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peut voir par cet exemple de Voltaire: « Depuis les funérailles d'Alexandre, rien de plus superbe que les obsèques de Charles-Quint. »

Cependant obsèques, du latin obsequium, complaisance, déférence, d'où notre mot obsequieux, qui a trop de respect ou d'égards, a rapport au sentiment, au deuil; au lieu que fu

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la terre la dépouille mortelle du défunt. Assister au convoi, obsèques et enterrement de quelqu'un. De plus, ce mot ne convient que par rapport aux pays où c'est l'usage de mettre en terre le cadavre, et non pas de le brûler, par exemple, et il est relatif au lieu où le corps est déposé. « Vous aurez su l'enterrement de Voltaire fait à trente lieues de Paris, par une espèce d'escamo-nérailles, du latin funus, qui a le même sens. tage, dans l'abbaye de son neveu. » D'AL. avec la terminaison collective aille, ne repréToutefois enterrement se prend aussi pour signi- sente que la collection des ornements, des fier en somme tout ce qu'on fait à l'égard d'une chants, des flambeaux, des discours et de tout personne défunte dont on rend les restes à la ce qui sert en un mot à solenniser extérieureterre. Alors c'est le mot simple et commun, ou ment la mort d'un grand. On honore des obsèun mot qui exprime quelque chose de simple et ques par de tristes regrets (MASS.); mais l'appade commun et d'uniquement triste. La police des reil des funérailles (MASS., FLECH.) n'est souvent enterrements (VOLT.); l'enterrement d'une ser- qu'une vaine représentation. On se fait un devoir vante (REGN.); un enterrement modeste (LES.). d'assister à des obsèques; c'est un témoignage Depuis quatre jours, je n'ai vu que des de tendre souvenir et de vénération. On assiste à larmes, du deuil, des services, des enterre- des funérailles comme à un spectacle ou à une ments. » SÉv. « Mme de La Popelinière m'accusa fête. « A la mort de Pélopidas, les Thessaliens. d'avoir fait une musique d'enterrement, » J. J. '. pénétrés de la plus sensible douleur et de la Le convoi, de cum, avec, et de via, route ou plus vive reconnaissance, demandèrent qu'il leur chemin, au lieu d'être le dernier acte funèbre, fût permis de célébrer seuls et à leurs dépens comme l'enterrement, en est le premier; c'est le les obsèques d'un général qui s'était dévoué pour transport du défunt de la maison mortuaire au leur salut, et l'on ne put refuser à leur zèle cet lieu où doit se faire l'enterrement, avec accom- honorable privilége. Ses funérailles furent mapagnement d'un plus ou moins grand nombre gnifiques, surtout par la douleur sincère, tant de personnes. Dans les premiers temps, les con- des Thébains que des Thessaliens; car, dit Pluvois en Grèce se faisaient toujours la nuit. tarque, cette pompe extérieure de deuil, et ces Venir d'un convoi (REGN.). Le jour du con- marques de douleur qui sont de commande, et voi (VOLT., D'AL.). « Les principaux de la nation que l'autorité publique impose aux peuples, ne anglaise se sont disputé l'honneur de porter le sont pas toujours des preuves certaines de leurs poèle au convoi de Newton. » VOLT. « La marche vrais sentiments. » ROLL. avait quelque chose d'auguste et de majestueux, En second lieu, obsèques est plus synthétique, et ressemblait plutôt à un glorieux triomphe qu'à plus sommaire; il ne peint pas, il ne met pas un lugubre convoi. » ROLL. « Dion fit à Héra- sous les yeux, il ne détaille pas comme funeclide des funérailles magnifiques, et suivit son railles. « Le sénat se crut obligé de permettre convoi avec toute son armée. » ID. Quelque- qu'on fit les obsèques de César.... Or, c'était une fois, mais non pas toujours, comme le prétend coutume des Romains de porter dans les funél'Académie, le convoi est la réunion des per-railles les images des ancêtres, et de faire ensonnes qui assistent ou prennent part au convoi, | suite l'oraison funèbre du défunt. » MONTESQ c'est-à-dire qui accompagnent le corps jusqu'à Dans l'Histoire du parlement de Paris, par Volla tombe. « Le convoi passera par tel endroit. »taire, le chapitre XLV est intitulé Obsèques du ACAD. Mener le convoi (S. S.). « Le convoi s'ar- grand Henri IV, et il commence par cette rêta.» VOLT. A mesure qu'ils arrivaient, ils phrase: « C'est un usage de ne célébrer les fuprenaient leur rang, marchaient en ordre, et nérailles des rois de France que quarante jours formaient plutôt une nombreuse armée qu'un après leur mort. >>

convoi. » ROLL.

Obsèques et funérailles ne s'emploient qu'au pluriel, et marquent, non pas l'action spéciale de mettre le trépassé dans la fosse, ni celle de l'accompagner jusque-là, mais en général quelque chose de solennel, des cérémonies en l'honneur d'un mort. On célèbre des obsèques ou des funérailles. C'est, en termes de religion catholique, le service. Mais si obsèques et funérailles diffèrent bien des deux premiers mots, ils ont entre eux la plus grande ressemblance, comme on le

1. Inhumation exprime toujours précisément la mise en terre, et cela avec des circonstances qui relèvent le fait, avec et après des cérémonies, après que des obsèques ou des funérailles ont été célébrées. a Le fils de la veuve de Naïm était sur le point d'être inhumé; car on le portait en terre, et on faisait actuellement la cérémonie des funérailles. » BOURD, Voy. Inhumer, enterrer.

Enfin, funérailles renchérit sur obsèques. On fait des obsèques à un particulier, et des funérailles à un roí. Les funérailles sont des obsèques pompeuses. L'Eglise emploie simplement et sans difficulté le mot d'obsèques; mais il est rare qu'elle n'attache pas une idee de faste à celui de funérailles. Alors on demandait en Angle. terre, comme nous faisons encore aujourd'hui dans les obsèques, pour l'âme qui venait de sortir du monde, la rémission de ses péchés. » Boss. « Les Suédois dépensent leurs biens en funérail les. » REGN.

ENTÈTER, INFATUER, FASCINER, ENGOVER, ENTICHER. Prévenir ou préoccuper à l'excès. Entéter, mettre en tête quelque chose, faire qu'on en soit entêté, qu'on y tienne opiniâtrement, est relatif à la force de l'attachement et à l'impossibilité de le rompre. « Ce sont les personnes du sexe qui s'entétent davantage du

monde, et qui y demeurent attachées avec plus | absorbée, est pour ainsi dire enlevée au monde, d'obstination. » BOURD. L'entêtement est l'effet à la réalité, et comme mise hors de soi.

S. S.

d'une impression dont on ne revient guère, qui L'enthousiasme et l'exaltation sont des états rend indocile, incapable d'entendre raison. actifs, ou qui disposent à agir, à faire des œuvres Infatuer, latin infatuare, signifie à la lettre bonnes ou mauvaises on ne saurait être plus rendre fou, insensé, déraisonnable, sot, et il est animé qu'on l'est dans l'enthousiasme et l'exaltarelatif à l'état de folie dans lequel on met les tion. Le transport, le ravissement et l'extase sont personnes ou à l'extravagance des choses qu'on des états purement passifs on ne saurait être leur met dans l'esprit. Entretiens particuliers plus fortement affecté qu'on l'est dans le transdont le secret, la familiarité, la douceur affai- port, le ravissement et l'extase. De quoi n'est blit les forts et infatue les sages. » BOURD. « Les point capable l'homme enthousiaste ou exalté? mondains ne sont-ils pas les premiers à déplorer Combien a été profonde l'impression produite sur leur folie lorsqu'ils se sont laissés infatuer d'un l'homme transporté, ravi, extasié ! Vous parlez fantôme qui les trompait?» ID. « Après que l'on proprement de l'enthousiasme et de l'exaltation voit tant de gens infatués des folies de l'astro- des auteurs, des artistes et des agents moraux; logie judiciaire. » P. R. « Roucy infatua Mon- mais vous vous servez des mots de transport, seigneur par ces sottises-là que M. de Metz étant de ravissement et d'extase pour exprimer ce qu'on prêtre, évêque, ne pouvait être duc et pair.... » éprouve en voyant, en entendant ou en lisant leurs ouvrages. C'est, d'une part, beaucoup d'arFasciner, du latin fascinare, faire des char-deur, de feu, de vivacité, et, de l'autre, beaucoup mes, des enchantements, jeter un sort, est relatif à la manière extraordinaire, prodigieuse, inexplicable, dont on a été prévenu ou préoccupé. La fascination est comme un ensorcellement. Saint-Simon dit au sujet de la prévention du régent pour Dubois : « Cette fascination ne peut paraître qu'un prodige du premier degré. » A quel point une erreur scientifique peut être contagieuse, et combien le charme du merveilleux peut fasciner les esprits! » BUFF. Saint Augustin se laissa préoccuper de différents systèmes.... Quelles actions de grâces rend-il à Dieu d'avoir rompu le charme d'une science profane Le mot exaltation, pris en ce sens, est nouqui lui fascinait les yeux! » BOURD. « Des amis veau; il a à peine cent ans de date. « Fénelon négocient en faveur de cet homme, parce qu'ils n'était point hypocrite, il a été de bonne foi marsont pour ainsi dire fascinés par le charme detyr de ses systèmes; c'était ce qu'on appelle auson hypocrisie. » ID.

Engouer, ou plutôt s'engouer (car ce verbe ne s'emploie qu'avec le pronom personnel ou au participe passé) marque du goût : s'engouer, c'est prendre en goût ou du goût, se prévenir ou se préoccuper par humeur, arbitrairement, sans raison. Aisément engouée, Mme de Maintenon l'était à l'excès; aussi facilement déprise, elle se dégoûtait de même, et l'un et l'autre très-souvent sans cause ni raison. » S. S. « Je ne m'engouai pas, mais je m'attachai par l'estime, et peu à peu cette estime amena l'amitié. » J. J.

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de plaisir ou de douleur. L'enthousiasme du bien porte à faire le bien; un transport ou un ravissement de joie est l'effet de la joie. On agit, on parle, on compose avec enthousiasme ou exaltation; on reçoit, on voit, on écoute, on apprend, on jouit d'un plaisir avec transport, ravissement, extase.

1° Enthousiasme, exaltation.

L'Académie définit l'exaltation, un enthousiasme véhément, une sorte de transport, de délire auquel on s'abandonne. De là suit une distinction à peu près vraie, mais incomplète.

jourd'hui un esprit exalté. Ce mot est devenu à la mode pour exprimer l'enthousiasme. » DudeFF.

Cependant il n'exprime qu'un enthousiasme mauvais ou blâmable, c'est-à-dire ou excessif et déréglé, comme l'indique l'Académie, ou factice, à froid, ou employé à mal. L'enthousiasme, inspiration divine, est le principe des œuvres de génie et des actions héroïques; l'exaltation, surexcitation artificielle ou au moins humaine, non surnaturelle, de l'esprit, ne pousse à faire que des choses peu merveilleuses, de peu de valeur, ou bien même ridicules ou odieuses. « Diderot a Enticher, qui paraît être le même mot qu'enta- tellement besoin qu'on le croie exalté pour excucher, veut dire d'abord commencer à gâter, ser le fanatisme de son livre, qu'il se met à faire particulièrement des fruits; et, par conséquent, l'éloge des têtes exaltées... Le bon sens répond au figuré, ce verbe annonce qu'on est prévenu au harangueur de place: l'exaltation n'est que le ou préoccupé de choses mauvaises, qui propre-premier degré de la folie.... Une tête exaltée s'acment corrompent. Des femmes entichées du bel esprit (LAH.), du pédantisme (ID.); entiché du vice d'ingratitude (LAF.).

Mon frère, ce discours sent le libertinage :
Vous en êtes un peu dans votre âme entiché.
(Orgon dans Tartufe.) MoL.
Ce n'est pas
lå mon vice; et loin d'être entiché
Du défaut qui par vous m'est ici reproché,
Je....

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corde avec une âme froide. Il est ridicule que ceux qui affichent la vérité affichent aussi l'exaltation. » LAH. « L'exaltation nous abuse en tous sens. » ID. « Un des plus mauvais Mois de Roucher est celui d'octobre, et la vendange ne lui a pas porté bonheur, quoiqu'il s'efforce d'y mettre d'abord un enthousiasme factice, qui n'est qu'une froide exaltation de tête. » ID. « Il ne peut y avoir aucune espèce de force dans des idées si 2oTRANS-ridiculement fausses (de Crébillon), mais seulement une exaltation de tête qui produit l'extravagance, comme la vraie chaleur de l'imagination produit la vérité. » ID. « Il me reste à fixer l'at

VOLT.

1°ENTHOUSIASME, EXALTATION; · PORT, RAVISSEMENT, EXTASE. État extraordinaire, assez semblable au délire ou à l'ivresse, dans lequel l'âme, préoccupée d'une seule chose,

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tention des bons itoyens, dont l'exaltation de parti n'a pas égaré les lumières, sur ce décret d'accusation.» BEAUM. « Il a toute l'exaltation des fanatiques. » ACAD.

2o Transport, ravissement, extase. « C'est toi qui vis, qui causas ce délire, ces pleurs, ces ravissements, ces extases, ces transports qui n'étaient pas faits pour un mortel. » J. J. « Voilà ce qui fait le plus doux entretien des âmes fidèles. De là ces extases, ces ravissements, ces saints transports où elles entrent.» BOURD. « J'en suis ravi, transporté, extasie. » DEst.

Dans le transport, on est agité, on tressaille, on tempête, on crie, on applaudit, on court çà et là; ce qui n'empêche pas ce mot de différer des précédents, car l'activité qu'il implique est vaine ou stérile. L'enthousiasme se saisit de Joad, et lui fait rendre un oracle; les transports d'Oreste, d'Hermione, des Ménades, leur font produire, non pas des actions proprement dites et des œuvres, mais des mouvements. Ajoutez que le transport peut être l'effet d'une impression pénible aussi bien que d'une impression agréable des transports de colère, de jalousie (ACAD.); les transports de la douleur (FÉN.).

ce temple, on sent dans le cœur un charme se cret qu'il est impossible d'exprimer; l'âme est saisie de ces ravissements que les dieux ne sentent eux-mêmes que lorsqu'ils sont dans la demeure céleste. » MONTESQ.

A tous les cœurs bien nés que la patrie est chère! Qu'avec ravissement je revois ce séjour! VOLT. Dans l'extase, on est émerveillé, ébahi, on n'en revient pas. « La vue de tant de merveilles ravit en extase. » ACAD. « Je suis dans l'ertase de Lekain. » VOLT.

ENTIER, COMPLET (TOTAL). A quoi il ne manque aucune partie.

Entier vient du latin integer, à quoi on n'a pas touché, intact. Complet, completus, est le participe de complere, remplir, achever, accomplir. Ce qui est entier a toutes ses parties, on n'en a rien ôté ; ce qui est complet a reçu toutes les parties qu'il doit avoir, il n'est besoin d'y rien ajouter. Votre bibliothèque ou votre garde-robe est entière, on n'en a rien distrait; elle est complète, si on y a mis ou si vous y avez mis tout ce qui était nécessaire eu égard à sa destination. Entier se rapporte à la quantité; complet à la qualité, à l'usage, à la convenance, à la perfection. J'occupe votre appartement tout entier, mais ce n'est pas un appartement complet. J'ai lu cet ouvrage entier en un jour; il ne sera complet que quand l'auteur aura ajouté un second volume au premier pour le compléter ou en guise de complément. Une armée entière, c'est toute une ar

ses membres; une armée complète, c'est une armée dont on a bien rempli les cadres et dont on a mis toutes les compagnies au complet, à qui on a donné tous les soldats qu'il faut.

Dans le ravissement et dans l'extase, au contraire, on jouit toujours; ce sont des états essentiellement agréables. Aussi ces deux mots sontils très-usités dans le langage du mysticisme pour signifier les délices d'une âme toute dévouée à Dieu. « Avant que sainte Thérèse eût paru au monde, il y avait eu des visions, des ravisse-mée ou une armée intacte, qui a conservé tous ments, des extases. » BOURD. « Dans le monde, on traite les ravissements, les extases et les saintes délicatesses de l'amour divin, de songes et de creuses visions. » Boss. Il en est de même dans le langage profane: ravissement et extase s'y emploient assez souvent ensemble pour marquer le comble de la félicité. « Je m'endormis dans une loge à l'Opéra. Qui pourrait exprimer la sensation délicieuse que me firent la douce harmonie et les chants angéliques de l'air qui me réveilla? Quel réveil! Quel ravissement, quelle extase, quand j'ouvris au même instant les oreilles et les yeux ! Ma première idée fut de me croire en paradis. J. J.

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Cependant extase (exotaσi, renversement d'esprit, stupeur) renchérit sur ravissement. Dans l'état qu'il désigne, l'âme est totalement absorbée, insensible à tout le reste, immobile et stupéfaite; au lieu que dans le ravissement on a en core assez conscience de soi et assez de liberté pour faire éclater sa joie par des transports. Les corsaires s'applaudissaient de cette prise, en faisant éclater leur ravissement par des transports inexprimables. » LES. Les saints dans le ciel aiment Dieu avec un doux ravissement qui leur fait toujours trouver de nouvelles délices dans l'objet de leur amour; et le saint transport dont ils sont animés ne leur permet pas de se lasser jamais de louer et de célébrer ses miséricordes.» Boss. D'ailleurs, le ravissement et l'extase ont des causes différentes, savoir, le ravissement l'aise, et l'extase l'admiration. On est au comble du contentement, on ne se sent plus de joie, quand on est ravi. Lorsqu'on entre dans

a

α

De plus, ce qui est entier est tel; ce qui est complet a été fait tel. Complet rappelle seul l'action d'un verbe, action qui a eu pour effet d'achever la chose dont il s'agit, d'en faire quelque chose d'accompli. Vous direz absolument : Ma joie est entière; et avec Mme de Sévigné : « Les trois lignes que vous m'avez écrites m'ont donné l'achèvement d'une joie complète. » Fénelon, parlant du bonheur des justes dans les champs Élysées, écrit : « Mille et mille siècles écoulés n'ôtent rien à leur félicité toujours nouvelle et toujours entière. » Et un peu plus loin, au sujet des rois qui ont régné avec une sincère vertu : « Ils possèdent ici tout ce que la puissance des dieux peut donner pour rendre une félicité complète. De même, Rollin dit quelque part : « La victoire des Romains fut entière. » Et ailleurs: << Les Romains prirent le camp, et rendirent leur victoire complète. » Année, province, foi entière; fruit entier, oeuf entier, le monde entier : enumération, démonstration, collection, conversion complète; habillement complet1.

1. Total est un mot abstrait signifiant, qui est relatif à un tout. On ne dit pas une armée totale, comme on dit une armée entière ou complète; mais on dit le nombre total des soldats. Destruction totale s'em

ploierait donc en parlant de choses idéales, la réputation, le crédit, et on préférerait destruction entière ou complète quand serait question de choses matérielles, d'une ville, par exemple; un homme

ENTREMISE, MÉDIATION. Action de s'inter

poser.

intrigue par l'entremise du seigneur de Santillane.» ID. « Smerdis le mage affecta de ne se 1o Le secours de l'entremise peut être apporté point montrer en public et de traiter toutes les par une chose aussi bien que par une personne; affaires par l'entremise de quelques eunuques, >> le service de la médiation n'est jamais rendu que ROLL. « Les vestales avaient le droit de tester par les personnes. Entremise est donc le seul du vivant de leur père, et de disposer de tout ce mot qui convienne dans les exemples suivants; qui les regardait sans l'entremise d'un curateur.»> on ne saurait y substituer médiation. L'âme ID. Dans Andromaque, Pyrrhus dit à Oreste n'aperçoit ce qui se passe au dehors de cette qui vient réclamer Astyanax au nom de la Grèce: partie du cerveau que par l'entremise des fibres Qui croirait en effet qu'une telle entreprise qui y aboutissent. » MAL. « Suivant Epicure, les Du fils d'Agamemnon méritât l'entremise? RAC. connaissances viennent peu à peu à l'entende- - La médiation est un arbitrage entre gens qui ment par l'entremise des sens. » FÉN. « Que de sont en guerre ou ennemis les uns des autres : choses se sont dites sans ouvrir la bouche! Que deux puissances belligérantes demandent, acd'ardents sentiments se sont communiqués sans ceptent ou refusent la médiation d'un souverain la froide entremise de la parole!» J. J. « Les qui doit rétablir entre elles la paix; et de même instruments peuvent seconder la voix, y sup-vous offrez votre médiation, pour faire cesser pléer, et porter à l'âme, par l'entremise de des inimitiés, des haines. « Volckra fut rappelé l'oreille, d'agréables émotions. » MARM. à Vienne pour faire place à Penterieder pour traiter la paix de l'empereur avec le roi d'Espagne, par la médiation de la France, de l'Angleterre et de la Hollande. » S. S. « Le pape Urbain VIII, qui pressait la France de se réconcilier avec la maison d'Autriche, offrit sa médiation.... La Hollande et la Suède ne voulaient pas de la médiation du pape. » COND. « Philippe de Macédoine trouva à Corinthe des ambassadeurs de Rhodes et de Chio, qui venaient offrir leur médiation et porter les deux parties à un traité de paix. » ROLL. Des vautours étaient en guerre; la nation des pigeons en fut émue:

α

Elle employa sa médiation

Pour accorder une telle querelle.

LAF.

2° Quand il est question des personnes, l'entremise moyenne entre elles une communication, ou fait l'office d'un canal; et la médiation les rapproche, comme le fait un homme qui se jette au milieu de gens qui se battent, pour les sé parer, ou qui sert de moyen entre deux extrèmes. L'entremise est un ministère entre personnes qui ne sont pas directement en rapport, ministère semblable à celui des courtiers: on fait connaissance, on traite, on noue une intrigue galante avec une personne, on lui demande une grâce, par l'entremise d'une tierce personne. « Demandons, implorons par l'entremise de Marie, la grâce et les lumières du SaintEsprit. BOURD., MASS. « J. C. se sert au- « Le duc de Guise s'était réconcilié avec Henri III jourd'hui de l'entremise des apôtres pour par la médiation de la reine mère. » FÉN. « J. C. distribuer aux troupes le pain miraculeux. » est l'auteur de notre salut, le pacificateur entre MASS. Combien de trahisons exécutées par l'en-Dieu et nous, et le médiateur de notre réconcitremise d'une femme à qui il fallait de l'ar-liation. » BOURd. gent! BOURD. « Recevoir les révélations de 3° Entremise est un mot commun, ayant été Dieu par l'entremise des hommes. » ID. « Par formé de deux mots français, entre et mettre; au l'entremise de Thérèse, ce La Roche fit connais- lieu que médiation, latin mediatio, de medius, sance avec Mme Levasseur. » J. J. « D'Effiat se qui est au milieu, est une expression relevée. rendait un personnage par ses entremises entre C'est ce qui frappe surtout quand on compare son maître (le régent) et le parlement auquel il entremetteur et médiateur. Après avoir parlé le vendait. S. S. « Il fallait que ce fût Daraxa des dieux inférieurs qui, dans le système de que quelqu'un de ses amis venait voir la nuit Platon, ont créé les hommes et les animaux, par l'entremise de quelque valet infidèle.» LES. qu'ils dirigent spécialement, Bossuet ajoute : C'était le comte de Lemos qui conduisait cette « La religion chrétienne ne connaît point de patotalement ruiné serait dans la misère, et un homme reils entremetteurs qui empêchent Dieu de tout entièrement ou complètement ruiné n'aurait plus le faire, de tout régir, de tout écouter par luisou. Mais entier et complet indiquant la présence, la même. Si elle donne aux hommes un médiateur réunion de toutes les parties d'une chose, sont mal nécessaire pour aller à Dieu, c'est-à-dire J. C., propres à exprimer l'anéantissement, la ruine, et en ce n'est pas que Dieu dédaigne leur nature. » pareil cas on devrait toujours se servir de total. Qu'on On dira donc mieux, l'entremise d'un valet, et dise un succès entier (VERT.) ou complet, une victoire entière (VOLT.) ou complète (ID.), une guérison glise est une médiation entre le ciel et la terre. » avec Massillon: « Un rang d'honneur dans l'Eentière (Mass.) ou complète, rien de mieux; mais on devrait toujours faire usage de total, quand on veut Et c'est parce que entremise est un mot vulgaire, marquer une désunion, une dissolution, une disper- qu'on dit non-seulement l'entremise d'un valet, sion de parties, qui ne laisse rien subsister. C'est mais encore l'entremise d'une chose, comme il alors surtout que ce mot convient. Destruction totale a été marqué au commencement de cet article. (Boss., FEN.), perte totale (Boss., J. J.), ruine totale . ENVIE, JALOUSIE. Chagrin mêlé de haine (Boss.), dépérissement total (ROLL.), éclipse totale (ACAD.). Total parait même être en général négatif qu'on ressent des avantages et des succès d'auou privatif. « L'inutilité totale de mes actions.» PASC. « Ce qui paraît dans le monde ne marque ni une exclusion totale ni une présence manifeste de divi

nité. » ID.

SYN. FRANC.

trui.

L'envie est le désir d'avoir; la jalousie, le désir d'avoir à l'exclusion des autres. L'envie est considérée solitairement dans celui qui l'éprouve:

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la jalousie l'est plutôt par rapport aux sentiments J. C. en disant que ferons-nous ? tout le monde qu'elle excite contre celui qui en est l'objet. court après lui (Boss.). « Retranchez ces envies du bonheur d'autrui dont vous vous faites un supplice, et ces jalousies qui vont jusqu'à vous inspirer les haines et les aversions les plus mortelles. » BOURD. « Fabius voulut faire passer l'indignation de Papirius pour un effet de jalousie: Il vient, disait-il, possédé d'une basse et maligne envie contre le bonheur et la vertu qu'il voit à regret dans un autre.» ROLL. « Quoique l'abbé Alary eût condamné ses talents à un silence rigoureux, bien fait pour adoucir l'envie, son entrée dans le sanctuaire des muses avait armé contre lui la jalousie de quelques gens de lettres. » D'AL.

L'envie produit ses effets dans l'âme même de l'envieux. On est dévoré ou rongé par l'envie; on sèche, on crève d'envie. « L'envie se glisse dans l'âme; elle aveugle les esprits et endurcit les cœurs. » BOURD. On regarde d'un œil d'envie et de tristesse la prospérité de son frère. » MASS.- La jalousie se signale au dehors par des animosités et par des vengeances. On dit une violente, une furieuse jalousie (ACAD.), une jalousie éclatante (VOLT.), une jalousie mortelle (BOURD.). « La jalousie et l'ambition causent dans la société humaine des divisions et des troubles. » BOURD. << La charité est patiente, douce et bienfaisante; elle n'est sujette ni aux jalousies, ni aux emportements et aux colères. » ID.

L'envie est plutôt timide et honteuse, obscure et lâche; elle se plaît aux plus secrètes et aux plus noires menées.» Boss. La jalousie, quoique aussi soigneuse de se cacher, est obligée de paraître davantage à cause de sa violence contre ce qui en est l'objet.

Ensuite, on peut être envieux de toutes choses, et de tout le monde, au lieu qu'il n'y a jalousie qu'entre égaux, entre gens de même profession, ou qui courent la même carrière. Ce mot suppose rivalité ou concurrence, comme le grec Xos, italien gelosia, d'où il dérive. C'est pour cela qu'on dit jalousie de métier, jalousie de corps (VOLT.), et qu'on a pu regarder jalousie comme synonyme d'émulation, qui marque un effort pour parvenir à atteindre ou à surpasser un rival. « L'envie est le chagrin que nous donne la vue des avantages des autres, de quelque nature qu'ils soient, fût-ce dans des choses auxquelles nous ne prétendons pas. La jalousie est la crainte de voir passer à un concurrent ou à un rival un bien dont nous jouissons ou dont nous espérons jouir, et que nous ne voulons partager avec personne. COND. « L'envie, dit Labruyère, est quelquefois séparée de la jalousie, comme est celle qu'excitent dans notre âme les conditions fort élevées au-dessus de la nôtre, les grandes fortunes, la faveur, le ministère. » L'envie peut aussi avoir pour objet le bonheur de personnes placées au-dessous de nous de quelque manière telle a été celle du démon contre nos premiers parents (BOURD.). Mais on connaît la jalousie de Caïn contre Abel (Boss., MASS.), celle des enfants de Jacob contre leur frère Joseph (Boss.), celle de Saül contre David (MASS.). Les pharisiens témoignaient leur jalousie contre

« Les jugements des hommes sont des jugements que forment l'aversion et l'envie. Il n'est presque pas en notre pouvoir de conserver des sentiments raisonnables pour ceux qu'une malheureuse jalousie nous fait envisager comme nos compétiteurs. » BOURD. « La jalousie suffit pour diviser deux amis qui sont dans la même profession, et dont l'un réussit, tandis que l'autre demeure en arrière. Mais tous ne sont pas dans les mêmes rangs, et quiconque se trouve au-dessus des autres n'a pas le droit de les mépriser. Rien n'attire plus l'envie. » ID. « Le monde qui est autour de nous excite plus communément nos jalousies et nos animosités. On ne se mesure ni avec les grands, ni avec les petits. » ID. « Qu'un homme de lettres soit élevé au-dessus des autres par la fortune et par ses places, ceux mêmes qui ont reçu de lui des bienfaits portent l'envie jusqu'à la fureur.... Tout homme est jalouz de la prospérité de ceux qui sont de son état, ou de l'état desquels il croit être. » VOLT. « Point de comparaisons avec d'autres enfants, point de rivaux, point de concurrents. J'aime mieux que mon élève n'apprenne point ce qu'il n'apprendrait que par jalousie ou par vanitė. » J. J.

L'envie donne le regret de n'être point à la place des heureux (J. J.) et les fait hair. C'est un effet de l'amour désordonné de soi-même. La jalousie se dépite de se voir préférer un rival, de lui voir obtenir un bien ou un succès qu'elle prétendait; elle se trouve par là blessée, déprimée. C'est un effet de l'orgueil. « Les insupportables présomptions de l'orgueil, ses ridicules fiertés, ses basses et odieuses jalousies. » BOURD.

a

ENVIER, PORTER ENVIE. Envier quelqu'un et lui porter envie, c'est désirer pour nous son honheur, ses avantages, ses succès.

Mais envier a une plénitude et une rigueur de sens dont porter envie ne représente que faiblement l'idée.

Ceux que nous envions nous causent une sorte de chagrin mêlé de haine, selon la force originaire du mot envie. « Quand vous serez au faîte des honneurs, on vous enviera, et par conséquent on vous contrôlera, on vous traversera, on vous offensera. » BOURD. « Les hommes habiles et intelligents sont-ils aimés, sont-ils estimés autant qu'ils le méritent ? on les censure s'ils échouent, et on les envie s'ils réussissent. LABR.

Nous souhaiterions pour nous le sort de ceux auxquels nous portons envie, mais nous ne leur en voulons pas pour cela.

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