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tes en apparence, l'une de préférence à l'autre. Or, il est de fait que les prépositions les plus usuelles, comme à et de, employées dans des locutions qui ne different d'autres locutions qu'en ce que celles-ci contiennent d'autres prépositions, comme par, pour, avec, sont celles qui expriment le rapport de la manière la plus générale, la plus indéterminée, la moins spéciale, la moins remarquable. Pour nous en tenir à de et par qui, placés après les verbes passifs, servent à marquer le rapport d'un agent qui modifie et d'une chose qui est modifiée, nous dirons que de désigne cette modification comme elle se fait à l'ordinaire, ou ce rapport entre choses entre lesquelles il existe d'ordinaire, ou ce rapport sans rien de particulier qui le spécialise, ni de précis qui le détermine.

de ce tour dans des occasions particulières, où il est besoin de marquer intention, acte spécial de volonté.

Le soleil est vu de tout le monde; il est vu par les Américains, quand il ne l'est plus par les Européens; il y a des corps célestes qui n'ont été vus que par quelques astronomes. Une personne est vue de tous ceux qu'elle rencontre; le juge d'instruction, voulant constater qu'elle était en tel endroit à telle heure, recherche par qui elle a été vue.

Un homme, une femme sont aimés de tout le monde. Un homme est aimé de tous les partis; par ses collègues, par ses adversaires mêmes. Cette femme est aimée de tous ceux qui la connaissent; dans sa jeunesse, elle a été aimée par son cousin. Même, à en juger extérieurement à l'aide de De même, on est haï de tout le monde; on est l'oreille seule, il y a dans l'emploi de par quel-haï par ses proches, car c'est ici une haine reque chose de rude, d'inaccoutumé, de moins coulant, de moins facile à prononcer, qui arrête et témoigne qu'on a eu dessein d'exprimer plus fortement, plus spécialement le rapport, et de le faire remarquer davantage. De nous est si familier qu'il passe inaperçu. Il était suivi de son domestique signifie un rapport tout simple, un fait qui ne donne pas à réfléchir, qui n'offre rien de particulier à l'esprit, qui ne sort pas de l'ordre commun. Il était suivi par son domestique signifie le même rapport, mais en annonçant qu'il n'a pas lieu comme à l'ordinaire, soit que le maître se soit fait suivre par son domestique de peur de quelque danger, soit que le domestique ait suivi son maître pour l'observer, pour épier ses démarches.

Ainsi, telle est la différence qui existe entre les deux prépositions de et par, alors qu'elles paraissent pouvoir être indifféremment employées et se suppléer l'une l'autre. De est plus général, moins caractérisant pour la circonstance; il marque souvent une modification produite sans action précise, sans volonté spéciale, sans intention expresse d'agir : c'est la différence du général au particulier, de l'indéterminé au déterminé, de l'habituel à l'extraordinaire, de ce qui arrive comme de coutume, sans rien de plus, à ce qui arrive dans des circonstances et d'une manière spéciale en vertu d'une intention bien marquée. Des exemples sont nécessaires pour dissiper ce que cette dictinction peut avoir d'obscur ou de douteux.

Un général est suivi de son armée, et suivi de près par les troupes ennemies. Un homme est suivi de son chien ou d'une personne, qui marche derrière lui sans aucune intention; on est suivi par des voleurs, par un agent de police.

Accompagné de énonce simplement un fait, celui d'une personne, qui, en compagnie d'une ou de plusieurs autres, parcourt tel ou tel chemin; accompagné par réveille naturellement dans l'esprit une idée de surveillance ou de respect. • Télémaque était accompagné par Minerve. » FÉN. Un prince marche précédé de ses gardes. On ne doit se hasarder dans certaines contrées que précédé par un guide.

On se fait suivre, accompagner ou précéder par et non de quelqu'un, au moins la plupart du temps: c'est que la plupart du temps on se sert

marquable, peu ordinaire, à laquelle on ne s'attendrait pas. Je suis haï d'un homme qui fut toujours mon ennemi, et haï par un homme qui a été mon ami. La haine, qu'exprime haï par, peut aussi se faire remarquer en raison de sa force; de atténue l'idée ou l'affaiblit en l'étendant, en la généralisant. Tarquin était haï de tous les Romains, et spécialement par ceux que sa tyrannie avait particulièrement blessés, comme Brutus.

Honoré de indique un honneur rendu habituellement un père est honoré de ses enfants; honoré par un honneur particulier, rendu dans une certaine occasion: il fut honoré par le roi qui daigna l'aller voir chez lui.

Vous direz d'une manière générale : Il n'y a pas à balancer pour un roi entre être aimé et être craint de ses sujets; et d'une manière particulière, dans un cas unique : Ce roi fut aimé, en même temps que craint par ses sujets.

Une seconde différence, dérivée de la première et plus apparente, consiste en ce que par et de s'emploient plus volontiers, l'un au propre, et l'autre au figuré. Cela doit être. De ces deux prépositions laquelle, si ce n'est de, c'est-à-dire celle qui entraîne pour accessoires la généralité et l'indétermination, exprimera un rapport vague, idéalisé, transporté du physique au moral? Toutefois, cette différence n'est pas décisive; il y a, comme on a pu le voir par les exemples précédents, des cas où l'on se sert des deux prépositions au physique, et d'autres où on s'en sert également au moral. Alors, pour se guider dans le choix de l'une ou de l'autre, il faut recourir à la première distinction.

On est saisi par des voleurs; on est saisi de crainte, de douleur. On est frappé par un maître; on est frappé de terreur, d'épouvante. « Quand on exerce les sens extérieurs, on se sent actuellement frappé par l'objet corporel qui est au dehors et présent; au lieu que l'imagination est affectée de l'objet, soit qu'il soit présent ou qu'il ne le soit pas. » Boss. Un édifice est consumé par le feu; un homme est consumé d'amour ou de regrets. Un voleur a été vu par quelques personnes; on est bien ou mal vu de quelqu'un. J'ai été blessé par vous; et j'ai été blessé de vos propos. Une action, chose abstraite, métaphysique, est suivie d'une autre, et non par une autre; la mort de

César fut suivie de grands prodiges. On est admiré | avoir répondu d'avance, sans s'en douter, à toutes par tout le monde, quand on reçoit de tout le monde des témoignages extérieurs d'admiration; et admiré de tout le monde, quand on inspire à tout le monde le sentiment intime de l'admiration. On dit saigner du nez, au figuré, pour signifier, manquer de courage dans l'occasion; on ne pourrait pas donner ce sens éloigné à saigner par le nez, il représente trop précisément le fait physique.

les objections qu'on devait lui faire (J. J.); les remords font participer d'avance les méchants à la réprobation du démon (MASS.). Mais par avance est de rigueur dans des exemples tels que les suivants : « Jésus-Christ annonce par avance toutes ces choses à ses disciples, afin qu'ils n'en soient pas surpris lorsqu'elles arriveront. » BOURD. « Le secret de trouver la mort douce et consolante, c'est de se détacher par avance de tout ce qu'elle C'est toujours à ce caractère essentiel de géné- nous enlèvera. » MASS. « Voler par avance était ralité et d'indétermination, d'une part, de parti- trop de prévoyance pour moi. » J. J. cularité et de précision, de l'autre, qu'il en faut Pareillement, on emploie de préférence quand revenir. Si sa réalité avait encore besoin de preu-on est presque indifférent, et par préférence quand ves, il serait facile d'en trouver. Ainsi la préposi- | il s'agit d'une préférence expresse. Aussi de préfétion de est si bien indéterminée, au moins com- rence est bien plus rarement employé que par parativement à par, qu'elle exige la suppression préférence, le mot préférence indiquant déjà par de l'article là où la préposition par exige qu'il lui-même un choix, c'est-à-dire une action réflédemeure: il était suivi de soldats, par les ou par chie et volontaire. « On n'écoute que ce qu'on des soldats. On prend une ville d'assaut, c'est la veut entendre par préférence. » COND. « Vous manière ordinaire; on la prend par surprise, c'est donnez votre attention, lorsque vous vous occuune manière rare et remarquable par cela même. pez par préférence d'une idée qui s'offre à votre Pareillement, on voit de ses yeux, on touche de esprit. » ID. ses mains, on entend de ses oreilles; mais un aveugle voit par les yeux de son guide.

Il y a entre le français et le latin une grande analogie, quant à la manière dont ces deux langues se comportent à l'égard du complément des verbes passifs. Nous suppléons aux cas des déclinaisons latines par les deux prépositions à, qui répond au datif, et de, qui répond au génitif et à l'ablatif. Le complément du verbe passif se mettait à l'ablatif en latin; aussi le faisons-nous précéder en français de notre préposition de, représentative de l'ablatif. Mais quand les Latins voulaient exprimer une modification plus spéciale, plus remarquable, ils avaient recours à une préposition, ab; de même nous, en pareille circonstance, nous ne nous contentons pas de notre de, si usuel, si fréquent, et signe d'un cas,

Une autre preuve résulte du sens évidemment attaché à chacune de ces deux prépositions dans certaines locutions synonymiques, dont elles font toute la différence. Ainsi de et par servent quelquefois à exprimer le motif qui fait agir de crainte, par crainte; de dépit, par dépit. En pareil cas, de ne convient que dans les phrases absolues, et par dans les propositions où l'on ajoute au mot qui le suit quelque déterminatif : on recule de crainte, on recule par crainte du poignard, de la mort, de la justice; on quitte de dépit une réunion où l'on se trouve, on la quitte par dépit de s'y entendre railler. De crainte et de dépit sont de véritables adverbes, qui ne deman-nous nous aidons d'une préposition spéciale, par. dent et ne souffrent rien après eux.

De et par ont encore entre eux le même rapport dans les locutions adverbiales, de force et par force, d'avance et par avance.

De force implique une force générale, vague, sans précision, sans rien qui la signale: de gré ou de force, c'est-à-dire, qu'on le veuille ou qu'on ne le veuille pas; j'y vais, mais j'y vais de force, c'est-à-dire, contre mon gré.

Tu te fais obéir ou de force ou de gré. LAB. Par force annonce une force éminente, remarquable, une insigne violence; aussi l'Académie lui donne-t-elle pour équivalent, à force ouverte, de vive force. « Labérius fut humilié de son métier, quoiqu'il le fit par force. » J. J.

D'avance ne contient que l'idée d'anticipation; par avance y joint celle d'empressement, d'intention spéciale, de prévoyance et de précaution. Un débiteur, qui paye d'avance, paye avant le temps, et voilà tout; celui qui paye par avance a un motif particulier, il craint peut-être qu'à l'échéance, il ne se trouve avoir dépensé l'argent qu'il possède aujourd'hui. Dans cette phrase, faire des dettes c'est se priver d'avance de l'argent qu'on recevra, par avance serait tout à fait déplacé. Une prévention ou un préjugé est une opinion prise d'avance (S. S.); un habile écrivain se trouve

Seulement les Latins ne trouvaient la modifica-
tion remarquable, digne d'être rendue d'une
façon précise et particulière, que quand elle était
produite par un être animé. La règle est diffe-
remment appliquée, mais la même au fond.

SYNONYMIE DE LA PRÉPOSITION à AVEC LES PRÉ-
POSITIONS Sur, par, avec, pour, etc.

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A cheval, sur un cheval; etc. -Juger à et par
(juger sur); au moyen, par le moyen; tomber,
jeter à terre; tomber, jeter par terre.- Pêcher
à la ligne et avec une ligne; se battre à l'épée
et avec une épée; avoir affaire à et avec quel-
qu'un; rapport à et avec; comparer à, compa-
rer avec; etc. Bois à et pour brûler; table à
et pour jouer; attention, fermeté, attache-
ment, etc., à et pour; propre, bon, utile, etc.,
- Etc.
à et pour; etc.

Lorsque deux expressions synonymes diffèrent seulement par des prépositions qui en font partie, celles-ci désignent un rapport commun, puisque les deux expressions sont synonymes; mais elles le désignent, chacune à sa manière, puisque les deux expressions sont usitées. Or, quant à la manière dont elles désignent un même rapport, deux prépositions ne peuvent différer, sinon en ce que

l'une le représente avec plus de rigueur et de précision que l'autre, et comme plus étroit. Ce fait, déjà avancé et établi précédemment, va recevoir ici un nouveau degré d'évidence.

Parmi les prépositions françaises, il en est deux, à et de, que l'usage a dépouillées presque totalement de leur valeur originelle, pour leur faire signifier les rapports les plus généraux, les plus abstraits, les plus vagues, notamment ceux que les Latins et les Grecs rendaient par les cas de leurs déclinaisons, le datif et le génitif. Cette absence d'originalité leur donne une sorte d'aptitude universelle à marquer les rapports des choses, rapports indiqués, d'un autre côté, par des prépositions spéciales. De là une foule de synonymes, pour la distinction desquels une seule chose est d'ordinaire à observer, c'est qu'à et de, quand ils expriment le même rapport que les autres prépositions, le font d'une manière moins spéciale, moins rigoureuse, moins remarquable, ou montrent ce rapport comme ordinaire ou habituel. C'est ainsi, et ainsi seulement, que de se distingue de par après les verbes passifs. A plus forte raison est-ce ainsi qu'à doit différer des prépositions sur, par, avec, pour, etc., quand il lui arrive d'en être synonyme, puisqu'il y a dans à encore plus de vague, d'indétermination et de généralité que dans de. Tout ce qui suit vient à l'appui de cette conclusion et la met hors de doute.

1° A, SUR.

A et sur marquent tous deux qu'on se sert d'une chose comme d'un soutien pour faire une action, avec cette différence que à ne s'emploie que quand c'est une habitude générale de faire la même action en prenant la même chose pour soutien. On va ou on vient à pied, à cheval; on transporte des bagages à âne ou à dos d'âne; les marins transportent quelquefois à bras les marchandises du port dans la ville. Mais on va ou on vient sur un âne, ou monté sur un âne; des bateleurs marchent pendant plusieurs minutes sur les mains; des soldats transportent sur leurs bras ceux des leurs qui ont été blessés; parce que les choses ici représentées comme soutiens pour faire les actions, que ces phrases expriment, n'ont point reçu de la nature ou de l'usage cette destination. Par une raison analogue, si on emploie comme soutien pour faire une certaine action une chose qui sert ordinairement de soutien, mais pour faire une autre action, sur sera le mot propre. On dira done monter à cheval pour partir, pour s'enfuir, pour se promener; et monter sur un cheval ou sur son cheval, quand ce sera pour arriver à d'autres buts, et par exemple, pour s'élever au-dessus de la foule qui empêche de voir un spectacle. Sur est encore le seul mot à employer, quand on particularise de quelque façon la chose qui soutient. On s'avance ou on est monté sur un cheval fougueux. Un chien fait à pied le voyage que son maître fait à cheval ou en voiture; et on l'accoutume à marcher sur les pieds de derrière, etc.

A et sur sont encore synonymes à la suite du verbe veiller, dans les expressions veiller à et veiller sur; mais veiller sur implique l'idée d'une vigilance particulière, extraordinaire, et c'est pourquoi seul il se dit bien et principalement,

|

lorsque l'action de veiller a pour objet une personne. Quand il exprime comme veiller à une vigilance relative aux choses, il la représente comme plus spéciale et plus attentive. Dans cette phrase de J. J. Rousseau : « Vous m'offrez quelqu'un de votre choix pour veiller à mes effets, à la place de veiller à, veiller sur marquerait plus de soin, une vigilance qui tiendrait de plus près son objet. On veille à la santé et à l'éducation de ses enfants (MARM.); on veille sur leur pudeur (MONTESQ.). -Veiller sur se rapproche sous ce rapport de veiller pour; il s'en éloigne cependant en ce qu'il signifie une vigilance d'en haut, d'autorité, une sorte d'inspection ou de protection, au lieu que veiller pour signifie une vigilance de prévoyance, ou plutôt de pourvoyance, qui entoure, qui écarte les dangers, en faveur et à la place de celui pour qui on veille. « Les deux yeux sont égaux, placés vers le milieu et aux deux côtés de la tête, afin qu'ils puissent veiller commodément pour la sûreté de toutes les parties du corps.» FÉN.

Vous cependant ici veillez pour mon repos.

(Mithridate à Xipharès.) RAC. C'est ainsi que s'attendrir sur quelqu'un marque un sentiment qui tombe sur une personne malheureuse; et s'attendrir pour un sentiment favorable à une personne pour laquelle on s'intéresse. 2o A, PAR.

Ces deux prépositions servent à exprimer ce à l'aide de quoi on forme une induction.

A s'emploie de préférence, quand il s'agit de tout un ensemble de signes apparents et d'une interprétation généralement si facile, que leur seule inspection suffit pour en faire apercevoir le sens; par, quand l'interprétation des signes, en ce cas bien particuliers, offre des difficultés et demande plus de finesse, un travail plus exprès, plus spécial. On juge, ou plutôt on voit à l'air d'un homme, à sa contenance, à sa voix, à sa démarche, à ses manières, qu'il est en colère; mais on juge aussi qu'il est en colère par une contraction instantanée de sa physionomie, par un mot qui lui échappe en passant; un magistrat habile sait découvrir par les réponses embarrassées d'un accusé qu'il est coupable.

A l'œuvre on connait l'artisan.
Je vois à votre mine
ID.

Que vous voulez dormir.

LAF.

Elle se plait ici bien mieux qu'en son village. REGN.
Si l'on en peut juger à l'air de son visage,
Reconnaissez, Abner, à ces traits éclatants,
Un Dieu tel aujourd'hui qu'il fut dans tous les temps.

RAC.

« Je ne puis reconnaître l'esprit français à tant de barbarie, ni soupçonner un honnête homme sur des imputations en l'air. » J. J. « Ne diriez-vous pas que ce magistrat juge des choses par leur nature?» PASC. « On ne juge point les hommes par leurs pensées, on les juge sur leurs actions. » J.J.

Ce dernier passage, comme le premier du même auteur, montre qu'en ce sens sur peut passer pour synonyme des deux autres prépositions à et par. Mais sur a cela de particulier qu'il ne s'emploie que quand il s'agit de signes extérieurs, superficiels, et par cela même propres à tromper, au moins le plus souvent, Juger sur les apparences, sur l'étiquette du sac.

Mon dieu le plus souvent l'apparence déçoit :
Il ne faut pas toujours juger sur ce qu'on voit. McL.
Il ne faut point juger des gens sur l'apparence. LAF.
« Sur ma contenance modeste et recueillie, Mme de
Larnage me crut dévot. » J. J.

nonyme, quand il signifie l'instrument dont on se sert pour faire quelque chose.

On pêche à la ligne, on mesure à l'aune, on se bat à l'épée, au pistolet; et, dans ces phrases, on emploie à pour indiquer l'instrument, parce qu'on se sert habituellement de la ligne pour pêcher, de l'aune pour mesurer, et de l'épée ou du pistolet pour se battre. Que si l'instrument qu'on fait agir n'était point généralement employé à cet usage, il faudrait préférer avec: on pêche avec un seau, on mesure avec une canne, on se bat avec une fourche. La même différence subsiste entre à et avec, quand ils signifient la manière ou la matière dont on se sert pour faire quelque chose : on

Au moyen se dit quand il s'agit d'un moyen connu et ordinaire : nous percevons les objets extérieurs au moyen des sens. Par le moyen est, au contraire, l'expression choisie et remarquable à laquelle on a recours, quand on a à parler d'un moyen rare, particulier, d'une invention : nous apercevons les plus petits corps par le moyen du microscope. « C'est par le moyen de ces inventions des jésuites que les crimes s'expient aujourd'hui avec tant d'allégresse. » PASC. Les vaisseaux peu-charge un fusil à balles, un canon à mitraille: et vent, au moyen des vents ou des rames, parcourir on charge un fusil avec des pois ou avec des lintoutes les mers, et, par le moyen de la vapeur ou gots, un canon avec des pierres. des moussons, franchir rapidement de grandes distances. On ne dit pas au moyen, mais par le moyen des hommes: c'est un moyen trop peu commun, trop spécial, trop distingué. « Philippe fut vaincu par le moyen des Etoliens. » MONTESQ.

Du reste, il se peut qu'on choisisse de pêcher avec un seau, de mesurer avec une canne, de se battre avec une fourche, de charger un fusil avec des lingots, etc. Néanmoins il semble que des raisons spéciales et extraordinaires ont dû obliger de faire un pareil choix.

Avec doit être préféré, non-seulement lorsque l'instrument et la matière ne sont pas généralement employés à l'usage auquel on les fait servir, mais encore quand on veut spécifier, dans le genre d'instrument et de matière généralement employés, l'espèce ou l'individu dont on se sert dans le cas particulier dont il s'agit. Nous nous battons ce soir avec des pistolets à piston; je me suis battu avec l'épée de mon frère; je pêcherai avec ma plus longue ligne; charger des fusils avec des balles de fer; j'ai chargé mon fusil avec la seule balle qui me restait.

A et par sont encore synonymes dans tomber à terre et tomber par terre. Mais alors à reprend sa valeur primitive, et c'est par elle, et non plus par une plus grande généralité, qu'il se distingue de l'autre préposition. Ce qui tombe à terre va vers un but dont il est séparé, éloigné même; c'est ce que à donne à entendre: ce qui tombe par terre touchait déjà à terre, il tombe seulement de sa hauteur, il est appliqué, étendu contre la terre. Le fruit de l'arbre tombe à terre; il est élevé audessus de terre, et tombe d'en haut: l'arbre tombe par terre. Un couvreur, à qui le pied manque sur le toit, tombe à terre, et un homme qui marche A et avec constituent aussi le seul élément difsur terre, venant à tomber, tombe par terre. Un férentiel de plusieurs locutions synonymiques, cavalier se laisse tomber à terre (LES.). « Toute la toutes destinées à marquer entre les personnes ou marque de l'esprit de Dieu, chez les prophètes de les choses une certaine convenance, comme avoir Vivarès et de Dauphiné, était de se laisser tomber affaire à et avec quelqu'un; une chose va bien à par terre, et de crier de toute sa force en fermant et avec une autre; avoir rapport à et avec; comles yeux.» Boss. Cependant Fénelon a dit : « Si parer, confronter à et avec; ressemblance à et un homme qui danse sur la corde raisonnait sur avec; allier, méler, joindre, unir à et avec ; proles règles de l'équilibre, sa raison ne lui servirait portionner, accommoder à et avec; s'accoutumer qu'à tomber par terre. » C'est qu'au lieu d'avoir à et avec, etc. Alors le principe de distinction est égard à la position antérieure du danseur par rap-toujours le même à exprime une convenance port à la terre, l'écrivain a voulu marquer qu'il tomberait tout de son long, qu'il serait renversé, étendu par terre. S'il s'agissait d'un petit objet, comme un fruit, ce serait en pareil cas une faute d'employer tomber par terre. Un grain de froment (Boss.) et une épingle (S. S.) tombent à terre; un édifice tombe par terre, et de même un homme, A, de ad, vers, marque tendance vers. Avec exsurtout un homme qui n'est pas élevé au-dessus prime simultanéité, union, réciprocité. Vous avez Même différence entre jeter à terre affaire à la personne à laquelle vous êtes obligé et jeter par terre. On jette à terre un fardeau de vous adresser, mais de telle sorte qu'il n'y a (FÉN.), un couteau qui refuse de couper (Boss.); action que de votre part, et qu'il reste entre vous on jette par terre une maison (Boss., SÉv., MAL.), et la personne une distance plus ou moins grande; un colosse (VOLT.), un homme qu'on renverse tout elle vous est supérieure. Vous avez affaire avec la de son long. (LES.). Les Juifs jetaient leurs habits personne qui a affaire avec vous, avec qui vous par terre sur le passage de J.C. (Boss.), c'est-à-entrez en communauté d'affaires ou d'intérêts; dire qu'ils les y mettaient en les étendant.

de la terre.

3o A, AVEC.

Le même caractère qui distingue à dans les locutions où nous l'avons déjà vu paraître, est propre à le différencier de avec dont il est le sy

générale, et avec une convenance spéciale. Cela résulte de la valeur relative de ces deux prépositions, comme on peut s'en convaincre par l'exemple qui suit.

AVOIR AFFAIRE À et AVEC quelqu'un. Se trouver en rapport avec lui.

elle vous est égale. Vous avez affaire à un ministre dont vous voulez obtenir une grâce ou une faveur, ou bien à un homme quelconque qui est au-dessus de vous. « Ces officiers disent qu'à peine ils ont le temps de respirer; toujours en l'air, ja

mais deux jours de repos ils ont affaire à un homme bien vigilant (M. de Boufflers, leur général).» SÉv. « M. de Schouvalof ne me répond pas; il y a bien plus de plaisir à avoir affaire à Votre Majesté (l'impératrice de Russie); elle daigne écrire. VOLT. «Avons-nous affaire à un Dieu qui puisse être surpris?» BOURD. « Le misérable est contraint de poursuivre une dette comme s'il poursuivait une grâce, parce que c'est à un grand qu'il a affaire. ID. Vous avez affaire avec votre associé ou même avec plus petit que vous. « Il n'y a rien de si bon que d'avoir affaire avec des confédérés pour avoir toutes sortes d'avantages. »port étendu, lâche, peu étroit: avoir rapport avec SEV. Mes anges ont terriblement affaire avec leur creature. » VOLT. « Voilà une affaire bien malheureuse : elle doit apprendre à toute la noblesse à n'avoir jamais affaire avec des usuriers, et à ne jamais connaître Mme de la Ressource.» ID.

que sous tels rapports particuliers, circonscrits et décrits, et spéciale encore, à cet autre titre, qu'elle se fait remarquer par sa rareté, ou par la difficulté de l'établir ou de la concevoir, ou par la force avec laquelle on y insiste.

RAPPORT À, RAPPORT AVEC. Une chose a rapport à ou avec une autre, quand elle ne lui est pas étrangère, qu'elle y tient, qu'elle s'en | rapproche par quelque côté.

Avec désigne donc un rapport tout à la fois plus précis et plus étroit; plus précis, car, au lieu de n'avoir égard qu'à un seul terme, la personne qui est le sujet, il représente les deux termes comme se mélant, se pénétrant, agissant l'un sur l'autre plus étroit, car il exprime non pas une accession, un rapprochement, une relation, une affinité, une tendance, mais une coexistence, une coincidence, une conjonction, union ou connexion des deux personnes ou des deux choses. Une chose to bien à un objet principal, auquel eile sert d'accessoire, par exemple, une garniture à une robe rapport partiel, incomplet, éloigné, d'une seule part. Deux choses vont bien l'une avec l'autre, quand elles se correspondent, quand elles sont faites l'une pour l'autre, quand elles forment ensemble un tout convenable: rapport complet, réciproque, qui ne laisse plus de distance entre les deux termes et les montre en quelque sorte fondus l'un dans l'autre.

Une autre raison doit faire attribuer à à un caractère de généralité et à avec un caractère de spécialité. Les verbes insulter, satisfaire, suppléer, quand ils prennent à devant leur régime, se disent plutôt des choses que des personnes, et c'est pourquoi ils expriment quelque chose de plus vague, de moins spécial, de moins remarquable. Or, à, dans le sens où nous considérons ici cette préposition relativement à avec s'emploie plus volontiers en parlant des choses, tandis qu'avec se dit plutôt à l'égard des personnes. On s'accoutume au travail, et avec un maître impatient; on accommode ses paroles à la circonstance, et une personne avec son ennemi; on allie l'argent au cuivre, et sa famille avec une autre par un mariage.

De toute façon, donc, à doit donner l'idée d'une convenance générale, et avec celle d'une convenance spéciale. Distinction qui demande à être développée et appliquée, car elle n'est pas simple, elle implique deux vues de l'esprit, suivant les deux sens attachés aux mots général et spécial. A indique une convenance générale, c'est-à-dire vague, peu ou point précise, déterminée, définie; et il indique une convenance générale, c'est-à-dire ordinaire, naturelle, à laquelle on s'attend bien. Au contraire, avec exprime une convenance spéciale, qui n'a lieu

Avoir rapport à est vague, peu précis; il ne montre pas les deux termes en présence, mais à distance l'un de l'autre; il signifie donc un rap

est précis et déterminé; il convient pour un rapport bien marqué, exprès, sur lequel on insiste. Ce qui a rapport à nous, nous regarde; ce qui a rapport avec nous, nous touche particulièrement. « Le commun des hommes doit être dans une ignorance très-grossière à l'égard même des choses qui ont quelque rapport à eux...; et ils sont dans un aveuglement inconcevable à l'égard de toutes les vérités abstraites, et qui n'ont point de rapport sensible avec eux. » MAL.

'De plus, les rapports des choses qui ont rapport l'une à l'autre sont ordinaires, communs, paraissent au premier coup d'œil, n'ont rien de frappant et ne demandent aucun effort pour être aperçus; c'est tout le contraire pour ceux des choses qui ont rapport l'une avec l'autre. « Quelque rapport qu'il paraisse de la jalousie à l'émulation, il y a entre elles le même éloignement que celui qui se trouve entre le vice et la vertu. » LABR. « Nous n'approuvons les autres que par les rapports que nous sentons qu'ils ont avec nous-mêmes. » ID. - « Concevoir le mode et en même temps le rapport qu'il a à la substance. » P. R. « Il y a dans votre situation des rapports frappants avec celle d'une autre personne. » J. J. L'homme qui se contente d'une première vue, qui n'analyse ni n'approfondit, aperçoit en gros et décrit de même les rapports généraux que les choses ont les unes aux autres, rapports peu déterminés, peu caractérisés. L'homme qui examine, réfléchit et se rend compte de ce qu'il voit, découvre et expose aux autres avec netteté et d'une manière bien arrêtée les rapports que les choses ont les unes avec les autres.

COMPARER À, COMPARER AVEC.

Ils diffèrent par les deux caractères ci-dessus indiqués.

Comparer à indique une comparaison géné. rale, c'est-à-dire indéfinie, sous tous les rapports, sans détermination d'aucun, et par conséquent vague. Comparer avec supose une comparaison spéciale, c'est-à-dire relative à un nombre déterminé de points de vue, précise par conséquent. Vous comparez métaphoriquement Achille à un lion, sans mettre aucune rigueur dans la détermination de leurs ressemblances, sans même songer à les déterminer mais quand vous comparez Corneille avec Racine, vous ne les considérez que comme poëtes, que comme poëtes tragiques, et vous cherchez à faire connaître au juste leurs qualités et leurs défauts, leurs ressemblances et leurs différences à cet égard seulement.

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