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d'un chirurgien dans un hôpital, pour être témoin d'une de ses opérations journalières. Un évêque permet à une personne l'usage quotidien des sacrements (FEN.), et lui recommande de bien porter ses croix journalières (ID.). Nous demandons à Dieu notre pain quotidien, et les secours journaliers (VOLT.) de sa grâce. La lecture quotidienne (REGN.) du bréviaire ne doit pas empêcher un prêtre de vaquer à ses fonctions journalières (FÉN.). La météorologie étudie l'état journalier de l'air (J. J.). Un homme journalier est inconstant ou inégal.

DIVORCE, RÉPUDIATION, Ces mots servent à désigner la rupture, la dissolution du mariage.

Divorce, latin divortium, de divertere, tourner dans un autre sens, s'en aller, se séparer, exprime la séparation des deux époux. Répudiation, latin repudiatio, de repudiare, rejeter, renvoyer, signifie le renvoi de l'un par l'autre. « Il y a cette différence entre le divorce et la répudiation, que le divorce se fait par un consentement mutuel à l'occasion d'une incompatibilité mutuelle; au lieu que la répudiation se fait par la volonté et pour l'avantage d'une des deux parties, indépendamment de la volonté et de l'avantage de l'autre. >> MONTESQ.

« Le divorce semble être une affaire de conseil.» MONTESQ. « On conçoit du dégoût l'un pour l'autre, et souvent on se trouve réduit, pour prévenir de plus grands désordres, à se séparer l'un de l'autre : « divorces et séparations que la loi des hommes autorise. >> BOURD. - La répudiation semble plutôt tenir à la promptitude de l'esprit et à quelque passion de l'âme. » MONTESQ. Telle fut la répudiation de Catherine d'Aragon par Henri VIII, roi d'Angleterre.

DOMMAGE, PERTE. Privation de quelque chose de bon ou d'utile qu'on avait.

Le dommage est partiel et consiste dans un déchet; la perte est totale et consiste dans la suppression. Le dommage causé à une fortune la diminue; la perte d'une fortune l'anéantit. On répare le dommage ou la chose endommagée; on remplace la perte ou la chose perdue.

mage ou un tort, réparer des dommages ou des
torts, et d'une manière vague, sans l'emploi de
l'article et du pluriel, porter préjudice. D'où i
suit que dommage et tort expriment un mal im-
médiat; et prejudice, détriment et dam, un ma
ultérieur, plus ou moins éloigné. Ce qui nous
fait un dommage ou un tort nous cause use
perte; ce qui nous porte préjudice compromet
nos intérêts. La chose dommageable a pour effe:
actuel de nuire.

Dans les forêts il (le cerf) s'emporte :
Son bois, dommageable ornement,
L'arrêtant à chaque moment,

Nuit à l'office que lui rendent

Ses pieds, de qui ses jours dépendent. LAF. La chose préjudiciable est propre à nuire, peut avoir des suites fâcheuses. « Toute erreur est dangereuse, mais il n'y en a point de plus pré judiciable ni de plus pernicieuse dans ses suites que celle qui s'attache au principe et à la règle même des mœurs, qui est la conscience. » BOURD 1° Dommage, tort.

Dommage est un terme générique; il annonce un mal, un déchet, un dépérissement, produit par quoi que ce soit, même par un objet inanimé. Le tort, au contraire, est toujours fait par une personne avec l'intention de nuire; c'est proprement une injustice. Le dommage peut résulter d'un incendie, d'une inondation, de dégâts commis par des animaux.

Au travers d'un mien pré certain ânon passa,
S'y vautra, non sans faire un notable dommage
A deux bottes de foin le dégât estimé.... Rac.
Quittez-moi votre serpe, instrument de dommage.

LAF.

<< Loin de venger, avec une sainte complaisance, sur notre corps les dommages qu'il a causés à notre âme, hélas ! les plus légers sacrifices que nous faisons à Dieu nous coûtent tant! » MASS Mais le tort suppose toujours quelqu'un qui 3 tort, qui agit contre le droit. Aristide dit àlia connu qui lui présenta une coquille, afin qu'ily inscrivît le nom d'Aristide lui-même : « Vous a-tfait quelque tort ? » BARTH. « Ces gens si paisibles De plus, dommage est relatif à la cause; et sur les injustices publiques sont toujours cen perte, à l'effet seul. Qui fait du dommage est qui font le plus de bruit au moindre tort qu'o agent; qui fait une perte est patient. On reçoit | leur fait. » J. J. « Si j'avais quelque tort à me redu dommage: ce mot suppose toujours une per-procher, j'espérerais, en le rèparant, parvenira sonne ou une chose qui donne, qui occasionne, le leur faire oublier. » ID. qui cause, qui produit le fait; mais on éprouve une perte, la perte étant plutôt quelque chose de fatal, dont on ne considère que les suites fàcheuses.

1° DOMMAGE, TORT; - 2o PRÉJUDICE, DÉTRIMENT, DAM. Atteinte portée au bien d'autrui.

Et lorsque le dommage est aussi du fait d'un homme, on le considère en lui-même, comme plus ou moins grand, par exemple, plutôt que comme une entreprise volontaire et coupable. « C. Caton fut accusé et condamné pour cause de concussion. Les dommages qu'il avait faits au sujet de l'empire étaient pourtant bien peu de chose, puisqu'ils ne furent estimés que la valeur de dix-huit mille sesterces.... Mais alors on examinait la qualité de l'injustice commise, et non pas jusqu'où allait le tort que l'injustice avait causé. » ROLL.

Quoique dommage et tort dérivent du latin, ils n'en viennent pas aussi directement que leurs synonymes préjudice, détriment et dam, en latin præjudicium, detrimentum et damnum. Ensuite ils ne s'emploient pas de la même façon et ne désignent pas la même sorte de mal. Nous disons qu'une chose nous fait beaucoup de dom- De ces trois mots, empruntés du latin, le premage ou de tort, et qu'elle tourne à notre préju-mier est le seul dont on se serve communément: dice, à notre détriment, à notre dam; nous on dit un préjudice, un grand préjudice, et à disons d'une manière précise, causer un dom- préjudice correspondent préjudiciable et préju

2° Préjudice, détriment, dam.

dicier, qui en ont été formés. Mais détriment et dam, sans famille dans notre langue, ne s'emploient plus qu'avec la préposition à : à son dértiment, à son dam. Encore ce dernier, dont on a fait quelque usage dans la poésie badine du XVII et du XVIIIe siècle, peut-il passer à présent pour un archaïsme '.

Reste à découvrir quelle différence il peut y avoir entre préjudice et détriment, précédés de à: au préjudice, au détriment de telle personne ou de telle chose.

Prejudice, præjudicium, jugement anticipé, préjugé, prévention, implique, ainsi que tort, l'idée d'usurpation, de la violation d'un droit; au lieu que détriment, de deterere, user, diminuer, détruire, exprime simplement, comme dommage, une détérioration, un désavantage, une perte. Tarquin obtint la couronne au préjudice des enfants du roi Ancus (COND.); après la paix d'Aix-la-Chapelle, en 1748, les puissances chrétiennes de l'Europe eurent environ un million d'hommes sous les armes, au détriment des arts et des professions nécessaires (VOLT.).-Pascal critique l'injustice de ses contemporains, qui veulent établir l'autorité seule des anciens au préjudice du raisonnement, et, suivant Buffon, les nomenclateurs ne multiplient les livres qu'au détriment de la science. Les parents sont injustes quand, au préjudice de leurs enfants, ils leur assignent arbitrairement un état (BOURD.); le sénat ordonna au consul Lévinus d'accorder aux Syracusains tous les soulagements qui n'iraient point au détriment de la république (ROLL.). DON, PRÉSENT, GRATIFICATION, CADEAU. Ce qu'on procure, ce qu'on accorde ou ce qu'on cède à quelqu'un.

Quoique don et présent aient une signification plus difficile à déterminer que gratification et cadeau, il n'est pas néanmoins impossible de les distinguer d'une manière nette et sûre, ainsi que les mots latins donum et munus, auxquels ils correspondent exactement.

C'est ce que Condillac a très-heureusement fait dans le passage suivant: « Le don est fait, dit-il, par un supérieur qui n'est tenu à rien et qui ne donne que pour donner. C'est pourquoi nous nous servons de ce mot toutes les fois que nous parlons des biens que la nature ou Dieu dispense: la beauté est un don de la nature; les dons du SaintEsprit; le don de sagesse, de science, etc. Le

1. De l'argent, dites-vous? Ah! voilà l'enclouure: A votre dam.

MOL.

Mais, qui n'est pas sage à son dam? SCARR. Il y viendra le drôle (un renard à son terrier)! Il y vint à son dam. LAF.

Il est fol à son dam. ID. Il se promit, dans sa juste colère, De se venger du tour qu'on lui jouait, De bien punir tout Français indiscret, Qui pour son dam passerait sur sa terre. VOLT. Malherbe a dit en prose: «Si vous vous êtes mal expliqué, ce sera à votre dam. » Et J. J. Rousseau : Si les hommes empoisonnent et tournent à mal tout ce que le désir de leur bonheur m'a fait dire et faire d'utile, c'est à leur dam et non pas au mien. »

présent se fait par amitié, par reconnaissance ou dans des vues d'intérêt. »

En d'autres termes, le don est un bienfait, un acte de libéralité; le présent est une offrande, une sorte d'hommage ou de tribut, ce qu'on présente ne sachant pas si on l'acceptera et désirant qu'on veuille bien l'accepter. Le don vient d'en haut et n'a d'autre caractère que celui de la gratuité, d'autre objet que le bonheur de celui qui le reçoit; le présent vient plutôt d'en bas, et toujours il se rapporte aux sentiments ou aux desseins particuliers de celui qui donne, sentiments d'affection respectueuse, de déference, de dévouement, de gratitude, et desseins particuliers qui tendent à plaire, à gagner la faveur ou la bienveillance. On comble, on enrichit quelqu'un de ses dons; on s'empresse de reconnaître un bienfait, de témoigner qu'on aime une personne, ou on cherche à corrompre un juge, par des présents. Le ciel verse des dons sur la terre; et la terre envoie dans le ciel des offrandes, offre à Dieu des présents, comme l'ont fait au commencement Abel et Caïn (Boss.), et, lors de la naissance de Jésus-Christ, les mages (VOLT.). Orgon fait des dons à Tartufe (MoL.); un amant fait des présents à sa maîtresse (ID.). Chez les Romains, celui qui triomphait distribuait des dons aux soldats (MONTESQ.), et une loi permettait aux magistrats de prendre de petits présents, pourvu qu'ils ne dépassassent pas cent écus dans toute l'année (ID.). Vous direz très-bien un don du ciel, de Dieu, de la nature, et, en opposition, un présent des hommes, du travail ou de l'expérience. Suivant Donat, sur l'Eunuque de Térence, le don, donum, est des dieux, et le présent, munus, est des hommes. « Les hommes préfèrent l'honneur à la vertu même; et jugez quel égarement! La vertu est un don de Dieu, et c'est de tous ses dons le plus précieux; l'honneur est un présent des hommes, encore n'est-ce pas le plus grand. Boss.

D

Vous joignez à ces dons (talents naturels ) l'amour
des beaux ouvrages;

Vous y joignez un goût plus sûr que nos suffrages;
Don du ciel qui peut seul tenir lieu des présents
Que nous font à regret le travail et les ans. LAF.

Cette première différence en amène une autre, qui a été signalée par d'Alembert. Comme le don vient de Dieu, de la nature, d'un roi, d'un homme puissant, d'un supérieur en un mot, il doit être par cela même, au moins pour l'ordinaire, plus considérable que le présent. Calepin avait dit que donum, le don, s'appliquait à de plus grandes choses, et munus, le présent, à des choses de moindre importance. « Quoi! l'on préfère des présents si vains (du diable) à tant de bienfaits si considérables (de Jésus-Christ)! JésusChrist fera comme un amant passionné qui, voyant celle qu'il recherche gagnée par les présents des autres prétendants, multiplierait aussi les siens.... Pour détourner nos yeux et nos cœurs des libéralités trompeuses de notre ennemi, il redouble ses dons jusqu'à l'infini. » Boss. Dans Gil Blas, don Alphonse donne à son ancien intendant la petite terre de Lirias, et lui dit modestement: « C'est un présent que nous pouvons vous

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La gratification est un don, le cadeau un présent. Ce sont deux mots très-propres à bien faire sentir et à confirmer au besoin la distinction dessus établie entre le don et le présent.

mée, il suffit qu'il y ait présentation ou offre, proposition, hommage, il n'est pas nécessaire que la chose passe effectivement à celui à qui ela est présentée ou offerte. « Les gens de ce vais seau virent six de ces géants (des Patagons), dont ils s'approchèrent pour leur offrir du pain. du vin et de l'eau-de-vie qu'ils refusèrent, quoiqu'ils eussent donné à ces matelots quelques < flèches.» BUFF.

Si, par exception, on peut dire présent du ciel, comme le prétend le Dictionnaire de l'Académie depuis 1835 seulement, c'est quand il s'agit de choses peu importantes, agréables plutôt Entre présenter et offrir la différence n'est pas qu'utiles: les dons de Cérès et de Pomone, les moins frappante. On ne présente que des choses présents de Flore (D'AL.). La raison est un don et présentes, qu'on met devant les yeux ou sous la l'amitié un présent du ciel. Dans les Lettres per- main; on offre tout ce qu'on met en avant (de sanes, une femme indienne, prête à se brûler | ferre, porter, et ob, devant, en avant), tout ce pour son mari qui vient de mourir, apprend qu'on propose, et, par exemple, des choses abqu'elle va le retrouver dans l'autre monde et re- sentes, abstraites ou à venir. Vous présentez un commencer avec lui un second mariage; elle se bouquet; vous offrez des services. Anciennement ravise et s'écrie: « Si le dieu Brama n'a que ce on présentait à Dieu des victimes; on lui offrait présent à me faire, je renonce à cette béatitude.» des hommages. « Le jour de la consécration, les MONTESQ. Arcadiens présentèrent les victimes: ceux de Thèbes, d'Argos et de la Messénie offrirent séparément leurs hommages à leurs divinités tutéci-laires. » BARTH. Ou bien présenter les victimes. c'était les amener devant l'autel, leur faire faire acte de présence, et les offrir signifiait l'offrande, l'acte tout spirituel d'en faire hommage à la divinité. « A Cythère on n'égorge jamais dans l'enceinte du lieu sacré aucune victime; on présente seulement devant l'autel les bêtes qu'on offre, et on n'en peut offrir aucune qui ne soit jeune, blanche, sans défaut et sans tache.... Après qu'elles ont été présentées devant l'autel, on les renvoie dans un lieu écarté où elles sont égorgées pour les festins des prêtres de la deesse.» FÉN. « On dit qu'on offre à Dieu ce qu'on présente devant lui. » Boss. On présente, de la main à la main, un verre, un mets, un remède, des fruits, une arme, une requête, un placet; on offre son cœur, des vœux, des hommages, l'occasion de faire telle chose, la liberté, sa protection, sa mort, choses immatérielles, et on offre de faire, de dire, d'aller, etc., choses à ve

La gratification, ce qu'on donne de son plein gré, spontanément, sans y être obligé, est un don en argent, une sorte de salaire surérogatoire qui dépend uniquement du bon plaisir et de la libéralité. << Louis XIV envoya une gratification à Corneille dans sa dernière maladie. » VOLT. « Colbert fit donner mille francs de pension à qui aurait eu dix enfants. Cette gratification fut accordée aussi aux pères de famille taillables. » ID. « J'ajoutais à la somme que feraient mes gages au bout de dix années de service les gratifications que je recevrais de mon maître. » LES. « Julie donne toutes les semaines vingt batz de gratification à celui de tous les travailleurs, journaliers ou valets qui durant ces huit jours a été le plus diligent au jugement du maître. » J. J. « Un noble romain ne pouvait attendre pour récompenses des services qu'il rendait à l'Etat ni gratification, ni pension, ni aucun de ces bienfaits que les of-nir ou conditionnelles. Dans les tournois, c'était ficiers ont coutume aujourd'hui de recevoir de la libéralité de nos rois. » ROLL.

Le cadeau est un petit présent, et, en tant que présent, il a pour objet de plaire, d'être agréable. « Les cadeaux sont un petit commerce d'amitié fort agréable quand ils sont réciproques. Voulez-vous me faire des présents qui soient pour mon cœur d'un prix inestimable, procurez-moi des loisirs, sauvez-moi des visites, etc. » J. J. << J'aurais fort soupçonné Mme d'Epinay d'avoir arrangé ce voyage pour donner au baron d'Holbach l'amusant cadeau de voir le citoyen amoureux. » ID.

DONNER, PRÉSENTER, OFFRIR. Transporter à quelqu'un la propriété ou l'usage d'une chose qu'on a, s'en dessaisir en sa faveur.

Donner exprime le fait lui-même; présenter et offrir en désignent les préliminaires. Nous donnons ce qu'on reçoit; nous présentons et nous offrons pour donner, en vue de donner, afin qu'on reçoive. L'action de donner n'a lieu qu'autant que la transmission s'effectue; mais pour que celle de présenter ou d'offrir soit consom

une dame qui présentait le prix de la vaillance: une récompense éternelle est offerte dans le ciel à qui pratiquera la vertu. Une ville présente un grand nombre de monuments; une question offre de grandes difficultés. On présente de l'argent; on offre un marché, la propriété d'une chose moyennant telle somme. Vous présentez votre ami dans une maison; vous offrez son crédit à quelqu'un. Si on vous frappe sur une joue, l'Evangile veut que vous présenties aussi l'autre ; c'est quelquefois un devoir d'offrir sa vie pour sauver celle de son semblable.

Une autre différence dérive de la précédente. Nous présentons afin qu'on prenne, en tendant la chose simplement; nous offrons afin et avec le désir qu'on accepte ou qu'on agrée. Présenter marque plutôt l'action de la main, et offrir celle du cœur. Nous présentons de la nourriture à un animal domestique; nous offrons nos hommages à Dieu ou à une personne vénérée. Celui qui pour remplir la cérémonie brûle de l'encens devant l'autel, le présente; celui-là l'offre qui le présente avec les sentiments d'une piété hum

ble, tendre et sincère. La terre présente en différents lieux des retraites aux animaux sauvages; la générosité de l'Angleterre offre un asile aux réfugiés de tous les pays et de tous les partis. On vous présente à boire quand vous l'avez demandé; on vous en offre spontanément, par prévenance, pour le seul plaisir de vous voir accepter. Un domestique vous présente un siège à votre entrée dans un salon; une des personnes arrivées avant vous vous offre sa place. Un enfant présente le coude qui veut le frapper; on offre la main ou le bras à une femme pour l'accompagner ou la reconduire chez elle par politesse. DOUCEUR, DOCILITÉ. Disposition à se prêter à ce qui convient aux autres ou à ce qu'ils veulent. Douceur exprime une disposition active, et se rapporte à la manière de traiter, de se conduire; docilité signifie une disposition passive, et est relatif à la manière de recevoir des impressions, d'apprendre, de se laisser conduire. Avec de la douceur, on est modéré, paisible, on ne commet pas d'excès; avec de la docilité, on ne résiste pas, on se soumet aux idées, aux avis, à la direction des autres. La douceur empêche de malmener, et la docilité de regimber contre ceux qui nous mènent. La douceur défend ses opinions sans blesser personne; la docilité abandonne les siennes pour se ranger à celles des autres. Les chardonnerets sont doux, ils vivent en paix les uns avec les autres, et n'ont guère de querelles que pour la nourriture; cet oiseau est également docile, on lui apprend sans beaucoup de peine à exécuter divers mouvements avec précision, à faire le mort, à mettre le feu à un pétard, etc. (BUFF.).

La douceur (dulcedo, de dulcis, doux, suave, agréable, traitable) regarde les mouvements de l'âme; elle calme l'humeur, l'impatience, et inspire des ménagements. <<< Bienheureux ceux qui sont doux.... doux même à ceux qui sont aigres, n'opposant point l'humeur à l'humeur, la violence à la violence. » Boss. On loue dans le Télémaque « la douceur d'Idoménée, sa patience pour se laisser dire par Mentor les choses les plus dures. » FÉN. « La girafe est un animal si doux, qu'on peut le conduire partout où l'on veut avec une petite corde.... C'est un animal doux, qui ne fait aucun mal. » BUFF. Mais la docilité (docilitas, de docere, enseigner, instruire) a rapport à l'instruction; elle fait écouter les leçons et recevoir les conseils. « L'amour de la vérité est un amour humble et docile.... Il n'y a de désirable sur la terre, que cette docilité humble et constante aux oracles de votre loi, ô mon Dieu.... Donnez-moi cette docilité d'esprit et de cœur qui soumet la raison aux vérités de votre loi. » MASS. « Vous serez mon maître, quoi que vous disiez. Je sens trop le besoin que j'ai de vos conseils.... Je sens qu'on ne peut guère réussir dans les grands ouvrages sans un peu de conseils et beaucoup de docilité. » VOLT. La docilité, qui consiste à se laisser conduire, à bien recevoir les avis des maîtres, et à les mettre en pratique, est proprement la vertu des écoliers, comme celle des maîtres est de bien enseigner. » ROLL.

La douceur est plus générale et s'exerce envers tous les hommes, quelle que soit leur position. La docilité n'a lieu que de l'inférieur au supérieur, du disciple ou du serviteur au maître. On dit bien commander avec douceur, mais non pas avec docilité, on obéit avec docilité. Souvent douceur marque de la condescendance; c'est toujours de la déférence que docilité suppose. On voit dans une place élevée commander sans douceur ou avec rudesse la même personne qui, dans un état dépendant et subalterne, obéissait avec docilité (Mass.).

La douceur est une disposition naturelle ou du caractère, un penchant, un attrait, auquel on s'abandonne avec bonheur. La docilité peut être l'effet d'une résolution, d'un parti qu'on a pris par intérêt ou par raison. Une femme douce l'est sans effort, sans avoir besoin de le vouloir, spontanément; une femme docile obéit, mais sans être douce peut-être, par vertu, parce qu'elle croit devoir le faire.

Aigre, rude, féroce, soft opposés à doux; opiniâtre, indisciplinable, rebelle, le sont à docile.

DROIT, JUSTICE. L'idée commune à ces deux mots est celle d'une manière d'agir envers autrui, droite, juste, bonne, légitime, prescrite par la raison.

Droit, de directum, rectum, regere, régir, d'où règle, ce qui sert à guider, à faire aller droit, signifie une chose. Justice est un terme abstrait, usité au singulier seulement, et qui exprime proprement une qualité.

Le droit est une chose, et la justice une qualité, la qualité de cette chose. « Y a-t-il un droit qui soit véritablement fondé sur la nature, dont on puisse démontrer la justice par des principes tirés de la connaissance de l'homme? » D'AG.

Ou bien, et plus ordinairement, le droit est une chose, une chose à respecter, à observer, à suivre, une règle; et la justice est une qualité, la conformité à cette chose ou à cette règle. Le droit est ce qui est dû à chacun, et la justice consiste à rendre et à conserver à chacun ce qui lui est dû. On vous fait droit en décidant que vous avez droit, que le droit est de votre côté; on vous fait justice en déclarant que vous avez agi selon le droit. Il faut entendre de même, exposer à un juge son droit et sa justice (MASS.).

Le droit est objectif et a une valeur légale; la justice est subjective et a une valeur morale. « L'homme voulut, dit M. de Barante dans ses Questions constitutionnelles, que la justice, ce sentiment universel, cet axiome ineffaçable de l'âme humaine, devînt le droit, c'est-à-dire fût réciproquement reconnu par tous les membres de la société. »

DURABLE, PERMANENT, CONSTANT, STABLE. Qui demeure, continue, se maintient : un état, un sentiment durable, permanent, constant, stable. Suivant Héraclite et Platon, tout en ce monde est contingent, dans un flux et reflux perpétuel, rien n'est durable, ni permanent, ni constant, ni stable.

Ce qui est durable ne cesse pas de sitôt; ce

qui est permanent ne cesse jamais ou ne cesse pas pour reprendre ensuite, ne discontinue pas; ce qui est constant ne change pas; ce qui est stable ne bouge pas.

relle d'autant plus stable, d'autant mieux fondée, qu'il y a plus de besoins.» BUFF. « Colonnes sans appui et qui n'ont rien de stable. » BOURD. << Etablir la vertu sur des fondements stables et inébranlables. » ID. « Voilà des principes stables contre lesquels tous les raisonnements ne prévaudront jamais. » ID.

Durable et permanent se ressemblent beaucoup, ils regardent l'être, au lieu que constant et stable ont rapport au mode ou à la manière: ce qui est durable ou permanent subsiste; ce DURÉE, TEMPS. Condition essentielle de l'exisqui est constant reste le même, et ce qui est sta-tence: tout ce qui est ou arrive se conçoit néble reste à la même place. Ouvrage durable ou cessairement en rapport avec la durée ou le permanent; sentiment constant ou stable.

Durable et permanent diffèrent néanmoins.

temps.

Durée est passif et absolu; temps, actif et re

Ce qui est durable dure, ce qui est perma- | latif. nent, comme ce qui est perpétuel, dure jusqu'au bout, c'est-à-dire toujours ou sans interruption dans un espace de temps déterminé.

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1° Durée est passif, sa terminaison l'indique assez la durée est quelque chose de donné, de reçu, une qualité dont on possède plus ou moins. « Une durée plus longue de dix mille ans que celle que Dieu a donnée à son ouvrage serait toujours également disproportionnée à l'éternité. » FÉN. Mais le temps est un agent ou il se considère par rapport à des actions, à des travaux ou à des événements : le temps vole, coule, dévore tout, amène des changements; on dit le progrès du temps (Boss.). Le temps a été personnifié par les poëtes :

Sur les ailes du Temps la tristesse s'envole. LaF. « L'homme entraîné par le torrent des temps ne peut rien pour sa propre durée. » BUFF. Les objets inanimés, parce qu'ils sont inactifs, et les

D'une part, permanent enchérit sur durable. Le salut, voilà le bien durable et permanent que nous devons rechercher. » BOURD. « Ces mots n'avaient pas fait dans sa mémoire des impressions durables et permanentes. » BUFF. La chose durable est de longue durée. « Quel- | que solide et durable que soit la matière du granit, le temps ne laisse pas de la miner et de la détruire à la longue. » BUFF. « Ce mouvement de joie, plus rapide que l'éclair, fit bientôt place à un sentiment douloureux plus durable. J. J. « Un loisir trop peu durable. » VOLT. La chose permanente est d'éternelle durée. « La figure du monde passe; mais la vé-êtres vivants, lorsqu'ils n'usent point de leur acrité de Dieu demeure éternellement, et nous serons permanents comme elle, si elle seule nous occupe. » FÉN. « L'immuable fidélité que Dieu garde à ses serviteurs s'étend à quelque chose d'immortel et de permanent. » Boss. « La gloire dont sont revêtus les saints n'est point une gloire passagère, mais permanente et qui durera autant que Dieu même. >> BOURD. D'autre part, la chose durable subsiste, mais ce peut être avec des intervalles folie, peine,.souvenir durable. Permanent, au contraire, annonce expressément une durée continue. « Dans la baie d'Hudson il y a des glaces formées par un hiver permanent de cinq à six ans. » BUFF. « Les cornes de la girafe ne tombent point chaque année, mais elles sont permanentes comme celles des boeufs et des béliers. » ID. « Les causes de ce phénomène nouveau peuvent être constantes ou variables, permanentes ou intermittentes. » ID.

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Ce qui est constant ne se dément pas, ne s'altère pas, ne devient pas autre, n'est pas tantôt tel et tantôt tel, aujourd'hui haut, fort, ardent, carré, blanc, demain bas, faible, lâche, rond, noir. Santé constante (VOLT.); biens constants (J. J.); fluidité constante (BUFF.); la vertu est une habitude constante (Boss.). « Il n'en est pas des animaux domestiques comme des animaux sauvages leur nature, leur grandeur et leur forme sont moins constantes et plus sujettes aux variétés. » BUFF. « Les législateurs ont pris pour modèle, au lieu de cette justice constante, les fantaisies et les caprices des Perses et des Allemands. » PASC.

Ce qui est stable est fermement assis. « Les principes du plaisir ne sont pas fermes et stables.» PASC. « Une famille est une société natu

tivité, durent, ont une durée; mais le mot de temps leur est inapplicable. A notre durée pendant le sommeil ajoutez le temps employé aux fonctions animales, et voyez ce qui reste (VOLT.). « Les animaux sont soumis et réduits en servitude, ou traités comme rebelles et dispersés; leur industrie est devenue stérile, leurs faibles arts ont disparu; ils ne peuvent que ramper ou fuir, se perpétuer sans se multiplier, perdre en un mot par la durée autant et plus qu'ils n'avaient acquis par le temps. » BUFF. - Notre durée est tout ce qui nous a été accordé d'existence; notre temps en est ce que nous employons ou pouvons employer à agir.

2° Durée est absolu, et temps relatif; de là vient que durée, à la différence de temps, ne se dit qu'au singulier. La durée est comme l'espace, une chose indéfinie, illimitée, sans bornes; le temps, au contraire, est particulier, c'est une portion de la durée. « Le temps est une partie ou la mesure de la durée. » VOLT. « Les ètres existent dans une certaine portion de la durée qu'on nomme temps, et peuvent exister dans tout autre temps; mais une partie conçue de la durée, un temps quelconque, ne peut être ailleurs qu'où il est; le passé ne peut être avenir. » ID. « Le temps n'est autre chose que la durée de la créature. » P. R, « Voilà deux temps, voilà deux espaces de durée que le texte sacré nous force à reconnaître. » BUFF. « Votre chronologie se traîne avec peine à cinq ou six siècles au delà de la guerre de Troie, après quoi les temps finissent pour vous; vous n'apercevez qu'un point dans la durée ainsi que dans l'espace. >> BARTH.

Lors même que la durée est particularisée, conçue par rapport à un objet, elle reste abso

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