé de la fortune, ne s'emploie que dans le style soutenu, et presque toujours en parlant d'un malheur ou d'un malheureux illustre. Beaumarchais appelle heureux infortuné un paysan qui, ayant été blessé par un cerf d'un parc royal, fut comblé par la cour de présents et de soins. Priam, le plus infortuné de tous les pères (FÉN.), l'infortuné vieillard (LAH.); Fouquet, l'infortuné surintendant (D'AL). « Infortuné chevalier de la Manche, que la fortune seconde mal vos grandes entreprises!» LES. «< Alcyone, plaintive et solitaire, semblait encore redemander aux flots son infortuné Céyx que Neptune avait fait périr. » BUFF. « Poursuivi à toute outrance par l'implacable malignité de la fortune, trahi de tous les siens, Charles Ier ne s'est pas manqué à lui-même. Malgré les mau

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D

Les soldats que Démétrius avait cassés, et un grand nombre d'autres mécontents, se rangèrent en foule auprès du prétendant, et le proclamèrent roi. » ROLL.

MANIE, TIC. Habitude bizarre et ridicule.

Manie, grec pavía, signifie une maladie de l'esprit. Tic, onomatopée, comme tac et toc, représente le bruit que font en touchant ou en frappant leur mangeoire les animaux qui ont quelque tic; car ce mot se dit primitivement des chevaux et des bêtes à cornes. Ainsi la manie regarde les travers de l'esprit, et le tic les mauvaises habitudes du corps; la manie est déraisonnable, le tic désagréable. On a la manie de juger de tout,

nière de le donner, dans un discours les choses dites et la manière dont on les dit; le prix d'u objet d'art dépend de sa matière et de sa fazon Il y a plusieurs manières ou méthodes pour culti ver un champ, et un champ reçoit plusieurs facons; ce sont des modifications qu'on lui fait bir. Un homme a une manière d'écrire lente ou rapide, et il est facile ou difficile de reconnaître sur le papier sa façon d'écrire. Dans les Mé

et le tic de ronger ses ongles. Une passion singu- | fait il faut distinguer l'objet donné et la malière, un goût immodéré, reçoivent le nom de manie; celui de tic convient pour représenter des mouvements convulsifs et fréquents, de mauvais gestes habituels, ou des grimaces qu'on fait et qu'on s'est accoutumé à faire sans s'en apercevoir ni le vouloir. « La duchesse de Châtillon avait acquis, en contrefaisant une religieuse, un tic tel que, à toutes minutes, son visage se démontait à effrayer, sans qu'elle-même s'en aperçût le plus souvent par la continuelle habitude. »nechmes de Regnard, le chevalier dit en parlært S. S. « Mme de Nemours avait une figure fort d'une valise : singulière, et un tic qui lui faisait toujours aller une épaule.» ID. (Voy. des exemples de manie à l'article Délire, égarement, etc.)

Toutefois tic se dit bien aussi familièrement au figuré; auquel cas il exprime proprement une coutume, et non une habitude comme manie, la fréquente répétition d'un même acte, et non un penchant. « Les avares ont le tic de dépenser pour l'ostentation. » J. J. Ils n'en ont pas la manie, car ils répugnent à toute dépense. Vous vous portez par besoin, par attachement, avec attrait, à ce que votre manie vous fait faire. Tic n'annonce autre chose qu'un pli pris. « Cette manière sèche d'interroger les gens pour les connaître est un tic assez commun chez les femmes qui se piquent d'esprit. » J. J. On contracte des manies par engouement, et des tics par routine ou par imitation.

α

MANIÈRE, FAÇON. La synonymie est trèsétroite entre ces deux mots, mais difficile à exprimer. De cette manière ou de cette façon, c'est-à-dire ainsi; de quelle manière ou de quelle façon, c'est-à-dire comment et comme. Ils désignent le mode ou le comment.

De la mienne elle n'a ni l'air ni la façon.
Puis, regardant l'adresse :

Je ne reconnais point cette façon d'écrire. Selon Labruyère, l'usage a préféré façons de faire manières de faire, et manières d'agir à façons d'agir. Rien de plus raisonnable que ce choix. On dit plutôt façons de faire, parce qu'on ne fait pas sans faire quelque chose qui reste après l'action, qui peut être dit avoir une façon, une forme, une empreinte qu'il a reçue par le travail de faire. Mais manière d'agir convient mieux que façon d'agir par la raison contraire, c'est qu'en employant agir on songe seulement à la conduite, au procédé, et non point du tout au modifications qui en résultent pour tel ou tel ob jet. On dira donc aussi de préférence la manière de traiter quelqu'un, et les manières d'un peuple pour ses mœurs. On dira également form de penser, c'est-à-dire de produire telles ou telles pensées, des pensées qui présentent tels ou tels caractères, et manière de sentir ou de vivre. «Å la cour, l'honneur, se mêlant partout, entre dans toutes les façons de penser et toutes les manières de sentir. MONTESQ. « On prendrait nécessaireMais, à la rigueur, manière répond à comment, ment d'autres façons de penser en prenant des et façon à comme (voy. Ire partie, p. 291, 292). manières de vivre absolument différentes. » J. J. Manière convient pour marquer comment on fait « Périclès changea toutes ses façons de faire et une chose, et façon pour dire comme elle est sa manière de vivre. » ROLL. Toute action pu faite. Le premier de ces mots signifie un mode rement formelle, comme celle de vivre ou de se d'agir, et le second un mode d'être. Manière, de mouvoir, ou bien qui produit une destruction, manus, main, indique une opération, une mé- un anéantissement, se fait d'une certaine mathode; c'est un mot actif qui se rapporte à une nière : « On avait mis de la discipline dans la action et à l'agent je n'aime pas sa manière. manière de piller. » MONTESQ. Mais toute action Façon, de facere, faire, forme d'une chose faite, d'où résulte quelque chose qui a certains carteannonce un effet, un résultat; c'est un mot pas-tères, qui est d'une certaine sorte, se fait d'une sif et tout relatif à l'état la façon d'un habit, la façon d'une terre. « La Molinière trouva quelque chose d'extraordinaire à la manière dont cette lettre lui était venue; elle trouva de la différence dans la façon dont elle était pliée. » DELAF.

Toutes les fois qu'on veut définir un adverbe, c'est-à-dire un mode d'agir, on se sert de manière, et non pas de façon sagement, d'une manière sage. C'est, au contraire, le mot façon qu'on emploie quand il s'agit de signaler une personne ou une chose par son mode d'être, et non d'agir, c'est-à-dire en la qualifiant, en disant ce qu'elle est, et non ce qu'elle fait un homme de sa façon, c'est-à-dire ainsi fait; un trait de sa façon. On se défend de toutes les manières en employant des moyens de toutes les façons. La manière caractérise la main, l'îndustrie, l'esprit de l'ouvrier, et la façon l'ouvrage : chaque ouvrier a sa manière et chaque ouvrage sa façon. Dans un bien

-

certaine façon. Ainsi, on doit toujours dire, entendre une chose de telle ou telle façon. « Mots que l'un entend d'une façon, l'autre d'une autre.» P. R. « Qui m'a dit que cet endroit obscur doit être entendu d'une façon et non pas d'une autre BOURD.

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Manière de parler a rapport à la forme ou à l'énonciation, au style. Chilon était fort court et fort serré dans tous ses discours: sa manière de parler passa en proverbe. » FÉN. « Ces légères attaques regardent plutôt la manière de parler que le fond des choses. Boss. Facon de parler se rapporte au fond même des choses, au sens. « Il semble, de la façon que vous parlez, que la vérité dépende de notre volonté. » PASC.— Manière de parler et façon de parler désignent aussi l'un et l'autre des locutions ou des phrases. Mais manière de parler convient mieux pour une locution particulière, en rapport avec quelqu'un

C

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qui s'en sert et dont elle exprime le procédé, la
héthode, la manière propre d'agir. Façon de
arler signifie, au contraire, une locution géné-
ale, établie, consacrée. « La dévotion et la géo-
étrie ont leurs façons de parler, ou ce qu'on
ppelle les termes de l'art.» LABR. C'est pour-
uoi les façons, dans le sens où ce mot se prend
our marquer les procédés d'une personne, ex-
riment quelque chose qui tient à un cérémonial
tabli, quelque chose d'emprunté, de peu natu-
el; au lieu que les manières sont de la personne
nême, et ne sentent pas autant l'étude et l'affec
*ation.

En second lieu, façon est plus familier ou plus Das. Cela doit être. Sa terminaison est celle d'un grand nombre de mots français qui appartiennent u langage commun ou même populaire. D'aileurs, façon est passif, significatif d'un résultat; I se dit d'abord en termes d'art, et rappelle des pérations purement mécaniques.

autres; l'air est en nous pour ou contre nous. » Un air mélancolique, des airs évaporés font concevoir ce que nous sommes sans rapport aux autres.

en mouvement. Le corps est l'instrument des manières et des façons; il n'est que le théâtre de l'air ou des airs. Les manières et les façons demandent quelque temps pour se montrer, pour se développer; au lieu que l'air frappe la vue d'abord, au premier coup d'oeil te plaît avec le temps par ses manières ou ses façons qui avait déplu d'abord par son air. - Ensuite, les manières et les façons sont toutes relatives aux autres et expriment comment nous sommes pour eux, par suite de notre éducation et de notre usage du monde; l'air n'a rapport qu'à nous, et manifeste ce que nous sommes intérieurement, notre caractère, nos qualités, nos émotions, nos pensées. On a des manières ou des façons rudes ou insolentes; on a l'air résolu. Des manières polies ont été acquises par la fréquentation de la bonne société, et nous rendent aimables; un air poli donne penser que nous avons de la politesse. Condillac présente cette différence d'une En conséquence, on dira plutôt une façon de façon un peu énigmatique : « Les manières, ditivre étrange, singulière, extravagante, ridi-il, sont en nous pour les autres ou contre les ule, et une manière de vivre réglée, sage, clairée, admirable; de petites façons de parler LABR.), et des manières de parler distinguées. On a en latin et en français des manières le parler plus fortes et plus précises.... Je ne crois point nécessaire d'introduire dans la Proession de foi une façon de parler peu natu relle à la langue. Boss. « Je laisse à juger à - ceux qui se connaissent aux belles figures et aux belles manières de parler, si celle-ci est du nombre.... Il suffit que plusieurs des meilleurs juges de la langue rejettent une façon de parler, pour nous obliger à ne nous en servir plus. » VAUG. Bossuet prend en mauvaise part la locution à sa façon dans les phrases suivantes. « Chacun se représente Dieu à sa façon particulière. »« M. de Cambrai restreint ces articles, ou les entend et les tourne à sa façon. » Voyez Adam; voyez-moi ce nouveau Dieu; il s'est fait Dieu à sa façon; voyez comme il est savant. » Il emploie, au contraire, la locution à sa manière sans aucune idée accessoire défavorable. « Tous les fidèles ont part aux grâces divines, chacun à sa manière. » « Saint Joseph était père de Jésus à sa manière par l'adoption, par le sentiment, par le soin, par la douleur. » MANIÈRES, FAÇONS; AIR. Ces mots gignifient les formes du corps, l'extérieur d'une personne, par rapport aux impressions qui en résultent pour ceux qui les voient.

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Les mêmes différences séparent les manières et les façons de l'air ou des airs.

Les manières et les façons indiquent comment on agit; et l'air ou les airs, comme on est. Avoir de bonnes manières ou de bonnes façons, c'est se bien présenter, se bien comporter, faire les choses à propos et comme il faut; en sorte que les manières et les façons consistent dans les procédés, les discours, les gestes, le ton, les compliments, les salutations. Mais l'idée d'action n'entre pas nécessairement dans l'idée d'air : l'air provient de l'apparence ou de la configuration du corps, et surtout du visage, sans que ni l'un ni l'autre soit

Quant à la différence de manières et de façons, façons est moins noble que manières; il se dit plutôt dans le langage familier de la conversation, et il est particulièrement propre pour représenter des manières petites ou peu distinguées. «La reine (rajeunissant tout à coup) reprenait un bon teint frais et vermeil, elle se redressait avec mille petites façons. » FÉN. « Barbėsieux avait les manières d'un grand seigneur et les façons les plus polies. » S. S. « Harcourt mariait merveilleusement l'air, le langage et les manières de la cour et du grand monde avec les propos, les façons et la liberté militaire. » ID. On dira plutôt avoir des manières douces, agréables, polies (ACAD.), et avoir des façons bizarres, extravagantes, hardies (ID.), grossières. « Elle a de petites façons enfantines qui la rendent fort ridicule. » ACAD. - D'autre part, les façons ont moins de rapport au sentiment; elles sont plutôt l'effet de la civilité que de la politesse, elles marquent conformité à un cérémonial établi. C'est souvent une imitation imparfaite ou affectée des manières. « Les manières de la cour deviennent façons dans la province. » GIR.

MANQUE, DÉFAUT, PRIVATION. (MANQUEMENT, FAUTE.) Ces mots servent à exprimer qu'un sujet n'a pas une certaine chose, qu'il en est dépourvu.

Manque et défaut se ressemblent beaucoup. sans équivaloir pourtant un à l'autre. Le manque regarde la quantité; il ne doit y avoir dans une chose rien de trop ni rien de manque (PASc.); on dit le manque d'une partie : «Les choses particulières étant partagées affligent plus leur possesseur par le manque de la partie qu'il n'a pas, qu'elles ne le contentent par la jouissance de celle qui lui appartient. » PASC. Le défaut est plutôt relatif à la qualité. « Le défaut d'une seule de ces qualités rend un homme incapable d'être ce qu'il prétend. » BOURD.

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