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plus grands d'entre les hommes (les philosophes) tions, de difficultés ou de peine. Dans la presont si basses et si puériles!» PASC. « Les dé-mière édition du Dictionnaire de l'Académie on tails, dans Hérodote, dégénèrent souvent en définissait à la fin par après bien du temps. « Tant simplicités puériles, plus propres à gâter le goût va la cruche à l'eau qu'à la fin elle se casse.» de la jeunesse qu'à le former. » J. J. « Les plus ACAD. grands hommes du paganisme ne parlaient qu'a- Je chante les combats, et ce prélat terrible vec respect des superstitions de l'idolâtrie, dont Qui, par ses longs travaux et sa force invincible, ils connaissaient la puerilité et l'extravagance.» Dans une illustre église exerçant son grand cœur, MASS. « Ces puérilités absurdes (des Éléates) sont Fit placer à la fin un lutrin dans le chœur. BoL. abandonnées aux sophistes. BARTH. « On a de Le plus charmant objet à la fin nous ennuie. REGN. la peine à croire que dans les écoles d'Athènes « Me répondras-tu à la fin? » ID. « Ménalque a on daignait entendre de semblables puérilités. » affaire à un fâcheux, à un homme oisif, qui se MARM. «Dans ce dialogue on trouve les meilleurs retirera à la fin, il l'espère et il prend patience. » principes mêlés avec beaucoup de puérilités. » | LABR. «C'était pour forcer ma mémoire à prenD'AG. « Que dirait Socrate de l'éducation publi-dre de la capacité que je m'obstinais à cette que qu'on donne à notre jeune noblesse, des étude. Il fallut l'abandonner à la fin. » J. J. « La puérilités dont on se plaît à la nourrir, comme vraie bonté et la vraie vertu triomphent de tout si on n'avait rien de bon à lui apprendre? » à la fin. » VOLT. « Polybe a très-bien conclu que D'AL. Carthage devait à la fin obéir à Rome par la seule nature des deux républiques. Boss.

ENFIN, À LA FIN, - FINALEMENT. L'idée de fin est commune à ces trois mots.

Pour ce qui concerne d'abord enfin et à la fin, le premier a rapport au discours, le second aux choses Enfin, en fin, c'est-à-dire en finissant, pour finir, pour conclusion, en un mot, bref, pour arriver tout de suite à la fin de mon dire ou de mon récit. « Car enfin que pouvait-il faire?» ACAD.

Je ne sais pas pourquoi, mais enfin je soupire. REGN. Après avoir soutenu qu'on ne peut se passer de la mythologie dans les poëmes, et que vainement on pense faire agir Dieu, ses saints et ses prophètes comme les dieux éclos du cerveau des poëtes, Boileau ajoute :

Et quel objet enfin à présenter aux yeux

Que le diable toujours hurlant contre les cieux! A la fin, vers ou sur la fin (de la chose), au bout, sert à marquer que la chose ou la personne même finit, a fini ou finira par faire telle chose. « A la fin il est convenu de tout. ACAD. « Les empereurs prétendaient qu'à la fin les religions s'uniraient.» Boss. « Vous connaîtrez à la fin que vous avez parić pour une chose certaine et infinie. PASC.

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Mais enfin se prend aussi, comme à la fin, dans le sens objectif ou en relation avec les réalités. Ce qui le distingue alors, c'est que ne renfermant pas l'article, comme à la fin, il n'exprime rien de remarquable ou de saillant. Enfin, c'est-à-dire en dernier lieu, opposé à d'abord. C'est l'expression ordinaire. Il arrive quelquefois que des personnes qui aiment extrêmement de certaines viandes, viennent enfin à en avoir horreur. MAL. « Cette coutume de juger les rois après leur mort faisait entendre aux rois que, si leur majesté les met au-dessus des humains pendant leur vie, ils y reviennent enfin quand la mort les a égalés aux autres hommes. » Boss. Abadie, jésuite, puis janseniste, puis protestant, voulut faire enfin une secte. » VOLT. Satellites autrefois de Saturnin, puis de Sulpicius, ensuite de Marius et de Damasippe, et enfin de Lépidus. » ROLL. Mais à la fin s'emploie quand on veut insister, quand il s'agit de choses qui viennent lentement, à la longue, après une longue attente, ou malgré beaucoup d'opposi

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Finalement, en fin ou à la fin finale, est peu usité, même dans le langage familier, où il convient le mieux. Il a cependant une nuance particulière. Je vous prierai finalement de rester chez vous. Finalement, c'est-à-dire définitivement et sans retour. Nos comptes sont finalement arrêtés. « Jésus-Christ a obtenu cette grâce aux élus, que leur foi ne défaillît pas à jamais et finalement. » Boss.

ENFUIR (S'), S'ÉCHAPPER, S'ÉVADER, S'ESQUIVER, SE SAUVER . Se tirer et s'éloigner d'un certain lieu.

On s'enfuit à toutes jambes : s'enfuir est relatif à la vitesse, à la promptitude, à la précipitation avec lesquelles on s'en va ou on décampe. Le temps s'enfuit; nos faux amis, quand ils nous voient malheureux, s'enfuient; l'enfant prodigue s'enfuit de la maison paternelle. « Antiochus se montra dans la Grèce avec une petite partie de ses forces.... Il fut battu et s'enfuit en Asie. » MONTESQ.

Bias se rencontra à Priène lors de la prise et du sac de cette malheureuse ville: tous les citoyens emportaient fout ce qu'ils pouvaient et s'enfuyaient dans les lieux où ils croyaient pouvoir se mettre en sûreté. » FÉN.

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On s'échappe des mains, des mains qui ont pris ou qui menacent de prendre, afin de n'être plus au pouvoir de ce qui a saisi et retient, ou afin de se mettre hors d'atteinte de ce qui poursuit. Un prisonnier s'échappe, un voleur surpris cherche à s'échapper: l'un sort de l'endroit où le detiennent ceux qui se sont emparés de lui, l'autre veut éviter d'être arrêté par la police et détenu dans un endroit pareil. On le retint quelque temps, mais enfin il s'échappa. » S. S. « Je vous recommande de ne. le point laisser sortir de vos mains; car parfois il veut s'échapper. » MOL. On la voyait faire des efforts pour s'échapper des mains d'une femme qui la retenait. » LES.

Arrête! arrête! attrape!
-Ah! c'est mon prisonnier, sans doute, qui s'échappe.

RAC.

On peut des plus grands rois surprendre la justice:
Incapables de tromper,

Ils ont peine à s'échapper
Des piéges de l'artifice.

ID.

« Ils étaient une douzaine de possédés après mes chausses; et j'ai eu toutes les peines du monde à m'échapper de leurs pattes. » MOL.

On s'évade furtivement, en secret. Arnolphe dit à Agnès dans l'École des femmes :

Et vous savez donner des rendez-vous la nuit
Et pour suivre un galant vous évader sans bruit.
MOL.

Ils attendent la nuit pour s'évader ensemble. DEST. « Nous nous évadons sans être aperçus. » J. J. On s'esquive adroitement. « Je m'esquivai en baissant la tête. » J. J.

Je me suis doucement esquivé sans rien dire. Mot.. On se sauve d'un grand péril, d'un danger de mort, en pourvoyant à son salut. Se sauver pour n'être pas pendu (J. J.). Saül envoya ses gardes dans la maison de David pour le tuer.... David s'enfuit donc et se sauva.» VOLT.

Les princes (des rats) périrent tous.
La racaille, dans des trous,
Trouvant sa retraite prête,

Se sauva sans grand travail.

LAF.

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Engendrer a la signification la plus étendue. Il se dit même des choses: telle nourriture engendre des vers ou des humeurs; les géomètres font gne pour engendrer la surface, et la surface pour mouvoir le point pour engendrer la ligne, la liengendrer le solide (COND.). Quant aux animaux, ils engendrent aussi bien que l'espèce humaine, et, parmi les animaux, les mâles aussi bien que les femelles, tout comme, dans l'espèce humaine, les maris aussi bien que les femmes. Les femmes seules sont dites proprement enfanter et accoumal qui se forme, est engendré d'autres animaux cher. « Le foetus ou l'embryon, c'est-à-dire l'anidéjà formés et vivants. » Boss. « Plusieurs personnes ont été persuadées qu'une sole pouvait engendrer une grenouille. » VOLT. « Le mulet n'a pas le pouvoir d'engendrer. » ID.

Le coursier d'Adonis, né sur les bords du Xanthe, Ne peut plus retenir son ardeur violente : Une jument d'Ida l'engendra d'un des vents. LAF. « Le mot de fils de Philippe signifie celui qui a été engendré par Philippe. » P. R. « Des parents goutteux engendrent des enfants sujets à la goutte.» MAL. D'ailleurs, engendrer signifie plutôt la conception, ou une formation intérieure, que la production ou la mise au dehors. Le Père engendra le Verbe éternel en luimème. » Boss.

Enfanter est un mot abstrait qui signifie d'une manière générale, sans aucun rapport à l'époque et au travail de la délivrance, le fait d'une femme qui met au monde un enfant. « Pourquoi une vierge ne peut-elle enfanter? » PASC. « Si une vierge devait enfanter, il était convenable qu'elle n'enfantât qu'un Dieu. » Boss. « Les filles ont-elles pu être enceintes de la façon des singes et enfanter des animaux métis? » VOLT. « Pourquoi Sara s'est-elle mise à rire en disant : Puis-je enfanter étant si vieille ?» ID. « La Terre enfanta les géants. » MARM. Lorsque Rome fut vaincue elle-même, il sembla que la terre eût enfanté de nouveaux peuples pour la détruire. » MONTESQ.

Engager signifie quelque chose de moins fort, de moins rigoureux, une convenance plutôt qu'un devoir proprement dit, ce qu'il faut faire plutôt que ce qu'on doit faire. Un bienfait reçu nous Que si toutefois on dit, en ayant égard à l'éengage envers le bienfaiteur; notre parole don- vénement final, les douleurs de l'enfantement née, ou mieux encore un contrat, nous oblige. | et enfanter avec douleur, c'est par exception et L'Eglise engage les fidèles à communier aussi uniquement dans le style élevé de l'Ecriture, ou souvent que possible, et elle les oblige, toutes les par allusion à la malédiction de Dieu sur la fois qu'ils le font, à purifier leur âme par la pé-femme. « C'est la malédiction de notre nature, nitence (BOURD.).

Ce qui engage peut être un simple besoin, une exigence de la nature ou des circonstances; au lieu que ce qui oblige est plus ordinairement de nature morale. Ce qui nous engage à une chose nous en fait une nécessité; ce qui nous y oblige nous en fait un devoir. « Nous oserons ici pour la première et la dernière fois parler de nous à nos lecteurs. Les circonstances nous y engagent, et la reconnaissance nous y oblige. » D'AL. « Ce qui engagea principalement les Athéniens à condamner Miltiade fut son mérite et même sa grande réputation, qui fit craindre au peuple qu'il ne voulût devenir tyran à Athènes.... L'attachement inviolable d'Aristide à la justice l'obligea en plusieurs occasions de s'opposer à Thémistocle. » ROLL. ENGENDRER, ENFANTER, ACCOUCHER. Donner naissance.

qu'on ne peut enfanter qu'avec douleur. » Boss. Accoucher est un mot vulgaire qui exprime précisément, avec toutes ses circonstances, d'une manière concrète, l'opération par laquelle une femme arrivée au terme de sa grossesse, et par conséquent couchée ou alitée, met au monde le fruit qu'elle porte. « Pourquoi ne laisseriez-vous pas Mme la vidame accoucher à Chaulnes, où elle aura les secours nécessaires? FÉN. « Tout ce peuple fait des efforts inutiles, semblables à ceux d'une femme dont l'enfant est prêt à sortir, et qui n'a pas assez de force pour accoucher. » Boss. « Quand on entend les cris d'une femme en travail, qui sont médiocres et languissants, on dit : elle n'accouche pas encore.» ID. «< Guillaume le Conquérant était gras et replet; Philippe I demandait un jour, en se moquant, quand il accoucherait: le prince lui fit dire

que cela ne tarderait pas, et qu'aussitôt qu'il
serait relevé il irait lui rendre visite avec dix
mille lances au lieu de cierges. » ID. « Il y a des
pays où les femmes accouchent presque sans
peine. » J. J. « Les femmes ne savent pas encore
accoucher toutes seules. » ID. « Marie dit à Jo-
seph que son temps d'accoucher était proche.
VOLT. « Jacob vint au pays qui mène à Ephrata,
Rachel étant prête d'accoucher. » ID.

Une montagne en mal d'enfant
Jetait une clameur si haute
Que chacun, au bruit accourant,
Crut qu'elle accoucherait sans faute
D'une cité plus grosse que Paris :

Elle accoucha d'une souris.

LAF.

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qu'on ravit est victime d'un dessein auquel elle n'a point consenti; une femme enlevée peut ne l'être que parce qu'elle l'a voulu, que parce qu'elle s'est fait enlever. De même, ce qu'on nous arrache, ce qu'on nous ravit est toujours un bien, et c'est toujours avec peine que nous nous en voyons séparés; mais le chirurgien nous enlève une tumeur, le dégraisseur des ta ches, etc.

Arracher n'équivaut pourtant point à ravis. Arracher, de ad, à soi, et de rac, primitif de racine, veut dire tirer à soi quelque chose qui est retenu comme par des racines, qui tient beaucoup. Ce mot fait image et peint l'effort du sujet correspondant à la résistance de l'objet : il Au figuré, engendrer veut dire faire naître au marque une action faite non-seulement de force, dedans, faire concevoir, particulièrement des mais par force ou par la force, une lutte ensentiments, des passions ou des idées. La familia-gagée. Ravir, du latin rapere, prendre précipirité engendre le mépris (ACAD.); un homme n'en-tamment, enlever rapidement, saisir, désigne gendre point, c'est-à-dire n'inspire point de mé- une action faite tout d'un coup, par une force lancolie (ID.); l'oisiveté engendre le vice (ID.); bien supérieure, ou par surprise, sans que la les passions en engendrent souvent qui leur sont chose soit défendue. Un conquérant arrache des contraires, comme l'avarice la prodigalité (LA- provinces à l'ennemi (VOLT.); il n'y a que ceur ROCH.); toutes les passions terrestres qu'engendre qui se font violence qui ravissent le royaume le tumulte de la vie sociale (J. J.); toutes les pas- des cieux (MASS.). On arrache la victoire des sions qu'engendrent l'intérêt servile et le luxe mains des ennemis (MONTESQ.); on ravit les œufs nécessiteux (MARM.). Un sang appauvri ne d'un oiseau (BUFF.). On arrache un arbre, un porte au cerveau que des esprits languissants et clou enfoncé dans la muraille; le loup, la mort morts, et n'engendre que des idées tristes. » J. J. ravit sa proie. Dans les Fourberies de Scapin, « Quant à ces fantaisies que la richesse engendre ce valet dit de Géronte, de qui il vient de tirer dans un esprit malade de satiété et de langueur, une somme d'argent avec beaucoup de diffij'en ai vainement essayé. » MARM. culté: « Il ne peut digérer les cinq cents écus que je lui arrache. » Mais Géronte, parlant de la même somme et se plaignant du peu de temps qu'elle est restée entre ses mains: « Je ne croyais pas, dit-il, qu'elle dût m'être sitôt ravie. D

Enfanter signifie faire naître au dehors, donner le jour ou faire éclater. C'est l'amour qui en fante la guerre (BUFF.), la discorde qui enfante tous les crimes (MARM.). «Les vastes connaissances empoisonnées par l'orgueil ont enfanté ces chefs et ces docteurs célèbres de mensonge qui ont levé l'étendard du schisme et de l'erreur. » MASS. « Si l'orateur chrétien va jusqu'à ce degré d'enthousiasme qui enfante le sublime, il ne mérite que de l'admiration. LAH.

D

Bienheureux Scudéri, dont la fertile plume
Peut tous les mois sans peine enfanter un volume.
BOIL.

Accoucher s'emploie uniquement en parlant des productions de l'esprit considérées par rapport à l'instant du travail qui les fait éclore avec plus ou moins de peine ou de difficulté. Dans les Femmes savantes, Trissotin, qui vient de com poser une épigramme, la présente à Philaminte en disant :

Hélas! c'est un enfant tout nouveau-né, madame,
Son sort assurément a lieu de vous toucher;
Et c'est dans votre cour que j'en viens d'accoucher.

MOL.

Quoique ces deux mots supposent l'emploi de la force, c'est toutefois l'idée de force, d'une force saillante, lente, combattant contre des obstacles, qui prédomine dans arracher; ravir indique une force prompte, qui prend d'emblée, ou mème d'une manière, non pas violente, mais subtiie ou rusée.

J'apprends que pour ravir son enfance (Astyanax) au supplice,

Andromaque trompa l'ingénieur Ulysse, Tandis qu'un autre enfant, arrache de ses bras, Sous le nom de son fils fut conduit au trépas. RAC. « L'importunité arrache un consentement; la subtilité le ravit. ROUB. Anciennement on employait la torture pour arracher des aveur; à présent les juges se contentent d'en ravir au moyen d'interrogations insidieuses.

L'idée de violence, et d'une violence sensible. étant inséparable d'arracher, ce mot se prend ENLEVER; -1° ARRACHER, RAVIR;-2° EM-plutôt au propre; au lieu que ravir, par la raiPORTER, ENTRAÎNER. Agir sur une chose de manière à lui faire quitter place en la prenant. C'est ce qu'exprime simplement et sans aucun accessoire le verbe enlever.

1° Arracher, ravir. Arracher et ravir signifient enlever de force. C'est toujours malgré elle qu'on arrache une personne d'un lieu ou qu'on la ravit : une femme qu'on arrache des bras de sa mère ou

son contraire, convient mieux pour le figuré. Grégoire XIV a déclaré qu'on doit arracher les assassins des églises où ils se réfugient, et leur ravir l'asile dont ils sont indignes. L'orateur pathétique m'arrache des larmes, et ravit mon admiration. On arrache une chose qu'on tient à la main, un enfant des bras de sa mère, on arrache des cris, des larmes, la vie; on vous ravit l'honneur, la gloire d'une action, la liberté,

l'espérance, une partie de votre temps. Arracher | louanges à des papes.» VOLT.

le cœur se prend dans le sens littéral; mais,
dans le Bourgeois gentilhomme, M. Jourdain
voudrait bien « ravir le cœur de Dorimène. »
2° Emporter, entraîner.

Emporter et entraîner, c'est enlever et s'en aller avec. Dans ce tableau on voit Vulcain qui enlève sa divine épouse pour l'emporter sur le lit nuptial.» MONTESQ. Enlever, arracher et ravir sont relatifs au point de départ et à la personne dépossédée: on enlève, on arrache, on ravit à quelqu'un. Emporter et entraîner sont relatifs à un nouveau lieu où on doit parvenir et au mouvement qui y mène: on n'emporte pas et on n'entraîne pas à quelqu'un, mais quelque part.

Pour emporter une chose, il faut l'avoir sur soi; pour l'entraîner, il faut la tirer après soi. Pendant le saccagement de Troie, Enée emporta son père sur ses épaules, et entraîna son fils par la main. Le loup emporte la proie sur le dos, l'aigle dans ses serres; mais dans Lafontaine, la grenouille entraîne au fond de l'eau le rat qu'elle a attaché par la patte et dont elle compte se repaître.

A la fin d'un

discours contre Verrès, Cicéron s'écrie: « Mais quoi! me dira-t-on, voulez-vous donc vous charger du fardeau de tant d'inimitiés ?.... Et pourquoi craindrais-je d'avoir pour ennemis déclarés ceux qui sont secrètement mes envieux, ceux qui, par la différence des intérêts et des principes, sont nécessairement mes adversaires ? » LAH. « M. de La Chaussée et M. de La Faye se faisaient d'autant moins de peine d'entrer en lice contre Lamotte, qu'ils n'avaient point à craindre de voir se transformer en ennemi un adversaire dont l'amitié leur était précieuse. >> D'AL.

Mais adversaire et antagoniste, si faciles à distinguer d'ennemi, ont entre eux la plus grande ressemblance.

Adversaire est le latin adversarius, et antagoniste le grec avtaywvistńs. D'où il suit que l'un se dit plutôt par rapport à des démêlés, à des différends, c'est-à-dire à des discussions d'intérêts; et l'autre par rapport à des disputes, à des controverses, c'est-à-dire à des discussions d'opinions. Dans un procès on a telle personne pour adversaire; quand on soutient une doctrine ou qu'on réfute un système, on a telle per

L'action d'emporter a lieu dans tous les sens, particulièrement de bas en haut; celle d'entrai-sonne pour antagoniste. Des adversaires s'effor

ner, comme celle de précipiter, se fait plutôt de haut en bas : une chose, en tombant, en I entraîne, et non pas en emporte une autre dans sa chute. « Le plomb se scorifiant avec les autres métaux dont il s'est saisi, il les sépare de l'or et de l'argent, les entraîne, ou plutôt les emporte et s'élève avec eux à la surface de la fonte. >> BUFF.

cent de faire prévaloir leurs prétentions, leurs titres; et des antagonistes, leurs pensées, leur manière de voir. Un adversaire est un compétiteur, un émule; un antagoniste est un contradicteur, un partisan d'idées différentes.

« Nous jugeons équitablement de tout ce qui est au-dessus ou au-dessous de nous; mais de ceux que la concurrence nous suscite pour adversaires, nous en jugeons d'une manière à faire pitié. » BOURD. « J'avoue que nos titres (dans ce procès) sont faux et que ceux de nos adversaires sont authentiques. » VOLT. « Merci fut tué.... Ce digne adversaire de Turenne et d'Enghien les tint en échec tant qu'il vécut. » MARM. ScarHom-ron dit des compagnons d'Enée qui se disputent le prix de la course sur mer :

Enfin, entraîner, à la différence d'emporter, suppose de la résistance et y est relatif. Vient on de placer quelqu'un dans un nouveau poste c'est un débordement de louanges en sa faveur: tous se laissent entraîner au torrent qui les em porte. LABR.

ENNEMI, ADVERSAIRE, ANTAGONISTE. me qui est contre quelqu'un, en opposition ou en guerre avec quelqu'un.

Déjà ces amis adversaires

Ennemi, inimicus, in amicus, non amicus. Voyaient qu'ils approchaient le but. qui n'est pas ami, suppose un sentiment con- -« Carnéade fut l'antagoniste déclaré des stoïtraire au sentiment de l'amitié, celui de la ciens.» ROLL. « Dans le Dialogue sur l'élohaine. Notre ennemi est animé contre nous. quence attribué à Tacite, Aper est l'antagoniste cherche à nous nuire, tend à nous perdre. Un des anciens. » LAH. « C'étaient des philosophes adversaire ou un antagoniste n'en veut pas ainsi qui commençaient à disputer.... Là-dessus à la personne, et ne demande ni son mal, ni sa comme si l'abbé eût dit une impertinence, son ruine; il lui suffit de remporter sur elle l'avan-antagoniste lui rit au nez. » LES. « M. de Voltage. Il s'agit pour l'ennemi d'une passion à sa- taire et M. de Foncemagne ont donné au monde tisfaire; pour l'adversaire ou l'antagoniste, d'une littéraire un de ces exemples de politesse dans cause à gagner. Deux ennemis ne s'aiment point la dispute (sur le Testament politique de Richeou ne s'aiment plus, se persécutent, aspirent à lieu), qui ne sont pas toujours imités par les se détruire; deux adversaires ou deux antago-écrivains. Ces égards et cette décence conviennistes appartiennent, il est vrai, à des partis divers, mais ils peuvent néanmoins être amis. « Marius était né pour être l'ennemi et le persécuteur de toute vertu. » ROLL. « Les cruels ennemis de la religion n'ayant pu la détruire, ses amis dangereux n'ont pu la perdre. » D'AL. « Quelques prédicants de Hollande, les ennemis mortels de Bayle, furent aveuglés par leur haine, au point de le reprendre d'avoir donné des

nent également aux deux antagonistes. » VOLT.

Toutefois adversaire, qui a une plus grande étendue de signification, se prend bien aussi théoriquement, comme antagoniste; mais il est plus commun, et ne se dit pas d'un personnage aussi considérable. « Un bon livre fait bien plus sûrement son effet que la dispute sur les gens entêtés, parce qu'alors ils ne rougissent point d'être subjugués par la raison supérieure d'un

antagoniste.» VOLT. Voltaire était l'antagoniste | et philosophique, ces mots expriment les facultés

de Crébillon (D'AL.). Sylvestre de Priène était le grand antagoniste de Luther (Boss.). D'Alembert appelle le grand Bossuet l'illustre antagoniste de Fénelon dans la querelle du quiétisme. « Qu'a fait un des antagonistes de l'Encyclopédie? Il a prétendu que.... Ce n'est pas l'Encyclopédie, c'est son ridicule adversaire qui accuse saint Augustin d'inconséquence. » D'AL.

de notre âme auxquelles se rapportent nos opérations mentales. Dans le sens relatif et commun. ils désignent des qualités dont chaque homme possède plus ou moins, ce qui l'élève plus ou moins au-dessus des animaux; car, c'est quand une personne a quelqu'une de ces qualités à un degré éminent, qu'on dit d'elle qu'elle n'est pas bête ou qu'elle n'est pas une bête.

Mais tous ces mots se ramènent aisément à trois chefs. D'abord, il y a une différence assez grande entre l'entendement, l'intelligence et la

En parlant de Dieu, et dans le langage des sciences, on se sert plutôt d'antagoniste, à cause de sa noblesse, même alors que, pour le sens, adversaire semblerait devoir être préféré. « L'E-conception d'une part, et la raison, le jugement, tre éternel ne peut avoir d'antagoniste qui l'arrête.» VOLT. La force centrifuge a pour antagoniste la force centripète (ID).

ENQUÉRIR (S'), S'INFORMER. Agir pour se procurer la connaissance de quelque chose.

S'enquérir vient du latin inquirere, rechercher avec soin, chercher à découvrir. S'informer c'est prendre des informations, demander des nouvelles, chercher simplement à apprendre. Donc, s'enquérir dit plus que s'informer.

le sens et le bon sens d'autre part. Les premières de ces facultés, nos facultés intellectuelles, ont rapport à l'instruction: par elles nous comprenons. Les autres, nos facultés rationnelle et judiciaire, ont rapport aux affaires et à la pratique : par elles nous déterminons ce qu'il faut croire, et ce qu'il faut faire, nous pensons et nous agissons droitement; aussi emportent-elles nécessairement l'idée de rectitude : une raison droite, un juge ment ou un sens droit; elles supposent des règles On s'informe en passant, sans grande ardeur, auxquelles on se conforme. Sans entendement, par bienséance, par pure curiosité, sans être sans intelligence et sans conception, on a peu bien intéressé à savoir, et de choses aisées à con- d'aptitude pour apprendre, on a besoin de beaunaître. C'est ainsi qu'on s'informe des nouvelles coup d'explications ou d'éclaircissements. Quand 'de quelqu'un (SÉv., MOL.), de l'état de sa santé on manque de raison, de jugement, de sens ou (LES). Un homme du monde passe sa vie à de de bon sens, c'est un défaut tout autrement grave frivoles amusements, à s'informer de ce qui se pour les conséquences; on est incapable de se dit et à contrôler ce qui se fait. » BOURD. « A bien conduire, on a besoin de conseils, on ne peine ai-je eu le paquet dans les mains que, sans prend pas soin ou on n'a pas le talent de régler payer le port, sans m'en informer, je suis sorti ses croyances et ses démarches, de décider ce comme un étourdi. » J. J. D Au contraire, on qui convient et ce qui ne convient pas, d'aperces'enquiert avec diligence, empressement, examen, voir et de balancer les avantages et les inconvé de choses dont la connaissance importe beaucoup nients des choses, de prévoir les fautes à éviet n'est pas facile à acquérir. On s'enquiert d'une ter, de calculer les meilleurs partis à prendre. personne qu'on doit épouser (BOIL.); des parents Avec beaucoup d'entendement, d'intelligence et s'enquièrent de la conduite d'un enfant. « Enqué de conception, on parvient à savoir beaucoup, à rez-vous diligemment des Ecritures. FÉN. réussir, par exemple, dans l'étude des sciences. a Louis XI s'enquit avec grand soin de ceux qui Avec beaucoup de raison, de jugement, de sens l'avaient ôté de la fenêtre, et les chassa tous. et de bon sens, on a l'avantage de la solidité et Boss. «Saint Paul défend de s'enquérir scrupu- de la sagesse, on pense sainement et on agit leusement si une viande a été immolée ou non. » comme il faut. Les animaux ne sont pas totaID. « Les gens de Dan, sachant que la Michas lement dépourvus d'entendement, d'intelligence et avait chez elle un prêtre, un voyant, un devin, de conception: ils se font certaines idées des choun rhoé, s'enquirent de lui si leur voyage serait ses; ils paraissent comprendre jusqu'à un certain heureux, s'il y aurait quelque bon coup à faire.» point les leçons de la nature et les nôtres. Mais VOLT. Lorsque Tarquin voulut bâtir le Capitole, ils n'ont absolument ni raison, ni jugement, ni il trouva que la place la plus convenable était sens, ni bon sens; car n'ayant ni règles à suivre, occupée par les statues de beaucoup d'autres di-ni conduite à tenir, ils ne réfléchissent pas, ils vinités il s'enquit par la science, qu'il avait ne savent pas prévenir et éviter les excès, ils dans les augures, si elles voudraient céder leur n'examinent pas les rapports de leurs pensées et place à Jupiter. » MONTESQ. de leurs actions avec des règles ou des lois pri« J'aime, me dit Aurore, un jeune cavalier,mitives. — Enfin, les enfants donnent de trèsnommé don Luis Pacheco. J'ignore de quel ca- bonne heure des preuves d'entendement, d'intelractère il est. C'est de quoi je voudrais bien être ligence et de conception; la raison, le jugement, instruite. J'aurais besoin d'un homme qui s'en- le sens et le bon sens ne se montrent que plus quit soigneusement de ses mœurs, et qui m'en tard, ils sont plutôt l'apanage de l'âge, de l'exrendit un compte fidèle. Je fais choix de vous.... périence et de la réflexion. La demeure d'un cavalier tel que don Luis ne fut pas difficile à découvrir. Je m'informai de lui dans le voisinage. » LES.

1o ENTENDEMENT, INTELLIGENCE, CONCEPTION; 2o RAISON, JUGEMENT, SENS, BON SENS; 3° ESPRIT, GÉNIE. Dans le sens absolu

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Quant à l'esprit et au génie, ce sont des facultés productrices. Avec de l'esprit et du génie, on se fait remarquer par ses œuvres, on crée, on compose un trait d'esprit, un trait de génie; on dit de l'esprit et du génie qu'ils sont féconds et inventifs.

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