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tait une étoffe si claire, qu'on en voyait toute la difformité. » ROLL.

Hideur, affreux et horrible signifient tous trois extrêmement laid; mais chacun d'eux se distingue par une nuance particulière.

Ce qui est hideur est repoussant. Ce mot exprime spécialement le dégoût, le soulèvement du cœur. « Cette reine si vieille, si vieille, était sale, hideuse et puante. FÉN. « Si j'ouvre le tombeau d'un grand, je n'y trouve qu'un cadavre hideux, qu'un tas d'ossements infects et desséchés. BOURD. Un jeune homme enclin à la débauche fut mené par son père dans un hôpital de vénériens : « A ce hideux spectacle qui révoltait à la fois tous les sens, le jeune homme faillit à se trouver mal. » J. J. Les enfants n'aiment pas la vieillesse : l'aspect de la nature défaillante est hideux à leurs yeux; j'aime mieux m'abstenir de les caresser que de leur donner de la gêne ou du dégoût. » ID. « Les enfants se vautrant dans l'ordure et se traînant à quatre; le père et la mère assis sur leurs talons, tout hideux, tout couverts d'une crasse empestée. » BUFF. « Les harpies, ces animaux hideux, immondes et voraces, venant avec leur plumage infect et leur haleine fétide fondre sur les festins d'Enée, et salir de leurs excréments les mets, la - table et les convives. » LAB. Un homme qui pendant sa vie s'est distingué par sa crasse, par une sordide avarice, est un homme de hideuse mémoire (BOIL.).

Ce qui est affreux et horrible est tellement laid qu'on s'en éloigne comme si c'était quelque chose de dangereux.

deur des grands crimes. « La Brinvilliers, cette horrible femme. » SÉv. « Le plus horrible des vices, l'hypocrisie. » FÉN.

LAINE, TOISON. Poil doux, épais et frisé qui croît sur la peau de certains animaux, les moutons, les brebis, les agneaux, les lamas, les vigognes.

Laine, latin lana, grec ñvos ou λáyvn, est le mot commun, celui qui représente la chose partout où elle se trouve, et particulièrement dans les vêtements de l'homme dont elle forme la matière. Toison de tonsio, action de tondre, n la représente, au contraire, que sur l'animal ou par rapport à l'animal. « Les étoffes de laine ne ressemblent guère à la toison des brebis dont on les forme. » ROLL. On travaille la laine, on la file, on la manufacture; la toison couvre plus ou moins bien l'animal, elle reste ou elle ne reste pas intacte.

De ses propres moutons elle filait la laine.... Le ciel les préservait de la fureur des loups, Et, gardant leurs toisons exemptes de rapines, Ne leur laissait payer nul tribut aux épines. LAF. On coupe la laine pour la livrer au commerce et à l'industrie, et on laisse à l'animal une partie de sa toison pour qu'il n'ait pas trop froid. «Dans les pays chauds on ne coupe pas la laine, mais on l'arrache, et on en fait souvent deux récoltes par an; dans les climats froids on se contente de la couper une fois par an, et on laisse aux moutons une partie de leur toison, afin de les garantir de l'intempérie du climat. » BUFF. - Même lorsque la toison est considérée, ainsi que la laine, comme un objet utile, comme pouvant servir aux usages de l'homme, elle rappelle encore l'animal dont elle est la dépouille brute; au · lieu que la laine est entre les mains ou a été transformée par les mains de l'ouvrier. « Gardezvous des faux prophètes, qui viennent à vous sous des toisons de brebis, et qui sont au dedans d'eux-mêmes des loups ravissants. » BOURD. « L'un de mes gendres possède sur la montagne des pâturages d'où ses troupeaux lui apportent de riches toisons; l'autre, avec cette laine, que filent nos femmes, forme de précieux tissus. » MARM.

Mais ce qui est affreux est laid à faire peur. Cette épithète est essentiellement propre aux choses qui effrayent, la mort, la nuit, l'obscurité, un brouillard, tout ce qui est noir; un désert, un abîme, un antre, une image sombre, un danger quelconque « L'affreuse figure d'un lion. » Boss.-Ce qui est horrible est laid à faire frissonner. On est plus qu'effrayé de ce qui est horrible; on en frémit un tonnerre horrible (RAC.), un spectre horrible (FÉN.); Hercule sur le bûcher poussait des cris horribles (ID.); faim ou famine horrible (Boss.). Horrible enchérit donc sur affreux. On soutient avec peine la vue D'autre part, laine est un terme abstrait, anade ce qui est affreux. « Comme les Turcs étaient lytique, qui a rapport à la nature et aux qualiles peuples les plus laids de la terre, leurs fem-tés de la chose; toison, au contraire, est un mot mes étaient affreuses comme eux. » MONTESQ. C'est-à-dire qu'elles étaient très-laides, sans être pourtant ni hideuses ou dégoûtantes, ni horribles ou absolument monstrueuses. On recule devant ce qui est horrible, on ne peut s'empêcher d'en détourner la vue. « Cette reine était devenue si laide et si horrible que les gens même qui venaient lui faire la cour cherchaient, en lui parlant, des prétextes pour tourner la tête, de peur de la regarder. » FÉN.

D'autre part, affreux indique plutôt un sentiment de peine, de mélancolie, d'abattement, de tristesse. « La situation de ce château était triste, pour ne pas dire affreuse.» S. S. Horrible signifie une excitation, un mouvement de l'âme qui réagit, qui s'indigne, se révolte; et c'est pourquoi horrible s'emploie surtout en parlant de la lai

concret, collectif et synthétique, qui la dépeint dans son ensemble, telle qu'elle se montre sur le corps des animaux. « En mélangeant des boucs et des brebis, on obtient des métis qui ne different guère des agneaux que par la toison, qui est plutôt du poil que de la laine. » BUFF. « Les brebis de la Barbarie et de l'Égypte ont subi de grands changements : leur poil rude s'est changé en une laine fine; et en même temps que l'animal s'est paré d'une belle toison, il a perdu sa force. » ID. « L'énorme crinière dont la tête du bison est entourée n'est pas du crin, mais de la laine ondée et divisée par flocons pendants comme une vieille toison. ID. «Il y avait dans les troupeaux du Cyclope des béliers très-grands, bien nourris, couverts d'une laine violette fort longue et fort épaisse.... Je me glissai sous le

ventre du plus gros, et m'y tins collé, en em- | brable déchire et perce les membranes internes 1 poignant avec les deux mains son épaisse toi- VOLT. son. » Ulysse dans l'Odyssée. FÉN. - Il suit de là que toison est plus pittoresque et plus poétique, ou, ce qui revient au même moins scientifique, moins positif, moins mercantile. « Que venezvous chercher dans l'Église, ministres de Dieu? La toison du bercail, ou le salut des brebis?»

MASS.

BOIL.

Alors, pour se couvrir durant l'apre saison, Il fallut aux brebis dérober leur toison. LANCER, DARDER. Jeter en avant avec force, avec roideur, pour atteindre au loin.

On lance proprement une lance ou une pique; on darde un dard, un trait, une flèche. « Je lance une pique, dit Ulysse, plus loin qu'un autre ne darde une flèche. » FÉN. Mais lancer, qui est devenu d'un usage très-commun, comme le prouve le fréquent emploi qu'on en fait au figuré, s'est plus éloigné de sa signification primitive, que darder de la sienne.

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On lance toutes sortes de corps, et de manière à produire toutes sortes d'effets on lance une balle contre un mur, un vaisseau à l'eau; on lance des pierres sur un arbre pour abattre des fruits; un fleuve lance son écume en l'air (MARM.); Hercule furieux lança Lichas du haut d'une montagne (FÉN.); l'éléphant saisit son offenseur avec sa trompe et le lance comme une pierre (BUFF.). « La nature lance à la fois dans les airs l'aigle superbe et le hideux vantour.»> ID. On ne darde que des dards, des traits ou quelque chose de semblable, des corps effilés, pointus, propres à percer et presque toujours à blesser. « L'abeille darde son aiguillon. » ACAD. « On écrira encore mille fois après moi que le porc-épic darde ses piquants, et que ses piquants séparés de l'animal, entrent d'eux-mêmes dans les corps où leur pointe est engagée. » BUFF. « Le pic darde au cœur des arbres une longue langue effilée, armée d'une pointe dure, osseuse, comme d'un aiguillon, dont il perce, dans leurs trous, les vers qui sont sa seule nourriture. » ID. « Le dragon dardait sa langue à trois pointes contre la peau de Roland, qu'il ne pouvait percer, à la vérité, mais il la brûlait de ses feux. LES.

Darder emporte si bien l'idée de frapper et de piquer, qu'il se dit aussi, à la différence de lancer, avec le nom de l'animal blessé pour complément direct darder une baleine (ACAD.). L'anhinga (espèce d'oiseau) ressemble à une couleuvre par la façon dont il replie le cou et le lance dans l'eau pour darder les poissons. »> BUFF. « La couleuvre des Moluques se suspend à des branches d'arbre pour se lancer sur les animaux et les darder. ROUB.

On dit lancer du poison contre quelqu'un. « La jalousie poursuit les arts.... Le poison de Rousseau m'a été lancé jusqu'ici. » VOLT. Mais on préférera darder s'il s'agit d'exprimer l'effet pénétrant et funeste d'un venin. « Un médecin de Londres a vu au microscope la liqueur dardée par les gencives de vipères irritées; il prétend qu'il les a trouvées semées de ces lames coupantes et pointues dont le nombre innom

La lumière et les feux lancés par le soleil répandent dans les airs, remplissent l'espace. a On voit le soleil levant s'annoncer de loin par les traits de feu qu'il lance au-devant de lui.» J. J. « Les autres soleils qui lancent aussi continuellement leurs feux, rendent à notre sola tout autant de lumière qu'ils en reçoivent de lui. » BUFF. Les rayons dardés par le soleil tombent à plomb sur quelque chose qui en est frappé, pénétré, et même d'ordinaire blessé « Que le soleil vienne éclairer tout à coup les habitants d'une caverne obscure, qu'il darde impétueusement ses rayons dans leurs yeux non préparés, il ne fera que les aveugler pour jamais. » D'AL. Dans la traduction de la Pharsale par Marmontel, Caton dit aux soldats qu'il exhorte à le suivre : « Dès que j'aurai mis le pied sur le sable (de l'Afrique), que le soleil darde sur moi ses feux, que des serpents gonflés de venin m'environnent; je veux éprouver le premier tous les périls qui vous menaceront. »

LANDES, FRICHES. Terres incultes.

Landes vient de l'allemand land, qui signifie pays, contrée, province, et qui en français a été tourné en mauvaise part ou en dérision, comme il est arrivé aux mots ross, buck, herr, rappier, originairement nobles, et dont nous avons fait, en les dégradant, rosse, bouquin, hère, rapière. Friches dérive de l'allemand frisch, frais, qui ne sert point, ou vain, oiseux, inutile, comme en latin frigidus.

Landes enchérit sur friches de toutes les manières.

D'abord les landes ont plus d'étendue que les friches elles couvrent des pays entiers, témoin notre département des Landes, qui n'est que landes pour ainsi dire. « Le désert des landes de Bordeaux n'est que trop grand. » VOLT. « Le géographe Hubner affirme qu'on ne peut trouver en Europe un terrain d'une lieue d'étendue qui ne soit habité, quoiqu'il y ait vingt lieues de pays dans les landes de Bordeaux où l'on ne trouve absolument personne. Il y a des marécages immenses dans la Pologne, et des déserts dans la Russie, et par tout pays des landes. » ID. Mais friches se dit d'une simple terre, d'un champ au milieu d'autres champs. « Les terres des grands propriétaires ne sont pas aussi bien cultivées que les champs d'un paysan qui ne sort pas de son hameau. Il n'y a de friches que dans les domaines des grands propriétaires. » COND.

Ensuite, landes exclut l'idée de culture absolument: les landes ne sont pas, n'ont pas été et ne seront pas cultivées, ou du moins elles ne peuvent l'être que très-difficilement. Les friches ne sont point cultivées, mais elles l'ont été ou elles peuvent l'être elles l'ont été, car on dit tomber en friches; elles peuvent l'être, c'est ce qu'indique le mot défricher. « Un empire qui se dépeuplerait et qui tomberait en friches n'en serait pas plus grand pour avoir reculé ses bornes. » COND. On emploie six et jusqu'à huit boeufs dans les terrains fermes, et surtout dans

les friches qui se lèvent par grosses mottes et par quartiers. » BUFF.

que ce mot a souvent rapport à l'ouvrier, à la personne qui applique ou manie la langue; de là vient que la langue et le langage se considèrent, l'un sous le point de vue matériel et objectif, l'autre sous le point de vue artistique et subjectif: une langue riche, harmonieuse; un langage orné, le langage d'un honnête homme, le langage de la passion. Deux hommes du même pays, deux écrivains de la même nation parlent la même langue, mais ils tiennent différents langages lorsqu'ils pensent ou sentent différemment. « On a dit que la langue latine était moins chaste que la nôtre; mais Virgile et Ovide, Tacite et Pétrone, Sénèque et Juvénal parlaient la

MARM. Au contraire, deux peuples, dont les langues n'ont rien de commun, tiennent néanmoins le même langage quand il est question de choses sur lesquelles ils s'accordent (voy. Langue et langage dans la Ire partie, p. 182).

La stérilité des landes est plus grande que celle des friches. Les landes sont des sables (BUFF.), des déserts (LES.), on les traverse sans y rien trouver que d'aride, et de là vient qu'on appelle landes, au figuré, quoique les dictionnaires, on ne sait pourquoi, aient cessé de marquer cet emploi du mot, les passages d'un écrit qui sont longs, secs et ennuyeux. « Je ne comprends pas que mes lettres puissent divertir ce Grignan; il y trouve si souvent des chapitres d'affaires, des réflexions tristes. Il est obligé de sauter par-dessus, pour trouver un endroit qui lui plaise, cela s'appelle des landes en ce pays-même langue, et non pas le même langage. » ci. » SEV. Comme il y a bien des landes dans cet ouvrage (le Songe du Verger), et même des digressions inutiles, et souvent frivoles, il faut savoir le lire de telle manière qu'on néglige ce qui est de cette espèce. » D'AG. Malebranche écrit au P. André: « Je ne crois pas que les traduc tions que vous méditez de faire eussent beaucoup de cours, parce qu'il y a dans ces ouvrages bien des landes, des choses qui n'apprennent rien présentement. » Mais les friches produisent au moins des plantes utiles pour la nourriture des troupeaux. « Dans le partage des terres, le Bourguignon, guerrier, chasseur et pasteur, ne dédaignait pas de prendre des friches; le Romain gardait les terres les plus propres à la culture; les troupeaux du Bourguignon engraissaient le champ du Romain. » MONTESQ. « Les chèvres trouvent autant de nourriture qu'il leur en faut dans les bruyères, dans les friches, dans les terrains incultes et dans les terres stériles. » BUFF.

-

D

1o LANGUE, LANGAGE, IDIOME, DIALECTE 2° PATOIS, JARGON, BARAGOUIN, ARGOT. Système de signes à l'aide desquels on fait connaître ses pensées.

Langue, langage, idiome et dialecte ne présentent dans leur signification rien que de bon et de louable; au lieu que patois, jargon, baragouin et argot se prennent en mauvaise part, annoncent qu'on parle mal, emportent toujours une idée de blâme ou de mépris.

1° Langue, langage, idiome, dialecte.

Langue est l'expression primitive, l'expression mère la langue est le système de signes articulés ou parlés dont on fait usage chez une nation.

Langage désigne une sorte de langue; ce qui , peut s'entendre de deux façons différentes. Le langage est une sorte de langue, c'est-à-dire, outre la langue (car la terminaison de langage est collective), tout ce qui est semblable à la ; langue, sans être précisément langue ou signe oral: on nomme langage tout ensemble de signes propres à manifester ce qui se passe dans l'esprit et dans l'âme. On dit en conséquence, le langage du geste, des yeux, le langage d'action; la peinture est un langage muet; le langage des bêtes; les lois du langage, traiter de l'origine du langage Mais le langage (linguam agere) est aussi une sorte de langue, en ce sens que c'est une certaine manière de s'en servir; de là vient

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SYN. FRANC.

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Idiome, grec loíwpa, d'idios, propre, particulier, spécial, signifie la langue ou la manière de parler d'une nation, eu égard à ses idiotismes, à la singularité de ses tours, et en général à tout ce qu'elle a de particulier ou d'original.

Sans de l'esprit ne se dit pas.
L'idiome gascon souffrirait cette phrase.

LAF.

-

« Les têtes se forment sur les langages, les pensées prennent la teinte des idiomes. » J. J. « La mélodie imite les accents des langues, et les tours affectés dans chaque idiome à certains mouvements de l'âme. ID. Des personnes prétendent qu'un homme organisé comme Corneille, dans quelque siècle qu'il eût vécu et dans quelque idiome qu'il eût écrit, eût donné les mêmes preuves de talents. COND. Une langue universelle, en détruisant les idiomes, nuirait au développement du caractère propre ou de la personnalité de chaque peuple. L'idiome est aussi une langue à part, une langue qui, pour ainsi dire, n'est pas encore sortie de chez elle et a peu vu le monde, étrange, informe, qui commence ou qui est peu répandue, c'est-à-dire qui a peu de cours ou qui ne se parle que dans un coin de la terre, chez un petit peuple. << Ils passent leur vie à déchiffrer les langues orientales et les langues du nord.... Les idiomes les plus inutiles, avec les caractères les plus bizarres et les plus magiques, sont précisément ce qui réveille leur passion. » LABR. « Parlez-lui de figues et de melons, c'est pour lui un idiome inconnu, il s'attache aux seuls pruniers, il ne vous répond pas. » ID. « La langue grecque est une des plus anciennes.... Actuellement encore, le grec corrompu par les idiomes étrangers ne diffère pas autant du grec ancien, que l'italien diffère du latin.» BUFF. « J'appelle guenons, d'après notre idiome ancien, les animaux qui ressemblent aux singes et aux babouins, mais qui ont de longues queues. » ID. « La langue (italienne) perfectionnée par Dante et Pétrarque ne reçut plus d'altération, tandis que tous les autres peuples de l'Europe ont changé leur idiome. » VOLT. « Les inondations des barbares avaient introduit dans l'Europe leurs idiomes. » I». « On aura commencé par des

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L'âne, qui goûtait fort l'autre façon d'aller,
Se plaint en son patois.

LAF.

Le jargon est surtout inintelligible, à la difference du patois qui est surtout grossier. « Ce mot (craupêcherot, nom d'un aigle) est resté en Bourgogne parmi les paysans, comme quantité d'autres termes anglais que j'ai remarqués dans leurs patois.... Gessner a mal écrit ce nom faute d'entendre le jargon de Bourgogne. » BUFF. On nomme jargon tout langage obscur, même celui d'une seule personne ou d'une très-petite société. « Pensez-vous que je puisse durer aux turlupinades perpétuelles de ce marquis incemmode? Ce langage est à la mode. — Tant pis pour ceux qui le font et qui se tuent tout le jour à parler ce jargon obscur.» MOL. « Le mysté

a

cris; ensuite les hommes plus ingénieux auront | lant le patois de leurs provinces.» RIv. Le formé quelques articulations. Tout idiome com- patois, en France, sont abandonnés aux promençant aura été composé de monosyllabes.» vinces, et c'est sur eux que le petit peuple exerce ID. & Partout on a trouvé en Amérique des idio- ses caprices, tandis que la langue nationale est mes formés, par lesquels les plus sauvages ex- hors de ses atteintes. » ID. primaient le petit nombre de leurs idées.... De là se sont formées tant de langues différentes. » ID. Les dialectes, du grec diáλextos, sont les modes, les formes ou les variétés d'une même langue, les filles d'une même mère, différentes manières dont une langue commune à une nation est parlée en différentes provinces. » COND. « Les dialectes étaient autant de langages, parfaits chacun dans leur genre, dont différents peuples se servaient, mais qui avaient tous une même langue pour fondement. » ROLL. « Ceux de nos modernes qui ont le plus approfondi ces matières prétendent qu'il y avait une langue commune, non-seulement à tous les habitants de la Gaule, mais à tous les peuples d'origine celtique, et ils n'admettent entre les langues de tous ces peuples que des diversités de dialectes.»rieux jargon de la médecine.» LABR. Ils parID. « Il n'y a (en Allemagne) que deux langues matrices qui ont leurs dialectes: et ces langues sont la teutone et l'esclavone. L'esclavone a pour principaux dialectes la russinique pour les Moscovites, la dalmatique pour les Transylvains et pour les Hongrois, etc. La teutone a trois principaux dialectes, le germanique, le saxon et le danois. » REGN. « La diversité de ramage dans des oiseaux d'une même espèce a été comparée avec raison aux différences qui se trouvent dans les dialectes d'une même langue.» BUFF. Les différents dialectes de la langue allemande. » ID. « L'Allemagne a presque autant de dialectes que de capitales. RIV. Les dialectes du langage celtique étaient affreux. VOLT. Le jésuite Needham connaît tous les dialectes égyptiens et chinois comme il connaît la nature. » ID. « Sadaï était le nom que quelques peuples de Syrie donnaient à Dieu. Ils l'appelaient tantôt Sadaï, tantôt Adonai..., selon les différents dialectes. » ID. Les dialectes d'une même langue emploient les mêmes mots et les disposent de même dans la phrase; mais ils ne les prononcent pas ou ne les terminent pas de même. Les différentes nations de la Grèce, affectionnant des finales différentes, amenaient dans les noms et dans les verbes ces variations que l'on a nommées dialectes. » LAH.

2o Patois, jargon, baragouin, argot.

lent jargon et mystère sur de certaines femmes. » ID. « M. Vernes me fait un grand crime d'avoir employé ce qu'il appelle le jargon de la métaphysique. J. J. Platon dit à Aristote, dans un des Dialogues des Morts de Fénelon : « Votre physique est une physique métaphysique ou, pour mieux dire, des noms vagues, pour accoutumer les esprits à se payer de mots, et à croire entendre ce qu'ils n'entendent pas.... Avec ce jargon un homme se croit un grand philosophe, et méprise le vulgaire. « Une de mes maladies mortelles est l'horrible corruption de la langue, qui infecte tous les livres nouveaux. C'est un jargon que je n'entends plus, ni en vers ni en prose.» VOLT. « Plusieurs pièces de théâtre modernes ne seront pas entendues dans vingt années, parce qu'on s'y est trop assujetti au jargon de notre temps. » D'AL.

Le baragouin est un jargon qui tient à la manière de prononcer : on n'entend pas le jargon d'une personne qui emploie des expressions recherchées, qui arrange les mots d'une façon bizarre, qui affecte des locutions ou des tours extraordinaires; on n'entend rien au baragouin d'une personne qui articule mal, parce qu'elle est étrangère, ou comme le ferait un étranger qui écorche les mots. Dans l'Étourdi de Molière, Lélie dit à Mascarille qui fait semblant de parler français à la manière des Suisses : Le plaisant baragouin!...

Ton jargon allemand est superflu, te dis-je. « J'avais appris une trentaine de mots anglais à Londres que j'ai tous oubliés, tant leur terrible baragouin est indéchiffrable à mon oreille. »J.J. « Un homme qui prononce fort mal l'italien m'a lu une partie de votre traduction (italienne) du Comminges. Il m'a fait entendre dans son baragouin de beaux vers sur un triste sujet. » VOLT.

Le patois est un mauvais dialecte parlé par le peuple d'une province. « Il ne nous reste aucun monument de la langue des anciens Velches.... Un reste de l'ancien patois s'est encore conservé chez quelques rustres de cette province de Galles, dans la basse Bretagne, dans quelques villages de France.» VOLT. « Il faut voir avec quelle confiance les étymologistes ont prouvé que sur les bords du Tibre on emprunta des expressions du patois des sauvages de la Biscaye. » ID. « La Par extension, baragouin semble quelquefois plume de l'Amour va fort mal en patois pay- exprimer le comble du jargon. Dans les Présan.» LAH. « Boursault n'avait fait dans sa jeu- cieuses ridicules, Gorgibus, qui vient d'écouter nesse aucune espèce d'études, et, né en Bour le phébus débité par Madelon, s'écrie: « Quel gogne, il ne parlait encore à treize ans que le diable de jargon entends-je ici? Voici bien du Patois de sa province. ID. Des paysans par-haut style. » Et après le discours de Cathos: «Je

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ense qu'elles sont folles toutes deux, et je ne une seconde différence. Quand il signifle la même uis rien comprendre à ce baragouin. » MoL. chose que le mot larmes, il se dit seulement de L'argot est un jargon inventé tout exprès par celles qu'on verse avec bruit, avec éclat, et qui es gueux et les voleurs, afin de pouvoir s'entre- sont l'expression d'une douleur violente. Larmes enir en public sans crainte d'être entendus. se prend dans un sens plus général : toute cause Les petits voleurs ont entre eux un diction-physique qui produit une compression des musaire qu'ils appellent argot: les mots de vol, cles de l'œil fait couler des larmes, et non des Marcin, rap ine, ne s'y trouvent point; ils se ser- pleurs; il y a des larmes et non des pleurs de vent des termes qui répondent à gagner, repren- joie; on rit aux larmes et non aux pleurs. Mais dre. VOLT. Il se dit ensuite d'un jargon con- lorsque les deux mots s'emploient comme reprévenu entre gens qui ne sont ni des gueux ni des sentatifs de sentiments de douleur ou d'affliction, voleurs, mais dont on fait peu de cas. « Les jan-auquel cas leur synonymie est le plus étroite, les sénistes appellent leur union l'ordre : c'est leur larmes annoncent des sentiments doux, paisibles argot; chaque communauté, chaque société a et silencieux : des larmes de tendresse ou d'atle sien. » WOLT. « On voit ce que veuleut dire, tendrissement (VOLT.), les larmes de la pénidans l'argot révolutionnaire, ces mots mouve-tence. « Voyez ruisseler ce sang et cette eau du ment, opération et cent autres du même genre: partout massacre et pillage sans exception.» LAH.

LARMES, PLEURS. Expression des sentiments de l'âme par l'épanchement d'une eau qui coule les yeux.

Larmes est un substantif pur: il désigne un objet, l'eau même qui sort de l'œil. Pleurs est in substantif verbal : il a rapport au verbe pleurer, qui en vient et signifie un fait, celui de Rémoigner par des larmes ce qu'on sent. On sèche ju on essuie ses larmes (ACAD.); on cesse ses pleurs (LAF.) ou on les continue (J. J.). Les larmes ont une source; les pleurs sont une sorte d'action comme les cris, les plaintes, les gémissements. Certaines personnes, après que le temps a fait cesser la douleur qu'elles avaient en effet, ne laissent pas d'opiniâtrer leurs pleurs, leurs plaintes et leurs soupirs; elles prennent un personnage lugubre, et travaillent à persuader, par toutes leurs actions, que leur déplaisir ne finira qu'avec leur vie.... Il y a encore une autre espèce de larmes qui n'ont que de petites sources, qui coulent et se tarissent facilement. » LAROCH. On dit un torrent, un ruisseau, une fontaine de larmes, laver ses crimes par ses larmes (Boss.); et, d'autre part, éclater en pleurs, en cris, en plaintes, en douleurs excessives (Sév.), être interrompu en parlant par ses soupirs et par ses pleurs (VOLT.). On voit des larmes, on entend des pleurs; et c'est à tort que Voltaire a repris cette dernière expression dans plusieurs vers de Corneille.

Seigneur, si votre amour peut écouter mes pleurs....
CORN.

Elle n'entend ni pleurs, ni conseil, ni raison. ID.
C'est une manière de parler très-juste qui se re-
trouve dans d'autres écrivains du premier ordre.
Le ciel dans tous leurs pleurs ne m'entend point

nommer.

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RAC.

côté percé de Jésus; c'est l'eau sacrée du bap-
tême, c'est l'eau de la pénitence, l'eau de nos
larmes pieuses.» Boss. « M. le cardinal de Bouil-
lon est touché de votre lettre, et persuadé de vos
sentiments; il a toujours les larmes aux yeux : je
lui ai parlé de vos douleurs. » SEV. Tout senti-
ment qui n'est pas à sa place séche les larmes
qu'une situation attendrissante faisait couler..
VOLT.

Ah! de grâce, seigneur, épargnez ma faiblessé;
J'ai besoin de constance en l'état où je suis.
Ne fortifiez point l'excès de mes ennuis

Des larmes de votre tendresse.

(Psyché à son père). MOL. Les pleurs, au contraire, sont le signe éclatant de sentiments remarquables par leur force et leur énergie: des pleurs de rage, de désespoir. « Où iront les méchants, si ce n'est aux pleurs, au désespoir, à la rage, au grincement de dents, à l'éternelle fureur? Boss. Son amant pressait sa main qu'il baignait de pleurs, et éclatait en sanglots. » VOLT.

Eh quoi! mes transports furieux, Ces pleurs que mes remords arrachent de mes yeux,

Ce changement soudain, cette douleur mortelle,
Tout ne te dit-il pas que je viens d'auprès d'elle?

ID.

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S'excuser de l'éclat qu'il a fait contre nous, Ses pleurs, son désespoir d'avoir pu nous déplaire, Sont un charme à calmer toute notre colère. MOL. « Il ne faut pas que les larmes d'une absence soient aussi lugubres que les pleurs des funérailles. SAINT-EVREMOND. « Les malades et les blessés conjuraient avec larmes les fuyards de les emmener avec eux; ou, se traînant après eux, ils les suivaient le plus loin qu'il leur était possible, et quand les forces venaient à leur manquer, ils avaient recours aux pleurs, aux plaintes, aux

«On a entendu des voix confuses dans les chemins,
des pleurs et des hurlements des enfants d'Is-
raël. » Boss. Les larmes se qualifient en elles-imprécations. » ROLL.
mêmes et par rapport à leur nature: des larmes
de sang; des larmes feintes, criminelles; de
douces, de grosses larmes. Les pleurs se quali-
fient par rapport à l'éclat des pleurs soudains
ou violents.

Ensuite, de ce que le mot pleurs, à cause de son caractère verbal, désigne un fait, il s'ensuit

Les larmes sont touchantes ou attendrissantes, les pleurs pathétiques. Andromaque verse des larmes; pour Hermione, il n'y a que des pleurs.

Pleurs ne se dit guère qu'au pluriel parce qu'il suppose un accompagnement de plaintes, de cris, de lamentations qui n'est pas compris dans le sens de larmes.

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