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Enfin le mot larmes est plus propre à marquer un état constant, ou plus d'abondance: on vit dans les larmes, on a le don des larmes. « Mêlez quelques pleurs à tant de larmes. » VOLT. Pleurs n'est que pour l'occasion; une action est toujours passagère et les sentiments violents ont peu de durée.

1° LAS, FATIGUÉ; -2° HARASSE, EXCÉDÉ, RENDU, RECRU. Qui n'en peut plus, qui n'est plus en état d'agir, sans toutefois être malade ou affaibli par l'âge.

1° Las, fatigué.

Las et fatigué sont des mots beaucoup plus usités que les suivants.

Las est subjectif, et fatigué objectif : l'un fait penser à l'état et à la disposition du sujet, l'autre à la cause qui l'y met ou qui tend à l'y mettre et qui ne parvient quelquefois qu'à le peiner sans le rebuter. « Les chimistes manquent souvent de courage et de constance, ils se lassent à cause de la fatigue et de la dépense. » MAL. Avec une complaisance que ma curiosité fatiguait quelquefois, mais ne lassait jamais, il voulait bien m'instruire de ce que la Hollande avait d'intéressant. MARM. « J'assurai bien que les comédiens pourraient me fatiguer, mais qu'ils ne me lasseraient point, et que je mettrais tout le temps et les soins convenables à découvrir jusqu'où la Comédie-Française pouvait porter le crédit d'être impunément injuste.» BEAUM.

La lassitude est impuissance ou aversion pour le travail ou le mouvement; elle peut être spontanée, elle peut nous prendre sans que nous ayons rien fait. La fatigue, au contraire, est toujours la suite d'un travail ou d'un mouvement qui a considérablement diminué les forces. On se lasse d'attendre, à rester debout; on est las de ne rien faire. « Je suis las sans avoir encore rien fait. ACAD. « César, à peine sorti des guerres civiles, était déjà las du repos. » ROLL. Ulysse savait qu'il ne faut attaquer les passions que quand elles commencent à s'affaiblir par une espèce de lassitude FEN. Mais on se fatigue à courir, à poursuivre quelqu'un, à se battre, à faire des efforts. « L'attention fatigue beaucoup l'esprit. MAL.

Lui-même, fatigué d'un long siége inutile....

RAC.

Croyez-moi, chère Esther, ce sceptre, cet empire,
Et ces profonds respects que la terreur inspire,
A leur éclat pompeux mêlent peu de douceur,
Et fatiguent souvent leur triste possesseur.
Je ne trouve qu'en vous je ne sais quelle grâce,
Qui me charme toujours et jamais ne me lasse.
(Assuérus). BAC.

Enfin, la lassitude est moins forte et moins

rude que la fatigue, ce n'est souvent que l'ennui, de la satiété ou du dégoût; aussi fatigue enchérit-il sur las. « Quelle complication d'hatreurs! Je suis las de les raconter, fatigué de les éprouver. BEAUM. « Il est bon d'être lassé et fatigué par l'inutile recherche du vrai bien.» PASC. Dans ces objets, la difficulté d'être apersus n'est pas telle qu'elle lasse et fatigue le sens.» DESC. « Le comte de Flandre allait à pied, et seul, par des sentiers inconnus. Lassé et fati qué, il se cacha, pour se reposer, derrière uz buisson. Boss. « Les soldats reconnurent avec joie que leur général n'avait pas voulu les mener au combat las et fatigués comme ils étaient, ROLL.

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Savez-vous bien, ma mie, enfin que tout ceci
M'ennuie étrangement, me lasse et me fatigue ?
REGA.

2° Harassé, excédé, rendu, recru.

Harassé, excédé, rendu et recru, outre qu'ils se disent plus rarement, sont des superlatifs et signifient très-fatigué. Mais on est harassé par un trop grand travail; excédé par une trop grande charge; rendu et recru par une trop grande marche.

Comme un cheval qui se fatigue dans un haras jusqu'à s'épuiser, un homme harassé s'est tellement exercé, a tellement dépensé de forces, qu'il ne lui en reste plus. « Je suis harassé de fatigue; je bâtis, je commente, je suis malade. » VOLT. « Après tant de courses malheureuses, fatigué, harassé, honteux d'avoir cherchè tant de vérités, et d'avoir trouvé tant de chimères, je suis revenu à Locke. » ID. «Notre armée harassée à l'excès et sans utilitė. S. S. Don Quichotte était tout harassé et plein de sueurs des terribles coups qu'il avait appliqués sur le lit et ailleurs, en voulant attraper le prétendu géant. » LES. « EL Espagne, la disette eût chassé César ou l'eût consumé à la longue, et de siège en siège, de poste en poste, les légions harassées auraient péri insensiblement. » MARM.

« La mère de toute la famille prépare un repas simple à son époux et à ses chers enfants, qui doivent revenir fatigués du travail de la journée.» FEN.. Israël, fatigué de ses révoltes, de ses malheurs, de sa vaine crédulité, et las de toujours attendre un Messie, qui est déjà venu, se ré-meaux jettent des cris lamentables, lorsqu'on les veillera. Boss.

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Lorsque la lassitude est produite, elle l'est par des choses indifférentes ou même agréables, qui finissent par ennuyer, par déplaire à cause de leur uniformité ou parce qu'on en est rassasié; au lieu que la fatigue suppose toujours quelque chose de penible, de violent ou d'onéreux. « Les Syracusains étaient las de Gylippe, et fatigués de la guerre. » ROLL. « D'où vient que les richesses inquiètent l'homme, que les honneurs le fatiguent, que les plaisirs le lassent?» MASS. Les plaisirs lassent, les passions fatiguent. » ID.

La personne excédée porte plus qu'elle ne peut, a sur les épaules un fardeau qui surpasse ses forces, qui va au delà, qui l'accable. « Les cha

surcharge; cependant, quoique continuellement excédés, ils ont autant de cœur que de docilité. » BUFF. Les ânes ne se couchent pour dormir que quand ils sont excédés. » ID. « Vous êtes ercédée d'écriture.» SEV. « Je suis excédé de lettres, de mémoires, de vers, de louanges, de critiques, de dissertations; tout veut des réponses. » J. J. a Le convalescent fait partir aujourd'hui le plus énorme paquet dont jamais vous ayez été excédé. » VOLT. « Ceux qui sont aussi ercedes que moi de l'insupportable babil qui a pris à place de la chanson. » LAH. Un esclave excédé de

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coups (ID.); on excède continuellement l'âne de impudicités. « L'affreux débordement des mœurs fatigues et de coups (BUFF.). obligeait les empereurs de faire des lois pour arRendu et recru s'appliquent primitivement à rêter à un certain point l'impudicité. MONTESQ. in cheval qui, ayant fourni une course, esta L'impudicité, l'adultère, l'inceste, le viol, le rendu ou remis à l'écurie.

Récroire, suivant du Cange et Ménage, a signifié autrefois la même chose que rendre. Mais comme récroire est totalement désusité, recru est suranné lui-même. Il prend un fusil, le voilà chasseur, s'il tirait bien. Il revient de nuit, mouillé et recru, sans avoir tué. » LABR.

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Manquer la bête enfin (à la chasse), après avoir

couru,

SCARR.

Et revenir bien tard, mouillé, las et recru. REGN. Jamais on ne vit tel orage.... Les pauvres malheureux Troyens, Las et recrus comme des chiens, Vidèrent lors toutes leurs tripes. Rendu, au contraire, n'a pas vieilli.« Le loup court tout un jour sans être rendu.» BUFF. Quoique l'âne puisse d'abord courir avec assez de vitesse, il ne peut fournir qu'une petite carrière pendant un petit espace de temps; et quelque allure qu'il prenne, si on le presse, il est a. bientôt rendu. » ID. « Lorsqu'un homme aura marché autant de jours qu'il sera nécessaire - pour que le cheval soit rendu, l'homme sera encore en état de continuer sa route sans en être incommodé. » ID. « Charles XII, à la tête de sa cavalerie, fit trente lieues en vingt-quatre heures, chaque cavalier menant un cheval en main pour le monter quand le sien serait rendu.» J'arrivais à Eaubonne faible, épuisé, rendu, me soutenant à peine. » J.J.

VOLT. "

LAF.

Six forts chevaux tiraient un coche. L'attelage suait, soufflait, était rendu. LASCIVETE, LUBRICITÉ, IMPUDICITÉ, LUXURE, PAILLARDISE. L'idée commune à tous ces mots est celle d'un excès relatif à l'instinct sexuel ou aux plaisirs sensuels de l'amour.

- La

La lasciveté et la lubricité regardent les désirs, ce sont des dispositions; l'impudicité se rapporte à la jouissance, c'est de la galanterie, du libertin age, de la débauche. On est emporté par la lasciveté ou la lubricité; on commet des impudicités : la lubricité d'Appius (VERT.), l'impudicité de Sextus Tarquin (VERT., Boss.). Dire d'une personne qu'elle est lascive ou lubrique, c'est lui a ttribuer un penchant; dire qu'elle est impudique, c'est inculper sa conduite. lasciveté et la lubricité ont un caractère physique, dépendent du tempérament, et de là vient que les deux mots se disent des animaux aussi bien que de l'homme; mais l'impudicité a seule un caractère moral, parce qu'elle exclut quelque chose d'essentiellement moral, le sentiment de la pudeur; aussi ne convient-elle qu'à l'homme seul. C'est en naturaliste que parle Buffon quand il dit que les femmes du Bengale sont, de toutes les femmes de l'Inde, les plus lascives, que le lama est un animal très-lascif, et que la lubricité du singe provient de l'excès de chaleur qui est nécessaire à la pleine vie de cet animal; mais c'est dans l'intérêt des mœurs et de l'ordre que la philosophie, la politique et la religion reprennent et cherchent à réprimer l'impudicité ou les

rapt avaient leurs exemples parmi les dieux du paganisme.» MARM. « L'empereur déchira la mémoire d'Agrippine, l'accusant d'impudicité, d'adultère avec Asinius Gallus. » D'AL.

Entre la lasciveté et la lubricité, il n'y a qu'une différence de degré la lubricité est une grande lasciveté, une lasciveté en quelque sorte irrésistible. L'homme lascif, lascivus, est vif, pétulant, plein d'ardeur. « Avec un tempérament très-ardent, très-lascif, très-précoce, je passai toutefois l'âge de puberté sans désirer, sans connaître d'autres plaisirs des sens que ceux dont Mlle Lambercier m'avait donné l'idée. » J. J. L'homme lubrique, du latin lubricus, qui glisse, qui ne peut se retenir sur une pente, est entraîné vers son objet avec la plus grande force qui se puisse concevoir. A Patane, la lubricité des femmes est si grande, que les hommes sont contraints de se faire de certaines garnitures pour se mettre à l'abri de leurs entreprises MONTESQ. Luxure et paillardise se disent chacun dans une espèce particulière de style; c'est là ce qui les distingue.

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Luxure, luxuria ou luxuries, n'est guère usité qu'en termes de morale chrétienne ou quand on considère le vice au point de vue religieux. « L'usage a relégué luxure dans la morale religieuse. » LAH. La pratique de mortification la plus efficace contre la luxure est l'abstinence et le jeûne.» BUFF. La luxure est un des sept péchés capitaux, et on l'a souvent personnifiée au moyen âge. « Quand les symptômes (de possession) étaient fort compliqués, c'est qu'on avait plusieurs démons dans le corps, un démon de fureur, un de luxure, un de contraction.... VOLT. « Le jurisconsulte Barthole rédigea la bulle d'or. Il commence par une apostrophe à l'orgueil, à SaLuxure se tàn, à la colère, à la luxure. » ID. trouve cependant aussi dans la poésie légère et familière, qui se plaît, comme on sait, à recueilainsi lir les mots les plus nobles qui vieillissent, que les laquais portaient autrefois la défroque de leurs maîtres. Voltaire s'en sert quelquefois dans la Pucelle, et Lafontaine, dans ses contes et ailleurs.

Méchante femme!

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une seule fois ces noms odieux, une paillarde, une prostituée, яóρνην. » Boss.

LAVEMENT, CLYSTÈRE, REMÈDE. C'est, suivant l'expression très-heureuse de Lafontaine dans le conte intitulé Remède, un bain interne. Lavement est le mot ordinaire. Des écrivains autorisés n'ont pas fait difficulté de s'en servir dans le style commun. Je crois que M. d'Hacqueville vous mande toutes les nouvelles : pour moi, je n'en sais point; je serais toute propre à vous dire que le chancelier a pris un lavement. » Sév. « Comment me faire guérir? dit Pangloss. Je n'ai pas le sou, et dans toute l'étendue de ce globe on ne peut ni se faire saigner, ni prendre un lavement sans payer. » VOLT. « Quant à moi, j'aime cent fois mieux voir dans l'émail des prés des guirlandes pour les bergères, que des herbes pour les lavements. » J. J. « Le roi demanda ce qu'elles faisaient là. - Voulez-vous le savoir? reprit la duchesse de Bourgogne, c'est que je prends un lavement d'eau. · Comment! s'écria le roi mourant de rire, actuellement, là, vous prenez un lavement? » S. S.

L'une chauffe un bouillon, l'autre apprête un remède.

A la place de ce dernier mot, lavement ou clystir révolterait. A la vérité, remède est vague et équivoque dans cette acception; mais c'est à cause de cela même qu'il est honnête, et il n'est pas sëcessaire, dans toutes les circonstances et devant des personnes de toutes sortes, de s'exprimer sur ce dont il est ici question avec la précision d'une ordonnance de médecin.

LE, TOUT. Ces deux mots se mettent également devant les noms appellatifs pour les déterminer : l'homme, tout homme.

Le marque avec précision le genre ou l'espèce; tout exprime la totalité des individus. Le s'emploie dans les propositions universelles, quelles qu'elles soient; et tout dans celles qui servent de prémisses, dans celles d'où on veut tirer des conséquences applicables à des individus. L'homme est faible, l'homme est mortel, se dit en général, sans qu'on veuille en rien conclure, rien au moins de particulier, de relatif à certains hommes: l'homme est faible, l'homme est mortel, c'est la suite de sa condition de créature. Tout homme est faible, tout homme est mortel, se place à la tête d'un raisonnement et annonce une vérité contenant quelque chose qui regarde les individus et qu'on en va déduire : tout homme est faible, donc vous courez risque de succomber aux tentations, ne vous y exposez pas; tout homme est mortel, vous mourrez donc, n'agissez pas, ne faites pas de vastes projets comme si vous deviez toujours vivre.

LÉGISTE, JURISCONSULTE, JURISTE. Trois mots servant à désigner un homme qui s'occupe de lois, de droit, de jurisprudence, de ce qui regarde la justice ou les tribunaux.

Clystère est le nom grac de la chose, xlvotǹp, de xλúčew, laver, arroser, devenu clyster en latin. Aussi a-t-il été d'abord le terme spécial des savants. Au temps de Molière, il paraît que les médecins et les apothicaires disaient toujours clystère, tandis que les hommes qui n'étaient pas du métier disaient lavement. Dans le Malade imaginaire, Argan lit dans le mémoire même de M. Fleurant, son apothicaire, le détail de tous les clystères qui lui ont été fournis, clystères insinuatifs, détersifs, carminatifs, etc.; mais quand il fait ses réflexions sur ce compte, et qu'il parle sa propre langue, qui est celle du vulgaire, il se plaint de la cherté des lavements, et prétend que c'est pour n'avoir pas pris assez de lavements Le légiste a telle profession : c'est un homme de pendant le dernier mois, qu'il s'y est mal porté. loi; il est du nombre de ceux qu'on appelle gens Au milieu d'une conversation avec son frère Bé- de robe ou de judicature, ou auxquels on donne, ralde, il demande tout à coup à celui-ci la per- en termes de palais et de pratique, le titre de mission de prendre un petit lavement. » Bé- maîtres. Voltaire, Condillac, Saint-Simon et Sisralde lui répond: « Est-ce que vous ne sauriez mondi nomment légistes les plébéiens instruits, être un moment sans lavement et sans médecine?» qui furent introduits dans les cours de justice Et il le décide à remettre cela à une autre fois. sous le règne de saint Louis, pour suppléer à Mais M. Fleurant et M. Purgon viennent tancer le l'ignorance des barons et des gentilshommes; rebelle qui a eu l'audace de « mépriser leur clys- espèce d'assistants subalternes, qui parvinrent, tère. » De même, dans la Tontine de Lesage, le avec le temps, à rester seuls maîtres des tribumédecin Trousse-Galant dit à son malade Am-naux, à se former en corps et à composer une broise qu'il lui faut une saignée « précédée d'un classe et comme une nation distincte. Aujourlavement; mais, se tournant vers l'apothicaire: d'hui encore un légiste est un homme de cette << Allez vite, monsieur Bolus, dit-il, préparez nation, qui n'est ni celle des ecclésiastiques, ni vous-même ce clystère et l'apportez. - Aujour- celle des militaires, ni celle des gens de lettres, d'hui, grâce à notre grand comique, les médecins ni celle des médecins. « Si l'homme veut parlent comme tout le monde, et clystère ne se être légiste ou médecin, il ne faut y senger dit plus qu'en plaisantant, si ce n'est quelque- qu'après le cours d'études regardées comme fois encore en termes de science, comme dans utiles à tout le monde, LAH. « Ce que l'élocette phrase de Buffon: « Pline et Galien attri-quence judiciaire a produit de plus beau dans le buent à l'ibis l'invention du clystère. »

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Quant à remède, c'est un mot employé par la délicatesse pour faire entendre la chose sans la faire imaginer. On connaît ces vers de Boileau : Nul n'est si bien soigné qu'un directeur de femmes. Quelque léger dégoût vient-il le travailler, Une froide vapeur le fait-elle bâiller;

Un escadron coiffé d'abord court à son aide

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dernier siècle n'appartient pas proprement au barreau, ne fut pas l'ouvrage d'un légiste, ni la plaidoirie d'un avocat, ni même un mémoire juridique.... On voit bien que je veux parler du procès de Fouquet et des défenses publiées en sa faveur par Pellisson.» ID. « Les premiers personnages des tragédies de Corneille argumentent alors avec les tournures et les subtilités de

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l'école, et s'amusent à faire des jeux frivoles de fait naître.» BUFF. Mégabyze fut envoyé (en raisonnements et de mots, comme des écoliers exil) à Cyrta. Mais, au bout de cinq ans, il se ou des légistes. » VAUV. « Légistes, docteurs, mé-sauva déguisé en lépreux, et revint chez lui à decins, quelle chute pour vous, si nous pouvions tous nous donner le mot de devenir sages ! » LABR. « Les juges de Jean sans Terre furent des pairs assistés d'un grand nombre de barons, sans qu'il y eût aucun clerc, aucun légiste, aucun homme qualifié du nom de maître. » VOLT.

Suse. ROLL. « Saint Louis demanda une fois au sire de Joinville lequel des deux il aimerait mieux, ou d'être lépreux, ou d'avoir commis un péché mortel. » Boss.« Plus d'un ancien auteur dit que c'était (le peuple juif) une troupe de lépreux qui fut chassée de l'Egypte par le roi Amasis. » VOLT.

Mais à l'égard des animaux, ladre est le seul mot qu'on emploie. « Cette imperfection dans les sens du goût et du toucher est encore augmentée (chez les cochons) par une maladie qui les rend ladres, c'est-à-dire presque absolument insensibles.» BUFF. « Les lièvres qu'on appelle ladres cherchent les eaux, et se font chasser dans les étangs, les marais et autres lieux fangeux. » ID.

Item nos pourceaux ladres furent,
Nos brebis eurent le claveau,
Et tous nos chevaux le morveau.

SCARR.

Le jurisconsulte a tel genre d'habileté : c'est celui qu'on consulte sur le droit (de jus, juris, droit, et consulere, consulter). Il se distingue par sa connaissance du droit et les applications qu'il en sait faire à la solution des questions ou des difficultés qui s'y rapportent. C'est parmi les légistes une lumière, un homme qui fait autorité, a ou c'est un légiste considéré par rapport à ce qu'il pense, au sentiment qu'il soutient. « Le pape Clément IV s'était distingué comme un des meilleurs jurisconsultes de son siècle. » SISMONDI. << Les jurisconsultes du temps présentèrent cet article de la loi salique comme réglant la succession de la couronne. » ID. « Ces raisons dos juris-« H faut, dit Sancho, que vous veniez faire metconsultes (en faveur de l'esclavage) ne sont point tre dans l'écurie Rossipante et mon âne; car vos sensées. » MONTESQ. « On ne saurait trop remplir belîtres de valets veulent les fourrer dans une l'esprit de ces notions communes qui sont comme étable, parmi des cochons, comme si c'étaient autant d'oracles de la jurisprudence, et comme le deux ladres. » LES. — Que si quelquefois l'épiprécis de toutes les réflexions des jurisconsultes. thète de ladre, au propre, s'applique à un D'AG. Cicéron permet que l'orateur n'ait pas homme, c'est par forme d'injure. « On fit courir passé sa vie à approfondir toutes les questions de le bruit qu'il était ladre (le roi François II) et la jurisprudence pour le détail des causes, parce qu'on faisait enlever des enfants pour lui faire un qu'il peut, dans le besoin, recourir aux profonds bain de sang. Les protestants accusaient les jurisconsultes. » FEN.« Domat (Jean), célèbre princes lorrains d'avoir répandu ces bruits pour jurisconsulte. » VOLT. « Le fameux jurisconsulte rendre la famille royale odieuse. Boss. « Si Ulpien. » ID. « On n'examine point ici si cette notre homme ne sent pas celui-là (ce trait), il nouvelle jurisprudence est utile ou dangereuse; faut qu'il soit ladre comme un vieux porc. >> on n'écrit ni comme jurisconsulte ni comme con- J. J. troversiste. ID.

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Au figuré, ladre se dit seul, mais il est familier. Et quant à lèpre et à ladrerie, qui ont tous deux l'acception figurée, le premier de ces mots est noble, sérieux, propre au style élevé, le second est familier, dérisoire, et rappelle l'animal immonde, dont l'une des maladies particulières est la ladrerie: on dit la lèpre du péché, et la ladrerie d'un homme sordidement avare.

Le juriste est comme le jurisconsulte versé dans la connaissance du droit, des lois, des coutumes. Mais il en diffère en ce qu'il se borne à la théorie, à la science de l'école et des livres : il ne se mêle point de pratique; on ne le consulte point, si ce n'est sur le passé, sur les usages et les institutions d'autrefois. « Les docteurs en droit s'intitulèrent chevaliers : titre ridicule, puis-. LETTRE, ÉPÎTRE. Écrit au moyen duquel on que originairement le chevalier était l'homme communique ses pensées ou on fait savoir quelcombattant à cheval, ce qui ne pouvait convenir que chose à une personne absente. au juriste. » VOLT. « Le domaine des empereurs romains étant autrefois inaliénable, c'était le sacré domaine; les barbares vinrent, et il fut trèsaliéné.... Après le rétablissement de l'empire romain en Allemagne, le sacré domaine fut déclaré inaliénable par les juristes. » ID.

LÉPREUX, LADRE. Atteint d'une maladie qui couvre la peau de pustules et d'écailles.

Lépreux, leprosus, vient du latin lepra, et même primitivement du grec λérрa, lèpre. Quoi qu'on ignore l'étymologie de ladre, il est certain néanmoins qu'il ne dérive, d'une manière évidente, d'aucun mot latin ou grec. De là toute la différence.

Lépreux est plus noble que ladre.

En parlant des hommes, on dit proprement lépreux. « Un lépreux dont la peau serait insensible n'aurait aucune des idées que le toucher

Les deux mots viennent de mots latins, savoir : lettre, de littera; et épître, d'epistola. Mais lettre est devenu tout français, il a dans notre langue plusieurs autres acceptions très-communes, et appartient à une famille qui semble indigène. Epitre, au contraire, et par la raison contraire, est resté latin, ou au moins il rappelle davantage son origine savante.

Le fait est que lettre est le terme consacré en parlant des modernes, et épître celui dont on se sert par rapport aux anciens. Les lettres de Mme de Sévigné, les lettres de Voltaire, la poste aux lettres, écrire ou recevoir une lettre, etc.; les épitres de Cicéron, de Sénèque, de Pline, d'Horace, les épîtres des apôtres, les épîtres canoniques, etc.

Pour ce qui concerne l'antiquité, la règle est invariable on dit des épîtres, et jamais des

lettres. Que si quelquefois on a appelé improprement lettres certaines épitres des anciens, celles de Cicéron, par exemple, c'est qu'on les a considérées comme étant devenues françaises par la traduction, et en tant qu'on les lit dans la traduction ou qu'on les peut apprécier par la traduction, Cicéron, dans la belle lettre à son frère Quintus, établit le même principe, et semble le fonder sur la même comparaison. » ROLL. Mais quand il s'agit du texte, de l'écrit sous sa forme originelle, le mot épître est d'une rigueur absolue. On pourrait douter si les épîtres de Cicéron sont bien propres pour la sixième et pour la cinquième, parce qu'elles sont souvent obscures et difficiles. » ROLL.

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deux verbes simples lever et hausser, auxquel se rapportent tous les autres verbes placés à leur suite, et sous lesquels ils viennent naturellemen! se ranger en deux classes.

Lever, du latin levare, dont le sens est le même, veut dire mettre haut, droit, debout ce qui est bas ou couché, en changer la position c la direction. Hausser, au contraire, suppose que la chose est déjà haute, droite, debout, et signifie ajouter à sa hauteur. On lève de terre, on lève un poids de tant de livres, on lève les pieds en marchant; mais on hausse une porte, on hausse une maison d'un étage, la chaleur fait hausser le thermomètre. I.'action de lever fait aller en haut ce qui n'y allait point, ce qui était A l'égard des écrits qui ont pour auteurs des bas ou baissé; l'action de hausser fait aller encore modernes, si lettre est l'expression ordinaire, davantage en haut ce qui y allait déjà. Vous levez épître s'emploie néanmoins dans certains cas. une échelle en la dressant; vous la haussez en y C'est d'abord le nom qu'on donne à une lettre mettant quelques échelons de plus. Une plante écrite en vers les épîtres de Boileau, de J. B. lève quand elle sort de terre pour se diriger vers Rousseau, de Pope; outre un grand nombre de le ciel; une rivière hausse quand elle croît lettres, Voltaire a adressé plusieurs épîtres au roi quand elle devient plus haute. On lève la pierre de Prusse, Frédéric II. On nomme ensuite épi- qui couvre une tombe, le couvercle d'un core tres dédicatoires les lettres que l'on met à la tête ou d'une marmite, la visière d'un casque, toutes des livres pour les dédier. « Qu'est-ce que cette choses susceptibles d'être mises perpendiculaireaffectation d'épitres à la tête d'un ouvrage, où, ment ou ôtées de dessus d'autres choses; on par le caprice d'un auteur, les mérites les plus hausse ce qui est susceptible de gagner en hauobscurs sont égalės aux plus éclatants? » BOURD. teur, la voix, le ton, le courage, les monnaies, « J'aime mieux dire que Voiture se joue agréable- le prix des denrées, etc. Vous levez les yeux en ment de son sujet, et que des lettres galantes ne leur donnant une autre direction que celle demandent pas une vérité si austère que des épi- qu'ils avaient; vous haussez les épaules en les tres dédicatoires, qui sont d'elles-mêmes graves portant plus haut qu'elles ne vont d'elles-mêmes. et sérieuses.» ВоUн. Enfin, épître a, dans le Vous étiez couché ou assis, vous vous levex; vous style moderne, une troisième application, analo- n'êtes pas assez grand, dans l'attitude verticale, gue aux deux précédentes, mais que ne mention- pour atteindre une chose de la main, vous vous nent point les dictionnaires, et qui est plus diffi-haussez, c'est-à-dire que vous vous grandissez cile à déterminer : il signifie une lettre remarqua- autant que possible. ble, soit par sa longueur, soit par quelque chose Lever marque plutôt qu'on donne à un objet sa de relevé dans le fond, soit par quelque chose de hauteur propre et ordinaire; et hausser, dans pompeux ou de solennel dans la forme. Bossuet les mêmes circonstances, annonce qu'on y ajoute écrit à une dame qu'il dirigeait par correspon- encore. On lève la tête, au lieu de la tenir baisdance: «Vous aurez à présent reçu ma lettre en sée, on la hausse quand on s'efforce de la tenir réponse à votre grande épître; celle-ci viendra aussi haute qu'on peut, avec une sorte d'affecen confirmation. » « Ce ne sont point là mes protation. Le maître à danser de M. Jourdain lui pres pensées, ni mes expressions, mais celles de saint François Xavier, qu'il nous a laissées dans ses épîtres, fidèles interprètes de son cœur, et lettres sacrées que nous conservons comme les précieuses reliques et les monuments de son zèle. BOURD. « A un homme qui fait de tels présents, ce ne sont point des lettres familières et de simples compliments un peu ornés, ce sont des épitres liminaires du plus haut style qu'il faut écrire, et où les comparaisons du soleil soient prodiguées. BOIL. « Vous attendiez peutêtre une lettre faite pour être montrée; mais auriez-vous dû me la pardonner, et reconnaîtriezvous l'amitié que vous m'avez inspirée dans une épître où je songerais au public en parlant à vous?» J. J. « On attache aujourd'hui à l'épître l'idée de la réflexion et du travail, et on ne lui permet point la négligence de la lettre. » MARM.

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apprenant à se tenir, lui dit : « Haussez la tête. » MOL. On se lève pour être sur pied; mais Bossuet a dit de Condé que, toujours égal à lui-même, il ne se haussa point pour paraître grand.

1o Lever, élever, soulever, enlever, relever. Modifier la situation ou la direction d'un objet de façon à le faire aller de bas en haut.

Lever exprime cette idée simplement. Tous les verbes qui le suivent ici, étant composés, y joignent une idée d'effort, outre la nuance que tire chacun d'eux de sa particule initiale.

Élever, c'est lever de ou du milieu de. C'est lever de, c'est-à-dire en faisant quitter le sol. On lève une échelle qu'on dresse; le soleil élève des vapeurs. Un malade se lève sur son séant; des audacieux s'élèvent en ballon. C'est lever du milieu de, c'est-à-dire de telle sorte que la chose domine, prenne le dessus, soit éminente : élever une statue, élever quelqu'un au plus haut rang.

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1o LEVER, ÉLEVER, SOULEVER, ENLEVER, RELEVER; 2° HAUSSER, EXHAUSSER, RE- Soulever, c'est lever en agissant par-dessous. HAUSSER. Faire aller en haut, vers le ciel. « La marée soulève les navires qui sont sur la Une différence fondamentale sépare d'abord les vase. » ACAD. Le feu intérieur du globe a produit

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