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entreprises secrètes qu'on a l'adresse de pénétrer | pourrait.... Il ne lui propose d'autre moyen, pour et de faire échouer. Eventer un dessein (MOL., se défendre, que celui de se dëdire. » Boss. VOLT.), un projet (J. J., MARM.).

Un secret évente rompt nos prétentions. MOL.

<< Catilina apprend que l'entreprise sur Préneste a été manquée et n'a servi qu'à éventer ses complots. LAH. « Les confédérés n'osaient s'envoyer mutuellement des otages, de peur d'éventer leur complot. » ROLL. « Le chancelier éventa le projet de Patkul, et obtint qu'on se saisît de sa

personne. » VOLT.

DÉDIRE (SE), SE RÉTRACTER, Désavouer ce qu'on avait dit.

Se dédire est l'aveu d'une erreur : on se dédit de ses opinions. « Je suis tout honteux de décider ici (sur l'éloquence); mais je suis tout prêt à me dédire, si on me fait apercevoir que je me suis trompé. » FÉN. « L'erreur de 1701 (sur la forme de la terre) fut reconnue; on se dédit, et la terre fut allongée. » VOLT. « Il est vraisemblable que le VIe livre de l'Eneide n'est point une description des mystères. Si je l'ai dit, je me dédis. » ID. Le cerf se voyant dans l'eau louait la beauté de son bois, et ne pouvait qu'avec peine souffrir ses maigres jambes. Mais, quand un limier le fit partir,

Il se dédit alors, et maudit les présents

Que le ciel lui fait tous les ans.

LAF.

Se rétracter est l'aveu d'une fausseté: on se rétracte de ses assertions, de ses doctrines, de ses

imputations. « Si le pape juge que le fond de la doctrine de mon livre est mauvais, je me rétracterai ouvertement. » FÉN. « Une fille qui avait servi de faux témoin se rétracte; elle avoue son

crime.» VOLT. « L'éditeur sait en conscience

qu'aucune de ces lettres n'a été écrite comme il les a imprimées. Il serait digne de votre probité de lui remontrer son crime, et de l'engager à se rétracter. » ID. « Si je pouvais, l'instant d'après, retirer le mensonge qui m'excuse, et dire la vérité qui me charge, sans me faire un nouvel affront en me rétractant, je le ferais de tout mon cœur.» J. J. Orgon reproche à Damis d'avoir dit une fausseté contre Tartufe, et ajoute :

Allons, qu'on se rétracte; et qu'à l'instant, fripon,
On se jette à ses pieds pour demander pardon.
MOL.

« Vous avancez une calomnie, il faudra expressément vous rétracter. » BOURD.

C'est plutôt en matière de spéculation et de littérature qu'on emploie se dédire ; et se rétracter convient mieux quand il s'agit de doctrines, de jugements sur autrui, d'accusations, qui peuvent porter préjudice et sont toujours de plus grande conséquence. L'acte même de la rétractation est plus important, plus formel, plus solennel. Il est aussi plus pénible: il en coûte plus de reconnaître qu'on a eu tort, qu'on a été téméraire, qu'on est l'auteur d'un faux bruit, d'une fausse croyance, que de convenir qu'on a mal vu et qu'on a été trompé. Se dédire exprime une manière adoucie de se rétracter. « Saint Jean d'Antioche proposait à Nestorius d'approuver le terme de Mère de Dieu; c'est-à-dire, dans le fond, de se rétracter le plus honnêtement qu'il

D'ailleurs, se dédire est subjectif, c'est-à-dire relatif au sujet, qu'il fait considérer comme changeant d'idée et se démentant lui-même; c'est pourquoi se dédire (mais non pas se rétracter) d'un parti est une expression consacrée. Se rétracter est objectif, c'est-à-dire relatif aux choses avancées, lesquelles perdent leur effet et sont détruites par la rétractation; aussi dit-on, en parlant de ces choses, les rétracter, et non pas les dédire. En me dédisant, je réforme mon opinion et mes paroles; en me rétractant, j'en préviens sait en France le témoin qui s'était dédit après l'effet autant qu'il est en moi. Autrefois on punisle recolement; et on a vu des innocents condamnés parce que des témoins imbéciles et timides n'avaient pas su d'abord s'expliquer, et, ensuite, n'avaient pas osé se rétracter (VOLT.).

La promesse dont on se dédit est une promesse en l'air, un projet, une simple parole.

Comment, mademoiselle, Allez-vous nous donner une scène nouvelle? Et vous dédire ici, comme vous avez fait, Sur cinq ou six projets (de mariage) qui n'ont point eu d'effet? DEST.

« Il faut me dédire malgré moi. Je devais aujourd'hui arriver chez vous. La famille de M. le chancelier me fait l'honneur de se prier demain chez moi. » Boss. Mais la promesse dont on se rétracte est une promesse formelle et comme un engagement contracté. « Lui dirai-je : Monsieur, je vous présent que vous n'avez plus rien, je me répromis ma fille, tandis que vous étiez riche; mais tracte, et ma fille ne veut point de vous ? » J. J. DÉDOMMAGEMENT, INDEMNITÉ. Ce qu'on donne ou ce qu'on reçoit en compensation d'une perte ou d'un tort.

à

d'une manière détournée et difficile à reconnaîDédommagement vient peut être du latin, mais tre. Indemnité est le latin indemnitas, dont se servaient les jurisconsultes romains. Le mot dédommagement appartient à notre langue com

mune. Il trouve dans votre amitié un dédommagement à ses malheurs. » ACAD. Le mot d'indemnité est un terme de palais. « En expliquant les devoirs des seigneurs, n'oubliez pas leurs droits dites ce que c'est que fiefs, seigneur dominant, vassal, hommage, rentes, dîmes inféodées, droit de champart, lois et ventes, indemnités, amortissement et reconnaissances, papiers terriers et autres choses semblables. » FÈx. Le dédommagement nous arrive d'une façon quelconque; l'indemnité, par acte de justice. « Je trouve au fond de mon cœur le dédommagement de toutes mes pertes. » J. J. « Jean Wilkes fut mis à la Tour pour un écrit des plus virulents.... Un procès eut pour résultat la prise à partie des magistrats, contre lesquels il obtint une indemnité de quatre mille livres sterling ID.

Le dédommagement est dans l'ordre de la nature ou des sentiments. La bonté de Dieu, la bienveillance des hommes ou la fortune, vous accordent un dédommagement. « Les lièvres paraissent avoir les yeux mauvais; ils ont, comme par dédommagement, l'ouïe très-fine. » Burt.

D

« Cette adresse particulière, donnée au sexe, est
un dédommagement très-équitable de la force
qu'il a de moins. » J. J. « On entre dans des œu-
vres de miséricorde; mais on en veut les pre-
miers honneurs.... Il semble qu'on ne veut pas
courir le risque de l'humiliation sans s'être pré-
paré le dédommagement des éloges. » MASS. « S'il
est vrai qu'un grand donne plus à la fortune, lors-
qu'il hasarde une vie destinée à couler dans les
ris, le plaisir et l'abondance, qu'un particulier
qui ne risque que des jours qui sont misérables;
il faut avouer aussi qu'il a un tout autre dédom-
magement, qui est la gloire et la haute réputa-
tion. » LABR.
D
Mais l'indemnité est uniquement
dans l'ordre de la justice, et répond à une obli-
gation: c'est légalement ou juridiquement qu'elle
est accordée. « Si le magistrat politique veut faire
quelque édifice public, quelque nouveau chemin,
il faut qu'il indemnise. » MONTESQ. « Dans quel-
ques pays de l'Europe, la considération des
droits des seigneurs a fait établir en leur faveur
un droit d'indemnité sur les immeubles acquis
par des gens de mainmorte. » ID. « La plus
grande faveur que l'on reçoive de la justice (qui
punit et ne récompense pas), c'est l'indemnité,
qui est une monnaie trop courte pour ceux qui
font mieux que le commun. » MONTAIGN. « J'ai
enfin vendu ma ferme de Damar.... Je leur dirai
que je vous fais toucher l'argent de ladite vendi-
tion pour votre sûreté, en attendant que je vous
aie fait bailler une indemnité de votre garantie.»
LAF.

dans laquelle elle succombe. Dans la fable des deux coqs, le vainqueur chante sa victoire sur les toits, tout fier qu'il est de la défaite de son rival (LAF.). Dans Britannicus, Narcisse insinue qu'il se peut que Junie aspire à l'amour de Né ron et médite sa défaite (RAC.).

La déroute est une défaite de troupes, non. seulement battues et taillées en pièces, ce qui est commun à toutes les défaites, mais encore mises en désordre et fuyant précipitamment çà et là, à la débandade, selon l'expression vulgaire. « Déroute ajoute à défaite, et désigne une armée qui fuit en désordre et qui est totalement dispersée. » D'AL. « Après la défaite et la déroute des armées, L. Marcius avait ramassé tous les soldats que la fuite avait dispersés. » ROLL. Mettre en déroute, se dit comme mettre en fuite. « Je me charge de mettre en fuite et en déroute ces insolents ravageurs de nos terres.» ROLL.

Quoique l'Académie définisse défaite par deroute, comme si déroute était plus général, il y a défaite, mais non pas déroute, quand tous les soldats sont tués ou pris sur le champ de bataille, et même quand la retraite s'opère avec calme et en bon ordre. D'autres fois, au contraire, la déroute, qui d'ordinaire termine la défaite, la complète et la constate, a lieu sans qu'il y ait défaite proprement dite: c'est quand l'épouvante s'empare des soldats avant que l'action s'engage ou dès le premier choc. «< Quelquefois Dieu envoyait aux ennemis des Juifs, dans leurs songes, des pronostics affreux de leur perte. Ils voyaient l'épée de Gédéon qui les poursuivait de si près qu'ils ne pouvaient échapper; et ils fuyaient en désordre avec de terribles hurlements, et tiraient l'épée l'un contre l'autre, ne sachant à qui se prendre de leur déroute. » Boss. « A la bataille de Rosbach, les Français et les Autrichiens s'enfuirent à la première décharge. Ce fut la déroute la plus inouïe et la plus complète.... On vit trente mille Français et vingt mille Impériaux prendre une fuite honteuse et précipitée devant cinq bataillons et quelques escadrons. » VOLT. « A la bataille de Frauenstadt, le combat ne dura pas un quart d'heure; les Moscovites jetèrent leurs armes dès qu'ils virent les Suédois: l'épouvante fut si subite et le désordre si grand que.... Jamais déroute ne fut plus prompte, plus com

Le dédommagement se donne en quoi que ce soit et compense à peu près le dommage éprouvé. L'indemnité, plus rigoureuse, se paye en argent ou en valeurs égales, et de manière à réparer le tort exactement. Le dédommagement tend à vous rendre une somme semblable d'avantage ou de bonheur; l'indemnité vous rend la même somme de fortune. L'Etat dédommage, autant que possi ble, par des récompenses honorifiques et des distinctions, les braves qui ont laissé quelque membre sur le champ de bataille; il indemnise, sur rapport d'experts, les possesseurs des terres qu'il exproprie pour cause d'utilité publique. La justice ne dédommage pas le demandeur des torts qu'il a soufferts par les délais, le déplacement, les démarches, les poursuites de ses droits, lors même qu'elle lui adjuge les indemnités qu'il ré-plète et plus honteuse. » ID. clame.

DÉFAITE, DÉROUTE. Ces deux mots s'emploient en parlant d'armées ou de troupes qui ont été vaincues, qui ont eu le dessous.

Défaite est le terme général. C'est précisément et dans tous les sens le contraire de victoire. On dit, les défaites de Cannes, de Crécy, de Poitiers, d'Azincourt, de Waterloo, comme on dit, les victoires de Salamine, de Zama, de Bouvines, de Formigny, de Marignan, d'Austerlitz. Avant d'engager le combat à Fontenoi, le maréchal de Saxe avait pourvu à la victoire et à la défaite (VOLT.). « Que sais-je si nos dernières défaites n'expiaient pas l'équité douteuse ou l'orgueil inévitable de nos anciennes victoires? » MASS. Ce mot convient aussi quand il n'est question que d'une seule personne, et quelle que soit la lutte

D

Une grande défaite est sanglante, cause de grandes pertes. Une grande déroute donne l'idée d'une grande confusion, ou d'une confusion qui s'étend à toute l'armée, qui est générale, totale, universelle.

DÉFAVEUR, DISGRACE. Ces deux mots expriment le fait de cesser d'être bien auprès d'une personne puissante, ou l'état qui en résulte.

Mais la défaveur annonce qu'on n'est plus en faveur, et la disgrace qu'on ne possède plus les bonnes grâces. Qui est en défaveur auprès du prince a perdu dans son esprit; qui est en disgrâce a perdu le crédit dont il jouissait et sa position, il est ruiné.

La défaveur est moindre que la disgrâce: elle consiste seulement à être malvoulu, et encore passagèrement peut-être, à n'inspirer plus ce

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goût de prédilection, cet intérêt particulier qui fait le favori. La disgrâce est un malheur ou un malheur plus grand et dans ses causes et dans ses suites dans ses causes, car elle dépend moins, comme la défaveur, de l'humeur ou du caprice du maître, que de sujets d'une certaine gravité, réels ou supposés, comme malversations, fautes ou incapacité, discours coupables, démarches imprudentes; dans ses suites, car elle entraîne pour l'ordinaire la perte des biens ou des charges, la confiscation, la destitution et l'exil.

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On peut citer en France, sous le règne de Louis XIV, la défaveur de Fénelon et la disgrâce du surintendant Fouquet.

Un écrivain est en défaveur (mais non pas en disgrace, ce serait trop dire). quand ses écrits ne sont plus goûtés ou accueillis du public avec une disposition favorable ou bienveillante. « Buffon voyait que l'école encyclopédique était en défaveur à la cour et dans l'esprit du roi. »

MARM.

1° DÉFENDRE, SOUTENIR, PROTÉGER; 2o GARANTIR, PRÉSERVER, SAUVER. Mettre à couvert contre quelque chose de fâcheux, ou l'écarter.

on soutient, en embrassant les intérêts de quel-
qu'un, en les fortifiant de son appui. « C'est l'ordre
des franciscains qui le premier a fait une profession
publique de reconnaître et de soutenir l'imma-
culée conception; c'est lui qui l'a défendue dans
les écoles et les universités. » Bourd. Votre dé-
fenseur combat contre vos ennemis; votre soutien
est votre partisan, il vous anime, il s'intéresse
pour vous. Pendant que le roi de Navarre
(Henri IV) défendait la cause de Henri III, Phi-
lippe II d'Espagne soutenait celle des ligueurs
(VOLT.). Un accusé est défendu par son avocat,
et soutenu par tous ceux qui s'emploient pour
lui. L'action de défendre est plus déclarée, plus
ardente, plus forte; mais celle de soutenir est
d'ordinaire plus soutenue, plus constante: les
martyrs ont défendu la foi chrétienne (BOURD.);
les confesseurs l'ont soutenue (ID.). « Ce christia-
nisme doit être en nous aussi solide contre ceux
qui l'attaquent, qu'édifiant pour nous qui le dé-
fendons.... Que Dieu trouve en nous, sinon des
martyrs fervents, au moins des confesseurs éclai-
rés, pour soutenir son culte contre la vaine pré-
somption du libertinage.» BOURD. On défend et
on soutient une personne ou une chose (BOURD.),
quand, après avoir combattu pour la tirer d'un
péril, on continue à la favoriser, à s'en montrer
l'ami. On la soutient et on la défend (Bourd.,
MASS.), quand, après l'avoir servie de son crédit,
par exemple, on finit, dans une occasion parti-
culière, par la faire triompher de ses ennemis.-
D'ailleurs, on défend ce qui de soi-même est sans
défense: un avocat défend son client, une lionne
ses petits, un amant son cœur, un ami son ami
absent ou la mémoire de son ami défunt. On

Défendre, soutenir et protéger marquent l'action; garantir, préserver et sauver, l'effet. En défendant, en soutenant, en protégeant, on travaille à empêcher l'approche ou l'atteinte du mal; en garantissant, en préservant et en sauvant, on réussit à l'empêcher. Le défenseur et le protecteur vous assistent, mettent leur puissance à votre service, mais ce peut être en vain: le sauveur effectue positivement votre salut, votre sûreté. On lit dans une traduction de P. Sy-soutient ce qui se défend déjà, mais d'une marus: « La fortune protége plus de gens qu'elle n'en garantit. »

Plures tegit fortuna, quam tutos facit. De plus, défendre, soutenir et protéger se disent absolument Dieu défend, soutient, protége l'homme de bien. Garantir, préserver et sauver ne s'emploient guère que d'une manière relative, en indiquant de quel mal on exempte: Dieu garantit, préserve, sauve l'homme de bien de tels ou tels maux. « La sage piété de nos pères n'a pas cru pouvoir mieux défendre et conserver cette ville capitale qu'en la mettant sous la protection de sainte Geneviève, qui l'a préservée de tant de fléaux. >> BOURD. «J. C. dit à saint Pierre : J'ai pu vous soutenir sur les flots, et vous garantir de la violence des vents et des orages. » MASS. Louis le Grand a protégé ses alliés.... Il serait à craindre que le temps ne diminuât au moins l'éclat de tant de merveilles: vos plumes savantes les garantiront de cette injure. » Lafontaine, Discours de réception à l'Académie française.

1° Défendre, soutenir, protéger.

On défend ce qui est attaqué; on soutient ce qui est faible. Quand même un voisin injuste attaquerait votre Etat, tous les autres, intéressés à sa conservation, prennent aussitôt les armes pour le défendre. » FÉN. « Le roi revint à son premier sentiment et à la gloire de soutenir des rois opprimés.>> VOLT. On défend en prenant actuellement les armes pour repousser une agression;

nière insuffisante, c'est-à-dire qu'on le seconde. << Hiéron ordonna aux étrangers de commencer l'attaque; et lorsqu'il les vit engagés, il les abandonna, au lieu de les soutenir. » COND.

Voilà donc quels vengeurs s'arment pour ta que

relle,

Des prêtres, des enfants, ô sagesse éternelle!
Mais, si tu les soutiens, qui peut les ébranler? RAC.

L'action de protéger (protegere, couvrir) res-
semble plus à celle de soutenir qu'à celle de dé-
fendre. Mais elle part toujours d'un supérieur,
qui couvre comme d'une égide, qui veille sans
cesse à la conservation et à la prospérité de ce
qu'il a pris sous sa tutelle. Dieu, les anges gar-
diens, un roi, un homme puissant protégent; les
patriciens protégeaient les plébéiens, leurs clients
(COND.). Dieu protége la France. A la fin des
Filles de Minée, Lafontaine dit que ces sœurs,
protégées par Pallas, ne peuvent être alors dé-
fendues par cette déesse contre les fureurs de
Bacchus qui entre pour se venger. a Notre vie
même, que nous avons dévouée à l'État, en est
continuellement protégée. » J. J. « Par les princes
favorables à la piété sont protégés des ouvriers
fidèles destinés à répandre la science du salut. »
MASS. « Que d'établissements utiles n'ont dû
leur naissance qu'au crédit d'une seule personne
à qui Dieu avait mis dans le cœur de protéger
une œuvre dont il devait tirer tant de gloire!»
ID. « La cour de Rome ne cherche souvent qua

établir son autorité sous prétexte de protéger le clergé. VERT. « Dieu a donné aux saints un plein pouvoir pour nous protéger. » BOURD. A la fin de Britannicus, Junie s'est réfugiée auprès de la statue d'Auguste :

Prince, par ces genoux, dit-elle, que j'embrasse, Protége en ce moment le reste de ta race. RAC. « L'ambassadeur des Rhodiens dit aux sénateurs (de Rome): Il suffit aux Grecs que vous protégiez par vos armes leur liberté, qu'ils ne sont plus en état de défendre par les leurs. » ROLL.

nemis (MASS.), de toute oppression et de toute violence (Boss.). Préserver, au contraire, est plus propre à exprimer une action intérieure, qui conserve, qui purifie, en combattant des principes intérieurs de corruption. Un remède préserve d'une maladie. « L'embaumement était le moyen le plus facile de préserver les corps de la corruption. » BUFF. « Le précepteur dit à son élève : Quand tu es entré dans l'âge de raison, je t'ai garanti de l'opinion des hommes; quand ton cœur est devenu sensible, je l'ai préservé de l'empire des passions. » J. J.

Quant à sauver, il se distingue par la grandeur du péril qu'il suppose. Sauver, c'est opérer le salut. Sauver des mains de l'ennemi (ACAD.), du supplice (ID.), de la potence (MONTESQ.), du naufrage (BOURD., MASS.), de l'infamie (ACAD.), de la misère (ID.), de l'enfer (PASC.), de la colère de Dieu (ID.), des piéges (BUFF.), du joug d'un tyran (VOLT.), etc.

DÉFENSE, PROHIBITION. Ordre de ne pas faire certaines choses, de s'en abstenir, de ne pas se les permettre.

Défense appartient à tous les genres de style. ainsi que défendre et défendu. Prohibition, ainsi que prohiber et prohibé, a cela de commun avec son synonyme inhibition (voy. Ire partie, Prohi.bition et inhibition, p. 152), que c'est un terme de législation et de palais. « Prohibé ne se dit guère que des choses qui sont défendues par une loi humaine et de police. La fornication est défendue; et la contrebande, prohibée. » D'AL.

2° Garantir, préserver, sauver. Selon l'Académie, préserver signifie garantir d'un mal qui pourrait arriver. En effet, on garantit plutôt d'un mal actuel, ou certain, immanquable. La laine du mouton et le vêtement de l'homme les garantissent des injures du temps. « Mon palais, dit Télémaque à Ulysse, est rempli d'insolents; je suis jeune, seul, et il me serait impossible de vous garantir des insultes qu'ils ne manqueraient pas de vous faire. » FÉN. Mais préserver, c'est-à-dire conserver d'avance, annonce un danger, un mal futur, éventuel, possible, auquel on ne peut guère s'attendre. « Une bonne éducation préserve la jeunesse de quantité de désordres. » ACAD. « Que Dieu nous préserve de tout mal!» BOURD. α Nous combattons sans cesse pour préserver de ce faux goût ceux de nos jeunes écrivains qui donnent des espérances. LAH.-Garantir marque puissance; préserver, prévoyance. Faute de pouvoir, de moyens, une chose ou une personne n'est pas suffisamment garantie; faute de soins, de vigilance, elle L'espèce d'ordres exprimée par prohibition n'est pas suffisamment préservée. Ce qui garantit n'émane pas de la nature, de Dieu, de la conest un bouclier, une cuirasse, un rempart, quel- science ou des lois générales, mais de décrets exque chose de fort dont on s'arme ou dont on se près de l'administration, de la police, ou bien trouve armé de manière à ne pas succomber. des décisions d'une autorité humaine quelconque, << Les monts et les mers qui entourent l'Italie la judiciaire, ecclésiastique ou autre. Il y a des ligarantissent à peu de frais des insultes de ses vres défendus parce qu'ils sont mauvais, et quand voisins. » MARM. « Le séjour de deux mille ans même aucun règlement particulier ne prescrirait dans le tombeau n'a pu garantir Homère d'une de ne les point lire; il y a des temps pendant leshaine implacable. » MONTESQ. « A Neuchâtel, la quels l'Eglise prohibe les mariages. « Tout est protection du prince et du gouvernement ne sau- plein, dans le secrétariat des évêques, de permisrait me garantir des fureurs d'une populace ex- sions à tel et tel de lire des livres défendus, de citée. » J. J. Mais ce qui préserve est un préser-passer outre aux mariages, nonobstant les temps ratif, quelque chose dont on se prémunit ou prohibés. » Boss. dont on a été prémuni par précaution. « Les oiseaux font leur nid sur les plus hautes branches des arbres pour préserver leurs petits de l'insulte des animaux qui ne sont point ailés. » FÉN. • Quelles précautions, quelles mesures avez-vous prises pour préserver vos jeunes filles du faux goût qui les égare?» J. J. « Peuples, sachez que la nature a voulu vous préserver de la science, comme une mère arrache une arme dangereuse des mains de son enfant. » ID. « Les désordres et défauts des autres sont nôtres en quelque façon par l'impuissance où nous sommes de nous en garantir, si Dieu ne nous en préserve. » NIC. - On garantit en couvrant, en empêchant l'impression ou l'atteinte d'un objet, contre une attaque ou quelque chose d'extérieur. Un rideau garantit du soleil. « Il est très-difficile de se garantir entièrement de l'impression secrète que toutes les choses extérieures font dans l'esprit. P. R. Dieu nous garantit de la haine de nos en

SYN. FRANÇ.

Voltaire parle la langue commune quand il dit : « Le concile de Trente ne permet ni ne défend la communion sous les deux espèces. » Mais il se sert du terme spécial quand il ajoute : « Son décret porte seulement que l'Église a eu de justes causes de la prohiber. » De même Laharpe, dans le passage suivant : « Quand la publication de l'Encyclopédie fut défendue, elle devint plus mauvaise de toute manière.... Ce fut Diderot qui obtint la continuation secrète du dictionnaire publiquement prohibé. »

DÉGOÛTANT, FASTIDIEUX. Ce qui est dégoû tant ou fastidieux déplaît, produit sur nous une impression fâcheuse.

A peine est-il besoin de remarquer que dégoûtant pent se dire des choses physiques et des hommes physiquement considérés; au lieu que fastidieux sert à qualifier seulement sous le rapport de l'esprit ou les choses de l'esprit. Il y a des viandes et des boissons dégoûtantes (Boss.,

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MASS.), comme il y en a d'agréables; il y a de entretiens fastidieux (ACAD.), comme il y en d'intéressants. Un homme dégoûtant est d'une laideur ou d'une malpropreté repoussante; un homme fastidieux est ennuyeux, importun, insupportable par ses idées, ses discours ou ses écrits. « Il ne faut point s'opiniâtrer à faire goûter aux enfants certaines personnes pieuses don l'extérieur est dégoûtant. » FÉN. « Les fastidieux personnages, avec leur air suffisant et empesé! Je ne comprends pas comment toi, qui as l'esprit si délié, tu peux t'accommoder de convives si lourds. Je veux t'en amener de plus légers.... Je te promets des génies supérieurs et des plus amusants.» LES.

Ces deux mots ne sont guère synonymes que quand dégoûtant s'applique aussi figurément à ce qui se rapporte à l'esprit : un poëme dégoûtant: ou fastidieux; une pièce de théâtre dégoûtante ou fastidieuse, c'est-à-dire dont l'effet esthétique n'est pas bon. Mais alors la différence est encore bien

sensible.

La chose dégoûtante provoque le vomissement. selon la force du mot; elle révolte, parce qu'elle est moralement sale ou grossière: la chose fustidieuse ennuie, lasse, à cause de sa monotonie ou de sa longueur. L'une blesse en nous la délicatesse du goût ou des mœurs, elle est fade, basse ou indécente; l'autre ne nous amuse pas, ne nous intéresse pas.

Ce qui est dégoutant soulève l'âme, excite son aversion. « Dans le Paradis perdu, le mariage du péché et de la mort, et les couleuvres dont le péché accouche font vomir tout homme qui a le goût un peu délicat : c'est un poëme obscur, bizarre et dégoûtant. » VOLT. « Nous verrions quelles archives possèdent la suite la plus complète de fadaises dégoûtantes et de contes, que la plus imbécile et la plus bavarde nourrice n'oserait répéter aujourd'hui. » ID. « Racine avait fait ôter à Boileau, de la satire contre les femmes. une vingtaine de vers dégoûtants par la peinture hideuse de la lieutenante criminelle. » D'AL. << Par une plaisanterie dégoûtante. Furetière avait dédié son Roman bourgeois au bourreau. » ID. « Cela est assez nigaud, dit Laharpe en parlant d'une chanson de Sedaine, qu'il vient de citer, mais cela est drôle et n'est pas dégoûtant; Piron l'est souvent dans ses opéras comiques.» Et, après en avoir rapporté un exemple, il ajoute : « Cela fait mal au cœur.» « Dans le Théâtre de la Foire, la sottise burlesque et la grossièreté dégoûtante sont à un tel excès, que les citations souilleraient le papier. LAH.

D

Ce qui est fastidieux fatigue l'esprit, qui n'en fait aucun cas. « Les fables d'Esope ne sont point des recueils de sentences fastidieuses qui lassent plutôt qu'elles n'éclairent. » VOLT. « Ces maximes (de Confucius) valent bien les secs et fastidieux Essais de Nicole. » ID. « La crainte du ridicule suggère les mêmes propos, peu intéressants de leur nature, et fastidieux par la répétition. » DUCL. « Les enfants nous fatiguent d'une multitude d'interrogations sottes et fastidieuses. » J. J. « Le fastidieux babil de la plaidoirie. » LAH. « De ongues et fastidieuses répétitions. » ID. « On est

D

fatigué de la répétition fastidieuse des mêmes:

tournures. » ID.

Ma sœur est doucereuse:
Mais une humeur pareille est bientôt ennuyeuse;
DEST..
Rien n'est fastidieux comme l'égalité:
DEGRÉ, MARCHE. Noms des parties dont se
compose un escalier.

Degré, comme gradin et grade; vient du latin.
gradus, dont le sens est le même. Harche, au
contraire, ne paraît dériver d'aucun mot des lan-
gues savantes. De là, une première différence:
Degré se dit plutôt au figuré, ou en parlant de
grands édifices. Emilie dit dans Cinna:
Quand je regarde Auguste au milieu de sa gloire;
Et que vous reprochez à ma triste mémoire
Que par sa propre main mon père massacré
Du trône où je le vois fait le premier degré....
CORN.

Les degrés du palais (ACAD., J. J., D'AL., LAH.), d'un temple (ACAD., VAUV.), de Saint-Pierre de Rome (VOLT.), d'un amphitheatre (LAF., VOLT.). Mais marche est le mot du langage commun, et il tend de plus en plus à le devenir exclusivement. « Cet escalier est composé de marches basses, afin qu'on puisse monter sans efforts. Fix. Le schiste spathique se casse par étages ou plans superposés, comme les marches d'un escalier. » BUFF.

au

Cependant degré et marche diffèrent aussi quant sens. Degré rappelle nécessairement l'idée d'élévation, de montée et de descente; au lieu que marche fait concevoir un endroit où on pose le pied, un plain-pied, une plate-forme. a On monte les degrés, dit très-bien Beauzée, et l'on se tient sur les marches.» Les degrés sont comme des échelons par lesquels on s'élève; les marches sont des places où on se met, où on se tient. Un usurpateur escalade les degrés du trône (S. S.); un prince royal est assis sur les marches du - « Les six degrés par où on mon.. trône (ACAD.). tait au trône de Salomon étaient d'or. » Boss. « Les anges mêmes doivent être compatissants: le cœur a partout les mêmes devoirs : sur les marches du trône de Dieu et au fond de l'abîme.> VOLT. Sans doute, les marches servent comme les degrés à monter et à descendre; mais ce n'est pas ce qu'on considère en elles. Dans l'Oreste de Voltaire, Egisthe trouve Electre dans un état de mort, étendue sur les marches du tombeau de son père (LAH.). « Sextius couvrit du sang d'un tribun les marches du temple de Castor. Ir. Sur les marches du marchepied du roi, où on met des carreaux, c'est la séance du grand chambellan, qui y est comme couché. » S. S. « L'escalier était ma salle à manger, le palier me servait de table, la marche inférieure. me servait de siége. » J. J.

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Outre cela, degré, qui signifie aussi escalier, suppose un certain nombre, une suite de ces par ties superposées en étages; mais il peut n'y avoir qu'une marche ou deux. « Je dis au duc d'Or léans que les siéges hauts du lit de justice n'au raient qu'une marche par la difficulté de les élever davantage. Il me dit que cela ne pouvait passer de la sorte, que les hauts sièges de la grand'chambre avaient cinq degrés. » S. S.

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