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PER; 3° CEINDRE, ENCEINDRE; 4° ENCLORE, ENFERMER. S'étendre ou étendre quelque chose de telle manière par rapport à un objet, qu'il se trouve au milieu ou au centre. 1o Environner, entourer.

Ce qui environne un objet en est à une certaine distance, est dans les environs, vis-à-vis. Les cieux environnent la terre; nous sommes environnés par l'horizon; de charmants villages environnent Paris. « Saturne a un grand cercle et un grand anneau assez large qui l'environne et qui est assez élevé pour être presque entièrement hors de l'ombre du corps de cette planète.» FONT. Un pays est environné de montagnes, un Etat de places fortes, etc. Mais ce qui entoure un objet est placé autour de cet objet, en suit le contour, en est tout près, y touche, l'embrasse. Un anneau entoure le doigt, une bordure un tableau; on entoure une bague de diamants, un enfant de linges et de bandages (J. J.); les licteurs, chez les Romains, portaient des haches entourées de faisceaux de verges (ROLL.); une île est un espace de terre entouré d'eau de tous côtés (ACAD.). Tout à l'heure nous n'étions occupés que de ce qui nous touche, de ce qui nous entoure immédiatement. » J. J. « Les génies président à la terre, ainsi qu'à l'espace dont elle est immédiatement entourée. » BARTH. « Cimon et Clitandre ne sont pas les satellites de Jupiter, je veux dire ceux qui pressent et qui entourent le prince; mais ils l'annoncent et le précèdent. LABR.

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Une ville est environnée de belles prairies, et entourée de remparts. Un chef de famille est environné de voisins, et entouré de ses enfants.

Ce qui nous entoure nous touche, nous intéresse beaucoup, nous menace, nous presse; au lieu que ce qui nous environne nous regarde seulement, n'a avec nous qu'un rapport éloigné. « Gémir de la corruption qui nous environne, des piéges dont nous sommes entourés. » FÉN. « Les comédiennes, sans cesse entourées d'une jeunesse ardente et téméraire, résisteront-elles à leur âge, à leur cœur, aux objets qui les envi ronnent, aux discours qu'on leur tient?» J. J. Les personnes qui nous environnent composent le monde au milieu duquel nous nous trouvons; les personnes qui nous entourent forment notre entourage, le petit cercle de gens avec lesquels nous vivons familièrement et intimement. On dit qu'un homme est bien ou mal entouré, et non environné, selon les qualités de sa famille, de ses amis, et l'influence qu'il en reçoit.

Enfin, ce qui nous environne est plutôt grand, beau, pompeux; et ce qui nous entoure, utile ou nuisible. La nature, pour préserver les princes des piéges qui les menacent, a environné leur âme d'une garde d'honneur et de gloire, et entouré leur cœur d'un mur d'airain (MASS.).

2° Envelopper.

Envelopper signifie entourer de toutes parts, en tous sens envelopper des marchandises. Une ville est environnée ou entourée d'un mur, d'une rivière, d'une prairie, de tout ce qui forme comme un cercle autour d'elle; elle est enveloppée par un tourbillon de poussière, par des té

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Ceindre et enceindre, du latin cingere, mettre une ceinture, n'ont pas une aussi grande étendue de signification que les trois mots précédents, et ne s'appliquent pas comme eux à toutes sortes de choses. Ils veulent dire primitivement entourer quelque partie du corps de l'homme, les reins ou la tête. a Le front ceint d'une couronne de laurier. » ROLL. « C'était Myrtis que l'on voyait enceint des longs replis de ce serpent qui l'étouffait. » MARM. Hors de là, ces deux mots sont pris métaphoriquement, avec cette différence que ceindre n'exprime pas une action volontaire, ou se dit d'un objet moins étendu. « Ce roc était ceint d'un profond abîme qui lui servait de fossé. » ROLL. « J. C. a distingué très-nettement le siége où la ville de Jérusalem serait seulement enceinte de l'armée, et plutôt investie qu'assiégée dans les formes. » Boss.

4° Enclore, enfermer.

Enclore et enfermer ne sont pas du langage métaphorique et figuré, comme ceindre et enceindre. De plus, ils emportent l'idée d'une barrière pour empêcher le passage ou l'entrée : on enclôt ou on enferme un espace qu'on entoure ou qu'on enceint de manière à le clore ou à le fermer. Didon commença par enceindre ou par environner avec une peau de bœuf découpée en trèspetites bandes la ville qu'elle voulait bâtir, et de cette façon elle la délimita; ensuite elle l'enferma de murailles pour la mettre en état de défense.

-

On enclôt proprement ce à quoi on met une clôture, un champ; mais on dit bien enfermer une ville de murailles. - Enclore s'entend seul; mais avec enfermer il faut ajouter quelque chose: on enclôt un terrain simplement; mais on l'enferme d'un mur, d'une haie, etc. On enclôt pour toujours; on enferme quelquefois pour un temps: c'est ainsi qu'une armée enferme les ennemis entre deux montagnes. Enfin, on enclôt pour empêcher l'accès ou l'entrée; on enferme quelquefois pour empêcher la sortie. On enclôt un parc pour qu'il ne soit pas ouvert à tout venant; on enferme un parc dans lequel on tient enfermé du gibier. Quand on a enclos son champ, les bêtes ne viennent plus le ravager (VOLT.); des assiégeants enferment une ville par des travaux qui mettent les assiégés dans l'impossibilité de faire des sorties (ROLL.).

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ÉPAIS, DENSE, COMPACTE. Dont les parties sont rapprochées, serrées.

Épais appartient au langage ordinaire. Dense, latin densus, est, au contraire, un terme de physique, et ne se dit qu'au propre. La signification d'épais est moins rigoureuse; ce mot se dit bien des choses dont les parties sont encore à une certaine distance les unes des autres, séparées par des intervalles sensibles: un épais bataillon, une forêt épaisse, une crinière épaisse ; épais sourcil, plumage épais, fourrure épaisse. On l'emploie bien aussi en parlant des corps liquides ou gazeux, c'est-à-dire des corps

dont la consistance est trop faible pour qu'ils soient solides vin épais, sirop épais, une épaisse fumée, un brouillard épais, un nuage épais, un air épais, une atmosphère épaisse. Lorsqu'il s'applique aux solides, épais n'est plus synonyme des deux autres mots, il n'est plus opposé à rare, à lâche, mais à mince.

Dense sert à qualifier les choses tellement épaisses, qu'entre leurs parties, ou plutôt leurs particules, leurs molécules, leurs atomes, ne subsistent plus d'intervalles ou de vides, mais seulement des pores. Aussi est-il le seul mot qui convienne à l'égard des corps solides. La terre est plus dense que le soleil (VOLT.). Plus les pierres sont denses, plus il faut de temps pour les convertir en chaux (BUFF.). Le fer, quoique trèsdur, n'est pas fort dense (ID.). L'or est le plus pesant et par conséquent le plus dense des métaux (ID.). Le verre, quoique transparent, ne laisse pas d'être dense et pesant (ID.).

Compacte, de compingere, assembler, unir ensemble, ajoute à l'idée commune celle de la liaison, de la cohésion des parties. « Quoique l'or soit le plus compacte et le plus tenace des métaux, il n'est néanmoins que peu élastique et peu sonore. » BUFF. « Un caillou est un assemblage de parties homogènes dont résulte une masse souvent inébranlable au marteau. Quelle force avait joint ces petits cristaux? d'où résultait ce corps si dur? Est-ce l'attraction qui rendait toutes ses parties si unies entre elles et si compactes? »VOLT. La matière de la lune est environ un cinquième plus dense, plus compacte que celle de la terre. >> ID. « L'or, ce corps si dense et si compacte, contient peut-être encore plus de vide que de plein » BUFF. Compacte est opposé, non pas seulement à rare, mais à tendre, à mou, à friable. | Dans toutes les collines et montagnes calcaires, les lits supérieurs sont les moins compactes et les plus tendres. » BUFF. Terre compacte ou molle.» VOLT. «Terre compacte ou friable. » ID. ÉPANCHEMENT, EFFUSION. Flux, mouvement ou transport d'un liquide hors de ce qui le contient. Ils se disent aussi l'un et l'autre au figuré, dans un sens analogue: épanchement ou effusion de cœur, de joie, de tendresse, de sensibilité.

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Au propre, ils ne sont pas véritablement synonymes. Epanchement n'est usité qu'en termes de médecine pour marquer l'extravasation de quelque humeur dans une partie du corps qui n'est pas destinée à la contenir : épanchement de bile ou de sang. Mais jamais ce mot ne signifie un écoulement hors du corps, et c'est précisément ce qu'exprime, en parlant du corps, le mot effusion: effusion de larmes ou de sang.

Au figuré, la différence se déduit de l'étymologie. Épancher, c'est verser en penchant ou en inclinant le vase, doucement, goutte à goutte. Effusion, du latin effundere, répandre, emporte l'idée d'abondance, de profusion, de force. L'épanchement est modéré, naturel, sans effort; l'effusion est brusque, impétueuse, pleine, sans réserve. Épanchement suppose des sentiments doux, qui découlent, pour ainsi dire, avec calme et sans secousse; effusion indique des passions violentes qui éclatent, qui font explosion.

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Il y a épanchement de cœur entre deux amis qui se content leurs peines avec une sorte de laisser aller. « Tu n'as plus pour moi ces épanchements de cœur, ces manières libres qui font le charme des liaisons. » LES. « Si on n'a guère de pensées secrètes pour ses amis, c'est que leur communication est un épanchement naturel qui est un des plaisirs de l'amitié. » LAH. « Louise, dans l'épanchement de son âme, confiait à son bon curé le récit de son aventure. MARM« Cette confidence intime du sentiment le plus cher, ce tendre épanchement qu'il était permis de donner à ses désirs.... » ID. « Dans les plus doux épanchements de son cœur, je la voyais jeter sur le jeune homme un coup d'œil à la dérobée. » J. J. — Il y a effusion de cœur dans un moment de transport, de ravissement ou de passion. La réponse d'Aménaïde à Argire (dans Tancrède) est la plus rapide effusion d'un cœur surchargé, qui cède au besoin de se répandre. » LAH. « Les Méditations sur l'Evangile, de Bossuet, n'ont pas moins d'onction, d'enthousiasme et d'effusion de cœur que les lettres du tendre Fėnelon. ID. « Dans quels termes, avec quelle effusion, Orosmane avoue tout le plaisir qu'il sent à complaire à ce qu'il aime! » ID. « Tantôt c'étaient des marques d'amitié, des caresses et une effusion de cœur sans borne et sans fin; tantôt des reproches, des menaces et des emportements furieux. » ROLL. « Nul triomphe n'approche de ces acclamations qui partent du cœur, et qui en sont une vive et sincère effusion. » ID. « Disons, avec une pleine effusion de cœur, en éclatant en reconnaissance et en action de grâces, le psaume CII. » Boss.

Ce qui est épanchement dans la conversation, dans la comédie, dans l'élégie ou dans les écrits en général, devient effusion dans la tragédie et dans le discours oratoire, où il y a toujours quelque véhémence. - Ce psaume n'est qu'un épanchement continuel d'admiration et de reconnaissance envers le créateur. » LAH. « La harangue pour Marcellus ne s'annonce que comme l'effusion de la reconnaissance et de l'admiration publique pour la clémence de César. » MARM.Il faut que je t'embrasse, et qu'un épanchement De joie et de tendresse....

D

(Crispin à Lisette dans le Légutaire.) RIGN. « Voyez dans Hermione ce passage si prompt des effusions de la joie aux transports de la fureur. » LAH.- Tout cet épanchement de bonté naïve et de sensibilité innocente (dans une pièce de Sedaine) fait rire et pleurer. D LAH. C'est encore un trait de sentiment que cette dernière phrase, un mouvement admirable, digne de terminer cette effusion de sensibilité (péroraison d'un sermon de l'abbé Poule). » ID, - Un témoignage ordinaire de douleur est un épanchement de douleur (FLÉCH.); c'en est une effusion, si ce témoignage est éclatant : « Angélique ne mit plus de reserve à l'effusion de sa douleur. » MARM.

Les idées de l'esprit en sortent par une espèce d'épanchement; les sentiments, ou mieux encore les passions de l'âme, en jaillissent ou s'en échappent par une espèce d'effusion. « Le vieux naturel du style de Montaigne et d'Amyot convient

dans le libre épanchement des pensées d'un guer ses pensées sans que vos discours arrêtent philosophe.» MARM. « Le langage de l'homme son esprit distrait. »

qui ne parle que pour exprimer ce qu'il sent On est errant loin de sa patrie ou de son habin'est que l'effusion ou l'explosion de son âme. »tation. « La fortune tenait Télémaque errant dans ID.

tous les pays loin d'Ithaque.» FÉN. Les villes de
la grande Grèce furent fondées pour la plupart
par des Grecs errants (ID.). « Les Juifs sont encore
aujourd'hui errants, fugitifs, méprisés. » MASS.

lie, à se tenir longtemps errant et caché. » S. S.
Tel fut, chez nous, le sort des Girondins à l'é-
poque de la Terreur. « Les prêtres, pasteurs zélés
de ce troupeau affligé, vivaient en Angleterre,
pauvres, errants, travestis. » Boss. « Le séjour de
leur presbytère devient insupportable à certains
prêtres : ils sont sans cesse errants pour dissiper
leur ennui. » MASS.
D
Mais on appelle vagabonds
les gens qui courent le pays, sans avoir ni feu ni
lieu: tels sont les mendiants; tels étaient les con-

De plus, épancher, c'est non-seulement verser doucement, mais encore presque toujours verser d'un vase dans un autre, au lieu que le mot effusion ne signifie que l'action de répandre, de met-« Albéroni, chassé d'Espagne, fut réduit, en Itatre dehors, sans indiquer ce que devient la chose répandue c'est pourquoi épanchement donne souvent l'idée de communication, de chose donnée et reçue, à la différence d'effusion, qui désigne un simple développement. Un épanchement ou des épanchements de cœur impliquent presque toujours des discours tenus, des secrets confiés; une effusion de cœur est un mouvement de tendresse. Dans un épanchement de cœur, on dit telle chose; et on dit ou on fait telle chose avec effusion de cœur. Cela est si vrai, qu'épanche-dottieri en Italie; ils composaient des armées vament seul signifie confidence. « Louis XIII avait besoin d'un confident qui lui dît du mal de Richelieu, et avec lequel il pût s'en plaindre. Cet épanchement faisait diversion à ses chagrins. » COND. Quand on sent vraiment que le cœur parle, le nôtre s'ouvre pour recevoir ses épanche- | ments. J. J. « Une confiance mutuelle mêlera ses épanchements aux charmes de nos entretiens. » MARM.

D

Des épanchements de cœur instruisent. « Alors il me faisait des épanchements de cœur qui servaient à m'initier dans les sacrés mystères de la maltôte.» LES. Une effusion de cœur touche, fait plaisir. « Bienfaits versés avec effusion de cœur. » J. J. « Notre bon roi Henri IV jouit, sans être connu, chez le paysan Michaut, d'un hommage qui était l'effusion du cœur. » LAH.

Les épanchements de l'amitié sont les confidences que les amis se font dans l'intimité; les effusions de l'amitié, ou mieux des effusions d'amitié, sont les élans, les transports par lesquels l'amitié s'exprime.

ERRANT, VAGABOND. Qui va çà et là, sans demeure fixe ou chemin certain.

Errant est relatif, et vagabond absolu. Celui qui est errant s'éloigne du lieu où naturellement il devrait être, du chemin qu'il devrait tenir, du but qu'il se propose : c'est ainsi qu'au figuré errer rappelle l'idée de la vérité dont on s'écarte. Vagabond est dépourvu d'un pareil accessoire: il exprime d'une manière toute générale et sans rapport à ce qu'on a quitté, l'action de rôder, d'aller à l'aventure. « Ulysse, toujours éloigné de sa patrie, est toujours errant et contrarié dans son retour. » FÉN. Didon, désespérée du départ d'Enée, court vagabonde dans toute la ville, sans savoir où elle va et ce qu'elle fait. Sans boussole, vous errez; au gré des vents, vous vaguez. Un esprit errant se trompe; les hérétiques sont appelés des brebis errantes. Une imagination vagabonde est volage, instable, sans arrêt, sans frein, se promène incessamment d'objets en objets. C'est pour exprimer ce jeu capricieux de l'imagination que Bossuet a employé au figuré le verbe vaguer : « Le juge qui se présente à vous par coutume et par bienséance laisse va

gabondes (VOLT.). Bossuet appelle les oiseaux les familles les plus vagabondes du monde, et dit des Scythes : « Ces peuples vagabonds erraient de çà et de là sur des chariots, sans avoir de demeure fixe. » Et ailleurs: « Les Scythes vagabonds traînaient sur des chariots leurs familles toujours ambulantes. »

:

Ensuite, vagabond est absolu dans un autre sens il est comme le superlatif d'errant. C'est pourquoi on trouve souvent dans nos meilleurs écrivains ces deux mots ainsi joints: errant et vagabond (Boss., FÉN., RAC., BUFF., MONTESQ., VOLT., MASS.). Errant ne donne l'idée que de deux choses, d'un chemin ou d'un lieu où on était ou bien où on devrait être, et d'un autre où on est; vagabond fait concevoir bien des chemins, bien des lieux. D'abord, on s'éloigne du bon chemin ou de sa résidence, on est errant; ensuite, ne sachant plus où aller, on tente toutes les voies, tous les lieux, sans s'arrêter nulle part, on est vagabond. « Un criminel s'étant échappé, se fie à peine à soi-même : fugitif, errant, vagabond, il croit que tout ce qui luit le décèle. » Boss. « Sans la soumission au prince, nulle union; les peuples errent vagabonds comme un troupeau disperse.» ID. Les chevaliers errants, les peuples errants habitaient et quittaient successivement différents lieux; ils n'erraient pas sans mesure, ou n'étaient pas vagabonds comme les condottieri et les Scythes, qui étaient, pour ainsi dire, toujours en course et ne s'arrêtaient jamais.

ESCALIER, DEGRÉ, MONTÉE. Partie d'un bâtiment qui sert à monter et à descendre.

Escalier est le mot ordinaire, celui de l'architecture et du langage commun. Degré et montée, quoique bien plus rarement employés, ont chacun sa nuance propre, qui en rend l'usage nécessaire dans certains cas, et qu'il importe de connaître quand.on tient à bien parler sa langue.

Le degré est un escalier distingué : il fait partie d'un édifice, d'un temple, d'un palais, d'un château, ou le précède à découvert et en amphithéâtre. Entre le degré et l'escalier se trouve par conséquent la même différence de noblesse qu'entre les degrés et les marches (voy. Degré, marche). On dit le grand degré du palais (ACAD.),

et on doit dire le degré du Panthéon, le degré de la Madeleine, etc. « On monte à ce temple (le Capitole) par un degré de cent marches très-larges. » ROLL. Mme de Sévigné, dépeignant les beautés du château de Grignan, écrit: «Ce vilain degré par où l'on montait dans la seconde cour est entièrement renversé, et fait place au plus agréable qu'on puisse imaginer. » Elle écrit des Rochers à sa fille : « Je voudrais que vous eussiez à Grignan une aussi belle allée; j'irai tantôt au bout de la grande allée voir Pilois qui y fait un beau degré de gazon pour descendre à la porte qui va dans le grand chemin. » De son côté, Lafontaine dit dans une description des merveilles des jardins de Versailles :

Au bas de ce degré, Latone et ses jumeaux

De gens durs el grossiers font de vils animaux.... Ailleurs, le même écrivain, signalant ce qu'il y a de plus remarquable dans le château de Richelieu, s'arrête particulièrement à un grand degré de marbre jaspé, au bas duquel étaient deux statues d'esclaves, l'une d'un côté du vestibule, l'autre de l'autre. « Mme la princesse de Conti logeait en haut au château. Le roi l'alla voir. Le degré était incommode; il le fit rompre et en fit un grand et commode. » S. S.

La montée est tout le contraire du degré, un petit escalier dans une maison de peu de valeur et conduisant à un taudis, à un logement de gens pauvres ou qui vivent dans la crasse. « Le roi et la reine (d'Espagne) montèrent un degré de bois.... Il était en dehors appuyé contre le pignon, et en l'air comme la montée d'un paysan dans son village. » S. S. La femme avare, dont Boileau a fait la peinture dans sa x satire, n'habitait point un palais; aussi le poëte dit-il : Deux servantes déjà, largement souffletées, Avaient coups de pieds descendu les montées. De même, pour monter à la chambre occupée par les femmes de mauvaise vie chez lesquelles Regnier se rendit un jour,

La montée était torte et de fâcheux accès. ESCLAVE, CAPTIF, PRISONNIER. L'esclave, le captif et le prisonnier ont cela de commun qu'ils ne sont pas libres.

Le mot esclave est absolu; les deux autres sont relatifs. L'esclave n'a point de liberté; le captif et le prisonnier ont perdu la leur. On considère l'état de l'esclave en lui-même, et celui du captif, comme celui du prisonnier, par rapport au fait qui l'a produit. Aussi peut-on bien être esclave volontairement, et c'est ainsi que ce mot s'entend d'ordinaire au figuré; au lieu que le captif (de capere, prendre et le prisonnier (qui a été pris) subissent toujours une situation où ils ont été mis malgré eux.

Etant absolu, esclave indique une privation de liberté plus complète, un état constant eu égard à l'avenir comme au passé. Quoique l'esclave puisse être affranchi, le captif est plus sûr d'être renvoyé ou racheté, et le prisonnier délivré, relâché, échangé ou rendu. Ensuite, l'esclavage est la privation d'une liberté plus essentielle. L'esclave ne s'appartient pas, n'est pas une personne, ne possède aucun droit civil; il a un maître qui dispose de lui absolument comme

d'une chose, qui en fait un instrument de travail, une sorte de bête de somme. Le captif et le prisonnier, outre qu'ils ne le sont que momentanément, n'ont perdu que la liberté naturelle, celle qui consiste à aller ici ou là: au lieu de maîtres, ils ont des gardes.

César, car le destin, que dans tes fers je brave, Me fait la prisonnière, et non pas ton esclave, Et tu ne prétends pas qu'il m'abatte le cœur Jusqu'à te rendre hommage, et te nommer seigneur;... (Cornélie à César.) CORN.

Autrefois, on faisait esclaves les prisonniers de guerre (VOLT., ROLL.). Les Hébreux furent esclaves en Egypte (BOURD.), et captifs à Babylone (ROLL.).

Quant à captif et à prisonnier, ils ont d'abord une différence évidente. Le captif est dans l'état d'un homme pris; on ne le laisse pas aller : tel est Télémaque dans l'île de Calypso (FĖN.). Le prisonnier est en prison, sous les verrous, enfermé entre quatre murailles, en un mot, tenu plus étroitement. «Regulus prisonnier à Carthage, ce sera saint Louis captif à la Massoure. » VOLT. Charles XII, réfugié en Turquie après la bataille de Pultava, n'était en effet qu'un captif honorablement traité (ID.). Mais s'étant défendu avec fureur contre les troupes qui voulaient le forcer à retourner en Suède, il fut fait prisonnier (ID.).

Cependant, lorsque captif et prisonnier désignent des hommes pris en combattant, prisonnier ne garde pas sa signification rigoureuse, et la distinction devient difficile.

a

Captif est un adjectif; il marque un état. Prisonnier est un substantif; il dénomme. Un roi, un peuple captif; les femmes captives. Après une bataille, on compte les morts, les blessés et les prisonniers. Cyrus, dans une bataille contre les Scythes, fit un grand nombre de prisonniers. Le fils de la reine Thomyris, que Cyrus avait refusé de rendre à sa mère, ne pouvant souffrir de se voir captif, se donna la mort. » ROLL. « Dans ce triomphe, on voyait le Rhin, le Rhône et l'Océan captifs représentés en or. Un grand nombre de prisonniers précédaient le char. » ID. « Le roi captif (Gui de Lusignan) fut étonné d'ètre traité par Saladin comme aujourd'hui les prisonniers de guerre le sont par les généraux les plus humains. » VOLT.

Que si on emploie captif et prisonnier tous deux adjectivement ou substantivement, il reste toujours entre eux une différence. Captifexprime un état, et prisonnier un fait. Le prisonnier est pris; le captif est dans l'état qui suit le fait d'être pris, c'est-à-dire retenu. Prisonnier à Pavie, François 1er fut captif à Madrid. « Télémaque ayant fait sur les Dauniens quelques prisonniers, Phalante prétendit que ces captifs devaient lui appar- . tenir. » FÉN.

Dans l'Europe moderne, les hommes pris à la guerre étant presque aussitôt rendus ou échangés, le mot de captif ne trouve guère d'application. Mais dans l'antiquité et au moyen âge, surtout chez les musulmans, il y eut toujours des captifs, c'est-à-dire des prisonniers de guerre retenus plus ou moins longtemps, jusqu'à ce

qu'on vînt les racheter ou les délivrer de quelque - Espérer va bien dans la bouche d'un inférieur, autre manière.

Au figuré, esclave annonce un dévouement sans bornes, et captif une violente attache. ESPÉRER, ATTENDRE. Ces mots expriment une certaine disposition ou manière d'être de notre esprit par rapport à quelque chose qui doit arriver.

d'un homme faible qui est dans le besoin, d'un coupable: ils aiment à croire, ils ont la douce confiance qu'on voudra bien les aider. Attendre convient seul à un supérieur, à un maître qui peut dire : J'attends beaucoup de vous. « Vous savez ce que Dieu attend de vous, ce qu'en attend l'Eglise. » MASS. Nous espérons de Dieu; il L'espérance contient deux faits distincts, l'idée attend de nous. Un débiteur espère une remise; qu'un événement arrivera et un sentiment par un créancier attend un payement prompt et lequel nous y aspirons. Le premier de ces deux exact. Vous espérez un bienfait d'une personne éléments, l'élément intellectuel, se trouve seul aux bontés de laquelle vous n'avez aucun droit; dans l'attente. Ce que nous espérons est pour vous attendez un service d'une personne que nous l'objet d'un souhait, nous serions heureux vous avez obligée. Il suit de là qu'espérer téqu'il eût lieu, et l'espérance même a une dou-moigne plus d'incertitude. Ce qu'on espère paraît ceur qui diminue nos peines et nous console. Tous les cœurs trouvent doux le succès qu'ils espèrent. CORN.

Ce que nous attendons, nous croyons qu'il arrivera, mais nous sommes indifférents à ce qu'il | arrive ou n'arrive pas, nous l'envisageons sans le désirer ni le craindre. « On est persuadé que je veux vivre à la cour sans intérêt. Il est juste de travailler à remplir cette attente. » FÉN. Bossuet a très-bien marqué cette différence en disant de Louis XIV que, lorsqu'il fut privé de ses deux grands capitaines, Turenne et Condé, il s'éleva au-dessus de lui-même, il surpassa et l'espérance des siens, et l'attente de l'univers. >> Ce qui surpasse notre espérance va au delà de nos vœux; ce qui surpasse notre attente va au delà de notre opinion.

Ensuite et en conséquence, c'est toujours quelque chose d'heureux, de favorable qu'on espère. « Les chrétiens sentent quelquefois du plaisir ou de la joie, lorsqu'ils espèrent d'être récompensés comme ils le méritent. » MAL. Ce qu'on attend peut être quelque chose de fâcheux.

Recevoir tout son bien d'où l'on attend son mal.

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LAW.

simplement possible, on se promet, on se flatte de l'obtenir, on espère même contre toute vraisemblance:

Je n'examinais rien, j'espérais l'impossible. RAC. Mais on compte sur ce qu'on attend, et on regarderait comme injuste ou extraordinaire qu'il n'arrivât pas. On espère la vie éternelle, comme on se promet et comme on se flatte de la gagner; mais personne ne peut dire qu'il l'attend, parce que personne ne sait certainement s'il en est digne. Il suit de là aussi qu'attendre enchérit sur espérer.

Ce Dieu, depuis longtemps votre unique refuge,
Que deviendra l'effet de ses prédictions?
Qu'il vous donne ce roi promis aux nations,
Cet enfant de David, votre espoir, votre attente....
(Athalie.) RAC.
ESTIMER, (ÉVALUER), APPRÉCIER, PRISER.
Déterminer la valeur d'une chose.

Estimer, c'est déterminer la valeur intrinsè-
que, le mérite, l'utilité. Apprécier et priser,
c'est déterminer le prix, c'est-à-dire la valeur
vénale, ou la valeur dans l'opinion, ce que coûte
la chose. En estimant une chose, vous décidez
combien elle est bonne ; en l'appréciant et en
la prisant, combien précieuse. On estime une
terre en raison de son rapport, un dégât en rai-
son du dommage causé; on apprécie ou on prise
des marchandises, des bijoux, des objets de
mode suivant qu'ils sont plus ou moins recher-
chés. On dit d'une chose excellente, qu'elle est
inestimable; et d'une chose
rare, courue, qu'elle
est inappréciable.

Apprécier et priser diffèrent aussi l'un de l'autre. Apprécier est formé du latin ad et pretium; priser dérive du français prix. En conséquence apprécier exprime une action plus difficile et portant sur des choses plus relevées. Tout

L'ânier (qui était dessus) l'embrassait dans l'attente D'une prompte et certaine mort. Enfin, quand espérer et attendre se disent l'un et l'autre en parlant de quelque chose de bon ou d'avantageux, comme une récompense, espérer est comme aspirer, qui a le même radical: il a un air d'humilité et de soumission qui sent la 4. Estimer ne signifie pas seulement juger comprière, et a plutôt une faveur pour objet on es- bien une chose est bonne ou utile, mais encore juger père de la complaisance de quelqu'un qu'il vou- combien elle est grande. Aussi ce mot a du rapport dra bien faire telle chose (RAC.). Attendre, au avec évaluer. Mais on estime tout d'un coup, à l'œil, contraire, comme prétendre, qui est de la même et quelque chose de simple; on évalue par une opéfamille, signifie plutôt une réclamation, une ration mathématique, à l'aide du calcul, et quelque demande, et presque une exigence fondée sur un chose de compliqué. Un maquignon estime la force droit. « La justice que j'attends du public. » J. J. d'un cheval; un ingénieur évalue la force d'un va L'armée d'Annibal attendait de grandes récom-sera-t-il pas forcé d'en estimer le poids à la vue? » S'agit-il de porter un fardeau? L'enfant ne penses après la guerre. » MONTESQ. Le bien

Qu'en la succession mes soins pouvaient prétendre,
Et que le testament me donnait lieu d'attendre,

REGN.

" peur.

. J. « Les croisés entrèrent dans Constantinople et la pillèrent; Nicétas assure que le seul butin des seigneurs de France fut évalué deux cent mille livres d'argent en poids. » VOLT,

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