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Pour ce qui concerne la différence à mettre entre vainement et en vain, voyez I" partie, p. 97 et 98.

INVITER, PORTER, EXCITER. Agir sur quelqu'un pour lui faire faire quelque chose.

laviter exprime une action douce; porter, une action puissante; et exciter, une action vive. Ce qui nous invite à quelque chose nous y attire, agit sur nous par insinuation ou par persuasion; ce qui nous porte à quelque chose nous y entraîne, agit sur nous avec autorité, avec ascendan t; ce qui nous excite à quelque chose nous met en verve pour cela, réveille et dispose pour cela toutes nos forces, agit sur nous en nous piquant et en nous enflammant.

L'action d'inviter réussit toujours à l'égard des personnes qui se laissent aisément gagner; celle de porter, à l'égard des personnes qui se laissent aisément mener; celle d'exciter à l'égard des personnes qui se laissent aisément passionner.

Le cœur et la raison invitent; l'instinct et le penchant portent; le désir et tout ce qui nous irrite ou nous soulève excitent.

L'action d'inviter peut aller jusqu'à obliger; celle de porter, jusqu'à emporter et contraindre; et celle d'exciter, jusqu'à exalter.

Inviter a pour synonymes convier, induire et engager (voy.). Porter se trouve comparé dans un article particulier avec pousser et mouvoir (voy.). Exciter forme de même une famille à part avec inciter, provoquer, aiguillonner, stimuler, animer et encourager (voy.).

IN VITER, CONVIER, INDUIRE, ENGAGER. Agir sur quelqu'un d'une manière douce, par voie d'insinuation ou de conseil, pour lui faire faire quelque chose.

Inviter et convier paraissent dériver, l'un du latin vita, vie, et l'autre du français vie; et c'est apparemment à cause de cela que tous deux se disent particulièrement bien en parlant d'un repas auquel on prie de venir prendre part. Les invites et les conviés sont appelés à une table où ils trouvent leur vie, où ils vivent aux dépens de celui qui donne à dîner.

Ma is inviter est le latin invitare; au lieu que conver, ayant pour élément principal le mot français vie, a une physionomie plus française. Outre cela, dans inviter, in, en, dans, à, marque le but; et dans convier, con ou cum, ensem

ble, indique le fait ou l'habitude d'être ou de vivre ensemble. Par ces deux raisons, inviter exprime une action qui sent davantage la cérémonie; et convier, une invitation familière ou affectueuse. La politesse invite; l'amitié convie. On invite des gens de connaissance; on convie des amis. Vous invitez à un grand repas, à un banquet; vous conviez à un régal, à un petit repas entre quelques personnes intimes. On invite à une séance académique, à une distribution de prix; on convie à une partie de plaisir. Pendant que la justice invite à la condamnation des coupables, la bonté convie à l'indulgence. L'Evangile nous invite à vivre chrétiennement; la grâce nous y convie. La grande chaleur du jour invite au repos (ROLL.); le beau temps convie à la promenade (ACAD.), à la danse, aux joyeux ébats. Une Académie invite à traiter de telle ou telle manière un sujet de prix qu'elle propose (FÉN.); Dieu convie lui-même le pécheur à lui demander des grâces (MASS.). Dans ce vers célèbre de Corneille :

Soyons amis, Cinna, c'est moi qui t'en convie, mettez inviter à la place de son synonyme, tout d'un coup vous détruisez le charme du sentiment qui rend si touchantes les avances d'Auguste et qui fit verser des larmes au grand Condé. Dans, cet autre vers du même poëte :

Qui pardonne aisément invite à l'offenser, convier, à la place d'inviter, serait d'une impropriété choquante.

Induire, latin inducere, tromper, séduire, a été formé de in ducere, conduire dans, c'est-àdire dans le piége, dans le danger, dans l'erreur ou autre chose semblable, mettre dedans. C'est pourquoi ce mot se prend ordinairement en mauvaise part; induire en tentation, à mal faire, à se relâcher dans une bonne œuvre, à erreur ou à croire faussement quelque chose. « Que vous a fait ce peuple? dit Moïse à Aaron (au sujet de l'adoration du veau d'or); et pourquoi l'avezvous induit à un si grand mal? » Boss. « Si le mouvement seul nous a induits à donner une âme à la matière, la végétation nous y a comme obligės. » MARM.

Engager a cela de propre, qu'il suppose des représentations, une exposition des avantages qu'on doit trouver à prendre tel parti. Vous inviter ou vous convier, c'est simplement vous prier ou vous proposer de venir, comme on le fait quand il s'agit d'un repas; mais vous engager, c'est travailler à vous persuader en vous faisant sentir l'utilité ou la convenance des choses. Un vainqueur invite ou convie une ville à se rendre, en le lui faisant dire, simplement; il l'y engage, en lui faisant connaître les raisons qui doivent la décider à prendre cette résolution. & Pour vous engager à mériter cette récompense, je veux vous en découvrir l'excellence et les avantages. » BOURD. « A la fin, le désespoir contraignit le connétable de se jeter entre les bras du duc de Bourgogne, qu'il crut plus aisément pouvoir engager par son intérêt à le protéger contre Louis XI. » Boss. « Ils tâchaient d'engager les gouverneuses à me quitter, leur promettant un regrat de sel, un bureau à tabac et je ne

sais quoi encore. » J. J. « Il était parti de Lacé-¡ qu'à être saturé, plein, jusqu'au rassasiement ou démone des ambassadeurs chargés de rechercher à la réplétion. Dans l'ivresse on est gai, exaltė, l'alliance du roi des Perses, et de l'engager à ébloui, on rêve tout haut, on chancelle; quani fournir de l'argent pour l'entretien de la flotte. >> on est soul, on n'en peut plus, on tombe pour ROLL. Un autre caractère distinctif d'engager, cuver son vin et on reste quelque temps enseveli relativement à inviter et à convier, c'est qu'il dans sa crapule. Aussi le mot ivre est-il de tous emporte quelquefois une idée d'engagement, de les styles, au lieu que soûl ne convient que dans devoir ou d'obligation. Une personne invitée ou le moins noble. conviée peut refuser, n'est encore tenue à rien; mais une personne engagée n'est plus libre. « Dieu invite par ses promesses les pécheurs à la réformation de leur vie; il les y engage par ses • bienfaits. » BOURD.

IVRE, SOUL. Qui a trop bu de vin ou de quelque autre liqueur semblable.

Ivre est moins ignoble et moins odieux. L'homme ivre est pris de vin; l'homme soul est gorgé de vin. Le premier a bu jusqu'à avoir le cerveau troublé; le second, tout son soul, jus

Au figuré, ivre se dit de l'espèce de transport ou de délire qu'une passion produit dans l'âme : ivre de joie ou d'ambition.

Vous, dès que cette reine, ivre d'un fol orgueil, De la porte du temple aura passé le seuil....

(Joad parlant d'Athalie). Rac. Soul, dans le langage familier ou populaire qui l'admet, signifie rassasie, ennuyé, las d'une chose.

Un rat, hôte d'un champ, rat de peu de cervelle, Des lares paternels un jour se trouva soul, Lap.

J

JOIE, GAIÉTÉ. État ou sentiment agréable de gination pour faire succéder une grande gaieté aux larmes qui paraissent les plus amères. » GIR.

l'âme.

La joie est dans le cœur ; la gaieté, dans l'humeur et les manières. La joie est passive, intime, concentrée, c'est à peine si elle se peint sur le visage et se témoigne par des larmes; la gaieté, au contraire, est active et extérieure, elle rit, danse, folâtre. Dans la joie, on jouit, on est content, on savoure tranquillement le plaisir de sa situation; dans la gaieté, on se divertit et on divertit, on se livre à des mouvements pleins de vivacité. La joie est un effet : une nouvelle agréable donne de la joie, cause une douce sensation; la gaieté ne se conçoit que comme active: le vin donne de la gaieté, excite le babil.

On apprend, on entend, on reçoit quelque chose avec joie; on parle, on agit, on célèbre une fête avec gaieté, on se fait remarquer par sa gaieté sur le théâtre, à table, ou dans une partie de plaisir. On est saisi ou ivre de joie, on nage dans la joie; on réjouit une compagnie par des traits de gaieté (BARTH.). «On élève la fauvette pour la gaieté de son chant. » BUFF. « La gaieté est la mère des saillies. » VAUV. — « Les Suisses sont furieux dans la colère et leur joie est une ivresse. Je n'ai rien vu de si gai que leurs jeux. » J. J. << A travers la railleuse gaieté du baron, on voyait briller dans ses yeux une maligne joie. »ID. « Elle fut pendant le souper d'une gaieté, d'une folie inconcevable. Le sultan ne se possédait pas de joie. » MARM. « C'était Socrate qui faisait la joie de la table par sa gaieté et par ses bons mots. ROLL. Informez-vous comment se passa hier notre repas, avec quels éclats de réjouissance, avec quels transports d'une gaieté folâtre, à quoi ne contribuait pas peu la joie de ce que, dans le tournoi, notre parti n'avait pas eu du dessous. » ID. « Il arrive quelquefois que la possession d'un bien, dont l'espérance nous avait causé beaucoup de joie, nous procure beaucoup de chagrin; il ne faut souvent qu'un tour d'ima

La joie est absolue, solitaire, retirée; la gaieté est relative, et suppose le commerce de la société. On est joyeux pour soi, gai pour soi et pour les autres. « Coulanges était là à la joie de son cœur. Il n'est point encore baissé : je crains pour lui ce changement, car la gaieté fait une grande partie de son mérite. » SĖv. « La gaieté de Pomenars était si extrême qu'il aurait réjoui la tristesse même.... Sa gaieté augmente en même temps que ses affaires criminelles; s'il lui en vient encore une, il mourra de joie. » ID. Avec beaucoup de joie on est un homme heureux; avec beaucoup de gaieté on est un aimable homme.

Tellement dépendante des impressions, qu'on dit au pluriel, les joies, pour les causes qui produisent la joie, la joie peut être grande, pénétrante, profonde, poussée jusqu'à l'ivresse; mais elle est nécessairement courte, passagère, accidentelle. La gaieté, au contraire, tenant, non pas aux événements, mais au caractère, au tempérament, comme l'indique même la terminaison du mot, est plus durable, moins variable, on la perd et on la reprend; mais elle est plus superficielle, parce qu'elle est tout extérieure. « Le premier degré du sentiment agréable de notre existence est la gaieté. La joie est un sentiment plus pénétrant. Les hommes qui ont de la gaieté n'étant pas d'ordinaire si ardents que le reste des hommes, ils ne sont peut-être pas capables des plus vives joies: mais les grandes joies durent peu, et laissent notre âme épuisée. » VAUV.

D

Enfin, lorsque le mot joie se prend abusivement dans le sens de gaieté, pour un éclat de bonne humeur, il marque moins de retenue cu une plus grande effusion: joie bruyante (ACAD.), la turbulente joie (J. J.). « Moncrif portait dans ces sociétés la variété, les grâces, la gaieté, et

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quelquefois jusqu'à cette joie bruyante que la riste dignité regarde comme un plaisir ignoble.»

D'AL.

JOINDRE, ABORDER, ACCOSTER. Arriver vers une personne.

licence.» MARM. « Quand on m'offrait quelque place vide dans une voiture ou que quelqu'un m'accostait en route, je rechignais de voir renverser la fortune dont je bâtissais l'édifice en marchant. J. J. « Je me jette dans une porte ouverte; c'était un café; j'y suis accosté par des gens de ma connaissance.... » ID.

Ensuite, comme le vaisseau qui aborde a des dangers à courir, peut donner contre des écueils, la personne qu'on aborde, mais non pas celle qu'on accoste, peut être d'un abord difficile ou redoutable sous quelque rapport que ce soit.

Et le matin était de taille
A se défendre hardiment.

Le loup donc l'aborde humblement,
Entre en propos....

LAF.

On joint une personne en allant la trouver, en parvenant à être avec elle. On aborde et on accoste une personne, en lui parlant, en se mettant avec elle par le discours en rapport de pensées ou de civilité. Un général d'armée en joint un autre du même parti, pour être plus forts ensemble ou l'un avec l'autre (S. S.); un guerrier en joint un autre du parti contraire pour se mesurer avec lui (VOLT., ROLL.); un enfant qui s'ennuie loin de ses parents retourne les joindre pour vivre avec eux (J. J.); un voyageur en joint d'autres pour avoir moins à craindre en leur compagnie les attaques des voleurs (LES.); un « Les barboteuses de ces messieurs prennent des cerf poursuivi en joint un autre plus jeune et airs de vierges pour tâcher d'aborder cet ours. >> moins expérimenté, pour le faire lever, mar-J. J. « Des voleurs, vous voyant en état de leur cher, fuir avec lui, et afin de le substituer à sa résister, se retirent, ou s'ils vous abordent, mauvaise fortune (BUFF.). Mais toutes les fois avec beaucoup de civilité. » Boss. qu'on aborde ou qu'on accoste quelqu'un, c'est en lui adressant ou pour lui adresser la parole. Des personnes qui se joignent se rencontrent, viennent à être en même temps dans le même lieu; des personnes qui s'abordent ou s'accostent lient conversation, se disent ou se demandent quelque chose. Qui ne joint personne, qui n'est joint par personne, est, reste, marche seul; qui n'aborde ou n'accoste personne, qui n'est abordé ou accosté par personne, est, reste, marche sans entrer en propos avec qui que ce soit.

Aborder, qui signifie primitivement l'action d'un vaisseau d'arriver au bord de la mer, de toucher au port, n'a rien que de relevé, Accoster, au contraire, ne se dit que familièrement; car c'est, au propre, aller se mettre ou s'asseoir à côté, sans façon.

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c'est

1o JOLI, MIGNON; - 2° GENTIL, GRACIEUX. Beau, mais dans un genre inférieur; dont la vue cause du plaisir, mais non pas de l'admiration.

Joli et mignon qualifient eu égard à la manière d'être; ils ont rapport à la constitution, à la forme, aux traits. Gentil et gracieux qualifient eu égard à la manière d'agir; ils sont relatifs à l'air, aux mouvements, aux gestes. Une personne jolie ou mignonne se présente ou fait une chose avec gentillesse ou avec grâce. On est joli ou mignon; on fait quelquefois le gentil ou le gracieux. Sans être ni jolie ni mignonne, une personne peut néanmoins être dite gentille ou gracieuse à raison de ses manières. « Quoique aucune de ces petites filles ne fût jolie, la gentillesse de quelques-unes faisait oublier leur laideur.» J. J. « Mademoiselle du Châtelet n'était

grâce. » ID.

1° Joli, mignon.

Joli, à l'égard de mignon et même à l'égard de gentil et de gracieux, peut être considéré comme le genre; c'est de ces quatre mots le plus usité. Ce qui est joli inspire de la joie, du contentement, agrée; et l'épithète de joli convient à tout ce qui est simplement agréable sous le point de vue esthétique. Mais parmi les choses jolies, la mignonne plaît à cause de sa petitesse; c'est une jolie petite chose, une miniature. Mignon dérive de minus, minor, moindre, d'où viennent aussi mince, minutie, miniature, etc. Sans doute l'objet joli est plutôt petit que grand; mais ce n'est pas de sa petitesse qu'il tire son agrément et sa qualification, ou cette petitesse est surpassée par celle du mignon. « Mon petit papa mignon. » MOL. « La pâquerette, fleur si petite et si mignonne. » J. J.

On aborde, dans un salon, dans une assem-ni jeune ni jolie, mais elle ne manquait pas de blée, à la cour, un grand, un personnage, une personne distinguée ou le maître de la maison. Mais Jésus-Christ, dit Madeleine, est chez le pharisien qui l'a invité à manger, et ce sera un contre-temps de l'aborder dans une pareille conjoncture.» BOURD. « Je fus le seul qui continuai à voir le duc d'Orléans, et chez lui et chez le roi, à l'y aborder, à nous asseoir tous deux en un coin du salon. » S. S. « Le comte de Toulouse arriva, et salua la compagnie 5 d'un air grave et concentré, n'abordant ni abordé de personne. » ID. « Ces gens m'abordeཝཱ raient sans doute si j'étais ministre. » LABR. La prompte obéissance du consul, et le respect avec lequel il aborda Fabius, rendit aux citoyens et aux alliés cette haute idée de la dictature que le temps avait presque effacée. » ROLL. Mais on accoste plutôt sur le chemin, dans la rue, une personne qui passe, qui voyage ou qui se promène. « Voilà notre nouveau débarqué, il faut que je l'accoste. » REGN. « Tous ces honorables bourgmestres jetèrent les yeux sur nos inconnus. Un lieutenant de prévôt les vint accoster. » SCARR. « Ce peuple, hommes et femmes, accostait le soldat, et, le verre à la main, lui présentait l'attrait de la joie et de la

D

cette

D'ailleurs, mignon fait penser à la façon de l'objet, à la manière dont il est travaillé, « La fille du logis était une jeune personne et assez jolie; sa coiffure était une espèce de cale à oreilles, des plus mignonnes. » LAF. La chose jolie nous, charme, quelle qu'en soit la cause, et quoique peut-être elle ait quelque chose d'ir

régulier et de piquant; la chose mignonne nous charme, parce qu'elle est faite d'une manière élégante, fine, délicate. « Je fus frappé de la beauté de son visage; je n'ai point vu de traits plus délicats elle avait un air mignon et enfantin.» LES. « La première de ces deux jeunes filles était encore plus jolie que la seconde; elle avait un je ne sais quoi de plus délicat, de plus fin; elle était en même temps très-mignonne et très-formée. » J. J. « Ces négresses sont si jolies et si mignonnes que souvent on les préfère à leurs maîtresses.»LES. « Mlle de Méri vous envoie les plus jolis souliers du monde; j'en ai surtout remarqué une paire qui me paraît si mignonne, que je la crois propre à garder le lit. » SÉv. « Le saïmiri est le plus joli, le plus mignon de tous les sapajous. » BUFF. « Allez, dit la corneille à l'ourse; léchez doucement votre fils; il sera bientôt joli et mignon. » FÉN. '.

2o Gentil, gracieux.

Le latin genus, naissance, famille, nous a servi à faire gent et gentil, c'est-à-dire de naissance, de famille, c'est-à-dire noble; en sorte que gentil, dans le principe, entraînait, comme beau, une idée de grandeur et d'excellence. Mais il a totalement dégénéré, et à présent il ne s'élève pas au-dessus de joli. Ce qui est gentil | plaît par l'agilité et la légèreté de ses mouvements. De gentilles gambades. » REGN. Une jeune fille vive et gentille (ID.), gentille et fringante (LAF.), gentille et sémillante (J. J.). « Dans la première jeunesse, l'âne a de la légèreté et de la gentillesse.» BUFF.

Gracieux, plein de grâce, du latin gratus, agréable gratior dies, jour riant. Les Gráces avaient le même caractère que les Ris et les Jeux, avec lesquels elles composaient le cortége accoutumé de Vénus: elles étaient gaies et badines. Telle est du moins la nuance propre de gracieux. Sourire gracieux. » ACAD. « Là toute la nature était riante et gracieuse. » FÉN. « Molière a donné un tour gracieux au vice, avec une austérité ridicule et odieuse à la vertu. » ID. « Le sérieux n'est jamais gracieux; il approche trop du sévère qui rebute. » VOLT.

Je veux qu'on soit plaisant sans vouloir faire rire; Qu'on ait un style aisé, gai, vif et gracieux. ID. D'autre part, gracieux, qui a bonne grâce, exclut la gêne et la gaucherie. « Dans l'Art d'aimer on sent partout l'effort; rien ne coule de source. Sans l'aisance et la facilité, il n'y a point de grâce; aussi Bernard est-il joli plutôt que gracieux. » LAH.

JONCTION, UNION. Il y a jonction ou union entre deux ou plusieurs choses qui se trouvent ensemble, et non séparées.

Jonction se dit de choses jointes, qui se sont jointes, c'est-à-dire rencontrées dans leur marche ou dans leur course: la jonction des armées, la jonction de deux rivières. Union ne rappelle pas ainsi l'action d'un verbe, et n'implique pas ainsi l'idée de mouvement; il se dit de choses qui sont dans un tel état qu'elles ne font qu'un

4. La différence entre mignon et mignard se trouve indiquée dans la Ire partie, p. 246.

l'union des couleurs, l'union de l'âme avec le corps, l'union conjugale, l'union des deux tures en Jésus-Christ.

Ce qui distingue union, pour sa part, c'est l'intimité du rapport qu'il marque entre les choses ou les personnes. Celles qui sont jointes sont liées, tiennent les unes aux autres; celles qui sont unies se conviennent, s'accordent si bien, qu'elles sont comme fondues ensemble (voy. Assembler, joindre, unir). On se joint pour n'être pas seul, mais en compagnie; on s'unit pour former une société. La jonction à ou n'a pas lieu, s'opère ou ne s'opère pas; l'union. est plus ou moins parfaite.

D'ailleurs, jonction ne s'emploie qu'au propre, au lieu que le plus grand usage d'union est au figuré. La jonction de deux chemins; l'union des cœurs. La jonction des ruisseaux forme les rivières; l'union soutient les familles, et fait la puissance des États.

JOUFFLU, MAFFLÉ (ou MAFFLU). Deux mots familiers qui désignent un homme comme ayant un visage plein, rebondi.

Flu, flé, du latin flare, souffler, annonce quelque chose d'enflé, pour ainsi dire, de bouffi. Mais ce que le jousslu a d'enflé, ce sont les joues précisément; au lieu que ce qu'il y a d'enflé chez le mafflé, c'est autre chose, et apparemment, quelle que soit l'étymologie du mot, toute la partie antérieure du visage, ou même tout le corps. On représente les vents joufflus; une belette, entrée dans un grenier, y mangea tant qu'elle devint

LAF.

Grasse, mafflue et rebondie. On a peint les anges sous les traits d'enfants joufflus (VOLT.); on connaît le goût des Asiatiques et des Africains pour les femmes mafflées, pour les grosses mafflées.

Peut-être aussi que mafflé vient de maleflatus, mal ou disgracieusement soufflé, et qu'il doit toujours se prendre en mauvaise part. C'est ce que semble confirmer l'unique exemple que nous ayons pu trouver de ce mot dans nos prosateurs des deux derniers siècles. La taille de Pontchartrain était ordinaire, son visage long, mafflé, fort lippu, dégoûtant. » S. S. Joufflu, incomparablement plus usité d'ailleurs, n'indique par lui-même rien de désagréable. Je rencontrai un homme joufflu et vermeil dans un carrosse à six chevaux. » VOLT. « Représenter un beau vieillard avec une grande barbe blanche, vêtu d'une ample draperie, porté au milieu d'un nuage sur des enfants joufflus qui ont de belles paires d'ailes, ou sur un aigle d'une grandeur énorme. » ID. « L'abbé de Bernis était un poëte galant, bien joufflu, bien frais, bien poupin. » MARM.

D

Et puissiez-vous, devant l'an révolu,
Tant opérer, que d'une aimable mère
Naisse un beau jour quelque petit joufflu,
Digne des vœux de l'aïeul et du père !
J. B. Rouss.

JOYAU, BIJOU. Objets d'ornement, qui font surtout la joie des femmes ou dont les femmes surtout se jouent ou se réjouissent. C'est ce qu'indique l'étymologie de ces deux mots : ils viennent du latin jocus, jeu, dont on a fait,

dans la basse latinité, jocalia, joyaux, et d'où dérivent aussi joie, se réjouir et joujou.

Bi, comme ba, est une des premières articulations de l'enfant et semble propre à exprimer la petitesse ou la qualité de convenir aux enfants. Les reines ont des joyaux. « Je donnerais tous mes joyaux, dit la reine, pour n'avoir que vingt ans. >> FEN.« La reine, Henriette d'Angleterre, abandonne ses joyaux pour avoir des armes et des munitions. Boss.

On eût dit une reine.

Rien ne manquait aux vêtements,
Perles, joyaux, et diamants.

LAF.

Mais les petites filles, et par extension les femmes du commun, ont des bijoux. « Les petites filles aiment ce qui donne dans la vue et sert à l'ornement des miroirs, des bijoux, des chiffons, surtout des poupées. » J. J. « Galanterie signifie tantôt coquetterie dans l'esprit, paroles flatteuses, tantôt présents de petits bijoux.» VOLT. Ce qu'on regarde dans le joyau, c'est sa valeur; et dans le bijou, sa délicatesse et sa façon. Le joyau est riche (ACAD.) ou précieux (LAF., LES.); le bijou est petit (VOLT.) et joli (MOL.). Mais le joyau peut être brut, peut n'être pas taillé ou monté, au lieu que le bijou est toujours un ouvrage travaillé. « La joaillerie, dit Roubaud, se distingue de la bijouterie, en ce qu'elle comprend dans son négoce les pierreries qui ne sont pas taillées ou montées. >>

D

au besoin; un amateur recueille par caprice une
foule de petits bijoux dont il est curieux.
Même différence au figuré.

Le joyau est un objet de prix. « A Madrid, on est en fonds, quand on possède un semblable joyau (une femme galante). » LES. Un bijou est une chose charmante, mignonne, gentiment façonnée, une jolie petite chose. « Les pierres et les métaux polis ne sont pas comparables à l'oiseau-mouche ce bijou de la nature. » BUFF. Cirey est charmant, c'est un bijou; venez-y. » VOLT.

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Enfin l'aimable Agnès a su m'assujettir.
C'est un joli bijou, pour ne vous point mentir.

Il avait un enfant,

MOL.

Un vrai bijou, fille unique vraiment. VOLT. JUGER, DÉCIDER, PRONONCER. Déterminer l'opinion qu'on doit avoir. « Le défaut ordinaire des jeunes gens est de juger, de décider, de prononcer d'un ton de maître. » ROLL. « Aujourd'hui la femme la plus estimée est celle qui juge, tranche, décide, prononce, assigne au talent, au mérite, aux vertus, leurs degrés et leurs places. >> J. J. « Si vous demandiez de Théodote s'il est auteur ou plagiaire, je vous donnerais ses ouvrages et je vous dirais Lisez et jugez; mais s'il est dévot ou courtisan, qui pourrait le décider sur le portrait que j'en viens de faire? Je prononcerais plus hardiment sur son étoile : Oui, Théodote, j'ai observé le point de votre naissance, vous serez placé. » LABR.

Le joyau est plus considérable, soit par sa grandeur, soit par le prix de sa matière. « Là étaient des piles de joyaux, ornements et chaînes Juger et décider d'abord diffèrent de plusieurs de pierreries, bracelets, colliers et autres ma- manières. Juger, judicare, jus dicere, rendre la chines qui se fabriquent à Cythère. » LAF. «Cléo-justice, rappelle l'action du juge, qui considère pâtre prépara de riches présents pour Antoine et attentivement, qui écoute, compare et pèse les pour ses amis elle prit avec elle de grandes raisons des deux partis pour délibérer ensuite. sommes d'argent, des joyaux magnifiques; en un Décider, de decidere, couper et faire tomber du mot, elle se munit de tout ce que pouvait lui coup, marque une action instantanée qui fait fournir l'opulence d'un grand et puissant cesser le doute ou la dispute, qui tranche la difroyaume.» ROLL. Les bijoux sont inférieurs ficulté. 1o On juge proprement un homme, sa aux joyaux sous ces deux rapports ce ne sont vie, un ouvrage, choses susceptibles d'être soupas toujours des pierreries, comme les joyaux, mises à l'examen et à la discussion, mais non mais souvent d'agréables colifichets, de petites pas résolues ou dissoutes; on décide une quesboîtes, des étuis, des tabatières, des cannes. « Le tion, une affaire, une cause, une contestation, duc de Villars aimait le jeu à l'excès, la parure, une querelle, choses susceptibles, au contraire, I les bijoux et les breloques. » S. S. Le coco d'être résolues, tranchées, mises à fin. «< Dans le fournit une coque très-dure dont on façonne des moment que notre âme sortira du corps, elle doit vases et mille petits bijoux.» VOLT. Des quinze être jugée en dernier ressort, et l'affaire de notre I mille francs qu'on demande, le prêteur ne salut immuablement décidée. » Boss. « Nous vepourra compter en argent que douze mille li-nons vous proposer les lois immuables sur lesvres; et pour les mille écus restants, il faudra que l'emprunteur prenne les hardes, nippes et bijoux dont s'ensuit le mémoire.... Trois mousquets...; un fourneau de brique avec deux cornues et trois récipients...; un luth de Bologne garni de toutes ses cordes...; un trou-madame et un damier, avec un jeu de l'oie, etc. » MOL.

On garde des joyaux, ceux de la couronne par exemple, dans des trésors; une femme serre ses bijoux dans un écrin. Une riche dame porte des bijoux tous les jours; elle ne se pare de ses joyaux que dans les cérémonies solennelles et d'apparat, et, par exemple, pour un bal à la cour ou dans le grand monde. Un voyageur ou un fugitif emporte avec lui un joyau pour le vendre,

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quelles votre vie sera jugée, par lesquelles votre cause (devant le tribunal de Dieu) sera décidée. » ID. 2° Juger annonce plutôt une opération lente, réfléchie, raisonnée; et décider, un acte bref et prompt. « Sire, jugez le procès des anciens et des modernes. Vous qui abrégez les procès dans votre royaume, mettez fin au nôtre d'un mot. Votre Majesté est accoutumée à décider toutes les querelles par la plume comme par l'épée, sans y perdre beaucoup de temps. » VOLT. L'homme juge, Dieu décide. « Nous devons suivre Dieu, et juger autant qu'il décide; le commande. ment de ne juger pas ne s'étend pas jusqu'à nous défendre de condamner ce que Dieu condamne. » Boss. A la différence de juger, décider exclut

D

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