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attachements que vous avez rompus, sans les, perstitions qui nous ont abrutis. » ID. « Il faut avoir affaiblis et comme déracinés de votre cœur travailler à détruire, à déraciner, au moins à par la mortification, repousseront sans cesse.» affaiblir dans un enfant un germe de malice forMASS. Charles V avait voulu déraciner l'ancien tifié par l'habitude. » MARM. abus des guerres particulières des seigneurs, abus qui passait pour une loi de l'Etat. » VOLT. Les jansénistes ne contribuèrent pas peu à déraciner insensiblement, dans l'esprit de la nation, la plupart des fausses idées qui déshonoraient la religion chrétienne. » ID. « Il est très-aisé de déraciner par degrés toutes les su

D'ailleurs, extirper, d'extirpare, est tout latin et par conséquent propre au style élevé ou scientifique; il convient particulièrement au langage de l'Église et à celui de la médecine. Déraciner, formé du français racine, est le mct de la langue commune. L'extirpation d'une hérésie, d'un cancer; le deracinement d'un arbre.

FABLE, CONTE, ROMAN. Divers récits de faits ou d'aventures imaginaires. « Les fables mêmes qui ressemblent aux contes des fées ont je ne sais quoi qui plaît aux hommes les plus sérieux: on redevient volontiers enfant pour lire les aventures de Baucis et de Philémon, d'Orphée et d'Eurydice. Mais pour les héros des romans, ils n'ont rien de naturel : ils sont faux, doucereux et fades. FÉN.

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Le roman se distingue par son étendue : il est plus long que la fable, plus long même que le conte. C'est un poëme fantastique en prose, ayant une intrigue et des épisodes, c'est un composé et une suite d'aventures supposées qui tiennent plus du conte que de la fable. Car le mot de roman a une origine vulgaire comme celui de conte, les premiers romans, les romans de chevalerie, ayant été écrits en roman, langue parlée par le peuple à une époque où l'Église, les tribunaux et les écoles s'exprimaient encore en latin. « Ces Confessions ne sont qu'un journal de bonnes fortunes, une histoire sans suite, un roman sans intrigues, un ouvrage qui ne laisse rien dans l'esprit. >> VOLT. « Le Télémaque de M. de Cambrai est, sous le nom du fils d'Ulysse, un roman instructif pour Mgr le duc de Bourgogne. » Boss.

Ainsi diffèrent ces trois mots dans le sens littéraire. Mais ils signifient aussi dans le langage commun différentes sortes de fictions.

Fable, latin fabula, de fari, parler, conter, signifie en général toutes les fictions que nous connaissons de l'antiquité, mais spécialement celles qui se rapportent à la mythologie. « Les divinités de la Fable. » ACAD. « La fable d'Am phion.» FÉN. Ce mot désigne aussi de petits récits allégoriques dont l'antiquité savante nous a laissé le modèle, et qui consistent dans des scènes où agissent et parlent pour l'ordinaire des animaux et même des êtres inanimés pour apprendre aux hommes à se conduire : telles sont les fables d'Esope, celles de Phèdre et Fable rappelle fabuleux, et conte conter. Fable celles de Lafontaine. « Les fictions qui ont un exprime des événements controuvés, en indiquant objet moral s'appellent apologues ou fables.... ce qu'ils sont, c'est-à-dire fabuleux, mensongers. Hest d'autres fictions purement oiseuses, telles Conte les exprime en marquant qu'ils se content, que sont la plupart des contes et des romans, qu'ils se débitent. Fable a rapport à la qualité, qui, sans renfermer aucune instruction vériet conte au fait. « César voulait, dit-on, promultable, n'ont pour objet que l'amusement. » J.J.guer une loi qui donnait aux femmes le droit de Homère dit à Esope dans un dialogue de Fontenelle : « En vérité, toutes les fables que vous venez de me réciter ne peuvent être assez admirées; il faut que vous ayez beaucoup d'art pour déguiser ainsi en petits contes les instructions les plus importantes que la morale puisse donner. >>

prendre autant de maris qu'elles voudraient. C'est là un conte populaire et ridicule, înventé pour rendre César odieux. Il ressemble à cet autre conte qu'un sénateur romain avait proposé de donner permission à César de coucher avec toutes les femmes qu'il voudrait. Il est triste que Montesquieu ait ajouté foi à cette fable.» VOLT. La fable est un mensonge historique; le conte est un bruit qui court, une nouvelle, une anecdote, un propos qui se débite dans les conversations. Un historien intéressé donne des fables pour des vérités; un historien crédule, comme Hérodote, accueille et débite des contes: « Hérodote rapporte les contes qu'il a entendus. VOLT.

Le conte a un but plus frivole et une origine moins noble. Son but est d'amuser, et non pas d'instruire. Il doit être plaisant. C'est le récit d'une aventure fabuleuse dont le sujet est pris d'ordinaire dans la vie commune. Le conte est vulgaire, ainsi que le mot qui l'exprime : il ne nous vient pas, comme la fable, des Grecs et des Romains, mais de l'Asie et particulièrement des « De plus, le mot conte étant d'origine vulgaire Arabes. C'est dans les temps modernes surtout et familier désigne parfois des fables qui circulent qu'il a été cultivé sous son propre nom ou sous parmi le peuple, fables absurdes, ridicules, et celui de nouvelles. Les fables empruntent et rap- telles qu'elles ne peuvent être crues que par des pellent à chaque instant les idées de la mytholo-enfants.» VOLT. « La mythologie est-elle un re gie grecque et romaine; on trouve dans les contes des fées des revenants, des sorciers, des magiciens, des enchanteurs.

cueil de contes puérils indignes de la gravité de nos mœurs? » ID. « Rollin nous berce de tous les contes d'Hérodote.» ID. « Hérodote, aux jeux

olympiques, fait des contes aux Grecs assemblés grossiers, et une manufacture de draps superfins comme une vieille à des enfants. » ID. « L'Odyssée -« Le czar Pierre avait établi à Olnitz des fan'est qu'un amas de contes de vieilles. (Achille briques d'armes.» VOLT. M. Gau a porté notre à Homère). FÉN. manufacture des armes blanches à un grand point de perfection. » BUFF. « Le czar Pierre allait donner ses ordres lui-même aux directeurs des fabriques de corderies et de voiles, des brique

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Le roman est un conte compliqué, une suite d'aventures habilement disposées. « Télémaque demande quel est cet étranger. Eumée lui répète en peu de mots le roman que lui a fait Ulysse.»teries, des ardoises, des manufactures de toiles.... FEN.

Fable se dit surtout des faits historiques, contes des récits de vive voix, et roman des systèmes qu'on bâtit, qu'on arrange à sa fantaisie. « Ce fondement étant posé, tout le roman de la philosophie épicurienne disparaît en un moment. » FEN. « L'esprit de Descartes était trop porté à l'invention. Le premier des mathématiciens ne fit guère que des romans de philosophie. » VOLT. « La métaphysique est souvent le roman de l'esprit. » ID. « On lit volontiers Malebranche à Paris; il s'est fait quantité d'éditions de son roman métaphysique. ID. « Tant de raisonneurs ayant fait le roman de l'âme, Locke en fit modeste ment l'histoire. » ID.

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D

FABRIQUE, MANUFACTURE. Établissement industriel.

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Fabrique, de faber, ouvrier, a naturellement rapport aux ouvriers et à leurs occupations. Les ouvriers d'une fabrique (ACAD.). « J'étais bien sûr qu'il n'y avait peut-être pas deux hommes dans cette fabrique qui ne fussent initiés dans le complot. » J. J. « Aux Paquis, aux Eaux-Vives (quartiers de Genève), le bruit et l'aspect des fabriques d'indienne et de toile peinte semblent vous trans porter à Zurich. » ID. On dit plutôt fabriquer que manufacturer. - Manufacture, ce qui résulte de l'action de faire avec la main, ou, suivant les termes de Nicod, façon de quelque ouvrage fait à la main, est relatif aux produits, aux ouvrages et à leur commerce. « La manufacture d'ustensiles de fer battu et étamé, qui est établie au faubourg Saint-Antoine, offre des moyens faciles de substituer dans les cuisines une batterie moins dispendieuse et aussi commode que celle de cuivre. » J. J. Dans telle fabrique on travaille tant d'heures par jour, et de telle manufacture sortent des objets plus ou moins estimés, plus ou moins bons. Les industriels, les ouvriers disent fabrique là où le marchand dit manufacture.

Un Français forma une manufacture de très-belles glaces à Pétersbourg. Un autre fit travailler à des tapisseries de haute lisse sur le modèle de celle des Gobelins; et cette manufacture est encore aujourd'hui très-encouragée. » VOLT.

Or, comme le mot manufacture fait considérer en grand les travaux de l'industrie, c'est un mot de haut style, et qui convient seul en parlant de la prospérité des États et des progrès de la civilisation. « Colbert avait mis les finances, la marine, le commerce, les manufactures, les lettres même, au plus haut point. » S. S. « Il y a dans cette ville de l'industrie, des arts, des manufac tures. » J. J. « Les protestants, chassés de France par Louis XIV, allèrent porter chez les étrangers les arts, les manufactures, la richesse.» VOLT. FÂCHÉ, REPENTANT; MARRI. L'idée commune à ces trois mots est celle d'une douleur de l'âme ressentie par quelqu'un.

Faché et repentant different beaucoup. On est fáché de tout ce qui est fâcheux, de ce qui affecte ou afflige, d'un accident, de tout ce qui peut arriver de désagréable, d'un contre-temps, d'un obstacle; on est repentant de ce qu'on a fait.

Qui est faché n'est pas bien aise, est contrarié : les choses ne se passent pas comme il voudrait, ou ne se sont pas passées comme il aurait voulu. « Vous m'avez fait plaisir de me l'apprendre, et je suis fâché seulement de ne l'avoir pas su plus tôt. » PASC. « Le P. Castel était fâché de me voir consumer ainsi sans rien faire. J. J. « Je fus véritablement fâché hier, de savoir que vous aviez été ici, sans que j'eusse pu vous voir.» FĖN. « Votre sang n'est point échauffé: j'en suis bien aise pour une raison, et j'en suis fâchée pour une autre. » SEV. - Qui est repentant est contrit, confus, déplore ses égarements, l'abus qu'il a fait de sa liberté. « Nous demandons à ces pécheurs s'ils sont préparés, c'est-à-dire véritablement contrits et repentants, s'ils ont une douleur De plus, et c'est ici la principale différence, le sincère de leur conduite passée. BOURD. « Voici mot fabrique représentant l'ouvrier à l'œuvre, ne un changement remarquable dans le prodigue: se dit guère que des petites industries, de celles la longue suite de ses malheurs l'ayant fait renqui fournissent des objets communs et d'un usage trer en lui-même, il retourne enfin à son père, vulgaire fabrique de bas, de bonnets, de cho- repentant et affligé de tous ses désordres.» Boss. colat, d'allumettes, d'horlogerie. Au contraire,« Régnier-Desmarais avait fait une traduction de manufacture, dont la terminaison est collective, désigne un établissement considérable soit par le nombre des hommes qu'on y emploie et des opérations auxquelles ils se livrent, soit par la quantité, par le prix ou par la délicatesse de façon des objets qu'on y confectionne : manufacture de glaces, de porcelaines, de soie, de tapisseries. « Avant Léopold et Joseph Ier, la vie était dure en Allemagne, point de jardins, point de manufacture de choses précieuses et de goût. » VOLT. Il y a des manufactures et non des fabriques royales ou impériales. On dira une fabrique de draps

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l'Iliade, dont le peu de succès empêcha l'auteur
d'en faire mention dans la liste de ses ouvrages,
comme d'une production dont il était un peu hon-
teux et repentant. » D'AL.

Lors la pauvre nonnain,
Qui jusque-là, confuse et repentante,
N'osait branler, et la vue abaissait,
Lève les yeux.

LAF.

« Je puis bien être fâché d'avoir la fièvre, ou d'être aveugle, mais non pas me repentir d'avoir ces maux, lorsqu'ils me viennent malgré moi. Mais si je mens, si je suis injuste ou médisant,

et que j'en sois fâché, cette douleur est un repentir que je puis avoir et n'avoir pas. » Boss.

Que si quelquefois fâché se rapporte aussi à la conduite passée, il suppose, non pas des désordres graves, mais seulement des fautes, ou même des fautes légères ou involontaires. On est faché de ses fautes plus que de celles d'un autre. >> FEN. « Je suis fâché de vous dire des choses si dures, mais c'est vous qui m'y forcez. » VOLT. Au contraire, on est repentant d'une grande faute, d'un crime ou de toute une suite de crimes; ce n'est pas seulement un mouvement de déplaisir, un petit mécontentement qu'on éprouve, mais un grand regret et souvent des remords. « Je laissai le duc d'Orléans fort pensif et fort repentant d'une si lourde faute. » S. S. « Cela ne sent pas sa criminelle assez repentante. » LAF. « Les législateurs, qui établirent les mystères et les expiations, voulurent également empêcher les coupables repentants de se livrer au désespoir et de retomber dans leurs crimes. » VOLT. « Vous en serez faché dans la suite; vous en aurez du chagrin; vous vous en repentirez. » BOURD.

Marri veut dire la même chose que fâché. Seulement il est vieux, et, avant d'être totalement désusité, il ne se disait que dans le style épistolaire ou familier. Il se trouve, avec la signification précise de fâché, dans les Provinciales, dans les Lettres de Descartes, dans celles de Racine, dans Lafontaine, dans Sganarelle ainsi que dans le Médecin malgré lui de Molière, et dans l'Énéide travestie de Scarron. Lesage s'en est servi dans son Don Quichotte. « Je suis très-fâché que tu ne sois qu'un ignorant, dit don Quichotte. — J'en suis aussi faché que vous, monsieur, répliqua Sancho; je voudrais avoir étudié, non pas pour connaître les médailles, car je serais marri d'avoir pris tant de peine pour si peu de chose, mais pour savoir compter juste. » De même Voltaire, dans son drame intitulé Charlot :

Notre jeune marquis, que la bonne a nourri,
Est un grand garnement, et j'en suis bien marri.

Et dans le conte des Trois manières :

Avec Téone ils (les juges) avaient ri :
Avec Apamis ils pleurèrent;
J'ignore, et j'en suis bien marri,

Quel est le vainqueur qu'ils nommèrent.
FÂCHERIE, HUMEUR; — BOUDERIE. Léger mé-

contentement.

La fâcherie et l'humeur sont des états de l'âme; mais la fâcherie est objective, elle a sa cause hors de nous, elle est excitée en nous par la conduite de quelqu'un qui nous a piqués ou blessés, et l'humeur est purement subjective, elle tient à notre nature particulière, à un fonds d'aigreur. Il y a du dépit dans la fâcherie, et quelque chose de la mélancolie dans l'humeur.

Comme les passions, la fâcherie dépend des impressions, elle est provoquée. « Les grands et les petits ont mêmes accidents, mêmes fâcheries et mêmes passions. » PASC. « La douleur que nous cause une colique, la fâcherie que nous donne quelque perte de nos biens. » Boss.

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MERCURE.

Le beau sujet de fácherie! (Amphitryon). MOL. Il m'a, droit dans ma chambre, une boîte jetéc Qui renferme une lettre en poulet cachetée. J'ai voulu sans tarder lui rejeter le tout; Mais ses pas de la rue avaient gagné le bout, Et je m'en sens le cœur tout gros de fächerie. (Isabelle dans l'Ecole des maris). ID. « Usant des choses selon la nature, nous n'en recevrons aucune fâcherie. » CHARR. « Le duc d'Orléans se fâcha (de mon refus des finances au conseil). La fâcherie se tourna en mécontentement si marqué, que je le vis moins assidûment. » S. S. Je suis mortifié que vous soyez assez leibnitzien pour imaginer que vous avez une raison suffisante d'être en colère contre moi. Je crois que votre fâcherie.... » VOLT.

Comme le caprice et la misanthropie, l'humeur est spontanée, elle n'a pas de raison ou de fondement hors du sujet, elle est l'effet du tempėrament ou du caractère. « Une femme prude suit son humeur et sa complexion, » LABR. « Quelques-uns sont ainsi faits par raison et avec fondement, et quelques autres par tempérament et par humeur. » ID. « Cette femme est toute pétrie d'humeur et de caprice, et dans l'enceinte de sa maison personne ne peut compatir avec elle. » MASS. « Ce fonds d'oppositions qui vous rend votre frère si insupportable, n'est-il pas plus en vous, c'est-à-dire dans votre orgueil, dans la bizarrerie de votre humeur, dans l'incompatibilité de votre caractère, que dans le sien propre?» ID. « Crébillon renonça presque entièrement au commerce des hommes, non par humeur ou par misanthropie, mais par amour pour la liberté. » D'AL.

Quant à la bouderie, elle diffère notablement de la fâcherie et de l'humeur. Ce n'est point un sentiment ou un état intérieur de l'âme; c'en est l'expression. Elle consiste à marquer du mécontentement, à témoigner par son silence, la froideur de ses manières ou son éloignement momentané, qu'on est faché ou qu'on a de l'humeur. « Le maréchal d'Huxelles boudait de honte et ne sortait de chez lui que pour le conseil depuis son aventure du traité d'Angleterre. Dubois fit entendre à son maître (le régent) qu'il ne fallait pas prendre garde à la mauvaise grâce ni à la bouderie. » S. S. Et ce qui prouve que la bouderie est autre chose que la fâcherie et l'humeur, c'est que celles-ci pourraient être contenues de façon à ne point paraître, à ne point aboutir à la bouderie; tandis que, d'autre part, on peut bouder sans fâcherie et sans humeur réelles, par coquetterie ou par manége.

Lorsque la bouderie se prend abusivement pour le mécontentement lui-même, comme elle n'en exprime primitivement que le témoignage ou le signe extérieur, elle ne signifie qu'un accès extrêmement superficiel et passager, un instant de brouillerie. « J'ai eu un petit moment de bouderie (avec le roi de Prusse); mais l'explication a bientôt tout raccommodė. » VOLT. « Cela eût été pris en pique et en bouderie. » S. S. « Cette affaire avait plus l'air d'une bouderie que d'une rupture. » J. J. « Nous ne permettons point la bou

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derie.... Nous ne voulons jamais que nos amis restent brouillés plus d'un quart d'heure. » MARM. FADE, INSIPIDE. Défectueux ou imparfait sous le rapport de la saveur.

Fade, du latin fatuus, dont le sens est le même, se dit des aliments qui n'ont pas assez de goût ou qui ont un goût plat, douceâtre, sans vivacité, qui ne pique pas. « Nous trouvons et nous devons trouver l'eau tiède agréable, lorsque la soif nous presse; mais dès que nous sommes désaltérés, nous la trouvons fade et dégoûtante.» MAL. Dans sa satire 111, sur un repas ridicule, Boileau parle d'un vin qui, rouge et vermeil,

Mais fade et doucereux, N'avait rien qu'un goût plat, et qu'un déboire

affreux.

Insipide, de in, particule négative, et de sapere, avoir du goût, de la saveur, se dit de celles qui n'ont point de goût, qui en manquent absolument. « Cela est insipide, cela ne sent rien. » ACAD. Suivant Labruyère, << les hommes s'ennuient des choses qui les ont charmés dans les commencements; et le nectar, avec le temps, leur deviendrait insipide. »

En un sens, insipide enchérit sur fade, puisque la fadeur cause une sensation faible, et que l'insipidité n'en excite aucune. Aussi dit-on bien fade et insipide (Boss., LABR., BOIL., MARM.). Mais, à considérer la chose d'un autre point de vue, c'est fade qui dit plus qu'insipide, puisque la sensation causée par la fadeur est désagréable et que celle produite par l'insipidité n'est que nulle. « La chair des moutons (engraissés d'une certaine façon), loin d'avoir acquis des sucs et pris de la fermeté, n'en est souvent que plus insipide et plus fade. » BUFF.

C'est ce second point de vue qui prédomine et frappe le plus au figuré, c'est-à-dire quand on se sert de ces deux mots pour qualifier les manières, les pensées, l'esprit, le caractère : la fadeur provoque une certaine répugnance, dégoûte, soulève le cœur; l'insipidité n'entraîne que l'ennui, la froideur, l'indifference. Un fade compliment (ACAD., REGN.) déplaît; une vie insipide et ennuyeuse (BOURD.) est vide de peine comme de plaisir. Boileau, dans une apostrophe à l'Equivoque, dit simplement :

Le lecteur ne sait plus admirer dans Voiture
De ton froid jeu de mots l'insipide figure.
Mais ailleurs, il exprime par fade quelque chose
de positivement désagréable et fastidieux :

Tout ce qu'on dit de trop est fade et rebutant;
L'esprit rassasié le rejette à l'instant.

. Cet attachement me rendit toute autre dissipation superflue et insipide. » J. J. « Elle ose se plaindre que Dieu l'abandonne, qu'elle n'en reçoit rien, qu'elle ne sent rien, que tout lui devient insipide. » BOURD. « Elles méprisent le juste milieu comme un défaut de goût et comme un état insipide. » FÉN. << Gardez-vous d'aller faire le fade louangeur. » J. J. « J'étais excédé de sots bons mots, de fades minauderies. » ID. « Tant de douceurs nous parurent fades. » FÉN. Les poëtes ont rendu les spectacles languissants, fades et doucereux comme les romans. »

ID.

FAIBLE, DÉBILE. Qui manque de force. Faible, d'une étymologie incertaine, est l'expression commune, celle qui signifie précisémen le contraire de fort. Debile, latin debilis, tien: de son origine un caractère de noblessse, qui suffit quelquefois pour le faire préférer à son synonyme. Ainsi, d'ordinaire, on dit une vue faible (ACAD.); mais, en poésie, c'est l'épithète de débile qu'on joint à vue:

Penser que rien n'échappe à sa débile vue. BoIL. Et de même dans le style soutenu : « Ces abimes sont trop profonds pour notre débile vue.» VOLT. Voix faible ou faible voix est une expression commune. Débile voix sera préféré dans la tragėdie: O dieux de ma patrie!

Dieux prêts à succomber sous une secte impie!
C'est pour vous-même ici que ma debile voir
Vous implore aujourd'hui pour la dernière fois.

(Zopire dans le Fanatisme). VOLT. Ou bien débile, toujours parce qu'il a été pris du latin, convient mieux en termes de médecine; c'est pourquoi apparemment on dit plutôt un esprit ou une raison faible (ACAD.), et un cerveau débile (ACAD., Boss.).

Mais une différence bien plus considérable résulte de la composition du mot débile. Debilis, de de habilis, veut dire proprement qui, par une décadence, une dégradation, un déchet, un déclin, a perdu son habileté, son aptitude, est devenu inepte ou incapable de remplir ses fonctions. On peut être faible par constitution, par un défaut de naissance, ou parce qu'on n'a pas encore acquis assez de force; on n'est proprement débile que par la perte de la force qu'on avait. Montesquieu appelle les invalides des guerriers débiles, et en latin debilis a parfois le sens de mutilé, boiteux, manchot. Voltaire était né faible (VOLT.); quand il vint à Paris pour la dernière fois, après un long exil et dans un âge avancé, « le débile et dernier effort qu'il faisait pour plaire, Irène, fut applaudi comme l'avait été Zaire. » MARM. L'enfance est faible, la vieillesse débile. « Nous naissons faibles, nous avons besoin de force, » dit J. J. Rousseau: mais dans l'Oreste de Voltaire, Iphise, à qui on demande ce que fait le vieillard Pammène, répond:

Il a, dans nos dangers pressants, Ranimé la lenteur de ses débiles ans. On mettait à mort, dans l'antiquité, les enfants faibles et difformes; chez les sauvages, les vieillards débiles. Que vous ayez les jambes faibles, l'estomac faible, cela marqué simplement un état; mais que vous les ayez débiles, cela suppose une altération. « Si vous faites prendre aux esprits (animaux) un cours different, les opérations de l'esprit se sentent à leur tour de cette altération; et l'âme, aussi débile que le corps, n'a que des fonctions faibles et languissantes. J. J.

Du reste, débile a une sphère d'application bien moins étendue. Il se dit seulement du corps et de l'âme, et quelquefois des arbres, c'est-àdire, dans tous les cas, de choses vivantes qui ont des fonctions à remplir et qui sont devenues

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Faillite, de faillir, manquer, se trouver en déficit, dans l'impuissance de faire honneur à ses affaires, exprime la chose simplement. Banque route y ajoute l'idée de circonstances qui la rendent plus ou moins odieuse. Ce mot vient de l'italien banco rotto, ou banca rotta, banc rompu: en Italie, chaque banquier ou négociant avait son banc dans la place du change, et ce banc était brisé lorsque celui à qui il appartenait se déclarait fallito.

Le failli suspend ses payements, quelle que soit la cause du dérangement de ses affaires. Le banqueroutier est un failli qui a été téméraire ou de mauvaise foi. La faillite peut être forcée, innocente, malheureuse; la banqueroute est toujours coupable et déshonorante: « C'est être inconsi

Ce qui est faible manque de force, est facile à vaincre; ce qui est fragile ou frèle manque de solidité, est aisé à rompre. Un agent est faible, c'est-à-dire mou, lâche. sans énergie; un objet, tel qu'un vase ou un édifice, est fragile ou frêle, c'est-à-dire continuellement en danger d'être détruit. On dit une faible résolution, et une fortune fragile. La faiblesse fait qu'on cède, et la fragi-déré que de parler de banqueroute au milieu d'une lité qu'on tombe. Le paresseux cherche une excuse dans la faiblesse humaine, et le pécheur dans la fragilité humaine. Vous direz des femmes que c'est un faible sexe, si vous voulez faire entendre que d'ordinaire elles ne se défendent pas avec assez de courage contre les séductions; et que c'est un sexe fragile, si vous avez égard à la fréquence de leurs chutes. Une faible santé est débile ou sans vigueur; une santé fragile ou frèle est caduque, sans cesse menaçant chute ou ruine. Fragile et fréle semblent équivaloir tout à fait l'un à l'autre; car ils viennent l'un et l'autre du latin fragilis, fragile, cassant, qui peut être brisé, rompu, fracassé.

Cependant, comme fragile reproduit exactement le latin fragilis et qu'il rappelle sensiblement le primitif frangere, fractus, d'où sont tirés nos mots français fracas et fracasser, aussi bien que fragile et fréle, fragile convient davantage au propre ou quand il est question de choses qu'on peut se représenter comme sujettes à être réellement brisées et détruites. Un corps fragile (ROLL.), et une santé frêle (ACAD.); un bien (RAC.), une union (LABR.) fragile, et une frele espérance (VOLT., S. S.). Le verre et la porcelaine sont fragiles, ils cassent aisément; les plantes sont frêles, elles plient, elles succombent, sans qu'il y ait rupture complète et séparation des parties, c'est-à-dire destruction réelle.

La forme du radical ayant considérablement changé dans frêle, le sens y a perdu de sa rigueur. Une frele barque, un fréle édifice, n'ont guère de solidité; une barque fragile, un édifice fragile n'en ont point. En parlant de la santé, fréle est préférable à fragile, parce qu'on ne conçoit pas la santé comme rompue ou brisée.

Je vais d'un mot d'écrit lui mander que son âge, Que sa fréle santé répugne au mariage. REGN. Si pourtant on veut se servir de fragile en pareil cas, on remarquera qu'il dit plus que frele: un rien suffit pour déranger une santé fréle, mais elle se rétablit; un rien suffirait pour détruire une santé fragile, et, une fois détruite, ce serait pour jamais. « Il est encore fluet, délicat et d'une santé très-fragile. » FÉN. La chose frêle est susceptible de trouble, d'ébranlement, d'altération; la chose fragile est périssable.

FAILLITE, BANQUEROUTE. État d'un commerçant qui a cessé ses payements.

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famille où il y a cette tache. » LABR. Le failli peut être un homme à excuser et à plaindre; le banqueroutier est nécessairement un homme à punir. Aussi, notre code de commerce, qui fait très-nettement cette distinction, ne parle d'aucune peine contre les faillis, et en prescrit de différentes sortes contre les banqueroutiers, suivant que la banqueroute est ou simple ou frauduleuse. D'ordinaire le failli est un homme ruiné qui, au lieu de fuir ses créanciers, se met à leur merci en leur abandonnant ce qui lui reste de bien; le banqueroutier est un homme qui, sentant sa faute ou son crime, se dérobe ou ne désire rien tant que d'échapper aux poursuites de ses créanciers qu'il ruine.

FANÉ, FLÉTRI. Ces mots expriment l'état de langueur et de dépérissement d'une fleur, d'une herbe, d'une plante; et, au figuré, une diminution d'éclat dans le teint, la beauté et autres choses semblables.

Fiétri enchérit sur fané. « Flétrir, dit l'Académie, c'est faner entièrement. » Ce qui est fané a perdu de sa fraîcheur, comme le foin (de fenum, d'où fenaison et faner); ce qui est flétri (de flectere, courber, plier, fléchir), est flasque, tombe, n'a plus ni fraîcheur, ni suc, ni vie. Une femme sur le retour commence à se faner, mais elle peut plaire encore; une femme flétrie est vieille, a des rides, et n'est plus recherchée pour sa beauté. « Il y a des femmes déjà flétries qui, par leur complexion, sont la ressource des jeunes gens qui n'ont pas assez de bien. Je ne sais qui est plus à plaindre, ou d'une femme avancée en âge qui a besoin d'un cavalier, ou d'un cavalier qui a besoin d'une vieille. » LABR.

Une chose fanée ne vaut plus autant : « Une fille, c'est une fleur qui se fane, si elle n'est cueillie dans sa saison; c'est un quartaut de vin de Champagne qui jaunit, s'il n'est bu dans sa primeur. » REGN. Une chose flétrie ne vaut plus rien: « Les abeilles continuent à ramasser, à entasser jusqu'à ce que les fleurs de ce nouveau canton soient épuisées ou flétries. » BUFF.

Il y a plus : ce qui est fané peut quelquefois se ranimer et reverdir. Faire reverdir des lauriers qui commençaient à se faner (ROLL.).

Venez la tête couronnéc

De lauriers, de myrte et de fleurs;
Et que ma muse un peu fanée

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