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souvent l'étude et l'examen, soit qu'on n'en ait pas besoin, soit qu'on ne s'en donne pas la peine, qu'on agisse d'autorité, arbitrairement ou à la légère. Le pouvoir se substituerait au droit. Les procès se termineraient encore; mais on ne jugerait plus, on déciderait.» BEAUM. «Il y a un public qui décide avec connaissance et avec équité; il est vrai que ce public qui juge, c'est à-dire qui pense, n'est pas nombreux.» D'AL. « Les connaisseurs jugent, les journalistes décident.» ID. Un être raisonnable juge; le sort, un événement décide.

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La justesse emploie les mots qu'il faut; la précision n'emploie que les mots qu'il faut; & l'exactitude emploie tous les mots qu'il faut

Sans justesse, on se sert de termes impropres qui ne vont pas bien à la pensée, qui n'y con viennent pas de tout point, qui s'y appliquent mal, ou n'est pas vrai. Sans précision, au deu de se réduire aux termes propres, on emploie une abondance d'expressions approchantes qu troublent l'esprit, on n'est pas net. Sans eractitude, on ne met pas assez de soin à réunir tous les mots nécessaires pour rendre pleinement sa pensée, on n'est pas complet.

De sorte que, sans justesse, on donne de ce qu'on pense une idée fausse; sans précision, une idée vague; et, sans exactitude, une idée incomplète ou inachevée.

Quand les dieux étonnés semblaient se partager, Pharsale a décidé ce qu'ils n'osaient juger. CORN. 3° L'action de juger étant d'une certaine étendue, et celle de décider courte, la décision se prend bien pour la fin du jugement, la résolution, pour le point précis où on prend parti La justesse est ennemie de la fausseté; elle après avoir délibéré. On juge et on décide. « Cé-exige que le mot soit toujours calqué sur la sar blåma fortement la témérité et la cupidité pensée. La précision est ennemie de l'embarras des soldats, qui avaient pris sur eux de juger et de l'obscurité; elle exclut les circonlocutions, et de décider jusqu'où ils devaient aller. » ROLL. « Parce qu'on est prêtre, on s'arroge le droit | de juger de tout, de décider de tout. » BOURD. « Quelle sera la décision de ce jugement formidable (le jugement dernier pour chacun de nous)? Sera-ce le ciel ou l'enfer? ID.

Comme la décision termine le jugement, l'action de prononcer succède à l'une et à l'autre. Prononcer, c'est proclamer ou déclarer la décision des juges. A la rigueur, le jugement et la décision peuvent être intérieurs et solitaires; au lieu que prononcer désigne toujours une assertion, une sentence rendue. Quelques habiles prononcent en faveur des anciens contre les modernes. LABR. On juge avec connaissance de cause; on décide sans balancer; on prononce hautement. Juger de tout, décider de tout, est le propre d'un esprit qui ne doute de rien; prononcer sur tout, est le propre d'un homme affirmatif, dogmatique, qui s'exprime en maître. Comme prononcer achève entièrement le fait, est définitif, comme le juge qui prononce fait acte d'autorité, prononcer se dit bien d'un oracle ou d'une personne qui décide souverainement. « Troïle est l'oracle d'une maison; s'il prononce d'un mets qu'il est friand, le maître le trouve friand, et ne peut s'en rassasier. » LABR. « C'est le roi qui doit | prononcer sur cette affaire. Sév. « C'est nous qui pouvons prononcer souverainement si nous sommes de la terre ou du ciel. » Boss. Des empereurs avaient osé prononcer sur les questions de la foi. » ID.

JUSTESSE, PRÉCISION, EXACTITUDE. Qualités de l'esprit et du style qui ont pour effet de bien faire comprendre, par le bon emploi des mots, ce qu'on dit ou ce qu'on écrit. Raisonner (FEN., ROLL.), faire l'analyse d'un livre (ROLL.), parler avec justesse, précision et exactitude. Esprit juste, précis, exact (S. S.). Esprit de justesse, de precision (VOLT.) et d'exactitude. « Vincent de Lérins a dit que la tradition passe d'un état obscur à un état plus lumineux, en sorte qu'elle reçoit avec le temps une lumière, une précision, une justesse, une exactitude qui lui manquait auparavant. Boss.

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les longueurs, les expressions mal déterminées. L'exactitude est ennemie de la négligence,

Avec trop de justesse le style deviendra austère et timide; on ne se permettra ni saillies, ni métaphores, rien qui s'écarte tant soi peu de l'idée. Avec trop de précision, on sera d'une excessive sobriété, sec, maigre, écourté, d'une clarté mathématique. Avec trop d'exactitude, on sera minutieux et ennuyeux.

Justesse et précision se disent encore en par. lant de la manière dont on exécute une opération ou un mouvement. Avec justesse, c'est-à-dire sans écart, en allant droit où il faut aller, en mettant chaque chose juste à l'endroit qu'il faut, sans se tromper; avec précision, c'est-à-dire sans embarras.

JUSTICE, ÉQUITÉ, — DROITURE. Disposition, qualité ou vertu qui consiste à ne pas faire tort à autrui. « Vous redemandez vos droits avec une hauteur et une exactitude que vous appelez droiture, justice, équité, mais que j'appelle, moi, inhumanité, BOURD.

Justice, justitia, de jus, droit, de la même famille que jubeo, j'ordonne, marque la conformité à une règle positive, le respect d'un droit rigoureux, dont l'exécution peut être exigée par la contrainte. L'équité, du latin æquitas, égalité, consiste à traiter les autres comme nos égaux, comme nous voudrions en être traités; mais le droit auquel elle correspond n'est pas ordonné ou prescrit par les hommes, il l'est par la conscience ou par la raison, et il n'emporte pas avec lui le pouvoir de contraindre. On observe la justice en accomplissant les lois que la société à établies pour sa conservation; et l'équité, en suivant les principes de la loi naturelle. Les règles de la justice sont variables et dérivées de celles de l'équité; et parfois le jurisconsulte a besoin de remonter à celle-ci et de s'en servir pour éclairer ou corriger le droit positif, ou bien pour y suppléer.

« Le magistrat joint à la loi souvent trop gênérale le discernement des cas particuliers; il ajoute à la justice cette équité supérieure sans laquelle la dureté de la lettre n'a souvent qu'une

igueur qui tue, et l'excès de la justice devient | Une autre différence provient du sens primitif uelquefois l'excès de l'iniquité. » D'AG. «Quand | d'équité. Vous êtes juste envers l'homme dont loi était trop sévère, Zadig, devenu juge, la vous ne violez pas le droit, et équitable envers mpérait; et quand on manquait de lois, son celui dont vous ne violez pas le droit au profit quité en faisait qu'on aurait prises pour celles d'un autre homme. Un juge est juste quand il e Zoroastre. » VOLT. & Les Romains n'avaient juge conformément à la loi, et équitable quand il oint de lois civiles: sous la monarchie, les rois, ne fait acception de personne, quand il est égal ui rendaient seuls la justice, n'avaient d'autres pour celui-ci et pour celui-là, c'est-à-dire imparègles, dans leurs jugements, que les usages, tial. Une impartiale équité (ACAD.); un partage, eurs lumières et leur équité. » COND. « Nous une distribution équitable (ID.). On est juste en portons en nous-mêmes, et la loi de l'équité natu- traitant un homme comme on le doit, comme il relle, et la loi de la justice chrétienne. Boss. le mérite; et équitable, en le traitant comme les « Comme la mode fait l'agrément, aussi fait-elle autres, également, ou bien en lui assignant une la justice. Si l'homme connaissait réellement la part ou une place convenable. La justice exclut justice, il n'aurait pas établi cette maxime, que l'offense; l'équité, la faveur ou le passe-droit. chacun suive les mœurs de son pays: l'éclat « Ces secours se dispensent avec équité et avec de la véritable équité aurait assujetti tous les bonté, sans que personne se puisse plaindre. » peuples, et les législateurs n'auraient pas pris Boss. « Je lui voyais remplir si dignement sa pour modèle, au lieu de cette justice constante, place (au frère de Mme de Pompadour), qu'à son es fantaisies et les caprices des Perses et des égard la faveur me semblait n'être que la simple Allemands. PASC. « Un sage a dit que les lois équité. » MARM. « A force d'être équitable envers nêmes et la justice ont besoin d'être menées et lui, elle était inique envers elle, et se faisait conduites justement, c'est-à-dire avec équité. »tort pour lui faire honneur. J. J. CHARR.

La droiture, comme l'équité, consiste à suivre envers autrui les lois ou les inspirations de la conscience. Mais, au lieu que l'équité est douce, attentive à réparer, à excuser, et impartiale, la droiture est inflexible (D'AG., LAH., MARM.) et sincère (MASS., S. S.). Elle est inflexible, c'est-àdire qu'elle ne se laisse détourner par rien de la droite voie ou de la droite ligne; elle est inacces

La justice ne voit que le fait et n'entre pas lans la considération des intentions et des circonstances; l'équité, au contraire, moins étroite et plus délicate, tient compte de la faiblesse, de l'erreur, du mérite ou du démérite particulier. Un père dénaturé déshérite son fils dont il n'a réellement pas lieu de se plaindre la justice doit confirmer ses dispositions; mais l'équité dé-sible aux sollicitations tendant à nuire à autrui, fend de les exécuter. J'ai promis à un ouvrier un et inébranlable aux assauts de l'intérêt ou de la certain salaire pour une journée de travail; quoi passion. En sorte que, si l'homme équitable ne qu'il fasse, il est juste que je lui paye la somme favorise personne, l'homme droit ne se favorise = convenue. Mais si, grâce à son ardeur, il a fait pas lui-même et peut aller jusqu'à se condamner. bien plus d'ouvrage que je ne devais raisonna-Une droiture inébranlable (J.J.), à toute épreuve blement en attendre, ne lui ferai-je pas tort et erais-je équitable de m'en tenir aux termes de notre engagement?

Comme la justice se rapporte à des lois écrites et d'institution humaine, ce mot convient particulièrement aussi pour exprimer l'application de ces lois, l'action des magistrats dans les tribunaux. L'équité, au contraire, se montre dans la conduite ordinaire et dans les jugements qu'on porte communément sans être revêtu d'aucun caractère. ◄ Des magistrats qui n'ont point mis l'équité dans les plus petits événements de leur vie courent risque de perdre bientôt cette justice même qu'ils rendent sur le tribunal. » MONTESQ. « Comme Aristide se portait pour arbitre dans les différends entre les particuliers, la réputation de son équité faisait déserter les tribunaux de justice. BARTH. « J'ai prononcé des jugements, disait David, mais ces jugements ont été accompagnés d'une justice exacte.... Un des désordres où tombent ceux qui jugent du prochain, c'est le défaut d'équité et d'intégrité. » BOURD.

(ID.), invariable (ID.). De ce côté, la droiture touche à la fermeté. De l'autre, elle touche à la bonne foi elle ne biaise pas, elle ne dissimule pas, elle ne cache pas sous l'apparence du désintéressement des vues personnelles; elle veut le bien pour le bien. «Que signifient ces précautions, ces retardements, ces mystères? Est-ce ainsi qu'on répond à la confiance? Cette allure est-elle celle de la droiture et de la bonne foi? » J. J.

Vous attaquez la probité des gens de bien et la droiture de leur cœur; vous les soupçonnez de noirceur, de dissimulation, d'hypocrisie; de faire servir à leurs vues et à leurs passions les choses les plus saintes, d'être des imposteurs publics. » MASS.

L'homme juste ne fait pas de tort. L'homme équitable n'use pas d'une rigueur exacte, littérale, toute judaïque, et n'a pas de préférences. L'homme droit n'a pas la faiblesse de se laisser entraîner à nuire, et son attachement à la cause légitime est sans feinte et sans arrièrepensée.

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LABYRINTHE, DÉDALE. Edifice ou lieu plein de détours et tellement disposé, qu'il est difficile, une fois qu'on y est, d'en sortir. Au figuré, ces mots donnent l'idée d'une grande complication et d'un grand embarras.

Labyrinthe est le mot qui en égyptien, en grec et en latin a signifié un palais ou un enclos de bâtiments, dont ceux qui s'y engageaient avaient peine à trouver l'issue. Dédale est primitivement le nom du célèbre architecte qui construisit le labyrinthe de Crète sur le modèle de celui de l'Egypte. Nous vimes en Crète le fameux labyrinthe, ouvrage des mains de l'ingénieux Dédale, et qui était une imitation du grand labyrinthe que nous avions vu en Egypte. FÉN. On a ensuite donné à l'ouvrage le nom de l'ouvrier, et on a dit un dédale pour un labyrinthe.

De là plusieurs différences.

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Labyrinthe s'emploie au propre pour désigner des constructions, des plantations, des lieux dont les tours et les détours sont si multipliés, qu'on s'y perd. Dans les Amours de Psyché et de Cupidon, une tour enchantée dit à Psyché

L

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Le malheur de ta fille au tombeau descendue
Par un commun trépas,

Est-ce quelque dédale où la raison perdue

MALH.

Ne se retrouve pas? Enfin, le mot labyrinthe concentre toute l'at-i tention sur la nature de la chose : le labyrinthe est inextricable (ACAD., BEAUM.), inexplicable (Boss.). « Si je sors des voies de la foi, je tombe dans un labyrinthe où je ne fais que tourner, que me fatiguer, sans trouver jamais d'issue. » BOURD. « J'ai montré à ce ministre dans son système un labyrinthe d'où il ne peut sortir.» Boss. «Qui marche dans les ténèbres ne sait où il va.... Il avance. Ah! quel labyrinthe, et combien de fallacieux et inévitables détours il va rencon trer !... » ID. « Je voulus fixer une bonne fois mes opinions, mes principes.... Je me trouvai d'abord dans un labyrinthe d'embarras, de dificultés, d'objections, de tortuosités, de ténèbres.» J. J. « On conçoit dans quelle étrange perplexité, dans quel labyrinthe de difficultés et de périls jetaient Octavien les intérêts opposés des posses

Vous entrerez dans un labyrinthe dont les routes sont fort aisées à tenir en allant; mais quand on en revient, il est impossible de les dé-seurs des terres et d'une multitude infinie de mêler.» LAF. « Je ferais dans une grande salle une espèce de labyrinthe avec des tables, des fauteuils, des chaises, des paravents. Dans les inextricables tortuosités de ce labyrinthe, j'arrangerais au milieu de boîtes d'attrapes une boîte de bonbons.... » J. J. « Le sentier n'aboutissait à la muraille que par une infinité de tours, de détours et de circuits très-difficiles. Mais bientôt la lune, dissipant les nuages, dévoila à Aratus tout le labyrinthe de ce sentier. » ROLL. « J'ait fait planter une infinité de petits arbres et un labyrinthe d'où on ne sortira pas sans le fil d'Ariane.» SEV. Mais dédale, qui ne signifie un labyrinthe que par méton ymie, n'est d'usage que quand on parle par figures ou dans le style figuré. Lors même qu'il se rapproche le plus du sens propre, il conserve néanmoins quelque chose d'abstrait et d'immatériel qui le rend parfaitement distinct. « L'hirondelle semble décrire au milieu des airs un dédale mobile et fugitif, dont les routes se croisent, s'entrelacent, se fuient, se rapprochent..., et dont le plan, trop compliqué pour être représenté aux yeux par l'art du dessin, peut à peine être indiqué à l'imagination par le pinceau de la parole. » BUFF.

En second lieu, labyrinthe convient mieux en prose. J'ai renoncé à juger les hommes, bien convaincu que l'obscur labyrinthe de leurs cœurs m'est impénétrable. » J. J. « Il faut donc alambiquer son esprit dans ces questions, c'està-dire dans les plus fines disputes où la raison puisse entrer, ou plutôt dans les plus dangereux labyrinthes où elle se puisse perdre. » Boss. La poésie, au contraire, préfère dédale.

gens de guerre accoutumés à donner la loi à
leurs chefs. » ROLL. « L'ignorance de la nécessite
de la création, pour les anciens, faisait de la
métaphysique un obscur labyrinthe d'où ils ne
pouvaient se tirer. » MARM.-Mais le mot dédale
fait penser à l'artiste et à l'art : le dédale est une
œuvre d'habileté ou de ruse. Aaídaλo; et dæ da-
lus veulent dire fait avec art, industrieux, ha-
bile. « Comment l'auteur des Métamorphoses a-
t-il pu, de tant d'histoires différentes, former un
tout si bien suivi, si bien lié, et tenir toujours
dans sa main le fil qui vous guide dans ce dédale
d'aventures merveilleuses? » LAH. « Que l'impôt
soit un, la fraude n'aura plus à se réfugier dans
un dédale ténébreux d'édits absurdes et bizar-
res. MARM. « Je ne doute pas de la sagacité, de
l'adresse avec laquelle vous saisirez le dessein de
l'auteur (du Barbier de Séville), et suivrez le fil
de l'intrigue à travers un léger dédale. » BRAUM.
« C'est bien assez pour moi d'avoir suivi le comte
de La Blache dans le dédale affreux de sa politi-
que, d'avoir développé par quelle suite de ruses
et de noirceurs il s'est flatté d'en imposer à tous
les tribunaux. » ID. Dans le Tartufe, Cleante dit
en parlant de Tartufe :

Aux menaces du fourbe on doit ne dormir point....
Ne vous y fiez pas; il aura des ressorts
Pour donner contre vous raison à ses efforts;
Et sur moins que cela le poids d'une cabale
Embarrasse les gens dans un facheux dedale.
MOL.

Souvent en étudiant ou en raisonnant, on se jette ou on tombe dans des labyrinthes, faute de méthode ou à cause de l'extrême variété et com

plication des choses auxquelles on s'applique. | rité ou de la suivre. » PASC. « Une armée est un Pendant que je suivais cette fausse méthode, assemblage confus de lâches qu'il faut mener au je m'aperçus que j'enfilais une fausse route qui combat, ou de téméraires qu'il faut retenir. » m'égarait dans un labyrinthe immense. J. J. FLÉCH. « Moralès, pour me montrer que je ne « Je ne vais que tâtonnant dans un petit coin de m'étais point associé avec un lache, suivit mon cet immense labyrinthe (la botanique). » ID. exemple: nous chargeâmes les ennemis et les Voltaire écrit à Mme du Châtelet: Comment obligeâmes à prendre la fuite. » LES. Mais ce avez-vous pu marcher après Newton dans cette qui domine dans le poltron, c'est la peur et la route obscure du labyrinthe immense où se perd vivacité de l'instinct de conservation. « Il n'y a · la nature?» « Les Juifs ne connaissent plus rien guère de poltrons qui connaissent toujours toute dans les temps qui leur sont marqués par leurs leur peur. » LAROCH. « Il fallait que ces gens-là prophéties, et ne savent par où sortir de ce laby- fussent plus poltrons qu'on ne le peut imaginer rinthe. Boss. « En l'étude de l'homme, je pour avoir peur de nous. » LES. « Cette compatrouve une extrême variété de jugements, un raison d'Eschine pique vivement la poltronnerie profond labyrinthe de difficultés les unes sur les de Démosthène: on sait qu'à la bataille de Chéautres. MONTAIGN. Mais si les choses au mi- ronée cet orateur avait abandonné son poste et lieu desquelles on a peine à se reconnaître sont pris la fuite. » ROLL. « Le jaguar se ressent en du nombre de celles que les hommes ont indis- tout de l'indolence du climat. Les sauvages, crètement multipliées ou embrouillées par des naturellement poltrons, ne laissent pas de redousubtilités, elles forment pour celui qui cherche à ter sa rencontre. » BUFF. « Reposez-vous de ma les démêler, non plus un labyrinthe, mais pro- conservation sur ma poltronnerie. » SÉv. « Comprement un dédale. « Avec la folle idée de vou- ment! coquin, tu fuis, quand on m'attaque!... loir tout prévoir, les Anglais ont fait de leurs lois Couvre au moins ta poltronnerie d'un voile plus Kun dédale immense où la mémoire et la raison se honnête. Don Juan à son valet Sganarelle. MOL. perdent également. » J. J. — Là où il s'agit, non pas de combattre, mais de rester intrépide, poltron se dit à l'exclusion de lache on est poltron (S. S., DEST.) et non pas lache, quand on craint les esprits.

Mais que Maupeou tout seul du dédale des lois
Ait su retirer la couronne,
Qu'il l'ait seul rapportée au palais de nos rois;
Voilà ce que je sais, voilà ce qui m'étonne.
VOLT.

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Errer dans les détours d'un dédale de lois. BOIL. =Dans le Lutrin, le prélat dit à la Chicane : Épuise en ma faveur ta science fatale;

Du diges te et du code ouvre-nous le dédale. ID. LÂCHE, POLTRON, PUSILLANIME, COUARD. Qui manque de courage.

Lâche, Laxus, qui n'est pas tendu ou serré, annonce faiblesse, défaut d'activité, d'ardeur, d'énergie. Poltron vient de pollice truncus, qui s'est coupé le pouce, moyen qu'employaient chez les Romains les lâches qui voulaient échapper au service militaire; il exprime proprement la frayeur, le défaut d'assurance. Le lache ne se bat point; le poltron se sauve. « O chrétiens, s'écria le roi Grandonio, êtes-vous donc si lâches, qu'il n'y ait plus personne parmi vous qui ose se présenter devant moi! Fuyez, fuyez, poltrons, retirez-vous dans les ruelles, vous n'êtes propres qu'à divertir les femmes. » LES.

Le lâche ne se défend ni n'attaque, il demeure dans l'inaction absolument; le poltron, au contraire, se bat quelquefois, car si la peur donne des ailes, elle peut aussi donner de la hardiesse. « Vous avez donné un souper magnifique (afin de ne pas passer pour avare), comme un poltron va au combat en désespéré. » Lucullus à Crassus. FÉN. « On n'a pas le temps d'avoir peur quand le danger surprend : voilà souvent d'où naît la force d'un poltron révolté. » BEAUM.

Moralement considérée, la lâcheté a bien plus de gravité que la poltronnerie; c'est un vice du caractère qui consiste surtout à abandonner ce qu'on devrait défendre, la vérité, par exemple, et l'honneur ou son honneur. La poltronnerie est une faiblesse involontaire, un simple défaut du tempérament qui fait fuir les dangers avec un empressement presque toujours plus risible que dégradant et odieux: telle est celle de Sosie dans Amphitryon (MOL.). « Il est poltron comme un lézard. » VOLT.

La pusillanimité, pusillus animus, petit esprit, caractère timide, est ou suppose, comme la lâcheté, une timidité excessive, le contraire de l'audace. Mais, au lieu que la lâcheté se rapporte spécialement à la valeur, au courage du

Ce qui domine dans le lâche, c'est la timidité, il hésite, il n'ose. Conseils qu'on appelle timides, et qu'on donne bientôt pour lâches. » S. S. « Cer-soldat, et à celui de l'homme d'honneur, dont le tains animaux carnassiers, les loups, les renards, qui n'ont point de griffes, sont timides et même laches. » BUFF. « Les religieux de Port-Royal ne sont ni dans une générosité philosophique ou dans une fermeté irrespectueuse, ni dans cette lâcheté molle et timide, qui empêche ou de voir la vé1. L'Académie (1835) dit avec raison, un dédale d'intrigues; mais le labyrinthe de la chicane est une expression arbitraire et sans justesse. On ne la trouverait point employée dans l'âge d'or de notre langue.

soldat est le type, la pusillanimité s'étend à tout le lâche n'ose se battre, il craint d'être vaincu ou tué; le pusillanime n'ose entreprendre, se déclarer, il se défie trop de lui-même, il craint trop ou s'exagère les inconvénients du parti à prendre. « Il y a une timidité qui nous retient dans les rencontres, qui nous ferme la bouche et qui nous lie les mains, lorsqu'il conviendrait d'agir, de se déclarer, de se défendre. Ce n'est point là humilité, mais pusillanimité. » Bourd. « Pourquoi ne pas enrichir peu à peu notre lan

produite par accident, laquelle déforme, defigur et dénature, pour ainsi dire.

gue de nouvelles expressions excellentes ? Je sais bien qu'il faut être, sur cet article, fort discret et fort réservé; mais il ne faut pas aussi pousser « Il n'est pas indifférent à l'âme, dit Cicero la discrétion jusqu'à une timide pusillanimile.» d'être dans un corps disposé et organisé de te ROLL. Rien n'approche tant de la pusillanimité ou telle façon.» Sur quoi Montaigne s'exp qu'une prudence excessive. » J. J. « Il y a je ne ainsi : « Cettuy cy parle d'une laideur desta sais quelle circonspection pusillanime qui, turee et difformité de membres mais now voyant partout des inconvénients, se borne, par appellons laideur aussi une mesadvenance sagesse, à ne faire ni bien ni mal; j'aime mieux premier regard, qui loge principalement une hardiesse généreuse qui, pour bien faire, visage, et souvent nous desgouste par hien legie secoue quelquefois le puéril joug de la bien- res causes; d'un teint, d'une tache, d'une rude séance. » ID. « Ces sortes de périls ne m'ont contenance, de quelque cause inexplicable, su jamais arrêté, et je hais ces cœurs pusillanimes des membres bien ordonnez et entiers.... Cette qui, pour trop prévoir les suites des choses, laideur superficielle, qui est pourtant tresimpen'osent rien entreprendre. » Scapin. MOL. On rieuse, est de moindre preiudice à l'estat de est pusillanime aussi quand on est lache par rap- | l'esprit, et a peu de certitude en l'opinion des port à soi-même, quand on n'a pas le courage hommes. L'aultre, qui d'un plus propre nom de combattre ses passions, ses défauts ou les s'appelle difformité, plus substancielle, porte maux dont on est accablé. plus volontiers coup iusques au dedans : non pas tout soulier de cuir bien lissé, mais tout soulier bien formé, montre l'intérieure forme du pied comme Socrates disait de sa laideur, qu'elle en accusait iustement autant en son ame, s'il ne l'eust corrigee par institution.

D

Tu ne saurais saisir ces haines vigoureuses
Que sentent pour l'amour les âmes généreuses,
Homme pusillanime, imbécile, brutal!

REGN.

a M. de Luxembourg eut la pusillanimité de vouloir se dissimuler les infirmités de l'âge. » J. J. & Puisque vous souffrez une privation totale (de la vue), j'ai cru qu'il y aurait de la pusillanimité à n'en pas supporter une passagère. Voltaire à Mme Dudeffand.

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Mais ce qui caractérise nettement difforme par rapport à laid et à ses autres synonymes, c'est son objectivité. Ce qui est difforme est tel par sa nature, sans que peut-être sa vue nous cause aucune peine ce qui est laid, hideur, etc., est Couard, de queue, écrit autrefois coue (cauda), tel par l'impression qu'il fait sur nous. C'est par signifie celui qui par poltronnerie se tient à la l'esprit ou le jugement que nous saisissons la queue d'une troupe, ou bien un animal qui, par difformité; c'est par la sensibilité que nous apl'effet de la peur, porte la queue entre les jam-précions la laideur. Nous trouvons à redire à ce bes. C'est, ainsi que couardise, un mot qui ne se dit que familièrement, et encore ne le dit-on guère aujourd'hui. << Les chiens couards mordent et déchirent dans la maison les peaux des bêtes sauvages qu'ils n'ont osé attaquer aux champs. CHARR.

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LAID, DIFFORME; HIDEUX, AFFREUX, HORRIBLE. Esthétiquement imparfait, qui blesse le goût ou le sentiment du beau.

Laid, exprime une irrégularité moins grande, moins choquante, et surtout moins essentielle que difforme. La laideur peut dépendre simplement de la couleur du visage, de la rudesse de la peau, d'un certain air, d'un certain jeu de la physionomie, des traits, en un mot de la superficie: la difformité suppose un défaut de conformation, la privation d'un membre ou sa disproportion relativement aux autres, ou quelque defectuosité considérable, soit naturelle, soit

qui est difforme, nous plaignons une personne difforme; nous ne pouvons nous empêcher de hair ce qui est laid, hideux, affreux ou horrible. « L'âme pénitente ne montre pas toujours ses difformités dans toute leur laideur. » MASS. « I' est impossible que l'âme mondaine montre dans toute leur laideur des difformités qu'elle ne connaît pas. » ID. « Un homme qui a beaucoup de mérite et d'esprit, et qui est connu pour tel, n'est pas laid, même avec des traits qui sont difformes; ou s'il a de la laideur, elle ne fait pas son impression. » LABR.-Il en est de même au moral qu'au physique. La difformité du vice designe froidement et en elle-même une des qualités du vice. « La difformité du péché se tire de deux endroits : l'une du côté de Dieu, dont elle nous prive; l'autre du côté de son objet. » Boss. La laideur du vice se rapporte à l'effet que produit le vice sur notre sensibilité. La comede du Tartufe a fait beaucoup de bien aux hommes, en montrant l'hypocrisie dans toute sa laideur.» VOLT. On dit bien la laideur, mais non pas la difformité, d'une action vicieuse particulière. parce que c'est une chose qui frappe, qui se fait sentir de telle ou telle manière, mais non pas un objet qui subsiste et puisse être considéré comme ayant des qualités fixes et permanentes.

Enfin, laideur convient mieux pour signifier un défaut de l'âme, et difformité pour désigner un défaut du corps. « Le corps de Physcon repondait assez à la laideur de son âme. On te pouvait guère en voir un plus contrefait. Il était de petite taille.... Sur un si vilain corps, il por

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