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dévorant la première. » BUFF. « Ulysse est semblable à un rocher, qui, sur le sommet d'une montagne, se joue de la fureur des vents et laisse épuiser leur rage, pendant qu'il demeure immobile. FÉN. « Vous aimez avec fureur, vous êtes jaloux avec rage. » LAH.'.

La rage est une fureur obstinée, tenace, pleine d'animosité, qui ne démord point. La fureur frappe, la rage s'acharne. « Il ameute les paroisses après moi, il me poursuit avec un acharnement qui tient de la rage. » J. J.

3° Frénésie.

La frénésie, opevnos, est tout à la fois fureur et folie, la perte de l'empire sur soi-même, sur ses mouvements, en même temps que la privation de l'usage du sens. Les animaux sont susceptibles de fureur et de rage, mais non pas de frénésie, pas plus que de folie, parce qu'ils sont irraisonnables. « Ce n'était plus ce sage Télémaque instruit par Minerve; c'était un frénélique ou un lion furieux. » FÉN. D'un autre côté, il n'y a pas non plus frénésie dans le délire ou la folie tranquille, qui ne s'emporte point. A la violence la frénésie joint l'irréflexion et l'aveuglement. « Fureur de remuer, frénésie d'ambition. » VOLT. « Louis XIV vit dans son enfance toutes les folies et toutes les fureurs de la Fronde.... On ne rechercha pas les corps du royaume qui commirent des excès dans ces temps de frénésie. » ID.

ou en servitude. A parler rigoureusement, on délivre des prisonniers, on affranchit des esclaves. « Le lendemain, les esclaves sont affranchis et les prisonniers délivrés. » Roll.

On délivre de tout ce qui nuit à la liberté naturelle, d'une entrave, d'un fardeau, d'une guerre, d'un travail, d'une peine, d'un procès, d'un péril, des mains ou d'entre les mains de quelqu'un. Délivrer une ville de la peste (ACAD.), une âme du purgatoire (ACAD.). « Mon Dieu, délivrez-moi d'un si grand mal. Boss. « Les ennemis sont poussés partout; Oudenarde est délivrée de leurs mains. ID.

Je veux encore un coup te délivrer de soin. LAF. Un renard blessé étant dévoré par des mouches, Un hérisson du voisinage

Voulut le délivrer de l'importunité

Du peuple plein d'avidité.

LAF.

Ta fourbe à cet enfant, traître, sera funeste.
D'un fantôme odieux, soldats, délivrez-moi!

(Athalie.) RAC.

Me voilà délivrée d'un grand fardeau!» MOL. « On souhaite sans cesse de se délivrer de ses misères. » MAL. « L'enfant en prison se plaint, il gémit; un domestique se présente, le mutin le prie de le délivrer. » J. J. « J'ai appris à me délivrer des esquinancies lorsqu'elles commencent, en mettant les pieds dans l'eau chaude. » ID. Mais on affranchit de ce qui nuit à la liberté morale ou civile, de ce qui soumet un homme à la volonté d'un autre, de la servitude, de la tyrannie, du joug, d'une sujétion, d'une redevance, d'un tribut. « Dieu affranchit son peuple de la tyrannie des Egyptiens.» Boss. « Le doute où vous laisse la violence et l'empire de vos passions, de pouvoir jamais vous affranchir de leur Délivrer et affranchir supposent un empêche- servitude et de leur infamie. » MASS. « Il n'y ment considérable, car il consiste dans la priva- avait que les magistratures curules qui affrantion totale de la liberté: on délivre et on affranchissaient les chents de la dépendance de leurs chit des hommes qui sont au pouvoir d'autres hommes, et en les délivrant ou en les affranchissant on les rend à eux-mêmes.

1° DÉLIVRER, AFFRANCHIR; 2o DÉBARRASSER, DÉGAGER, DÉPÈTRER; -3° DÉFAIRE. Oter à quelqu'un quelque chose qui l'empêche, faire en sorte qu'il devienne maître de lui-même et de ses mouvements.

1° Délivrer, affranchir.

Délivrer, c'est mettre en liberté, en latin liberare; affranchir, faire franc, c'est établir dans l'état des Francs, peuple qui n'était pas esclave

1. On dit, aimer à la folie, à la fureur, à la rage, c'est-à-dire beaucoup. Mais à la folie marque la manière; à la fureur et à la rage expriment le degré ou l'intensité. Qui aime à la folie est fou d'amour, en perd l'esprit, aime d'un amour aveugle et quelquefois risible. Savez-vous que ces huguenots m'aiment à la folie, et que si j'étais parmi eux j'en ferais ce que je voudrais? » VOLT. «< Je n'étais amoureux que par la tête, quoique je le fusse à la folie, et que mes transports donnassent des scènes à pâmer de rire. » J. J. Qui aime à la fureur ou à la rage aime ardem ment, violemment, d'un amour extrême; avec cette différence, qu'aimer à la rage renchérit encore sur aimer à la fureur. De plus, à la rage suppose de la ténacité, de l'acharnement. « Malgré vos défauts, je vous aime à la rage. » DEST. « Je vais trouver ma vieille maîtresse, afin d'achever de la dégoûter de moi et de la déterminer à rompre nos engagements. J'aurai bien de la peine à l'y résoudre; car elle m'aime à la rage. » ID. A la rage dénote même une sorte de persécution, comme on le voit par ce dernier exemple. Aussi dit-on être jaloux à la rage VOLT.), et hair à la rage (In.).

patrons. » ROLL.

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Affranchir son esprit de l'empire des sens. REGY.
Quand Luther et Calvin...

Vinrent du célibat affranchir la prêtrise. Bon.

Si j'étais cet ami, j'affranchirais mon âme
Des injustes liens de l'objet qui l'enflamme.

LAF.

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Quel frein pourrait d'un peuple arrêter la licence,
Quand les dieux, nous livrant à son zèle indiscret,
L'affranchissent d'un joug qu'il portait à regret?
(Agamemnon.) ID.

« Notre père Jacob vous a réclamé, Seigneur, et vous l'avez délivré lui et sa famille des mains

de son beau-père Laban et de son frère Esaŭ........ Nos pères les Israélites ont poussé leurs cris vers vous, et vous les avez affranchis du joug de fer des Egyptiens et de la tyrannie de Pharaon. » Boss. « Les Juifs étaient dans la fausse idée que le Sauveur devait seulement venir pour les délivrer de leurs misères temporelles, et pour les affranchir de la domination des Romains. » BOURD. « C'est ce qui fait dire à saint Paul: Qui m'en délivrera (du corps)? qui m'affranchira de sa tyrannie? Boss. « Si l'infidèle en aime un autre, quel mal lui fais-je en la délivrant de

moi?... En violant ses engagements elle m'affranchit des miens. » J. J.

Les maladies, les importuns et les curieux nous arrêtent, nous retiennent, ne nous permettent pas d'agir ou d'aller à notre gré; nous nous en délivrons. Le cérémonial, les liens de la reconnaissance ou ceux du mariage, les passions, les intérêts, nous asservissent; nous nous en affranchissons. On délivre d'un obstacle ou d'un mal; on affranchit d'une dépendance ou d'une obligation. On délivre un pays d'ennemis ou d'animaux malfaisants; on affranchit une terre d'une charge ou d'une servitude dont elle est grevée. La fausse politique ne nous délivre d'un danger qu'en nous jetant dans un autre; la grandeur n'affranchit de quelques devoirs que pour en imposer de plus asservissants.

3° Défaire.

Défaire signifie délivrer ou débarrasser par la destruction de ce qui empêche. On défait quelqu'un d'une personne en la tuant. << Carinus fut tué.... Ainsi l'empire fut défait du plus violent et du plus perdu de tous les hommes. >> Boss. « Quoi un animal féroce a sucé le sang de mes proches; je vous dis de vous défaire de cette bète, et vous me demandez ce qu'on mettra à sa place!» VOLT. Un seigneur, appelé par un jardinier, pour qu'il le délivre d'un lièvre, lui dit :

Je vous en déferai.

LAF.

Vous défaites aussi quelqu'un de ses mauvaises habitudes que vous anéantissez, que vous faites disparaître. « Il n'y a que le temps qui puisse défaire les Français des idées romanesques. » L'action de délivrer se fait de toutes les ma- VOLT. « Vous m'avez défait des préjugés.de mon nières et par toutes sortes de moyens; celle d'af- éducation. » LES. « On fait réciter par cœur et franchir demande un acte moral d'autorité ou déclamer aux demoiselles de Saint-Cyr les plus de puissance. L'esclave que vous délivrez n'est beaux endroits des meilleurs poëtes; et cela pas à vous, et pour le délivrer vous l'enlevez leur sert surtout à les défaire de quantité de ou vous le rachetez; l'esclave que vous affran-mauvaises prononciations qu'elles pourraient chissez est à vous, et pour l'affranchir vous renoncez juridiquement à votre droit sur lui. La mort nous délivre des maux de ce monde; la raison nous affranchit de tout assujettissement aux sens, de tout attachement criminel.

2 Débarrasser, dégager, dépêtrer.

Débarrasser, dégager et dépêtrer annoncent un médiocre empèchement, lequel ne va qu'à gêner, à incommoder, à contrarier.

Mais d'abord, pour ce qui concerne débarrasser et dégager, débarrasser fait penser aux embarras qu'on enlève, qu'on écarte, et dégager se rapporte à la personne qu'on retire de l'endroit où elle était engagée ou prise. Un homme se débarrasse d'un vêtement; une substance se dégage sous forme de vapeur. Ensuite, la chose dont on débarrasse embarrasse, encombre, obstrue ou pése; au lieu que celle dont on dégage engage, enlace, attache. Donc on débarrasse d'un obstacle ou d'un rival, et on dégage d'un piége. Pa- | reillement, au figuré, on se débarrasse d'un fardeau, d'un doute, et on se dégage d'une chaine, d'une obligation, d'une promesse. Dans le Mariage forcé, Sganarelle se dit à lui-même : Me voilà tout à fait dégoûté de mon mariage; et je crois que je ne ferai pas mal de m'aller dégager de ma parole.... Tâchons adroitement de nous débarrasser de cette affaire. » MOL. On débarrasse l'esprit d'une idée qui l'offusque; on dégage l'âme de ses engagements, des liens qui l'attachent au monde.

Dépétrer, tirer des pierres (de petra) ou d'un lourbier, se dit familièrement; ce qui suffit pour le distinguer de ses synonymes débarrasser et dégager. «Se dépêtrer d'un accoutrement. » VOLT. Don Quichotte, tombé, se dépétra de tout ce qui l'empêchait de se relever. » LES.

Mon mari, dis-je, est toujours avec moi....
Je ne me puis depétrer de cet homme,

Sinon la nuit, pendant son premier somme. LAF. Nous faisons nos efforts pour dépêtrer mon fils d'un engagement (avec Ninon) si dangereux. » SEV.

avoir apportées de leurs provinces. » RAC.

DEMANDE, QUESTION, PROBLÈME. Proposition interrogative, ce qu'on dit à quelqu'un pour apprendre de lui quelque chose qu'on veut savoir.

Demande, quoique dérivé du latin demandare, qui n'a point du tout le même sens, est un mot du langage commun. Au contraire, question, latin quæstio, et problème, grес ярó¤λημ¤, sont des termes de science.

Demande est familier, convient dans la conversation, dans les lettres, ou suppose que ce qu'on veut savoir est simple, que la personne interrogée peut y satisfaire aisément, en peu de mots, par un court récit, souvent même par un oui ou un non. « Je ne puis à présent, ma fille, accuser toutes vos lettres par dates, non plus que vous répondre sur toutes vos demandes. » Boss. « La dernière lettre que je vous ai écrite a répondu à toutes les demandes que vous me faites. » FÉN. « Ulysse demande à Eumée des nouvelles de sa mère, de Laërte, son père, et sa propre histoire; Eumée satisfit à toutes ses demandes. » ID. « Si un étranger avait demandé dans Athènes, quel est votre meilleur acteur pour les amoureux, on n'aurait pas même compris le sens d'une telle demande. » VOLT. « Le catéchisme ne sera bon que quand, sur les seules demandes, l'enfant fera lui-même les réponses sans les apprendre. » J. J. « A qui avezvous écrit? Pourquoi cette demande?» MOL. Le soldat, qui était en sentinelle près du tombeau dans lequel s'était enfermée la matrone d'Ephèse, entend ses clameurs.

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on propose un problème.

DEMANDER, QUESTIONNER, INTERROGER. On demande, on questionne et on interroge, pour savoir.

le trafic; et, lorsque les villes y envoient, c'est « L'éloquence est-elle un art que l'on doive spour savoir si leurs terres seront fertiles ou si enseigner? Ce fut un problème chez les anciens.= leurs troupeaux multiplieront. Ces demandes-là MARM. « C'est encore un problème si Mme de ne valent pas la peine qu'on y réponde en vers. »Maintenon était mariée. » S. S. « C'est un preFONT. « Si Jésus-Christ nous faisait aujourd'hui la blème à résoudre si Mme de Maintenon ne pensa même demande qu'il fit à saint Pierre: M'ai pas mieux que tout le conseil. VOLT. ›« Cette 'mez-vous? pourrions-nous lui répondre: Oui, question est un vrai problème.» ACAD. Il est Seigneur, je vous aime. » BOURD. Faisons seu- à remarquer aussi que problème est objectif : on lement cette demande à nos adversaires : ce pré-fait une demande ou une question; on ne fait pas, cepte, Mangez ceci, et buvez-en tous, prend-il les petits enfants baptisés? » Boss. Question est de tous les styles et suppose quelque chose de plus sérieux, de plus compliqué, de plus embarrassant, des explications à donner, Quant au sens, demander est un mot que ne des points à discuter, des difficultés à éclaircir. distingue aucun accessoire. Mais grammaticale«Il me vient à l'esprit des questions, des ob-ment il a cela de tout à fait caractéristique. jections, des raisonnements où je me perds et que je ne puis démêler.» BOURD. « Les pharisiens, reconnaissant en Jésus-Christ une doctrine supérieure, furent bien aises d'apprendre isa résolution sur la plus importante question qu'on pût faire sur la loi.» Boss. «« Il ne s'agit point de ces questions abstraites où peut quelquefois se méprendre l'intelligence la plus exercée, mais d'objets à la portée de tous les hommes un peu instruits. A quoi sert donc l'esprit, vat-on dire (et cette demande n'est point du tout déplacée), s'il n'empêche pas un homme tel que Fontenelle de dire trois sottises en trois lignes? » LAH. Le nouvelliste, l'homme qui veut simplement savoir un nom, obtenir une indication, fait des demandes; le philosophe, l'homme curieux de s'instruire, de se rendre compte des choses, d'en connaître le pourquoi et le com-mander pourquoi il fait Aaron grand pontife 'ment, fait des questions.

qu'il veut toujours à sa suite un complement exprimant la chose qu'on désire savoir, au lieu que questionner et interroger s'emploient bien d'une manière absolue. Vous ne demandez pas simplement, vous demandez telle ou telle chose: mais vous pouvez avoir la manie de questionner ou d'interroger sans cesse. « Ce jardinier me questionnait de l'air d'un homme sûr de me prendre en faute. Il me demanda une fois ce qu'il y avait de remarquable au Marché-Neuf. » J. J. « Il m'accoste, me salue, me demande si je sais la musique. Je réponds, un peu. Il continue à me questionner. ID. « Interrogeons le philosophe au milieu de ses méditations et de ses livres.... Après trente ans, vous me demanderiez en vain pourquoi une pierre tombe. » D'AL. « Ce n'est pas à nous à interroger Dieu et à lui de

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immédiatement après qu'il a jeté le veau d'or er › Problème, usité d'abord en mathématiques, fonte et qu'il l'a fait adorer. » VOLT. Et quand s'applique à quelque chose de plus difficile en- questionner et interroger prennent un régime, core. « Comme s'il s'agissait d'un profond pro- celui-ci signifie, non pas la chose à apprendre, blème à résoudre. » J. J. « Le géomètre trouve mais la personne à laquelle on s'adresse pour la jusque dans ses songes la résolution d'un pro- savoir. « Elle arrêtait tout le monde, demandant blème dont il aurait été occupé durant tout le ce qu'avait dit le médecin; ceux qu'elle questionjour.» Boss. » C'est un fameux problème qui anait ne lui répondaient rien que de favorable.. été souvent agité dans les écoles des philosophes, J. J. lequel est le plus désirable à l'homme ou de Questionner, formé du mot français question. vivre jusqu'à l'extrême vieillesse, ou d'être en latin quæstio, de quærere, chercher, apparpromptement délivré des misères de cette vie. >> tient au langage ordinaire, et marque spécialeID. Ce serait un problème à résoudre que d'exa- ment un esprit de curiosité. « Il est sans curiominer combien l'impression a contribué au pro-sité, jamais il ne questionne. » DUDEFF. «Si Emile grès des lettres et des sciences, et combien elle y peut nuire. DUCL. Ensuite, le problème est plus théorique, plus scolastique, il appartient davantage à la science pure. « Dans un quart d'heure, il décida trois questions de morale et quatre problèmes historiques. MONTESQ. «L'existence de Dieu et l'immortalité de l'âme étaient devenues des problèmes, qui, de part et d'autre, n'étaient destinés qu'à amuser le loisir des écoles et la vanité des sophistes; des questions oiseuses où l'on ne s'intéressait pas pour le fond de la vérité, mais seulement pour la gloire de l'avoir emporté. » MASS. Problème a fini par signifier une question indécise, adhuc sub judice, sur laquelle les avis sont et peuvent être différents, problématiques. « Si cette femme fait mal ou bien de consentir à un tel hymen, c'est un problème; les avis sont différents. » DUDEFF.

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vous questionne lui-même, répondez-lui autant qu'il faut pour nourrir sa curiosité. » J. J. « Sur les grands chemins et dans les rues des villes. les Gaulois arrêtent les voyageurs, et surtout les marchands; ils les questionnent au sujet des pays d'où ils viennent, et les forcent de leur répondre.» ROLL. « Le comte d'Angers ne rencontrait personne dans son chemin qu'il ne questionndt sur sa princesse; mais il n'en put apprendre aucune nouvelle.» LES. « Ces cavaliers s'approchèrent de moi, et commencèrent à me questionner. Je leur avouai qui j'étais et où j'allais. » ID. — Interroger, pris immédiatement du latin interrogare, a plus de noblesse, se dit seul au figuré, et convient surtout en parlant de l'action d'un supérieur, d'un juge, d'un maître, d'un père. « De quel droit venez-vous m'inter roger? Suis-je une criminelle? Etes-vous mon

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rochers. » ID. « Les pyramides, ces masses énormes de bâtiments. » ROLL. « Un énorme bloc de granit. » ACAD. «Il est énormément gros.» ACAD.

juge?» VOLT. « Quand vos supérieurs vous in- de la règle ou du modèle, norma, se rapporte terrogent, vous n'avez qu'à leur dire avec ingé-plutôt à la circonférence et au volume. « Une nuité ce que vous pensez.» FÉN. M. de Meaux tête d'une grosseur énorme. » FÉN.« D'énormes veut ignorer cela pour avoir un prétexte de me questionner.... Mais lui, se laisserait-il interroger comme un coupable ou comme un homme suspect sur tout ce qu'il pense de ces livres ?x ID. Ils vont se rendre à la redoutable prairie, ой Eacus les attend pour les interroger. » LES. Le prêtre qui confessa l'abbé Terrasson dans sa dernière maladie, et qui l'interrogeait sur les péchés qu'il avait pu commettre, ne tira pas de lui d'autre réponse: Demandez à Mlle Luquet.'» D'AL.

D'ailleurs, énorme emporte par lui-même l'idée d'irrégularité, de difformité, ce qui est surtout sensible au figuré, où cette épithète s'applique à des choses essentiellement mauvaises, à des crimes (ACAD.), à des fautes (VOLT.), à des défauts (BUFF.), à des sottises (VOLT., LAH.), à des abus (BOURD.), à la laideur (ACAD.); une énorme disproportion (VOLT.); une énorme extravagance (ID.); un luxe, un égarement énorme (Boss.); une injustice énorme (FÉN.). «Il est impossible qu'à la vue de la crèche nous soutenions l'énorme contradiction qui se trouve entre cet orgueil du monde et notre foi. » BOURD. Au contraire, démesuré se dit de choses bonnes ou indifférentes par elles-mêmes, l'ambition (MASS.), la curiosité (Boss.), une envie (BOURD.), les louanges (VAUV.). « Minerve aliène les esprits des poursuivants, et leur inspire une envie démesurée de rire. » FÉN. « Ces étoiles, si démesurées dans leur grandeur, ne nous paraissent néanmoins que comme des étincelles. >> LABR. « J'ai une passion démesurée de connaître tous les anciens chemins qui étaient du temps des Romains. » MONTESQ.

2° Excessif, immodéré, outré.

D'ailleurs, quoique questionner (quærere, chercher) n'exige pas à sa suite, comme demander, l'indication de la chose qu'on cherche à connaître, c'est néanmoins cette chose qui est l'objet direct de l'action; au contraire, interroger a souvent pour but de connaître la personne même qu'on fait parler. On questionne un passant, un voisin, en lui demandant des nouvelles; on interroge une personne pour découvrir quelle elle est, coupable ou innocente, ignorante ou instruite, inepte ou capable. « Interroger un candidat, un récipiendaire.» ACAD. « On choisit les domestiques jeunes, M. de Wolmar les interroge, les examine, puis les présente à sa femme. » J.J. 1° DÉMESURE, ÉNORME; 2o EXCESSIF, IMMODÉRÉ, OUTRÉ; 3o EXORBITANT, MONSTRUEUX. Trop grand. Démesuré et énorme sont relatifs à la quantité, et signifient trop étendu ou trop gros. Ex- Excessif peut convenir à quelque chose qui cessif, immodéré et outré sont relatifs à l'in-provient de la nature comme à ce qui provient tensité, et signifient trop fort. Un homme est de la liberté un froid excessif, une chaleur exdémesuré ou énorme par sa stature ou sa corpu-cessive. Il fallait que le froid fût bien excessif, lence; il est excessif, immodéré, outré par la puisque les deux ennemis furent contraints de manière dont son âme se développe, se manifeste s'accorder une suspension d'armes. >> VOLT. << La ou agit. On dit un ours d'une grandeur déme-chaleur excessive causa à Thalès une altération surée (VOLT.), et un sanglier d'une grandeur si violente qu'il mourut subitement. » FÉN. De énorme (FÉN.); mais on dit une chaleur excessive plus, ce mot a rapport à l'effet du défaut, qui (FÉN., BUFF.) ou immodérée (ACAD.), un soin est de nuire. « Les qualités excessives nous sont outré (BOURD.). — De même, au figuré, l'envie ennemies, et non pas sensibles. » PASC. << Mais d'avoir et l'ambition se qualifient de démesurées, | immodéré et outré servent exclusivement à quaparce qu'elles veulent toujours s'étendre ou lifier l'homme et ce qui provient de l'homme, et ajouter à ce qu'elles ont; mais on appelle excessives c'est sur la cause qu'ils appellent toute l'attenles affections de l'âme trop vives ou trop ar- tion. La chaleur excessive est la chaleur dévodentes. Les injustices où nous engagent une rante ou accablante de la température; la chaenvie démesurée d'avoir et un attachement ex- leur immodérée (ACAD.) est l'ardeur d'un homme cessif aux biens de la vie. » Bourd. passionné qui ne sait pas se contenir. Les louanges excessives sont dangereuses; telles sont celles que Calypso donne à Télémaque (FÉN.). Les louanges outrées ou immodérées sont d'un flatteur: « Les lâches flatteurs, ces menteurs outrés.... » REGN. « On doit souffrir les éloges immodérés qu'on prodigua à Louis XIV. » VOLT.

Exorbitant et monstrueux expriment tout ce qu'il y a de plus démesuré et de plus excessif. .1° Démesuré, énorme.

Immodéré marque de l'intempérance: désir (PASC., FÉN.), appétit (Boss., BuFF.), ris (LABR., REGN.), travail (MONTESQ,) immodéré; usage

Démesuré, hors de mesure ou sans mesure, presque immense, ne regarde que la dimension, la longueur, la largeur ou la hauteur. « On reconnaît en mer les oiseaux appelés frégates à la ·longueur démesurée de leurs ailes. » BUFF. « Les lièvres ont l'oreille d'une grandeur démesurée relativement à celle de leur corps. » ID. « Télé-immodéré du vin (J. J.), des plaisirs (BUFF.); maque reconnaissait combien il était injuste et joie (Mass., LABR.), crainte (BOURD.) immodérée. déraisonnable dans ses emportements : il trouvait Outré annonce de l'exagération ou de l'affectaje ne sais quoi de vain, de faible et de bas dans tion: admirateur outré (BOIL.), admiration oucette hauteur démesurée. » FÉN. « L'ambition est trée (LAH.); Alexandre était outré dans son une passion démesurée de se pousser et de s'éle-héroïsme (FÉN.); modestie outrée (LABR.); déver.» BOURD.Énorme, qui s'écarte de l'équerre, vote outrée (J. J.); louanges hyperholiques et

outrées (ID.); maximes outrées (Boss., J. J., COND.). « Juvénal est souvent outré, mais quelquefois peintre. » LAH. On est immodéré dans ses passions, dans la manière dont on les satisfait, ou bien dans la manière dont on traite les gens des peines immodérées (MONTESQ.). On est outré dans ce qu'on dit, dans ce qu'on exprime, dans ce qu'on avance, ou dans la manière dont on se montre.

3° Exorbitant, monstrueux.

La chose exorbitante est extraordinaire, incroyable, comme le serait la déviation d'une planète demandes (LABR., S. S.), propositions (RAC.), prétentions (D'AG.), dépenses (VOLT.) exorbitantes.

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où on pourrait ou devrait être, ou bien encore à une cause de départ et d'éloignement à laquelle on a résisté. « On l'attendait à Paris, mais il est resté à Lyon. » ACAD. « On voudrait le faire renvoyer, mais il reste en dépit des envieux. » ACAD. Demeurer à son poste, c'est ne point le quitter, s'y tenir ferme, immobile; y rester, c'est ne point le quitter lorsque d'autres le quittent cu bien lorsqu'on pourrait ou devrait aller ailleurs, ou bien malgré les efforts qui sont faits pour nous en arracher. - Quand il s'agit, non pas d'un individu ou d'individus qu'on peut comparer avec d'autres, mais d'un tout qui a différentes parties, rester se dit d'une partie relativement à d'autres ou aux autres. « Quand j'ai voulu prendre cet outil, le manche m'est resté dans la main. » ACAD. La voiture demeura au milieu du chemin sans pouvoir avancer, et lorsqu'on l'eut retirée, l'une des roues resta dans l'ornière.

Vingt mille écus! Le legs serait exorbitant. REGN. Ce qui est monstrueux étant contraire aux lois de la nature inspire de l'horreur ou de l'effroi on ne peut rien concevoir de plus monstrueux que la trahison de Judas (BOURd.). DEMEURER, RESTER. Continuer à être, à segue durée, une continuité plus constante: c'est tenir quelque temps dans un certain lieu ou dans un certain état.

Demeurer est absolu; rester, relatif. C'est ce que Girard exprime de la manière suivante : « Demeurer ne présente que cette idée simple et générale de ne pas quitter le lieu où l'on est, et rester a de plus une idée accessoire de laisser aller les autres. »

Demeurer, c'est avoir sa demeure, son domicile en quelque lieu, sans rapport à qui que ce soit et à quoi que ce soit; rester, c'est être encore quelque part après que d'autres s'en sont allés. Qui demeure ne bouge pas, ne quitte pas la place.

Où tend Masearille à cette heure? Que fait-il? revient-il? va-t-il? ou s'il demeure? MOL.

Oui, j'aime à demeurer dans ces paisibles lieux. ID.

Dormez votre sommeil (dans la tombe), riches de la terre, et demeurez dans votre poussière. » Boss. Qui reste ne bouge pas, ne quitte pas la place, mais en opposition à d'autres personnes qui s'en vont. « La compagnie s'en alla, et je restai. » ACAD. « Ceux qui meurent et ceux qui restent.» LABR. « Ce serait une chose bien ridicule, répondit Diogène, qu'Agésilaüs et Epaminondas restassent dans la boue, pendant que vos initiés, qui sont des malheureux, habiteraient des îles fortunées. » FÉN. « Je voyais s'éloigner de moi tous mes amis.... Diderot, qui se vantait de me rester, de me rester seul, ne venait point. J. J. Un historien dira d'une manière absolue, en parlant d'une défaite Quatre mille hommes demeurèrent sur la place; et d'une manière relative: Dix mille hommes revinrent du combat, il y eut tant de blessés, et quatre mille hommes restèrent sur la place. On est seul avec une personne qui veut s'en aller: Demeure, lui dit-on, je veux te conter quelque chose; mais on lui dira reste, si elle est avec d'autres qui se retirent. Dans Tancrède, Argire dit à Aménaïde : « Demeure. » Elle répond : « Moi, rester!» et ajoute aussitôt : « Je vous suis au combat. » — Quelquefois, rester se rapporte à un autre lieu

Etant absolu, demeurer indique une plus lon

rester à demeure. « Le Messie, disaient les Juifs charnels, demeure éternellement, et celui-ci dit qu'il mourra. » PASC. « Ce qui est écrit dans les cœurs demeure toujours. D J. J. Ces deux envois ont demeuré très-longtemps en route. » ID. Mais on dira à quelqu'un : Ne restez pas à la pluie, ne restez pas dans la rue. « J'allai à Vevay; et, pendant deux jours que j'y restai je pris pour cette ville un amour qui m'a suivi dans tous mes voyages. » J. J.

Cette double distinction subsiste quand les deux mots s'appliquent, non plus au lieu, mais à l'état. Demeurer dans un état, c'est y persevérer ou n'en pas sortir, simplement. « Rien ne demeure, tout s'use, tout s'éteint. Dieu seul est toujours le même. » MASS. « Cette foule innombrable d'histoires, depuis la naissance des siècles, est demeurée dans l'oubli. » ID. « Si j'étais né catholique, je demeurerais catholique. » J. J. « L'homme ne demeure guère longtemps semblable à lui-même. » MAL. Mais rester dans un état, c'est y demeurer pour sa part, à la diffėrence des autres, ou malgré ce qui tend à en tirer, ou malgré ce qui semblerait devoir produire un changement. « Les lois ayant été foulées aux pieds à mon égard, à quoi pouvais-je rester engagé de mon côté?» J. J. « Les inventions des hommes vont en avançant de siècle en siècle; la bonté et la malice du monde reste la même. » PASC. « Quelques honneurs qu'il ait obtenus, il est resté le même.» ACAD. « Plusieurs m'ont lu, quelques-uns m'ont approuvé même; et tous sont restés ce qu'ils étaient auparavant. » J. J. Les crimes ignorés demeurent impunis; ceux qui ont été dénoncés et poursuivis en vain restent impunis. Il y a plus de mérite, en général, à rester qu'à demeurer fidèle, parce qu'il y a plus à lutter. Et, d'autre part, demeurer indique un état d'une durée moins restreinte. Un enfant demeure habituellement oisif; on lui reproche d'ètre resté oisif durant quelques heures. Une nation, pendant longues années, demeure tranquille ; vous dites à une personne qui se dissipe un moment restez tranquille. La victoire demeura longtemps indécise entre Rome et Carthage; dans

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