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ment par qui, quand et pourquoi; et, s'il s'agit | pale suppose qu'on n'était point pâle et qu'on le d'une chose rendue populaire, on songe unique-devient tout à fait. Une forme d'habit vieillit, si ment à la qualité qu'elle a acquise. Il y a, dans on est déjà vieux, et rend vieux si on ne l'est la première expression, un caractère de subjec- pas. Dire à une personne que ses vêtements l'emtivite, et, dans la seconde, une nuance incon- bellissent, c'est lui faire un compliment, car cela testable d'objectivité. La guerre endurcit le corps signifie qu'ils ajoutent à sa beauté : la modestie et l'âme, est une manière de s'exprimer qui pré-embellit la beauté même. Dites à une personne sente la guerre comme produisant son effet; tan- que sa parure la rend belle, elle s'en offensera dis que la guerre rend durs le corps et l'âme, justement; car vous lui faites entendre qu'elle fixe l'esprit tout entier sur la qualité contractée n'est point belle sans cela. au milieu des armes. Ce qui domine dans le Le verbe ne signifie donc pas toujours simpleverbe, c'est l'opération de l'agent, et dans la ment rendre un objet tel pu tel, comme le disent phrase explicative, c'est l'acquisition de la qua- les dictionnaires, mais parfois aussi commencer, lité par l'objet. Les commentateurs éclaircissent ou travailler, ou tendre à produire cet effet, sans les textes; on les voit en action: leurs commen-indiquer précisément où l'on est arrivé, et si l'on taires les rendent clairs: ici, ce qui frappe, c'est ne fait qu'ajouter à ce qu'était l'objet, à la quaseulement la modification subie par les textes. Le lité qu'il avait déjà. La phrase explicative est une verbe a tant de rapport à l'agent, qu'il dénote forme nette, analytique, abstraite, qui exclut les quelquefois, de sa part, un autre motif que celui de à peu près, dont l'usage ne commence qu'à une donner à l'objet la qualité qu'il lui donne effecti- époque assez avancée de la civilisation pour vement. On embellit souvent une chose, non pour qu'on y sente vivement le besoin de la précision la rendre belle en elle-même, mais pour se faire et de la clarté. D'ailleurs, elle ne se prête pas et ne honneur; on engraisse des esclaves, afin de les doit pas se prêter, comme le verbe, aux signifiretenir plus facilement sous le joug. cations étendues et figurées. On ne dit pas au figuré rendre gros, comme on dit grossir, pour exagérer; non plus que, se rendre gras, comme on dit s'engraisser des misères publiques; non plus que, la prospérité rend ivre, comme on dit qu'elle enivre, et ainsi des autres.

SYNONYMIE DES Verbes neutres et de leur dé

FINITION COMPOSÉE DU VERBE devenir Et d'un
ADJECTIF QUI LEUR CORRESPOND.

Vieillir, devenir vieux. Pálir, devenir pâle. Noir-
cir, devenir noir. Mûrir, devenir mûr. Etc.

Il y a entre les synonymes de cette classe et ceux de la précédente une ressemblance visible;

aussi admettent-ils à peu près les mêmes principes de distinction, quoique le verbe de la phrase explicative ne soit pas le même.

La seconde différence se déduit de la première. Le verbe montre à l'œuvre, indique l'action se faisant et tendant à produire le résultat, à faire naitre la qualité: il comporte tous les degrés, depuis le plus faible commencement, jusqu'à l'entier achèvement de l'opération. La phrase explicative, au contraire, ayant pour office d'exprimer la qualité survenue dans l'objet, le fait d'une manière absolue, rigoureuse, complète, précise. La signification du verbe est plus vague, plus large, plus flottante. On grossit, on éclaircit, etc., peu à peu, insensiblement, en partie, jusqu'à un certain point, pour un instant, même quand on essaye simplement ou qu'on commence à rendre gros ou clair. Rendre gros ou clair ne comporte pas ces déterminations ou plutôt ces indéterminations; il marque positivement l'effet comme produit. Pour rendre de la toile blanche, Le verbe neutre a pour caractère principal de il faut la blanchir longtemps et à plusieurs re- désigner le fait du changement, et sa définition prises; pour rendre gras, il faut bien engraisser; en désigne plutôt l'espèce ou la nature. D'une pour rendre léger, alléger beaucoup, et ainsi des année à une autre on trouve qu'un ami a vieilli; autres. Populariser, c'est se mettre à rendre po- d'ordinaire un accusé pálit en entendant prononpulaire, essayer, commencer ou être en train. cer sa condamnation; il arrive à ceux qui séjourAu verbe s'attache plutôt l'idée de la sorte de but nent quelque temps en Afrique de noircir. De qu'on se propose et qu'on poursuit, et à la phrase jeune on devient vieux; de coloré, pâle; de blanc, explicative l'idée de ce but comme effectivement noir. Vous direz d'un vin qu'il acquiert de la et entièrement atteint. Celui qui emplit un ton-qualité en vieillissant, et alors vous montrerez le neau, aiguise ou polit un instrument, ne rend changement qui s'opère graduellement en lui, pas nécessairement et toujours, l'un plein, l'au-vous représenterez le vin comme se bonifiant à tre aigu ou poli. Il y travaille. Rendre grand, c'est donner une qualité, la grandeur; grandir indique le même effet, mais d'une manière vague ou peu précise. «Le mariage, dit Nicole, règle la Concupiscence, mais il ne la rend pas réglée: elle retient toujours quelque chose du déréglement qui lui est propre. »

Non-seulement le verbe peut vouloir dire donner une qualité peu à peu, à peu près, en partie, jusqu'à un certain point, mais quelquefois il signifie la faire augmenter dans ce qui l'a déjà; tant il est vrai qu'il désigne l'effet relativement. Polir peut signifier ajouter à la pâleur; rendre

SYN. FRANC.

mesure qu'il subit l'influence du temps. Si vous dites qu'il acquiert de la qualité, quand il devient ou qu'on le laisse devenir vieux, en ce cas vous n'aurez égard qu'à la sorte de changement produit par l'âge dans cette liqueur. Mûrir peint le travail de la maturation et le temps où elle a lieu les cerises mûrissent au mois de juin; devenir mûr montre la maturité comme la qualité qui survient dans l'objet : il faut attendre que les cerises deviennent ou soient devenues mûres pour les cueillir. Le verbe neutre constitue une expression synthétique et composée, dans laquelle l'adjectif est si bien fondu, si bien déguisé, que

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sa signification s'efface en quelque sorte pour ne | et de timidité, mais une grande colère et une laisser apparaître que l'action du verbe. Dans l'expression analytique commençant par devenir, c'est au contraire l'adjectif qui prédomine, et devenir n'est qu'un auxiliaire qui n'attire en aucune sorte l'attention.

Le verbe, destiné à désigner le fait de la réalisation de la qualité, le représente dans tous ses degrés, avec ses différentes variations et phases, mais d'une manière générale et vague. La définition, la phrase explicative, ayant surtout rapport, non pas au fait, mais à la qualité, exprime

celle-ci dans toute sa plénitude; c'est une forme absolue, abstraite, simplement énonciative, qui ne comporte ni le plus et le moins, ni les à peu près d'aucune espèce. De sorte que le verbe neutre ne signifie pas toujours simplement devenir tel ou tel, mais le plus souvent commencer ou continuer à le devenir, ou le devenir un peu, ou le devenir un moment : c'est une expression de détail et de circonstance essentiellement relative. Un corps très-chaud peut refroidir, sans pourtant encore devenir froid. Une petite fille très-laide embellit en passant à l'adolescence, sans pour cela devenir belle. De même, une belle femme enlaidit par le seul effet du temps, bien avant de devenir laide. On vieillit à tout âge, même au sortir du berceau : tout vieillit et dépérit en ce monde; la rose vieillit en naissant. On ne devient vieux qu'à force de vieillir; des jeunes gens diront par forme de plaisanterie, nous devenons vieux. Quand Jacob fut devenu vieux, et non pas, eut vieilli, il appela à lui tous ses enfants et leur donna sa bénédiction. C'est en épaississant, en noircissant, en grandissant qu'on devient épais, noir, grand. Pour devenir mûr, un fruit a besoin de mûrir, ou ce fruit a besoin de múrir encore.

vive indignation. Une honnête femme rougira d'une offre de mariage qui lui est faite par un homme digne de son amour, et deviendra rouge, si cette même offre part d'un homme vil et abject'.

SYNONYMIE DES VERBES ACTIFS ET DE LEUR DÉFI-
NITION COMPOSÉE DU VERBE faire ET D'UN SUB-

STANTIF CORRESPONDANT.

Caresser, faire des caresses. Complimenter, faire des compliments. Sauter, faire des sauts. Dessiner, faire des dessins. Broder, faire des broderies. Crier, faire des cris. Rêver, faire des rêves. Réfléchir, faire des réflexions. Questionner, faire des questions. Etc. Choisir, faire choix. Courtiser, faire la cour. Écarter, mettre à l'écart. Envier, avoir envie. Mentir, dire des mensonges. Injurier, dire des injures. Chasser, donner la chasse. Etc.

Les dictionnaires définissent plusieurs verbes actifs par, faire telles ou telles choses, dont l'idée se trouve contenue dans le radical. Ainsi, ils expliquent caresser par, faire des caresses, complimenter par, faire des compliments, et de même de beaucoup d'autres. Mais, quoique ce soit, à tout prendre, la manière la plus juste et la plus convenable de déterminer le sens de ces sortes de verbes, il n'y a point d'identité entre la définition et le défini, l'une n'équivaut point à l'autre, et ce serait souvent une faute de substituer l'une à l'autre.

Quelquefois la définition ne rend pas exactement l'étendue de l'idée; ou elle l'augmente, ou elle la diminue. Faire des choses marquées par le radical signifie en faire quelques-unes. Or, le même verbe veut dire, tantôt en faire une seule. tantôt en faire beaucoup. Ainsi, caresser répondrait plutôt à faire une caresse dans certains cas, et dans d'autres à faire beaucoup de caresses. Parmi les verbes ainsi définis, il y en a même

Cette différence est trop profonde pour avoir échappé oux synonymistes. « On palit de colère, de crainte, à la vue d'un danger, dit Condillac; on devient pâle par maladie, parce que le tempérament s'affaiblit, parce. qu'on a perdu une partie de son sang. » C'est-à-dire que le verbe 4. Comme le verbe désigne avec toutes ses circonexprime un changement de couleur faible et pas- stances la réalisation ou l'acquisition de la qualité dans sager, au prix de celui qui est marqué par la le temps, il doit être concret et faire assister en quelphrase explicative. Pareillement, quand on dira que sorte à l'opération d'où provient le changement, de quelqu'un, il est devenu vieux, on voudra montrer la chose se faisant telle ou telle, l'action en train de s'accomplir: c'est là en effet un de ses carac faire entendre que sa vieillesse a pour cause l'ac-tères essentiels. Cependant, s'il marque comme incumulation des années plutôt que le chagrin, le stantané un changement que son synonyme représente malheur ou quelque grande catastrophe. Eberhard comme progressif, comme produit en vertu d'une distingue de même rougir et devenir rouge, dont cause lente, ce sera ce dernier qui paraîtra faire image le premier convient bien quand il s'agit des comet montrer l'action en progrès. Ainsi, il a páli, il : mencements de la rougeur, et l'autre quand il rougi, désignent un fait si subit qu'on a eu à peine le est question de la rougeur la plus foncée. Dites temps de le remarquer. Il est devenu pále ou roug annonce au contraire un événement assez long pou que les cerises rougissent, si vous parlez des pre- qu'on en ait suivi graduellement toutes les phases. L mières teintes que commence à leur donner de phrase explicative serait donc expressive en mém fait la maturation; si vous dites qu'elles devien- temps qu'indicative; elle peindrait le changement a nent rouges, outre que vous indiquerez par là le lieu de l'énoncer seulement d'une manière abstrait caractère, la propriété qu'ont ces fruits de pren- Ce serait pourtant une erreur de le croire. Il ne résult dre cette manière d'être, plutôt que le fait de la de ces exemples particuliers autre chose, sinon qu prendre, vous pourrez faire penser qu'ils la les définitions expriment des changements plus com prennent au plus haut degré. Il en est de même plets, qui demandent plus de temps pour s'accom plir; mais ils n'en peignent point du tout la grads au moral, quand les deux expressions servent à tion, tandis que les verbes neutres peignent rendre l'effet de la pudeur: la seconde est plus représentent le fait qu'ils signifient, quelque insta forte et suppose, non des sentiments de crainte tané qu'il soit.

qui indiquent essentiellement, les uns qu'il s'agit plutôt d'une seule chose, les autres qu'il s'agit plutôt de beaucoup: sauter, complimenter, dessiner, broder, donnent souvent l'idée d'un seul saut, d'un seul compliment, d'un seul dessin, d'une seule broderie; tandis que caresser, crier et rêver, c'est plutôt faire une suite de caresses, de cris et de rêves. D'ailleurs, quand on emploie le verbe. on a rarement l'intention d'exprimer que le sujet fait une ou plusieurs des choses marquées par son radical, on ne se décide point, comme le ferait croire la définition, entre l'unité et la pluralité.

Mais supposons que la définition ne changeât rien à l'idée du verbe quant à son étendue, elle la modifierait encore sous deux autres points de vue assez importants.

En analysant et en étendant cette idée, qui est comme compacte et comme concentrée dans le verbe, la phrase explicative lui ôte beaucoup de sa rigueur: elle la rend susceptible d'applications qui l'éloignent plus ou moins de sa valeur propre. Ainsi, suivant une remarque de Bouhours, approuvée par Roubaud et Condillac, caresser, conformément au sens primitif du radical, se dit plutôt en badinant et à l'égard des enfants à qui l'on fait de petites amitiés. « Les femmes menaient par la main leurs petits enfants qu'elles caressaient. » FÉN.

Sans cesse, nuit et jour, je te caresserai, Je te bouchonnerai, baiserai, mangerai. (Arnolphe à Agnès. École des Femmes.) MOL. Mais faire des caresses ne se dit guère que sérieusement, et c'est traiter les gens d'un air qui marque de l'amitié. « Il persuada l'empereur d'écrire de sa main au cardinal de Fleury de lui faire des caresses, de l'accabler de louanges et de confiance. S. S. « Ces expressions de Corneille (dans Polyeucte) ne portent-elles pas dans l'esprit l'idée que Pauline doit faire des caresses à Sévère pour l'apaiser? » VOLT. Phocas dit à Pulchérie dans Héraclius en parlant de l'empire: Dis que je te le rends, et te fais des caresses Pour apaiser des tiens les ombres vengeresses. CORN.

A quoi Roubaud ajoute: « Le verbe caresser exprime proprement une action unique, toute en caresses: tandis que faire des caresses comporte diverses actions du même genre ou de genres différents, distinctes, entrecoupées, variées, entremêlées. Il est bien évident que faire des caresses n'a pas le sens absolu, plein et entier qu'emporte le verbe caresser, qui exclut de l'action tout ce qui n'est pas caresses et la remplit tout entière par des démonstrations affectueuses, même jusqu'à en combler. » — C'est pourquoi si caresser s'emploie aussi quelquefois dans le sens étendu et figuré de faire des caresses, il en diffère toujours en ce qu'il exprime, non une action particulière, mais quelque chose de constant et d'habituel, un système de conduite. « Richelieu a aimé les gens de lettres, il les a caressés, favorisés. » LABR. «N'aije pas à peindre ceux qui caressent également tout le monde, qui promènent leurs civilités à droite et à gauche?» MOL. Et si, d'autre part, faire des caresses peut se dire au propre, comme

caresser, ce n'est que dans un cas particulier, quand on raconte un certain fait. « Ayant bu beaucoup de vin, ce Lapon et cette Laponne commencèrent à se faire des caresses à la laponne.» REGN.

Le verbe renferme plutôt une plénitude de sens, en raison de laquelle il est propre à être employé d'une manière absolue, et non distributivement, à certains égards. L'homme est un animal qui réfléchit; vous ne direz point, qui fait des réflexions. « L'éléphant semble réfléchir, délibérer, penser. » BUFF. De même, dans une acception moins générale, un homme qui réfléchit n'est pas seulement un homme qui fait des réflexions, car qui n'en fait pas, au moins quelquefois? C'est un homme qui en fait beaucoup, souvent, qui a l'habitude d'en faire; en un mot, c'est un homme réfléchi, qui est réfléchi. Par cette désignation on le caractérise absolument '. Dans un examen, c'est ordinairement le président qui questionne, et non pas, qui fait des questions le premier. Il vaut mieux laisser crier les enfants, et non pas, leur laisser faire des cris, que de courir au-devant de leurs moindres caprices. Vous direz à une personne d'une manière toute générale et absolue : rêvez-vous la nuit? et d'une manière particulière et relative: avez-vous fait des rêves cette nuit, après avoir entendu le récit de cette sombre histoire? « Je lui dis avez-vous fait aussi des rêves cette nuit? Elle rougit et répondit qu'elle révait bien rarement. » MARM. Pour s'élever aux idées générales, l'esprit est obligé d'abstraire, et pour raisonner juste en parlant des opinions d'une personne, nous devons faire abstraction de nos sentiments pour elle. Quand vous avez taché un linge, il est tout taché; quand vous y avez fait des taches, il est taché en certains endroits, parci par-là. Pareillement, le verbe raturer exprime une action unique, continue, complète, qui s'étend à toute la chose: si on rature une

α

4. C'est le même rapport qui existe entre étre faible et avoir des faiblesses. Dans cette dernière locution, le mot des étant partitif, distributif, ôte au sens de sa plénitude et l'affaiblit. On est faible par caractère; on a des faiblesses par accident, par un entrainement de circonstance. On ne peut dire de chacun qu'il est faible; mais personne n'est exempt d'avoir des faiblesses. a Tous les hommes célèbres ont eu des faiblesses, nul d'entre eux n'a été un homme faible. » J. J.-Une différence semblable a été remarquée par Voltaire entre être fantasque et avoir des fantaisies. « Il y a des nuances, dit-il, entre être fantasque et avoir des fantaisies : le fantasque approche beaucoup plus du bizarre. Ce mot désigne un caractère inégal et brusque. L'idée d'agrément est exclue du mot fanAu reste, que le substantif employé avec avoir soit tasque, au lieu qu'il y a des fantaisies agréables. » — au pluriel ou au singulier, l'expression totale garde toujours le caractère que lui donne le de, qui est essentiellement partitif et distributif, et par conséquent propre à diminuer. C'est pourquoi étre ami et étre reconnaissant, par exemple, disent plus qu'avoir de l'amitié et avoir de la reconnaissance. « Cher Deleyre, sans être votre ami, j'ai de l'amitié pour vous, et je suis alarmé de l'état où vous êtes.» J. J. « Tous ceux qui s'acquittent des devoirs de la reconnaissance ne peuvent pas pour cela se flatter d'étre reconnais

sants. D LAROCH.

voyer complimenter un grand, mais non pas lui faire des compliments, à l'occasion d'un événement heureux ou malheureux qui lui arrive. Ce qu'il importe d'exprimer en ce cas, c'est le fait de la démarche et non le genre de discours tenu à la personne complimentée. Mais on est plus

que je n'eusse pas fréquenté longtemps la senora Dalfa et sa nièce, j'avais si bien profité de leurs entretiens, que je savais déjà faire des compliments. » LES. '.

ligne ou une phrase, on l'efface tout entière, il | dit des injures que quand on nous fait des comn'en reste rien. Faire des ratures, au contraire, pliments. » FÉN. Il est d'usage d'aller ou d'ensert à marquer diverses actions partielles, tour à tour interrompues et reprises; en sorte que si on fait des ratures dans une ligne ou dans une phrase, on n'en fait disparaître que certaines parties ou certains mots. Silvio Pellico, dans sa prison, ne recevait les lettres que sa famille lui adressait qu'après qu'une certaine commission you moins habile à faire des compliments. « Quoiavait fait des ratures avec une encre très-noire. Un jour, le geôlier lui en remit une qui avait été raturée de manière qu'il n'y restait plus que ces mots du commencement: Mon cher Silvio, et ceux-ci de la fin: Nous t'embrassons tous de cœur. Un ouvrage qui mérite d'être raturé ne vaut rien, ne contient rien de bon; un ouvrage où il faut faire des ratures n'est pas parfait, mais on peut le rendre tel en le corrigeant. - Même différence entre réprimander et faire des réprimandes. On réprimande durement, vertement, c'est-à-dire qu'on malmène, qu'on traite en maître, avec empire et quelquefois avec menace. Faire des réprimandes a bien moins d'énergie: on fait des réprimandes comme on fait des représentations, en exprimant un simple blâme. «Quelqu'un fit des réprimandes à Aristote de ce qu'il avait donné l'aumône à un méchant homme. >> FÉN.

Ensuite, le verbe a plus de rapport à la forme, et son explication en a davantage à la matière; l'un exprime le mode d'action ou d'occupation du sujet, l'autre a trait à la nature de ce qu'il fait ou de ce qui l'occupe. Cela doit être. Le verbe contient implicitement le substantif, mais sans le laisser apparaître, saillir; au contraire, dans la définition, le substantif est dégagé et mis à nu, et c'est pourquoi il attire particulièrement l'attention sur la nature des choses qu'il signifie. Ne le troublez point, il réfléchit; maintenant - qu'il est ruiné, qu'il a commis la faute, il fait des réflexions. Un observateur de la nature humaine soutiendra que, dans le sommeil, nous révons toujours, quoique nous n'en gardions pas toujours le souvenir; après une journée remplie d'agitation, nous faisons des rêves. Dans les écoles de la philosophie scolastique on argumentait: c'était en général l'occupation à laquelle on se livrait; pour résoudre les questions agitées alors on faisait des arguments: c'est à ce genre de moyen de connaître qu'on avait recours. C'est l'habitude des enfants de questionner les personnes avec lesquelles ils se trouvent; voulez-vous qu'ils vous révèlent ce qu'ils savent, faites-leur des questions. Les enfants crient sans cesse et à tout propos; on fait des cris quand on est violemment affecté, en présence d'un péril, et qu'on appelle du secours. Le verbe complimenter est tout à fait indépendant de ce qui fait le sujet des paroles agréables qu'on adresse. « Avoir fait mille visites de devoirs et de couvents, aller, venir, complimenter, s'épuiser, devenir tout aliénée, comme une dame d'honneur, c'est ce que nous fimes hier. >> Sév. « Le roi Jacques envoya à Rome le duc de Berwick pour complimenter le pape sur son élection.» MONTESQ. Faire des compliments se rapporte aux choses dites en complimentant. Ne nous sentir pas plus émus quand on nous

Il arrive quelquefois aux dictionnaires, dans leur explication du verbe, de ne pas mettre au pluriel et de ne pas faire précéder de l'article le nom de la chose qu'on fait. Exemple: choisir, faire choix. Alors la différence du verbe et de sa définition semble se réduire à celle que constitue l'opposition de la forme et de la matière. Ainsi, choisir est formel, subjectif, significatif du genre d'action en lui-même, et indépendant de l'objet vers lequel porte cette action : c'est à vous de choisir. Faire choix, au contraire, est matériel et exige qu'on indique l'objet précis et particulier du choix faire choix de quelqu'un ou de quelque chose. C'est ce que Girard veut dire, mais ce qu'il exprime peu nettement dans le passage qui suit : « Le mot de choisir marque plus particulièrement la comparaison qu'on fait de tout ce qui se présente, pour connaître ce qui vaut le mieux, et le prendre. Le mot de faire choir marque plus précisément la simple distinction qu'on fait d'un sujet préférablement aux autres. Les princes ne choisissent pas toujours leurs ministres; on n'a pas fait choir en tout temps d'un Colbert pour les finances, ni d'un Louvois pour la guerre.» Mais dans courtiser, faire la cour, la seule différence qu'on puisse saisir est la pre

4. Ni complimenter ni faire des compliments ne proupersonne complimentée. Car complimenter donne souvent qu'on s'intéresse réellement à ce qui touche la vent l'idée d'une simple forme, d'une simple démarche, qui marque seulement qu'on fait attention aux personnes, qu'on ne les oublie pas; et faire des compliments annonce presque toujours, comme faire des amities, qu'on se borne à des démonstrations. C'est d'ordinaire pure cérémonie, d'une part, et pure politesse, de l'autre. a Après la mort d'Elisabeth prétexte de le complimenter sur son avénement fourd'Angleterre, Jacques étant monté sur le trône, le nissait une occasion de sonder son caractère. » COND, a En Italie je fais des compliments à tout le monde; en Allemagne je bois avec tout le monde. » MONTESQ.

Quand il s'agit d'exprimer qu'on prend véritablement part à ce qui arrive aux autres, faut se servir

α

de faire compliment. « Faire compliment à quelqu'un la bonté de me faire compliment sur mon âge de 70 sur son prochain mariage. » LES. « Votre Majesté a ans. » VOLT. (au roi de Prusse). « Le bailli, qui s'était caché dans sa cave pendant le combat, vint faire come pliment au vainqueur. » ID. Quant à faire un compliment, c'est composer, débiter ou lire un disUn enfant fait un compliment à son père le jour de cours dans lequel on complimente, une sorte d'éloge, la fête de celui-ci. « Dans Inės, tragédie de La Motte le rôle de l'ambassadeur de Castille est inutile; e personnage ne parait que dans la première scen pour faire un compliment.» LAB.

mière, celle de l'absolu au relatif, du général au | particulier, de l'habituel à l'accidentel, du sens rigoureux au sens affaibli. On courtise continuellement, avec persévérance; on fait la cour une fois, passagèrement, dans l'occasion. Celui qui courtise est courtisant ou courtisan, c'est pour lui comme un état ou une profession; celui qui fait la cour fait une seule action de courtisan, sans l'être, sans en avoir la qualité, sans que ce soit son caractère ou son genre de vie. Les courtisans d'un prince le courtisent; un voyageur, qui ne fait que passer dans le pays, va faire la cour au prince qu'il désire connaître. Un galant courtise les dames, il les fréquente sans cesse, et en fait pour ainsi dire métier. «N'avons-nous pas employé nos beaux jours à courtiser les dames? » LES. Un jeune homme fait la cour à une jeune personne qu'il doit épouser dans peu. Ensuite l'assiduité, la plénitude d'action, marquée par le verbe, fait qu'il se prend d'ordinaire en mauvaise part; c'est le contraire pour faire la cour, par la raison contraire. On courtise les grands, afin d'en obtenir des faveurs à force d'obsessions et de flatteries; c'est une injure pour eux; et les femmes que l'on courtise sont supposées des beautés peu sévères, des courtisanes. Mais ni les grands ni les femmes ne s'offensent et ne peuvent s'offenser qu'on leur fasse la cour.

Une autre chose à remarquer, c'est que le verbe de la définition n'est pas toujours faire, mais quelque autre verbe presque aussi commun et non moins usuel, comme mettre, avoir, dire, donner. D'où, par exemple, les expressions synonymiques, écarter et mettre à l'écart, c'est-àdire faire disparaître de la vue ou de sa vue quelque chose, envier et avoir envie, c'est-à-dire désirer la possession de ce qu'on n'a pas. Leur différence revient toujours à l'une de celles qui ont été ci-dessus indiquées. Ainsi, mettre à l'écart atténue le sens d'écarter en l'étendant. « Écarter, dit l'Encyclopédie, est plus fort que mettre à l'écart. On écarte ce dont on veut se débarrasser pour toujours: on met à l'écart ce qu'on veut ou qu'on peut reprendre ensuite. Un juge doit écarter toute prévention, et mettre à l'écart tout sentiment personnel. » « Je souhaiterais que la mort écartât d'ici cette femme pour jamais. » MOL. Et dans l'École des Femmes, Arnolphe raconte que de peur des damoiseaux, il a mis Agnès à l'écart dans un couvent. On écarte une question qu'on renonce à traiter; on met à l'écart celle qu'on se réserve pour une autre fois. Suivant Voltaire, « un homme qui veut s'instruire est obligé de s'en tenir au fil des grands événements, et d'écarter tous les petits faits particuliers qui viennent à la traverse.» D'autre part, il écrit au comte d'Argental, à qui il parlait souvent de tragédies, et à qui il comptait bien en parler encore : « Il ne s'agit pas tous les jours de conspirations et d'assassinats. Je mets, pour cette fois, à l'écart les Grecs et les Romains, et je ne songe qu'aux dimes. »

quelque chose de petit, de frivole, de peu considérable. « Les subalternes envient l'autorité des supérieurs : les enfants ont envie de tout ce qu'ils voient. On dit, envier le bonheur de quelqu'un, et, avoir envie d'un mets. » GIR.

De même encore, mentir est plus fort que dire des mensonges, parce qu'il est essentiellement significatif du genre d'action. « L'amour qui loue en nous des perfections que nous n'avons pas, les voit en effet telles qu'il les représente; il ne ment point en disant des mensonges. » J. J. C'est aussi la différence qui existe entre injurier et dire des | injures. Les amants se disent quelquefois des injures sans s'injurier.

Un chien est placé à la porte d'une maison pour chasser les voleurs; et dans un cas particulier il donne la chasse aux voleurs. Un sanglier ravaget-il quelque contrée, les paysans accoutumés à chasser de pareils animaux se rassemblent pour donner la chasse à celui-là. On congédie pour toujours, on donne congé pour un temps. On congédie une armée qu'on licencie, qu'on renvoie sans retour; on donne congé à des écoliers en leur accordant seulement un ou quelques jours de loisir et de repos. D'ailleurs on congédie net, sans formalité, sans ménagement; on donne congé d'une manière plus douce, c'est plutôt une permission qu'un ordre de se retirer. Enfin, et pour supprimer des détails qui seraient à présent superflus, on distinguerait de la même manière louer et donner des louanges, souffleter et donner des soufflets, assister et donner assistance, satisfaire et donner satisfaction, conseiller et donner conseil, etc.

SYNONYMIE DES VERBES RÉCIPROQUEs et de leur
DÉFINITION COMMENÇANT PAR se mettre à.
S'attabler, se mettre à table. S'aliter, se mettre
au lit. S'agenouiller, se mettre à genoux.
Le verbe apparaît dès l'abord comme une ex-
pression recherchée et qu'on emploie bien plus
rarement que la phrase explicative. C'est l'indice
d'une différence plus profonde. En effet, on se
sert de la définition dans tous les cas qui se pré-
sentent fréquemment, c'est-à-dire toutes les fois
qu'il s'agit d'exprimer que quelqu'un prend, pour
un temps et pour des motifs ordinaires, la posi-
tion marquée par le radical; au lieu que le verbe
ne convient que s'il est besoin de désigner l'action
de prendre cette position dans certaines circon-
stances particulières, pour un temps plus long ou
pour des motifs autres qu'à l'ordinaire.

C'est généralement pour manger et boire qu'on se met à table, et l'on y reste pendant un certain temps ordinairement assez court. En pareil cas, on devra toujours dire se mettre à table. Mais lorsqu'on se met à table pour écrire ou pour jouer pendant plus ou moins de temps, on s'attable, et on s'attable aussi quand on se met à table pour prendre un repas, mais qu'on y reste pendant un temps plus long que de coutume.

De même, envier dit plus que avoir envie: c'est On se met au lit pour se coucher, pour se éprouver un sentiment décidé, une sorte de cha- reposer durant quelques heures; on s'alite pour grin à la vue des avantages d'autrui; avoir envie, cause de maladie, et d'ordinaire on garde le lit c'est seulement éprouver un léger désir concernant plus d'un jour. « Les pauvres gens ne s'alitent que

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