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date de son ami Brossette, lui déclare qu'il ne lui demandera pas pardon de sa négligence, mais il lui fait excuse ou des excuses en lui disant, d'après Horace Vous avez acheté en moi par vos bontés un serviteur très-imparfait, et il le faut garder tel qu'il est. Dans un cas semblable, J. J. Rousseau, au lieu de faire excuse, demande pardon; c'est qu'il considère sa faute comme bien plus grave, comme ayant besoin d'une grande indulgence. « Daignerez-vous bien encore me recevoir en grâce, après une aussi indigne négligence que la mienne? J'en sens toute la turpitude, et je vous en demande pardon de tout mon cœur.... J'aime mieux devoir uniquement mon pardon à votre bonté, que de chercher à m'excuser par de mauvais subterfuges'. >>

EXEMPLE, MODÈLE, RÈGLE. Ces mots désignent des principes d'action ou de conduite, quelque chose qui détermine à agir d'une certaine manière. La vie de Jésus-Christ est notre exemple (FÉN.), notre modèle (Boss., MASS.) et notre règle (Boss.).

En général, et pour tous les esprits, l'exempl et le modèle n'exercent pas le même genre d'isfluence que la règle. La règle éclaire; elle fat connaître ce qui doit se faire, ce dont on ne dot pas s'écarter en agissant. Mais elle est froide: elle ne frappe ni n'émeut. L'exemple et le modele persuadent, animent et entraînent. D'un côté, on obéit à l'idée, à la conviction que ce qu'on va faire est bien; de l'autre, on cède à une autorité.

Entre l'exemple et le modèle la différence consiste en ce qu'on suit l'exemple, et qu'on imite le modèle. Or, suivre un exemple, c'est faire après un autre; et imiter un modèle, c'est faire d'après un autre. Ce que vous faites à l'exemple d'un autre, vous le faites aussi; ce que vous faites sur le modèle d'un autre, vous le faites de même. Dans le premier cas, vous imitez en ce sens que vous n'êtes pas le premier à faire ce que vous faites; dans le second, vous imitez exactement, vous vous conformez de tout point à ce qui a déjà été fait. « Saint Louis a été l'exemple de ses peuples, et le modèle des rois.» MASS.

De plus et en conséquence, c'est le fait qu'on considère dans l'exemple et la perfection dans le modèle. Quand vous avez un exemple, on a déjà fait ce que vous allez faire; avoir un modèle, c'est avoir sous les yeux quelque chose d'excellent à imiter. On cite ou on allègue un exemple, on propose un modèle. On donne un exemple

Il y a d'abord une différence entre l'exemple et le modèle, d'une part, et la règle, de l'autre. L'exemple et le modèle montrent comme ayant déjà été fait ce qui est à faire; la règle prescrit ce qui est à faire. L'histoire nous propose des exemples et des modèles; la morale nous impose des règles. Nous pouvons puiser des exem-pour modèle. Nous avons le modèle de la vraie ples et des modèles dans les discours des grands orateurs et dans les œuvres des grands artistes; les règles de l'éloquence se trouvent dans les livres des rhéteurs, et celles des beaux-arts dans les traités sur le goût, lesquels portent aujourd'hui le titre d'Esthétique. Dans un endroit de son Discours de réception à l'Académie française, Buffon dit : « Ici l'application ferait plus que la règle, les exemples instruiraient mieux que les préceptes; mais, comme il ne m'est pas permis de citer les morceaux sublimes qui m'ont si souvent transporté en lisant vos ouvrages, je suis contraint de me borner à des réflexions. >>

L'exemple et le modèle font plus d'impression sur les esprits imitateurs qui sont accoutumés et qui aiment à suivre les autres; les règles agissent plus efficacement sur les esprits purement raisonnables. « L'exemple est la voie abrégée de la persuasion les hommes mêmes ne vivent la plupart que d'imitation; il leur faut des modèles. » MASS. « Heureux les enfants que leur père conduit à la perfection, bien moins par la voie longue et difficile des préceptes, que par le chemin court et facile des exemples! » D'AG.

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4. Quoique Mme de Sévigné, Lafontaine, Regnard, J. J. Rousseau et Laharpe aient dit, demander excuse, au lieu de faire excuse, c'est néanmoins une façon de parler justement réprouvée par les grammairiens on ne demande que ce qui peut être accordé, un pardon, par exemple; mais on ne demande pas une excuse, parce qu'on n'accorde pas une excuse. Dans le Medecin malgré lui, Valère témoigne à Sganarelle le regret de l'avoir battu pour lui arracher l'aveu de sa science: « Je vous demande pardon de toute mon âme. » Mais Lucas, paysan grossier, qui ne sait employer que des locutions vicieuses, ajoute : « Je vous demandons excuse de la liberté que j'avons prise. »

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sagesse dans l'exemple des mages. BOURD. « Donner pour modèle un exemple qui est mauvais. » Boss. «< Adam nuisit aux hommes comme un père qui les engendre, et non point comme un modèle dont l'exemple les induisit à mai faire. » ID. « Les exemples de Jésus-Christ sort mon modèle. » MASS.

On est un exemple par ses actions, et un modèle par ses qualités. Exemple se dit proprement en fait de conduite, et modèle en matière de speculation, d'art et de goût.

La vie de Jésus-Christ est notre exemple et notre modèle, c'est-à-dire que, d'une part, nou devons faire ce qu'il a fait, et, de l'autre, faire tout ce qu'il a fait, et comme il l'a fait, nous efforcer de lui ressembler en tout. Elle est notre règle, c'est-à-dire qu'elle est ou qu'on en peut tirer une mesure générale de ce qu'il convient de faire ou de ne pas faire, mème pour les cas où Jésus-Christ n'a point agi.

EXEMPLES (IMITER LES), SUIVRE LES EXEMPLES. S'y conformer.

A la rigueur, on suit les exemples et on imite les modèles. « Quoi! ce sont là les exemples qu'on nous donne à suivre, les modèles qu'on

nous offre à imiter! » J. J.

On ne doit donc se servir d'imiter que quand les exemples sont comme des modèles auxquels on s'efforce de ressembler. « Mélésichton ne son. gea qu'à imiter dans la guerre les exemples de ses ancêtres. » FÉN. Annibal avait absolument

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Au contraire, on suit parfois des exemples qu'on ne s'est point proposés, par laisser aller, par entraînement ou par force. « Galérius força Dioclé tien de quitter l'empire. Il fallut que Maximien suivit son exemple. » Boss. « L'esprit de Jésus est dans les élus; il les rend semblables à lui, et leur fait suivre ses exemples. » ID. « Par où pourrez-vous vous défendre de suivre un exemple si puissant et si présent?» BOURD. «Voyez les enfants qu'on abandonne à eux-mêmes; ils contractent bientôt tous les défauts dont l'exemple frappe leurs yeux, parce que cet exemple est commode à suivre. » J. J.

L'exemple qu'on imite est tout un genre de conduite ou de vie.

Vous trouvez le moyen

Ayant si peu, de faire encor du bien. Riches et grands que le monde contemple, Imitez donc un si touchant exemple. VOLT. « Quand je t'aurais fait tuer, j'aurais suivi l'exemple de mauvaise foi que tu m'avais donné en trompant Tarpéia. » (Romulus à Tatius). FÉN. << Courage, sacrilege, dit le pape à Guillaume de Nogaret, frappe le pontife, suis l'exemple de tes ancêtres les Albigeois. » Boss. « Comme si l'on devait jamais se piquer de suivre un mauvais exemple. » ROLE.

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Mais Érope est coupable en suivant votre exemple.

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Expédient, quod expedit, ce qui met le pied hors de, ce qui le dégage, ce qui débarrasse des Eafin veux-tu diner n'ayant plus de marmite, empêchements, impedimenta. Ressource, source Imite mon exemple, et fais-toi parasite. VOLT. contre, source destinée à restaurer, à rétablir. La «Que ce prince se souvienne qu'il est sorti de ressource tire d'un plus mauvais pas que l'expésaint Louis, non pour se glorifier de sa nais-dient, car elle relève d'une perte ou d'une chute. sance, mais pour imiter l'exemple de sa sainte L'expédient ne suppose qu'un simple inconvévie. Boss. « Cette pieuse commémoration (des nient ou un obstacle à vaincre pour parvenir à saints) nous enflamme à imiter l'exemple de leur | un but; la ressource suppose un mal à réparer. bonne vie. » ID. « Saint Thomas fut le plus grand | L'expédient facilite le succès; la ressource remédocteur de son siècle, il fut aussi le plus saint die au mal. Sans expédient, on se trouverait religieux de son ordre. Quel exemple! et qu'il est court; sans ressource, on serait perdu, ruiné : peu imité!» MASS. Mais l'exemple qu'on suit aussi dit-on perdu ou ruiné sans ressource, et est un fait, un trait particulier. « La Rochelle non sans expédient; des ressources de salut se rendit. La Guienne, épouvantée, fut prète à (MASS., BUFF.), et non des expédients de salut.— suivre cet exemple. » Boss. « La procédure faite La ressource agit plus en grand. Dans les affaires contre Jean Morelli n'était point un exemple à courantes de la vie, nous avons sans cesse besuivre à mon égard. » J. J. « Hérode méprise soin d'expédients; dans les calamités, dans les Jésus-Christ, et toute sa cour suit son exemple.» guerres, il faut des ressources. L'expédient n'est MASS. « Le prince, chef de la révolte (contre souvent qu'un trait d'adresse, une ruse, un strasaint Louis), demande la paix; les grands sui- tagème; la ressource est plus grave. Avec de vent son exemple. » ID. l'habileté et de l'industrie, on ne manque jamais d'expédient; pour ne manquer jamais de ressources, il faut de grandes lumières et une âme ferme.

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Jadis de Médicis l'andace curiense
Chercha de ces secrets la science odieuse,
Approfondit longtemps cet art surnaturel,
Si souvent chimérique, et toujours criminel.
Tout suivit son exemple.

VOLT.

De ce qu'on suit proprement les exemples et qu'on imite les modèles, il résulte encore que les exemples qu'on imite sont en général bons et louables, au lieu que ceux qu'on suit peuvent être mauvais, répréhensibles ou fâcheux. « Nous vous proposons d'imiter l'exemple de ceux qui se sont retirés des plaisirs et des dissipations du monde. » MASS. « Par votre conformité à ce modèle (la sainte Vierge), et par le soin que vous aurez d'imiter cet exemple, votre conduite sera irrépréhensible. » BOURD. « Les exemples à fuir frappent souvent davantage que les exemples à imiter. » P. R. « César imita l'exemple de modération que Sylla lui avait donné. » ROLL. « Je ne suis pas un ange, il est vrai; mais j'habiterai leur demeure, j'imiterai leurs exemples. » J. J. « J'imite autant que je puis l'exemple si bon à suivre de Votre Majesté.» D'AL.

« Les courtisans n'emploient pas ce qu'ils ont d'esprit, d'adresse et de finesse pour trouver les expédients d'obliger leurs amis. » LABR. « A présent, on appelle un grand ministre celui qui est homme d'industrie et qui trouve ce qu'on appelle des expédients. » MONTESQ. « Nous trouverons des expédients pour nous parer de cet inconvénient. » REGN. « Fabrice me fit connaître le stratagème qu'il prétendait employer pour moi (pour ravoir une bague volée), et je lui témoignai que j'approuvais fort l'expédient qu'il avait imaginė. » LES. - « On a regardé Condé comme un homme incapable de plier sous les obstacles, comme une âme du premier ordre, pleine de ressources et de lumières. » LABR. « Il y a des maux effroyables et d'horribles malheurs où l'on n'ose penser, et dont la seule vue fait frémir: s'il arrive que l'on y tombe, l'on se trouve des ressources que l'on ne se connaissait point. » ID. « On publiait que le parti huguenot était abattu; mais ceux qui

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connaissaient les ressources de l'esprit et du cœur de l'amiral eurent bien d'autres pensées. » Boss. Rome, voyant que la guerre devenait sérieuse, songea à nommer Camille tribun militaire : c'était la ressource ordinaire de la république dans les grands dangers. » ROLL.

ayant fait une infinité d'expériences. Mais cela s'est trouvé faux, parce que l'on a fait de nouvelles expériences, qui ont fait voir que..... P. R. « Il est évident, il est constant par l'expérience, par une expérience heureuse, que.... » VOLT. « Des physiciens dont la raison est éclairée par quarante ans d'études et d'expériences. » ID.

Par conséquent, ressource se met bien après expédient comme signifiant davantage. Per-« J'ai démontré par des expériences faciles à répésonne n'avait plus d'esprit que M. de Valence, ni plus présent, ni plus d'activité, d'expédients et de

ressources. » S. S.

En second lieu, l'expédient est passager, trouvé à l'instant, et tout fait pour la circonstance; la ressource est réservée de loin par la fortune, la nature ou la prudence. On cherche et on imagine des expédients dans l'occasion; on a des ressources; les ressources de la guerre (VOLT.) ou de l'art militaire (COND.), les ressources du raisonnement (BARTH.), les ressources d'un homme ou d'un animal sont quelque chose de constant et d'habituel. Richelieu dit à Mazarin, dans un des Dialogues des morts de Fénelon, que l'habileté consiste moins dans une certaine facilité d'expédients qu'à comprendre qu'à la longue la plus grande de toutes les ressources est la réputation universelle de probité. Dans l'embarras des finances, les expédients ne produisent qu'un effet momentané, les ressources procurent un plus long soulagement. D'ailleurs, l'expédient est plus indirect, il élude, il supplée; la ressource attaque de front le mal ou la difficulté et les lève, au lieu de les tourner.

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ter que l'argile tirait son origine de la décomposition du grès. » BUFF. « Tous les physiciens cnt conclu de ces expériences du baromètre, que l'air est beaucoup plus comprimé et plus dense dans les plaines, qu'il ne l'est au-dessus des montagnes. » ID.

L'épreuve apprend si on doit compter et jusqu'à quel point on doit compter sur les personnes ou sur les choses : c'est un creuset, une pierre de touche pour reconnaître leurs qualités, leur solidité.

J'ai fait du mariage une assez triste épreuve. REGN. « Voilà ce qui soutient les saints dans les rigoureuses épreuves que Dieu fait de leur constance et de leur fidélité. » BOURD. « Dieu commanda à Abraham de lui immoler son fils. A quelles épreuves la foi est-elle exposée?» Boss. « Que deviendront les épreuves d'innocence des siècles passés ?» SEV. « Vous devriez reconnaître par tant d'épreuves combien vos objections sont vaines. » PASC. « Ils sortirent de ces épreuves aussi purs que l'or qui a passé par les creusets. » BARTH. « L'huile de pétrole ne s'épaissit ni ne se fige par la gelée; et c'est par cette épreuve qu'on reconnaît si le pétrole est pur. BUFF.

Enfin, l'expedient est une mesure, la ressource une chose. Vous direz à une personne : j'approuve L'essai apprend ce qu'on peut ou ce que peuvotre expédient, et vous êtes ou vous serez ma vent les choses, si on est propre à tel emploi, ou ressource. « O chimères, dernières ressources des si les choses sont propres à tel usage. On fait malheureux!» J. J. Se procurer des ressources l'essai de ses forces (PASc., MASS.), de son cou(D'AL.) L'expédient est plus ou moins ingénieux; rage (MASS.), de son esprit (BOURD.), de ses tala ressource est plus ou moins féconde. L'expé-lents (ID.), de soi-même (ID.); un coup d'essai dient est relatif à l'esprit qui l'invente; la ressource, à l'utilité dont elle peut être un expédient est d'une plus ou moins grande ressource; l'affaiblissement des monnaies est un expédient d'une faible ressource. On tente, on prend tous les expédients. c'est-à-dire tous les moyens proposés; on épuise toutes ses ressources. Un expédient apprend à un homme obéré comment il doit s'y prendre pour sortir d'affaire; une ressource lui fournit des fonds. Un homme d'expédient est habile à trouver des tours, des biais, des manières d'échapper; une ville de ressource est pourvue des choses dont on peut avoir besoin. « Il ne nous restait plus de ressource que dans le roi de Prusse. Il fallait un prétexte pour me rendre auprès de lui. Je pris celui de ma querelle avec l'ancien évêque de Mirepoix. Le roi approuva cet expédient. » VOLT.

EXPÉRIENCE, ÉPREUVE, ESSAI. Par des expériences, des épreuves et des essais, on apprend à connaître ce qu'on ignorait.

L'expérience apprend ce qu'on doit croire; elle lève les doutes, dissipe l'ignorance et fixe les opinions. « Cela est reconnu faux par un nombre infini d'expériences. » PASC. « Ce qui le faisait croire si fermement, c'est qu'on s'imaginait s'en être assuré par une induction très-certaine, en

montre de quoi on est capable. On fait l'essa j d'une arme ou d'un remède pour voir quels effets ils produiront. « On trouve Jésus-Christ au milieu des docteurs faisant déjà des essais de son ministère divin. » MASS. « Accoutumez les filles de bonne heure au gouvernement domestique. Donnez-leur quelque chose à régler.... Laissez même faire quelque faute à une fille dans de tels essais. » FEN. « Les Russes n'avaient point encore fait de siége régulier. Cet essai ne fut pas d'abord heureux. » VOLT. « J'ai fait quelques essais de sortie qui m'ont réussi médiocrement, et jamais sans pluie. » J. J. « Les grands exploits par les quels la Grèce se distingua au siège de Troie lui servirent comme d'essais et d'apprentissage dans le métier de la guerre. » ROLL. Cléopâtre faisait des essais de poisons de toute espèce sur des criminels. » ID.

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Ainsi, l'expérience regarde proprement la vérité des choses; elle décide de ce qui est ou de ce qui n'est pas. L'épreuve a plus de rapport à la qualité des choses; elle instruit de ce qui est bon ou mauvais, et prévient la tromperie. L'essai concerne particulièrement l'usage des choses; il montre à quoi elles sont propres et en détermine l'emploi.

Les physiciens font des expériences pour arri

ver à des découvertes ou pour éclaircir leers doutes. Les chimistes soumettent les corps à des épreuves pour en reconnaître la pureté ou bien la qualité bonne ou mauvaise; et de même, en général, c'est par des épreuves qu'on vérifie si les personnes ou les choses ont les qualités qu'elles doivent avoir ou qu'on leur attribue. Un apprenti fait l'essai de son aptitude pour tel art; et, en général, on fait l'essai d'une chose dont on ignore et dont on recherche les vertus ou les pro

priétés.

EXPLOITS, PROUESSES, FAITS. Ces mots expriment les actions de bravoure et d'héroïsme, les actions de guerre signalées et mémorables.

Exploit, du latin explicare, déployer, étaler, est le terme commun, et signifie un développement de force ou de courage. « Je parle dans une cour composée d'hommes fameux par leur bravoure et par leurs exploits militaires. » BOURD. « Eusèbe de Césarée s'étend fort au long sur les exploits de Constantin contre Maxence. » VOLT.

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Fallait-il donner aux forfaits d'un brigand (Catilina) le coloris des exploits d'un héros? » J. J. « La grandeur de vos exploits (ô Alexandre) a vaincu, non-seulement vos ennemis, mais vos soldats mêmes. » ROLL.

Du premier des Césars on vante les exploits. BOIL.
Tu me contais alors l'histoire de mon père.
Tu sais combien mon âme, attentive à la voix,
S'échauffait au récit de ses nobles exploits.

(Hippolyte à Théramène dans Phedre). RAC. Prouesse, action de preux, se dit proprement des exploits de l'ancienne chevalerie, de ceux qui sont racontés dans les anciens romans. « Du temps de la chevalerie, il n'y avait pas un gentilhomme qui n'eût, au coin de son feu, quelque belle aventure, quelque prouesse à raconter. >> MARM. Mais le mot a vieilli avec la chose, s'est décrédité avec elle; il a pris une teinte semblable à celle des aventures débitées dans les romans de chevalerie, une teinte de ridicule et d'extravagance; il se dit, non plus sérieusement et en bonne part, mais par plaisanterie ou par mépris, en parlant, par exemple, des prétendues actions d'éclat d'un faux brave ou d'un homme de condition basse ou vile. « Un lièvre poltron vantait ses prouesses à ses compères les lièvres voisins. » FEN.

Je faisais le vaillant et n'étaís qu'un poltron, Qui, pour cacher sa peur, exaltait ses prouesses.

DEST.

Mais l'honneur, en effet, qu'il faut que l'on admire, Quel est-il, Valincour? pourras-tu me le dire? L'ambitieux le met souvent à tout brûler; L'avare, à voir chez lui le Pactole rouler; Un faux brave, à vanter sa prouesse frivole. BoIL. « Persée, Bacchus..., Odin, Merlin, Francus, Robert le Diable, et tant d'autres héros de romans, dont on a écrit la vie et les prouesses.» VOLT. « C'est une chose curieuse d'entendre l'archer, le satellite, le geôlier, parler de leurs prouesses. ID. Le comédien Destin fit des prouesses à coups de poing. SCARR. « Cette femme (condamnée au bagne) se mit à raconter ses prouesses avec une vivacité accommodée au sujet. » LES.

S'il fallait, par hasard, d'un coup de main habile,

Soustraire, escamoter sans bruit un testament...,
Peut-être je pourrais par quelque coup d'adresse,
Exercer mon talent, et montrer ma prouesse.

(Crispin dans le Légataire). REGN.

Après bon vin, trois commères un jour S'entretenaient de leurs tours et prouesses. LAF. Faits, dans le sens dont il est question, s'emploie presque toujours au pluriel et avec un adjectif qui le détermine: hauts faits, beaux faits, faits éclatants. Il ne convient guère que dans la haute poésie.

Mais parmi tes hauts faits, sois-lui (à Chimène) toujours fidèle.

(Le roi à don Rodrigue dans le Cid). CORN. Je vous vis; j'approchai sous un habit de femme : De l'amour des hauts faits je vous enflammai l'âme. (Ulysse à Achille). LAF. Va de tant de hauts faits (de Henri IV) empoisonner la source;

Que sous ton joug, Amour, il gémisse abattu.
(La Discorde à l'Amour dans la Henriade). VOLT.
Il faut, s'il est vrai que l'on m'aime,
Ne m'expliquer ses vœux que par mille beaux faits,
Et haïr Alexandre autant que je le hais.

(Axiane dans Alexandre). RAC. Voulez-vous pour témoins de vos faits éclatants Des pays inconnus même à leurs habitants?

(Cléofile à Alexandre). ID.

Quant au sens, les faits sont proprement des traits, quelque chose de plus particulier, de moins étendu, de moins général, que les exploits dans lesquels sont comprises les expéditions, les conquêtes, les entreprises d'un grand dessein et d'un grand intérêt.

Qui pourrait exprimer par quels faits incroyables,
Quels coups accompagnés de regards effroyables,
Son bras, se signalant pour la dernière fois,
A de ce grand héros (Mithridate) terminé les ex-
ploits ?

RAC.

EXPRIMER, ÉNONCER, RENDRE, SIGNIFIER. Représenter, faire connaître quelque chose de vive voix ou par écrit.

Exprimer, de premere ex, presser fortement une chose de manière à en tirer le suc ou une empreinte, indique une action vive, forte, frappante, qui fait beaucoup d'impression, une manifestation sensible ou esthétique (du grec alσláveo0xt, sentir). Enoncer, enuntiare, exposer, déclarer, révéler, marque une action tout intellectuelle, une manifestation par laquelle on fait entendre ou concevoir, et non sentir. Exprimer convient pour le langage naturel, celui des nomie, des soupirs, aussi bien que pour la pagestes, des cris, des mouvements de la physiorole; l'énonciation, au contraire, est toujours parlée ou écrite. Or le langage naturel est, comme on sait, plus expressif, plus énergique, plus animé que celui de la parole. L'un s'adresse à l'imagination, à la sensibilité, au cœur; l'autre, à l'esprit. Exprimer a rapport au côté ou à la partie poétique, pittoresque ou oratoire de la pensée; et énoncer, au côté ou à la partie logique. On exprime surtout des sentiments et des situations intéressantes; on énonce une proposition, un théorème, un article dans un contrat ou un traité.

Qui s'exprime bien est éloquent, entraînant, persuasif, fort ou beau, pathétique ou touchant.

<< Le principal en éloquence consiste à concevoir fortement les choses, et à les exprimer en sorte qu'on en porte dans l'esprit des auditeurs une image vive et lumineuse, qui ne présente pas seulement ces choses toutes nues, mais aussi les mouvements avec lesquels on les conçoit. » P. R. « Cet auteur (Duguet) n'a pas eu le talent de s'exprimer, comme les anciens, avec cette imagination qui anime tout.» LAH. « Lorsque les anciens étaient sollicités par le besoin d'exprimer vivement un trait de caractère, une pensée neuve et hardie, leur style s'élevait jusqu'au ton le plus haut.» MARM. De tous les écrivains, c'est chez les poëtes que le génie des langues s'exprime le plus vivement. » COND. Qui s'énonce bien est clair, précis, formel, et accessoirement pur, élégant, agréable.

Ce que l'on conçoit bien s'énonce clairement. BOIL. « Si on saisissait bien le progrès des vérités, il serait inutile de chercher des raisonnements pour les démontrer, et ce serait assez de les énoncer. » COND. « Le système de la Vision en Dieu de Malebranche mène jusqu'à faire de l'entendement humain une faculté passive, sans qu'il l'énonce positivement ou même qu'il s'en aperçoive.» LAH.

gypse et celui de plâtre pour signifier la même chose.» BUFF. « Il ne faut employer dans la définition que des termes qui désignent clairement l'idée qu'on veut signifier par le mot qu'on défnit. » P. R.

EXTIRPER, DÉRACINER. Détacher une plante du sol; au figuré, détruire des vices, des abus ou autres choses semblables.

Extirper, de ex, hors de, et stirps, souche, c'est mettre hors de terre une souche, une tige et les racines; déraciner, c'est seulement défaire les racines, les mettre à nu, les tirer ou les rompre, sans extraire ou ôter la souche ou le corps lui-même. On extirpe en enlevant le corps de la place à laquelle il tenait; on déracine en déliant le corps simplement, mais sans lui faire quitter le lieu où il est fixé. Le chirurgien extirpe une loupe, un polype; le vent ou l'eau d'un torrent déracine un arbre. On déracine un cor au pied en cernant le calus tout autour, pour l'extirper après. Quelquefois, un dentiste déracine une dent avant de l'extirper. De même, on dit que des murailles sont déracinées (REGN.), quand elles ne sont que déchaussées.

Mais le plus grand emploi de ces mots est au figuré.

« Le contraste entre Orbassan et Tancrède est On extirpe en arrachant tout d'un coup vec exprimé par Voltaire avec des nuances qui ont force et entièrement, de façon que la chose ze reautant d'intérêt que de délicatesse.... Mais pour-pousse plus. « Dieu trouve en nous une foi inquoi Orbassan ne veut-il combattre qu'avec la promesse d'être aimé ? Pourquoi même énoncet-il cette prétention peu conforme à la fierté dont il se pique?» LAH. « M. de Morville, avocat du roi au Châtelet dès l'âge de vingt ans, ne pai at jeune que par la grâce avec laquelle il s'énonçait.... Devenu membre de l'Académie, et chargé de recevoir un académicien, il craignit que son éloquence n'exprimat que faiblement ce que son cœur sentait.» D'AL. « Je suis surpris, en écoutant cette bonne âme, de la manière dont elle s'explique quel feu anime ses paroles ! Elle s'énonce avec une facilité que rien n'arrête; elle s'exprime en des termes qui me font concevoir les plus hautes idées de l'Etre divin, des grandeurs de Dieu.... » BOURD.

Rendre, redonner, est relatif, non plus à la forme ou à la clarté, mais à l'exactitude: on rend plus ou moins fidèlement, et ce mot se dit surtout d'un imitateur, d'un traducteur, d'un rapporteur, ou d'un peintre qui dépeint, qui peint d'après nature. « Souvent rien n'est plus trompeur que les livres, et ne rend moins fidèlement les sentiments de ceux qui les ont écrits. » J. J. « A-t-on jamais mieux rendu l'effet du tonnerre dont le son se prolonge dans l'éloignement que dans ce vers admirable:

Et la foudre en grondant roule dans l'étendue?»

LAH.

<< M. de La Mothe n'a point rendu toutes ces beautés; aussi, son dessein n'a pas été de traduire, mais d'imiter Homère en l'abrégeant. » ROLL.

Signifier, se servir d'un signe, marque une manière de s'exprimer particulière, savoir par un seul mot, et non pas par tout un discours, par une phrase ou une proposition. « La plupart des auteurs ont employé sans distinction le nom de

culte, aride, infructueuse, et il conclut à l'ertirper tout à fait. BOURD « Sa Majesté n'attend pas seulement une décision prompte, mais encore digne du saint-siége, et qui donne le dernier coup à une secte toujours renaissante; en sorte qu'il n'y ait plus rien à désirer ni à faire ici pour l'extirper tout à fait. » Boss. « Pourquoi n'a-t-on osé dire que cet amour naturel, dont l'exclusion fait le comble de la perfection, pût être entièrement extirpé? « ID. « Paul III avait déclaré qu'il assemblait un concile à Mantoue pour extirper l'hérésie luthérienne. » COND. « Le grand dessein de Caton, c'était d'extirper entièrement le luxe. » ROLL. « Une foule d'arrêts du conseil parut coup sur coup (sous Louis XIV), pour extirper les restes de la religion proscrite.» VOLT. « La disproportion entre la peine et le salaire est un mal qui se reproduit sans cesse plus ou moins, et qu'on ne peut qu'atténuer. Celui qui s'imagine qu'on peut l'extirper est un ignorant. » LAH.

On déracine peu à peu, en brisant, pour ainsi dire, une à une chaque racine ou chaque fibre, et cela se dit ordinairement de choses qui ont jeté des racines, même des racines profondes. qui se sont étendues ou invétérées. « De toutes les passions, il n'en est point qui s'imprime plus profondément que la haine, ni qu'il soit plus difficile de déraciner. » BOURD. « Les penitences doivent être médicinales, pour déraciner les mauvaises habitudes du pénitent. » ID. « Tout cela insensiblement a déraciné de son cœur les principes de religion où il avait été élevé.» ID. «Le reste de ce décret ne regarde que les évêques et le soin qu'ils doivent prendre de déraciner la superstition, les gains illicites et les abus qui se pourraient trouver dans la dispensation et l'usage des indulgences. » Boss. « Les anciens

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