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est ou amène la production d'un mal, un malheur, en un mot, et non pas une erreur simplement. « Présumez que celui qui vous a offensé ne l'a pas fait par malice, mais par inadvertance et mégarde. » CHARR. Philoctete laissa par mégarde tomber sur son pied une des flèches d'Hercule (FEN.). « Les Egyptiens égorgèrent un Romain qui avait eu le malheur de tuer un chat par mégarde. » VOLT. « Assan étant au bain, un de ses esclaves lui jeta par mégarde une chaudière d'eau bouillante sur le corps. » ID. « Il a brisé ce vase par mégarde; il lui est arrivé par mégarde de blesser son ami. » ACAD.

La méprise est une autre sorte d'inadvertance: elle consiste à mal prendre, à prendre une chose au lieu d'une autre qu'on devait prendre, à faire un quiproquo. Ce mot suppose un choix ou une alternative dont on se tire mal.

Vous donnez une main pour l'autre par méprise.

REGN.

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1° INCAPACITÉ, INSUFFISANCE, INAPTITUDE; 2o INHABILETÉ, MALHABILETĖ, -3° MALADRESSE, GAUCHERIE. (IMPÉRITIE). Défauts qui rendent impropres à certaines choses.

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faible. L'incapacité constitue la nullité ou à peu
près. « Il est à croire que Louis XIV aura aussi
bien reconnu l'incapacité de M. de Chamillart
que les faiblesses de M. de Pomponne.» VOLT.
S'il s'engage dans un emploi avec une incapa-
cité absolue, comment pourra-t-il s'y sauver ?»>
BOURD. Mais insuffisance ne marque guère qu'une
grande médiocrité. Un amour aveugle pour vos
enfants vous fait coopérer à leur choix malgré
leur insuffisance et la disproportion qui se ren-
contre entre leur faiblesse et les ministères qu'ils
prétendent exercer. » BOURD. « Un grand fonds
de médiocrité et d'insuffisance. » MASS.
2o Inhabileté, malhabileté.

L'inhabileté et la malhabileté ont été distinguées l'une de l'autre dans la Ire partie, p. 147.

Pour ne les point confondre avec la maladresse et la gaucherie, il est à remarquer qu'elles ont rapport à de longues séries d'actes, à tout un art, et non à un acte particulier, à une opération, à un coup de main. On taxe un général ou un ouvrier d'inhabileté ou de malhabileté, en ayant égard à la manière dont ils agissent toujours; on les accuse de maladresse ou de gaucherie, d'avoir fait une maladresse ou une gaucherie, dans une certaine circonstance. De plus, l'inhabileté et la malhabileté ne regardent guère que les fonctions de l'esprit; au lieu que la maladresse et la gaucherie sont plutôt une inhabileté ou malhabileté de main, c'est-à-dire qu'elles se disent plutôt des mouvements ou des exercices du corps.

3° Maladresse, gaucherie.

Quant à la maladresse et à la gaucherie, celleci est plus lourde, plus grossière, plus pommée. Aussi le mot gaucherie est-il familier.

frappé. » FÉN. « On veut que Rufin, pour ruiner Stilicon, ait imaginé d'appeler les barbares. Cette conduite eût été bien maladroite. » COND. << Quand on connaît le défaut d'un homme à qui on veut plaire, il faut être bien maladroit pour n'y pas réussir. » LES. Mais la gaucherie fait qu'on agit sans grâce. « La démarche gauche de l'oie et son allure de mauvaise grâce nous font appliquer son nom aux gens sots et

Mais, d'une part, l'incapacité, l'insuffisance et l'inaptitude se considèrent plutôt a priori, avant l'action. L'inhabileté, la malhabileté, la mal- D'ailleurs, la gaucherie regarde plutôt la adresse et la gaucherie, au contraire, s'attribuent forme, et la maladresse, le fond. La malà un homme qui agit, qui exécute, et marquent adresse fait manquer le but. « Diogène vit un jour la manière peu heureuse dont il s'en tire. Inca-un maladroit qui allait tirer; il courut aussitôt pable ou inepte, on n'a pas de dispositions; inha-se mettre la tête devant le but, de peur d'être bile ou maladroit, on n'a pas de succès. Il y a dans un sujet de l'incapacité, de l'insuffisance ou de l'inaptitude; un agent montre de l'inhabiIlete, de la malhabileté, de la maladresse, de la gaucherie. On ne dit pas une conduite pleine d'incapacité, d'insuffisance, ou d'inaptitude, comme on dit une conduite pleine d'inhabileté, de malhabileté, de maladresse, de gaucherie. 1° Incapacité, insuffisance, inaptitude. L'incapacité et l'insuffisance sont plus généralesniais. » BUFF. « Je ne vois rien de plus gauque l'inaptitude. Celles-là excluent les moyens pour quoi que ce soit, et celle-ci le talent particulier de faire une certaine chose. « Si j'eusse eu le talent d'emprunter et de m'endetter, je me serais aisément tiré d'affaire; mais c'est à quoi mon inaptitude égalait ma répugnance. » J. J. « Je sentais mon inaptitude à m'exprimer impromptu. » ID. Le même écrivain dit du gourmand < Son âme est toute dans son palais, il n'est fait que pour manger : dans sa stupide incapacité, il n'est qu'à table à sa place, il ne sait juger que des plats. »

De leur côté, l'incapacité et l'insuffisance diffèrent, non plus par l'étendue, mais par le degré.

L'incapacité rend impuissant; l'insuffisance,

SYN. FRANC.

che, de plus maussade qu'un homme qui ne sait que se battre. » MARM. « Vous m'aviez vanté votre fille comme une personne admirable par ses grâces, par ses talents et par son esprit.... Et moi, je vous la donne pour la plus gauche, la plus ignorante et la plus imbécile de toutes les créatures'. » DEST.

4. A toute cette série de mots on peut ajouter encore impéritie qui paraît avoir beaucoup de ressemblance avec inhabileté et malhabileté. C'est le latin imperitia; et, comme celui-ci se trouve seul de sa famille dans notre langue, il n'y a jamais été complé tement naturalisé. On le dit en parlant des anciens Romains, en termes d'école, et dans le langage de la science ou bien encore en badinant. Rollin observe que Crassus blâmait, non les écoles de rhéteurs,

41

690

INCENDIE, EMBRASEMENT. Destruction par le feu d'objets considérables, comme des maisons, des forêts, des villes, des pays entiers.

même jusqu'à prétendre, mais c'était une exagération, qu'incendie signifiait toujours un feu mis à dessein, et embrasement, un feu accidentel, allumé par hasard.

- Ancendie vient du latin incendere, allumer: embrasement, du français embraser, faire d'une Dans les exemples qui suivent, incendie indichose un brasier ou la mettre en braise. A la que visiblement le fait, et embrasement l'effet. rigueur, l'incendie précède l'embrasement puis<< Quand Dieu voulut préserver Lot de l'embrasequ'il faut qu'une chose ait été allumée avant de ment de Sodome, Lot ne voulut pas demeurer an pouvoir être réduite en braise ou en charbons milieu de l'incendie, il ne demanda pas que Dieu ardents. L'incendie est donc tout ce qui se passe le garantit miraculeusement des flammes. » avant que le feu, n'ayant plus rien à envahir, BOURD. On allume un incendie, on est coupable pénètre dans leur substance les objets qu'il a at- d'un embrasement. « Oet incendie (ces dissenteints, y reste attaché et les consume l'embrasions et ces vengeances qui ont éclate) n'est venu sement est précisément et uniquement la com- que d'une étincelle; mais c'est pour cela même bustion de ces objets. « Un incendie ne se ter- que vous deviez l'éteindre dès sa naissance, et mine jamais qu'à l'embrasement de quelques que vous êtes coupable de l'embrasement que maisons. FÉN. « Un incendie qui s'alluma cette étincelle a causé. BOURD. Comme le bruit autour de la place publique en plusieurs endroits de l'incendie arrivé à Miedes se répandit dans la tout à la fois, pendant la nuit, interrompit ces ville, cette femme se mit dans l'esprit que cet discours. L'embrasement dura une nuit et un embrasement devait être l'ouvrage de don Guiljour entier, et consuma un grand nombre d'édi- lem. » LES.

fices. ROLL.

il

les

s'acs'étend,

On se rappelle, on raconte en historien des incendies comme ayant eu lieu; on déplore en moraliste des embrasements comme ayant été plus ou moins funestes. « On garde le souvenir des mauvais princes, comme on se souvient des inondations, des incendies et des pestes.» VOLT. « On parle des pestes, des tremblements de terre, des embrasements, des déluges, qui ont désolé le globe. » ID.

α

Le mot incendie est explicatif et descriptif : exprime un fait par rapport à sa cause, à son commencement, à ses progrès, à sa durée. Embrasement marque plutôt l'effet, la consomption par le feu, indépendamment des circonstances qui dépeignent une action. Le spectacle, flammes, les circonstances d'un incendie; un état d'embrasement. L'incendie s'allume, éclate, croît, se communique, avance, gagne, Lors même qu'au lieu de se rapporter évidemdévore; on l'évite, on y échappe, on le souffle, on l'entretient; c'est un courant de feu, il portement à l'effet, embrasement s'entend aussi de et lance de toutes parts les flammes, et les pom-l'action, il ne la représente ni par rapport à sa pes à incendie sont destinées à en arrêter le cause, ni comme successive, comme commençant progrès. L'embrasement est grand, général, uni- en un lieu ou en un temps pour s'achever dans d'autres. « Platon alla voir en Sicile les embraseversel, total, affreux; la lueur de l'embrasement; c'est plutôt un objet qu'un agent, qu'un fléau ments du mont Etna. » FÉN. « La fumée est un dévastateur. « Ces brûlots, portés au pont de signe du feu et nous fait prévenir les embrasements. » Boss. On reprochera à Louis XIV l'embois, causèrent en divers endroits un grand embrasement. Les Sabins, qui virent la flamme de brasement du Palatinat (VOLT.) sans plus de dé tous côtés, coururent au pont pour arrêter l'in-tails. Mais quand on voudra dépeindre cette cendie. » ROLL. « Comme il y a plusieurs char-barbarie commandée par Louvois, on dira avec bons de terre qui sont extrêmement pyriteux, les Voltaire : « Les flammes dont Turenne avait brûlé deux villes et vingt villages du Palatinat embrasements spontanés sont assez fréquents n'étaient que des étincelles en comparaison de ce dans leurs mines; on en a plusieurs exemples, dernier incendie. » l'on a vainement tenté d'arrêter le progrès de cet incendie souterrain, dont l'effet peu violent n'est pas accompagné de fortes explosions. »> BUFF. Embrasement spontané est sensiblement préférable à incendie spontané, parce que l'incendie se rapporte toujours à une cause. Vaugelas allait

et

mais l'impéritie des maîtres. « Cette loi (romaine
était dressée avec beaucoup d'imperitie. » ROLL.
« Les pontifes, qui étaient chargés de maintenir cet
ordre (dans le calendrier), soit par impéritie, soit par
négligence, avaient tout brouillé. » In. « Les lois ro-
maines voulaient que les médecins pussent être punis
» MON-
pour leur négligence ou pour leur impéritie.
TESQ. « Qu'on raconte à un jeune rhétoricien une
aventure qui l'intéresse et qu'on l'oblige à la retracer,
cet exercice peut lui être utile; mais les grands pro-
cédés de l'éloquence peut-on les proposer à l'impé
ritie d'un écolier? » MARM. Le docteur Sangrado se
plaint que la vie des hommes soit de son temps << en
proie à la témérité, à la présomption et à l'impéritie. n

LES.

La différence au figuré est la même qu'au propre. Une guerre, une révolte ou une querelle qu'on représente comme s'étant allumée sucessivement, comme ayant gagné de province à province est un incendie. Voltaire dit, au sujet de la guerre qui s'alluma en Europe après la mort de l'empereur Charles VI : « L'incendie qui avait commencé vers le Danube, et qui d'abord avait semblé ne devoir durer que peu de mois, était parvenu après six ans sur les côtes de la France.. Mais s'il s'agit d'une guerre, d'une révolte ou d'un mouvement d'insurrection qui se produit en un seul coup, ou qu'on rappelle sans le dépeindre, c'est un embrasement. « Le hasard qui causa le massacre de Vassi fit enfin courir la France entière aux armes; et si ce hasard n'en avait pas été la cause, d'autres étincelles auraient sufi pour allumer l'embrasement. » VOLT. INCERTAIN, DOUTEUX,

PROBLÉMATIQUE.

Sur quoi il faut suspendre son jugement, retenir incertain ou douteux; on ne sait que croire sur

sa croyance.

Incertain et douteux diffèrent d'abord en ce que incertain est subjectif, et douteux objectif; ce qui fait qu'on dit bien qu'on est incertain, tandis que douteux s'applique seulement aux choses. << Quoi! vous marchez sur ce fondement d'un pas incertain; vous n'appuyez dessus qu'en tremblant, comme s'il était douteux et mal affermi!» Boss. Chacun, craignant de paraître incertain dans les nouvelles douteuses, ou peu joyeux dans les favorables, courait avec une avidité marquée au-devant de tous les bruits. » J. J.

ce qui est problématique. Ce qui est incertain ou douteux demande une confirmation par les faits ou par le raisonnement; ce qui est problématique demande une solution. Défiez-vous de ce qui est incertain ou douteux; procurez-vous, pour l'affirmer ou le nier, de nouveaux renseignements ou de nouvelles preuves. N'ayant aucune opinion sur ce qui est problématique, travaillez par l'examen, la discussion, des recherches, à savoir ce que vous en devez penser. Problématique se dit proprement d'une question Ensuite incertain convient mieux quand il mis en question et regardé comme susceptible (COND., D'AG., MARM.), ou de ce qui peut être s'agit de faits: nouvelle (ACAD.), expérience de recevoir une réponse quelconque. « Ces ques(VOLT.), tradition (LAH.) incertaines. Douteur est tions n'étant d'aucune conséquence à l'égard de préférable en matière d'opinions ou de disputes, la foi, sont des questions problématiques sur leslà où il y a du pour et du contre preuves dou- quelles l'Eglise a gardé le silence et n'a rien proteuses (VOLT.), droits douteux (ID.), équité dou-noncé. » BOURD. « Il fut toujours problématique teuse (MASS.). Il est incertain si.... (BUFF.); il est à la cour si Mme de Maintenon était mariée douteux que.... (VOLT.): il est incertain si telle (avec Louis XIV). » VOLT. chose est arrivée ou arrivera; il est douteux que telle cause vaille mieux que telle autre.

Enfin on peut dire en général qu'incertain regarde l'événement des choses, l'événement futur surtout, et douteux (de duo, deux), les choses mêmes, quand elles impliquent une contestation, ou la dispute des choses ou sur les choses. « Dans les guerres que nous faisons sous Jésus-Christ, l'événement n'est pas incertain ni la victoire douteuse. » Boss. « Il se fait un balancement douteux entre la vérité et la volupté, et la connaissance de l'une et le sentiment de l'autre font un combat dont le succès est bien incertain.» PASC. « Il n'y a pas jusqu'à l'existence de ces coqs barbus qui ne soit incertaine.... Les queues humaines, quoique attestées par des voyageurs et des missionnaires, sont au moins douteuses. BUFF. A l'égard de ce qui est incertain, l'esprit hésite faute de renseignements suffisants; à l'égard de ce qui est douteux, l'esprit balance, faute de raisons suffisantes qui le déterminent pour ou

contre.

:

Problématique, du grec пpóбnuz, proposition à discuter, est un mot savant, usité surtout en termes d'école et de spéculation. « Les gens du monde s'amusent des disputes des philosophes: et, finissant par les mépriser, ils jugent que tout est problématique. » COND. « On n'examine pas si quelque secte a vaincu il suffit qu'on ait contesté tous les principes pour qu'on les croie généralement problématiques. » VAUV. « Des dialogues sur certains traits d'histoire, assez problématiques pour être discutés, pourraient être un ouvrage utile. » Marm. « Bien des gens ne demandent pas mieux que de regarder comme problématique tout ce qui tient aux matières de goût. » LAH. « Si M. Jurieu avait voulu parler de bonne foi, il nous aurait avoué que les interprétations des protestants sur les autres endroits de l'Apocalypse ne sont ni plus claires ni plus certaines; c'est pourquoi un an auparavant il nous les donnait pour problématiques. » Boss. Dans le langage commun, problématique ne signifie pas tout à fait la même chose qu'incertain et douteux. On hésite ou on balance à croire ce qui est

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1° INCERTITUDE, DOUTE; - 2° INDETERMINATION, INDECISION, IRRÉSOLUTION, PERPLEXITÉ. Situation d'un homme qui demeure en suspens et sans prendre de parti.

Mais dans l'incertitude et le doute, c'est l'entendement qui hésite, qui ne prend pas de parti relativement au vrai; dans l'indétermination, l'indécision, l'irrésolution et la perplexité, c'est la volonté qui ne se porte pas à agir, qui ne prend pas parti relativement à la conduite. La différence est profonde : dans un cas, il s'agit de croire, et on n'a pas pour cela des lumières ou des raisons suffisantes; dáns l'autre, il s'agit de faire, et on n'a pas pour cela des motifs assez puissants ou assez efficaces. C'est, d'une part, un état tout spéculatif, un état d'ignorance ou d'incrédulité; et, de l'autre, un état pratique en quelque sorte, un état d'immobilité ou d'inaction. « L'irrésolution est une timidité à entreprendre; l'incertitude, une irrésolution à croire. » VAUV. Or, il est évident que, sous ce rapport, le doute ressemble à l'incertitude, tandis que la définition donnée de l'irrésolution convient aussi à l'indétermination, à l'indécision et à la perplexité.

1° Incertitude, doute.

Incertitude vient du latin in certus, non sûr, non instruit ou informé; et doute, de dubium, qui a pour racine duo, deux. Doute, comme am biguité (d'ambo, les deux, l'un et l'autre) implique une dualité tout à fait étrangère à l'idée de l'incertitude. Je suis dans l'incertitude touchant le sort d'un ami absent; je suis dans le doute touchant quelque chose qui a été posé, avancé, ou touchant un point du dogme. toutes les fois, en un mot, que je ne puis me tirer d'une alternative, d'un choix à faire entre le pour et le contre. Dans l'incertitude, on est dans la position d'un homme qui ne sait pas, d'un voyageur qui ne sait pas son chemin, d'un correspondant qui n'a pas reçu d'avis; dans le doute, on est dans la position d'un juge qui n'est pas encore en état de faire pencher la balance d'un côté ou de l'autre. De là il suit que l'incertitude a plutôt lieu en fait d'événements, surtout d'événements à venir, et le doute en matière d'opinions: un avenir in

692

certain; les sceptiques prétendent que tout est douteux.

Outre cela, l'incertitude est subjective et fait penser à l'état des personnes incertaines; le doute est objectif et fait penser aux difficultés qui rendent les choses douteuses. « Saint Paul, dans un mot, fixe toutes nos incertitudes et résout tous les doutes. » BOURD. « Plus je réfléchissais, plus il se présentait de doutes; lassé de tant d'incertitudes, mes genoux fléchirent et je m'endormis. » BUFF. « Si, à l'aide de ce renseignement. on m'eût présenté quelque enfant pour le mien, le doute, si ce l'était bien en effet, si on ne lui en substituait point un autre, m'eût resserré le cœur par l'incertitude. » J. J.

2° Indétermination, indécision, irrésolution, | perplexité.

Indétermination est de ces quatre mots le plus général et le plus vague: il exprime le parfait équilibre ou l'indifférence de la volonté. Du reste, on ne s'en sert guère que dans le didactique. « La volonté humaine est naturellement indéterminée; mais elle a aussi cela de naturel, qu'elle se fixe elle-même par son propre mouvement. » Boss. « La volonté est censée indifferente et indéterminée, pendant que le plaisir indėlibéré est actuel. » FÉN. « L'âme est l'ouvrière de sa détermination; mais il y a des occasions où elle est tellement indéterminée, qu'elle ne sait pas même de quel côté se déterminer. » MONTESQ. « Il n'y a rien de si opposé à la liberté que l'indifférence et l'indétermination. » SEV.

INCLINATION, PENCHANT, PENTE, PROPENSION. Ces mots sont pris ici au figuré, comme signifiant une disposition ou impulsion qui porte l'âme vers certaines choses.

Inclination et penchant sont les seuls qui se disent au pluriel, ceux qu'on emploie le plus sonvent, et ceux, par conséquent, dont la distinction importe le plus.

L'inclination est plus faible que le penchant: c'est l'effet d'une simple impression qui fait plier ou courber la chose d'un côté. L'inclination fait tendre vers un objet, le penchant y entraîne. On dit que la victoire incline d'un côté, quand elle commence à y pencher (ACAD., au mot Incliner, 1re édition). « Ah! madame, ne m'aimez point plutôt si vous ne m'aimez que par reconnaissance; et parce que je vous aime, je veux tout devoir à votre inclination. Il faut que ce soit un penchant insurmontable qui vous entraîne à m'aimer même malgré vous. » REGN.« Dieu distribue aux hommes divers talents et diverses inclinations, qui sont quelquefois si marquées et si fortes, qu'il est presque impossible d'y résister. On sait quel penchant le fameux M. Pascal eut pour la géométrie dès la plus tendre enfance.» ROLL- L'inclination, étant calme, modérée, ne trouble pas la raison, et de là vient que ce mot se prend plutôt en bonne part; le penchant, ayant un tout autre caractère, est plutôt considéré comme mauvais, comme nous portant au mal. Inclinations heureuses ou fortunées (Mass.), bienfaisantes (Boss.); penchants malheureux (J.J.), L'indécision est une indétermination provenant infortunés (MASS.), vicieux (MARM.), les pende la faiblesse de l'esprit, et l'irrésolution, une chants de tous les vices (MASS.). «Rien n'est plus indétermination provenant de la faiblesse de heureux que de se former de bonne heure des inl'âme. On est proprement indécis dans les choses clinations louables; car on porte dans la vieillesse où il faut se déterminer par raison, et irrésolu tous les défauts et tous les penchants du premier dans celles où il s'agit de se déterminer par sen-âge. » MASS. « Quand nous avons mangé dignetiment. Comme l'homme décisif ne doute de rien, l'homme indécis doute de tout, change d'idées à chaque instant, et ne tient constamment à aucune; et comme l'homme résolu ne craint rien, l'irrésolu craint tout, passe incessamment d'une disposition sensible à une autre, flotte, est le jouet des caprices de l'humeur ou de la passion. Dans l'indécision, l'esprit ne trouve prépondérante aucune des raisons d'agir; dans l'irrésolution, l'âme n'est pas assez fortement affectée pour suivre invariablement l'impulsion qu'elle a reçue. Il faut éclairer, instruire, convaincre l'indécis; il faut exciter, entraîner, persuader l'irrésolu. Avec des convictions bien arrêtées, on n'est pas indécis; avec de l'empire sur soi même et de la fermeté, on n'est pas ir résolu.

Perplexité, de perplexus, mêlé, embrouillé, embarrassé, exprime une indétermination pénible dans une conjoncture ou situation complexe, où on est partagé et comme tiré en sens divers. De cruelles perplexités (BOURD., MASS., J. J.). « Dans les affaires du monde, chacun recherche divers conseils qui nous embarrassent souvent dans de nouvelles perplexités. » Boss. « Ce fut une nuit d'angoisse et de perplexité pour moi. » J. J. 1

α

1. Il est à remarquer que incertitude se prend

ment la chair divine, il ne doit plus paraître en nous que des inclinations nobles, célestes; et aussi quelquefois abusivement dans le sens pratique, et désigne, non plus une suspension de jugement, comme doute, mais une suspension de la volonté, comme indétermination et ses trois synonymes. Alors incertitude équivaut presque à indecision, ces deux mots exprimant une indétermination qui provient d'une cause intellectuelle, et non pas d'une cause sensible. « L'incertitude et l'indécision que traine d'ordinaire après soi une conscience timide et scrupuleuse.» MASS.

La seule différence paraît être celle-ci dans l'incertitude on s'abstient de vouloir, parce qu'on n'aperçoit pas la raison de vouloir, et dans l'indecision on s'abstient de vouloir, parce qu'on n'aperçoit pas la prépondérance des raisons pour sur les raisons contre. J'irai en Italie, si je reçois une certaine lettre, qui doit m'y inviter; tant qu'elle n'est point arrivée, je suis incertain ou dans l'ineertitude. Des raisons m'engagent à aller en Italie, d'actres m'en détournent ou m'appellent ailleurs; tant que je n'ai pas jugé les unes meilleures que les autres, je suis indecis ou dans l'indécision. L'incertitude est une position simple, dans laquelle ne sachant pas s'il est possible ou bon de faire, on est retent et indifférent à faire; l'indécision est une position double, dans laquelle ne sachant pas s'il vaut mie faire que ne pas faire, ou faire une chose qu'une autre, on reste entre les deux en balance, partagé, embarrassé.

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La pente ressemble au penchant, en ce qu'elle nous vient de la nature et nous pousse d'ordinaire au mal. Mais elle en diffère en ce qu'elle a moins de violence. Au propre, cette différence s'aperçoit sans peine. Une colline a une pente douce, et non un penchant doux; on dit la pente, et non le penchant d'un fleuve; mais on dit le penchant d'un précipice. Pente donne l'idée de facilité à descendre, et penchant celle de chute: sur le penchant de sa ruine. — D'ailleurs, pente n'est usité qu'au singulier : il exprime quelque chose de général et de caractéristique du sujet. Mes penchants sont différentes manières d'être qui peuvent se combattre, s'affaiblir ou se corriger les unes les autres. « Si les femmes n'étaient entraînées vers les hommes que par le penchant, peut-être un penchant plus fort pourrait l'affaiblir.» MONTESQ. Mais, comme un fleuve n'a qu'une pente, et qu'elle indique son unique allure, ainsi la pente que j'ai est ma manière d'être universelle, essentielle. « La pente naturelle des femmes au plaisir d'être aimées. » LAROCH. « Nous naissons injustes; car chacun tend à soi.... Il faut tendre au général, et la pente vers soi est le commencement de tout désordre. » PASC. « L'homme de bien ramène ses sens au joug de la loi, et arrête la pente d'une nature toujours rapide vers le mal. » MASS.

se disent des choses et des personnes qui déplaisent, qui sont à charge, qui embarrassent, ennuient, fatiguent.

Incommode est le plus faible des trois; il sert à qualifier ce qui gêne simplement, ce qui produit le malaise, c'est-à-dire la peine la plus légère. « Les marcionites établissent deux dieux, dont l'un craignait tellement d'être incommode à qui que ce fût, qu'il ne voulait pas même faire de la peine aux méchants. » Boss. On suivra donc une juste gradation en disant: un censeur incommode et fâcheux (LES.), un insecte incommode et importun. De plus, incommode s'applique particulièrement bien aux choses dont on se sert et qui sont difficiles à manier ou d'un usage peu agréable, comme un outil, un habit, une maison, et, au figuré, l'humeur d'une personne, un valet, un mari. « Vous ne serez point de ces maris incommodes qui veulent que leurs femmes vivent comme des loups-garous. » MoL. A quoi il faut ajouter encore que, quand il est question des personnes, incommode ne s'emploie pas substantivement, comme ses deux synonymes: on ne dit pas un incommode.

Facheux et importun diffèrent aussi, quoique moins sensiblement. D'abord, s'agit-il des choses, elles sont fâcheuses par leur présence ou par leur nature, et importunes par leur action: un voisinage fâcheux, un chemin fâcheux, un état fâcheux; un bruit, un vent, un babil importun, une pluie, une cloche, une voix, une demande importune. La chose fâcheuse est pour nous triste et source de déplaisir; la chose importune nous agace, nous agite, nous tourmente et est pour nous une cause de déplaisir. On cherche à adoucir ce qui est fâcheux, et à faire cesser ce qui est importun1. D'ailleurs, une chose facheuse l'est absolument et toujours un mal, un accident fâcheux, une fâcheuse nouvelle; au lieu qu'une chose importune ne l'est que relativement, parce qu'elle agit hors de propos et nous inter

par sa fréquence ou sa continuité.

Mais c'est surtout à l'égard des personnes que cette dernière différence est à observer. On est fâcheux absolument, importun relativement; facheux par nature, constitué et reconnu tel, importun par accident, de fait, en raison d'une importunité. « Un homme qu'on éveille en sursaut se lève en murmurant: O homme fâcheux, quel importun vous êtes! » Boss.

Propension vient du latin propensio, comme inclination d'inclinatio. Mais, au lieu qu'inclina- | tion est devenu un mot commun, apparemment à cause de sa parenté évidente avec incliner, verbe d'un usage continuel, propension, trans-rompt, ou parce que son action choque et lasse porté dans notre langue sans ses analogues propendere, propensus, est resté un terme de science, de physique ou de métaphysique. « Les forces pénétrantes dont les corps célestes sont animés, par lesquelles ils agissent les uns sur les autres, animent aussi chaque atome de matière; et cette propension mutuelle de toutes ces parties les unes vers les autres est le premier lien des êtres.» BUFF. Dans une discussion théologique avec Bossuet, Fénelon dit que, suivant saint François de Sales, « Dieu est aimable par propension naturelle. » Hors de là, propension peut être regardé aujourd'hui comme un archaïsme. < Cette si grande soudaineté et vitesse de l'esprit, cette pointe et agilité, est chose très-dangereuse, une grande disposition et propension à la folie et manie.» CHARR. Dans les Chinois de Regnard, un gentilhomme campagnard, qui affecte un langage suranné, dit en parlant d'un comédien qui recherche sa fille : « Ce néanmoins, je me sens de la propension pour le jeune homme; et dès mon premier âge j'ai pourchassé l'accointance de

α

messieurs du théâtre. »

INCOMMODE, FACHEUX, IMPORTUN. Ces mots

Ny la peste, la faim, les larrons, ny les lous,
Ne tuerons cestuy-cy; mais l'importun langage
D'un fascheux.
REGNIER.

Pour exprimer le genre, on dira les fâcheux; Mo-
lière convient que, dans sa comédie des Fâcheux,
il n'a pas peint toutes les espèces de fâcheux
Mais on traitera d'importun un homme qu'on a

4. Cette idée d'action, propre à importun, pourrait également servir à distinguer ce mot d'incommode, s'il n'avait déjà été établi entre l'un et l'autre des différences suffisantes. « Strabon rapporte que les ibis remplissaient les rues d'Alexandrie jusqu'à l'importunité et à l'incommodité, attaquant ce qu'on

mettait en réserve et souillant tout de leur fiente. » BUFF.

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