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d'être renversé. Si une chose chancelle, c'est le résultat des circonstances; si elle est chancelante, cela tient à sa nature, à sa constitution même. PENCHER, ÊTRE PENCHE; INCLINER, ÊTRE INCLINE. N'être pas d'aplomb ou perpendiculaire à sa base.

son synonyme. S'indigner, c'est se soulever, s'é-
mouvoir contre une personne ou une chose; être
indigné, c'est être intérieurement affecté d'une
certaine manière. On dirait bien, il ne faut pas
s'indigner contre un crime involontaire; car cela
dépend de nous en partie; mais dans ce cas on
ne pourrait se servir d'être indigné, parce que
cette dernière expression marque une manière
d'être fatale et toute passive.

SYNONYMIE D'UN VERBE A L'INDICATIF AVEC CE
MÊME VERBE AU SUBJONCTIF.

fasse?

Ces deux tours de phrase ont cela de commun, qu'ils peuvent être l'un et l'autre employés par un homme qui doute, qui est dans l'incertitude et qui interroge quelqu'un pour en sortir.

Mais d'abord croyez-vous qu'il le fera ? annonce toujours une chose future, et quelquefois, croyezvous qu'il le fasse? une chose présente : vous venez d'ordonner à quelqu'un d'aller faire sur-lechamp telle ou telle chose; et vous me demandez presque aussitôt après, croyez-vous qu'il la fasse? c'est-à-dire qu'il soit actuellement à la faire.

Les deux verbes marquent un état relatif, un penchement et une inclinaison qui commencent, qui se font, qui sont encore faibles; être penché et être incliné désignent un état achevé, permanent. Deux lignes qu'on croit parallèles inclinent cependant l'une vers l'autre : c'est une inclinaison peu sensible et incomplète. De même au figuré, quand on incline vers une chose, on a pour elle Croyez-vous qu'il le fera? Croyez-vous qu'il le un commencement d'inclination; quand on y est incliné ou enclin, on a pour elle un goût bien prononcé. « Les sociniens penchent à l'indifférence des religions. » Boss. « La faiblesse humaine est trop penchée par elle-même au relâchement. » ID. - Ensuite, si une chose penche ou incline, c'est par accident, par le fait des circonstances; c'est par nature qu'elle est penchée ou inclinée. Un arbre penche sous le poids des fruits; le narcisse est penché ou incliné au bord des eaux. Un mur est incliné, quand il incline beaucoup, et depuis très-longtemps, ou qu'il a été bâti obliquement sur le sol. — Enfin, parce qu'ils sont relatifs, parce qu'ils représentent le penchement et l'inclinaison en train de se faire, les deux verbes expriment que le sujet approche de plus en plus de sa ruine. Un état penche vers sa chute, un vieillard vers la tombe. Etre penché, étre incliné désignent un état permanent, qui se suffit en quelque sorte à lui-même, qui ne va point finir par la ruine. - Quelquefois la différence est encore plus grande. Incliner et pencher expriment une action, se disent de choses en action, au lieu qu'être incliné ou penché signifient un état, s'appliquent à des personnes ou à des choses arrêtées, fixes. Dans une course de chevaux, on voit le cavalier et l'animal pencher en avant; le Poussin a fait un tableau où un cavalier et son cheval sont penchés en avant les crins du cheval, les cheveux de l'homme, son manteau, tout est flottant et repoussé par le vent en arrière. » FÉN.

-

Cette première distinction est insuffisante; car le subjonctif qu'il fasse répond également dans notre langue au futur et au présent de l'indicatif d'où il se forme, et il y a des cas où les deux tours s'emploient pour exprimer un doute relativement à une action future: croyez-vous qu'il le fasse signifie pour lors croyez-vous qu'il doive le faire?

La différence en pareil cas est difficile à saisir. Pour la trouver et la concevoir nettement, il faut se faire une idée exacte des rôles de l'interrogation et du subjonctif dans le discours.

On interroge quelqu'un pour savoir ce qu'il pense. L'interrogation ne suppose essentiellement qu'un doute, celui qui se rapporte à l'opinion de la personne interrogée. Quand je vous demande : Pleuvra-t-il? Viendrez-vous avec nous? Quel parti prendrons-nous? il se peut que je sache très-bien à quoi m'en tenir sur tous ces points, et que je veuille seulement connaître ce qu'il vous en sem ble. Je dois sortir dans quelques heures; une personne m'engage à ne le point faire, parce qu'il doit pleuvoir, le ciel étant chargé de nua ges. Quelques instant après, le ciel est parfaite ment pur, le soleil brille, je demande à la même personne Eh bien! pleuvra-t-il? sachant bien qu'il ne pleuvra pas, et n'ayant de doute que sur la pensée ou l'aveu de la personne à qui je parle.

De son côté, le subjonctif a par lui-même et essentiellement pour caractère de marquer le doute sur ce qui fait l'objet du discours : il n'est pas probable qu'il vienne, je n'espère pas qu'il vienne, supposé qu'il vienne.

Remarquez que, à la place du verbe neutre, le verbe réfléchi aurait le même caractère. Ainsi, à incliner et à pencher, on peut substituer s'incliner et se pencher; la différence restera la même, ou peu s'en faut, entre ces derniers, et les expressions, être incliné, être penché. C'est donc définir inexactement s'indigner et être indigné, que de les traduire l'un et l'autre, comme le fait l'Açadémie, par éprouver de l'indignation. Dans s'indigner, l'idée commune est empreinte de relativité; au lieu qu'être indigné, la présente absolument et comme achevée. Celui qui s'indigne est à l'œuvre, en quelque sorte: on peut Ces simples notions peuvent seules aider à dé le calmer. Celui qui est indigné a conçu le senti-couvrir une distinction vraie entre ces deux fament de l'indignation dans toute sa plénitude; l'indignation est sa qualité, son état, sa manière d'être. Pendant qu'il parlait, on voyait les assistants s'indigner peu à peu; après qu'il eut parlé, tous les assistants étaient indignés. De plus, il y a dans s'indigner une idée d'activité étrangère à

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çons de parler si approchantes l'une de l'autre.

Dans croyez-vous qu'il le fera? il n'y a pas nécessairement deux doutes tombant, l'un sur votre croyance, l'autre sur l'événement futur dont il s'agit; il se peut qu'il n'y en ait qu'un, le premier. Je suis persuadé qu'il ne le fera pas, et

c'est comme si je disais : Est-il possible que vous soyez assez bon pour croire qu'il le fera? Au contraire, quand je dis: Croyez-vous qu'il le jasse? mon doute porte à la fois, et sur votre sentiment à l'égard du fait, et sur le fait luimême; c'est comme si je disais : Je ne sais s'il le fera, qu'en pensez-vous?

La difficulté est la même et se résout de même quand les deux verbes sont au présent, l'un au présent indicatif, l'autre au présent subjonctif : Croyez-vous que la lune est habitée et soit habitée ? Quel parti croyez-vous qu'on doit prendre et qu'on doire prendre? En me servant du premier tour, je ne témoigne qu'un doute, celui qui a rapport à votre sentiment. soit que j'aie moi-même une idée arrêtée sur la chose dont il sagit, soit que je n'aie pas dessein de mettre cette chose même en question. Mais quand j'use du subjonctif, je doute doublement, et touchant votre opinion, et touchant la chose sur laquelle je vous interroge. Lorsque Joad dit à Abner dans Athalie: Quel conseil, cher Abner, croyez-vous qu'on doit

suivre?

RAC.

Joad n'est point incertain, il veut seulement sonder les dispositions d'Abner. Mais il montrerait de l'indécision s'il disait : Quel conseil croyezvous qu'on doite suivre?

Du reste, quand même, après croyez-vous, le verbe à l'indicatif indiquerait déjà quelque doute sur la chose en question, ce ne serait à proprement parler qu'une suspension de jugement, que de l'indifférence entre le oui et le non; au lieu qu'avec le verbe au subjonctif on exprime un doute positif, de l'incrédulité. Un prêtre qui enseigne des enfants, et un philosophe qui dispute sans avoir encore une opinion faite, diront: Croyeztous qu'il y a un Dieu et qu'il prend soin de ce qui nous regarde? Mais un athée dira en secouant la tête: Croyez-vous qu'il y ait un Dieu et qu'il prenne soin de ce qui nous regarde?

SYNONYMIE DES VERBES ACTIFS AVEC CES MÊMES VERBES DEVENUS PRONOMINAUX.

Attaquer quelqu'un, s'attaquer à quelqu'un. Ima giner, s'imaginer. Attendre, s'attendre. Apercevoir, s'apercevoir. Etc.

Le verbe actif indique le fait ou l'acte en luimême, ou relativement à l'objet. Le même verbe, devenu pronominal, implique l'idée d'un rapport particulier au sujet : il représente l'action comme plus personnelle, il exprime un retour vers la sujet, il fait penser à lui, aux sentiments qui l'animent, à ses efforts, aux idées qu'il conçoit.

La raison de cette règle est facile à trouver. Le verbe pronominal renfermant le verbe actif doit d'abord signifier la même chose que lui, et comme il y ajoute le pronom, cette addition doit avoir pour effet de rappeler de quelque manière le sujet ou la personne qui agit. L'action du verbe, quand il est pronominal, au lieu de se porter immédiatement sur l'objet qui ne lui sert alors que de complément indirect, au moins pour l'ordinaire, ne l'atteint qu'après avoir, pour ainsi dire, fait retour vers le sujet et en avoir

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reçu quelque modification. Le verbe ordinaire appelle naturellement l'attention sur l'espèce d'action elle-même ou sur l'objet qui est son complément direct; et le verbe pronominal, par sa rétroactivité vers la personne, en fait saillir quelque qualité ou la représente comme ajoutant quelque chose d'elle-mème à l'action.

ATTAQUER quelqu'un, S'ATTAQUER à quelqu'un. Prendre quelqu'un pour objet de ses attaques et de ses coups.

S'attaquer, c'est se porter à attaquer, attaquer avec résolution, et c'est d'ordinaire à plus fort que soi qu'on s'attaque.

Ah! tu sauras, maraud, à ta confusion,
Ce que c'est qu'un valet qui s'att que à son maître.
MoL. (Amphitryon.)

S'attaquer à Dieu (BOURD.), au Créateur (Boss.). Il n'y a dans attaquer d'autre idée que celle du fait l'ayant trouvé sur son chemin, il l'attaqua. Dans s'attaquer il y a de plus un rapport à la personne qui s'en prend à quelqu'un, qui l'entreprend, un rapport aux sentiments particuliers qui l'animent et la rendent si osée, le ressentiment, la haine, la vengeance, l'humeur ou bien l'acharnement de sa volonté et l'ardeur de ses poursuites. En deux mots, attaquer n'exprime qu'un simple acte, l'agression, la provocation, un acte d'hostilité, abstraction faite de toute circonstance; s'attaquer y ajoute l'idée d'un retour vers le sujet et représente celui-ci ou comme ne craignant pas d'attaquer, comme attaquant ouvertement, ou comme animé de telle ou telle passion dans son attaque, ou bien encore comme prenant à partie avec discernement, par choix et préférence, celui-ci ou celui-là, à cause d'un tort vrai ou prétendu. Ce qui est essentiel dans attaquer, c'est le fait en lui-même, et dans s'attaquer, c'est la circonstance toute relative à l'agent, d'oser attaquer, d'attaquer avec acharnement et passion, et telle personne plutôt que telle autre.

IMAGINER, S'IMAGINER. Ces deux verbes signifient se représenter quelque chose dans l'esmédiat, et se faire ou avoir une opinion, quand prit, quand ils ont un nom pour complément imils sont suivis d'une proposition incidente, commençant par que. Ainsi, on dit, d'une part, imaginer et s'imaginer des fantômes; de l'autre, imaginer et s'imaginer qu'on viendra à bout d'une entreprise.

Or, dans les deux cas, ces mots diffèrent de même, c'est-à-dire en ce qu'ils marquent le fait ou l'acte, l'un simplement, l'autre avec une circonstance prise du sujet, savoir qu'il croit à la chose imaginée, qu'il y donne son assentiment.

Il importe de suivre cette distinction dans les deux sens où imaginer et s'imaginer paraissent synonymes.

1o Imaginer, s'imaginer. Se représenter, se faire une idée.

Ces verbes, considérés seulement dans le cas où ils ont un nom pour complément immédiat, signifient tous deux se représenter quelque chose dans l'esprit. Imaginer, c'est se représenter quelque chose d'idéal, qu'on feint, qu'on crée, qu'on invente, sans aucun égard à la réalité de la re

thèse, concevez comme possible que je sois votre père, mais persuadez-vous que je le suis réellement. Nos bons auteurs, qui emploient quelquefois imaginer que, quoique Beauzée l'ait nié, le font suivre ordinairement du verbe pouvoir. J. J. dit de ses ennemis : « Sans doute, ils n'imaginent pas qu'on puisse sincèrement croire en Dieu. » Et ailleurs : « Je n'imaginais pas même qu'on put vouloir nuire à quelqu'un qu'on devait aimer.» « Ils n'imaginaient point qu'il fût possible de traverser les Palus-Méotides. » MONTESQ. « Rome n'imaginait point qu'elle pût être, si elle ne commandait pas. » ID. C'est-à-dire ne concevait pas l'idée d'elle-même comme possible sans le commandement. Imaginer équivaut à concevoir; s'i

qu'une chose peut être; on s'imagine qu'elle est. On peut se tromper dans les deux cas, mais l'erreur est bien plus grande dans le second que dans le premier. J'imagine que je réussirai, c'est-àdire je conçois mon succès comme possible; je m'imagine que je réussirai, c'est-à-dire je me persuade, j'ai la confiance que je réussirai, comme si mon succès était actuel, ou tout au moins assuré. « Quelques anciens ont imaginé que la voie lactée était (c'est-à-dire pouvait bien être) le chemin que tenaient les moindres divinités pour se rendre au conseil du grand Jupiter. » FEN. Sils se sont trompés, c'est une erreur hypothétique, idéale, théorique, un petit mécompte, et non une déception, puisqu'ils ont affirmé, non que la chose était, mais qu'elle pouvait bien être 1.

présentation. S'imaginer, imaginer à soi, pour soi, c'est se représenter quelque chose à quoi l'on croit, à quoi l'on s'attache, qu'on s'impose, qu'on se persuade. Il y a deux manières d'avoir de l'imagination; elles sont exprimées par ces deux verbes. Imaginer, c'est être créateur, c'est avoir de l'imagination, en ce sens qu'on est capable de se former des représentations idéales, hypothétiques. S'imaginer n'est pas seulement conceptif, il joint la croyance à la représentation; c'est avoir de l'imagination, en ce sens qu'on se laisse aisément entraîner à croire à ses conceptions. Dans imaginer se trouve l'imagination du poëte, de l'inventeur; dans s'imaginer l'imagination du rêveur. Dans imaginer, l'imagination produit; dans s'imaginer, elle impose la croyance à quel-maginer à penser, se persuader. On imagine que chose d'imaginé. Imaginer des fantômes et des périls, c'est simplement en produire l'idée dans son esprit; se les imaginer, c'est de plus croire qu'ils existent et avoir peur de sa création: Hoffmann imagine des fantômes, l'enfant s'imagine des fantômes. Pour faire de son imagination un usage convenable, il faudrait n'imaginer que les choses qui peuvent être, et ne s'imaginer que les choses qui sont. Imaginer est plus original, plus inventif; s'imaginer est plus logique, plus abstrait, et ce verbe emportant une croyance est très-rarement suivi d'un nom, mais presque tou- | jours il est suivi d'un infinitif ou d'une proposition incidente, commençant par que. Les géogra- | phes ont imaginé des lignes et des cercles qui coupent le globe en tous sens, mais sans se les imaginer. « Il n'est pas besoin de s'imaginer aucun vide. » P. R. C'est-à-dire qu'il n'existe réellement aucun vide. Dans les sciences hypothétiques, comme la géométrie, on dit à chaque instant, imaginez telle ou telle chose, une ligne qui, etc. Quand on se sert de s'imaginer, c'est qu'il y a croyance à la réalité de la chose. « Il est absurde de s'imaginer des infinis en divers genres. » FEN. C'est-à-dire qu'il existe de tels infinis. << Il n'y a rien de si déraisonnable que de s'imaginer une infinité d'êtres sur de simples idées de logique. » MAL. C'est-à-dire encore qu'il existe une infinité d'êtres. » M. Jourdain : « Je vous dis que ces souliers me blessent. » — Le maître tailleur: « Vous vous imaginez cela. » MOL. « Les Juifs s'imaginaient le Messie tout autre qu'il ne devait

être. » Boss.

1. Se figurer a le même sens général que imaginat et s'imaginer, savoir: se faire une idée, et se faire ou avoir une opinion. Mais, au lieu d'être créateur comme imaginer, et décevant comme s'imaginer, il est figu ratif, pittoresque; il ne donne pas l'être à ce qui n'es point, il représente ce qui est, il en met sous les yeu de l'esprit les formes, la disposition, tous les traits rêveur que désigne se figurer, c'est ce que Voltair Ce n'est plus l'imagination de l'inventeur ni celle d appelle l'imagination de détail et d'expression, cell qui n'est qu'ouvrière, qui travaille sur quelque chos de donné, celle qui distingue le grand écrivain et qu consiste à concevoir vivement le comment, la manière les circonstances d'un fait ou l'extérieur d'un objet ses formes et ses couleurs. Quand on parle d'un géan nous nous figurons aussitôt un homme de haute stature robuste, etc. « Les peintres peignent les choses comm on se les figure. » MAL. Et réciproquement on a figure les choses comme les peintres les peignen

2o Imaginer, s'imaginer. Se faire ou avoir une Effectivement, se figurer est synonyme de se peindr opinion.

Figure-toi Pyrrhus, les yeux étincelants,
Entrant à la lueur de nos palais brûlants....
Peins-toi dans ces horreurs Andromaque éperdue..

RAG.

Ces deux verbes, suivis d'une proposition incidente, commençant par que, signifient, non plus se représenter quelque chose, se faire une idée, mais se faire ou avoir une opinion. Leurs diffé-Ce qu'on se figure est un tableau ou en tableau da rences sont alors analogues à celles qui les distin-frant. >> MASS.« Tout seul qu'il est, on se figure autour l'esprit. « Figurez-vous le spectacle d'un homme sor guent dans le premier sens. Imaginer marque une opinion hypothétique, relative à la possibilité; s'imaginer une opinion sur la réalité. Il imagine qu'il en viendra à bout, c'est-à-dire il conçoit comme possible d'en venir à bout; il s'imagine qu'il en viendra à bout, c'est-à-dire il est dans la ferme persuasion qu'il en viendra à bout. pin dit à Octave : « Imaginez-vous que je suis votre père qui arrive, et répondez-moi fermement. » C'est à dire, non pas, imaginez, faites l'hypo

lui ses vertus et ses victoires. » FLÉCH. « Je ne figu assez, sans la voir, cette magnificence. » MOL. « Sai Augustin, voyant la cour des empereurs de Rome pompeuse et si magnifique, se figurait par proportio la magnificence et la beauté de la cour céleste. » BOUR En fait d'opinion se figurer, ne signifie pas, com ses deux synonymes, une supposition toute gratuite. Sca-figurer, par exemple, qu'on est malade, n'est pas u fiction toute pure, c'est une croyance ou une pens fondée sur quelques indices; mais s'imaginer qu'e est malade est le fait d'un malade imaginaire, & Q

ATTENDRE, S'ATTENDRE. Avoir l'idée qu'une LABR.-Saisir fait penser à l'objet saisi, et se saisir chose arrivera et y compter.

au sujet saisissant; saisir un objet, c'est le pren-
dre; s'en saisir, c'est s'en rendre maître.
TAIRE, SE TAIRE. Taire une chose, se taire
sur une chose; n'en point parler.

Tous deux désignent une prétermission volontaire; mais le second ajoute à l'idée commune celle d'une circonstance particulière au sujet. Il suppose de sa part soin, précaution, discrétion, force de volonté, ou bien des considérations qui lui sont propres. On se tait malgré l'envie qu'on a de parler, on se contraint, on se fait une sorte de violence, et on est assez maître de soi pour ne

L'un se rapporte plus à la chose qui doit arriver et à son arrivée, et l'autre à la personne. On attend plus ou moins longtemps; on s'attend à ce qu'on attend avec confiance. S'attendre exprime la même chose qu'attendre, mais avec cette circonstance, qu'il marque en même temps comment le sujet attend, c'est-à-dire avec persuasion que la chose ne manquera pas d'arriver; de sorte que, si la chose n'arrivait pas, il serait bien trompé. On attend un héritage, une récompense; et on s'attend à un héritage, à une récompense: dans le premier cas, on espère la chose sans trop y comp-point révéler ce qui ne doit point être su; ou bien ter; dans le second, on l'espère et on regarde son accomplissement comme assuré, comme infaillible. S'il s'agit d'un malheur, la conviction qu'il arrivera fait que s'attendre représente la personne comme résignée. Ensuite, et toujours conformement à la régle, on attend plutôt ce qu'on ne craint ni n'espère, comme le retour des saisons, une réponse à laquelle on est à peu près indifférent, tandis qu'on s'attend à ce qui importe beau-fait de taire ses fautes que de les révéler au pucoup ou excite vivement l'intérêt. Enfin, on attend les choses ordinaires, et on s'attend aux choses extraordinaires. Le juste attend une récompense au delà de cette vie; le soldat qui vient | de faire une action d'éclat s'attend à une récompense. On attend le retour des saisons; et des personnes. à l'apparition de certaines comètes, s'attendent à la fin du monde. C'est que les motifs de croire sont, d'une part, communs, généraux, et, de l'autre, particuliers au sujet, puisés en lui

même.

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On aperçoit ce qui se montre, on s'aperçoit de ce qu'on remarque: on apercoit facilement une chose apparente. on s'aperçoit aisément quand on a de la sagacité. Apercevoir marque le fait en luimême et plutôt relativement à l'objet qu'au sujet; s'apercevoir suppose, de la part du dernier, effort, recherche, attention ou grande finesse du regard. On aperçoit une maison; on s'aperçoit de ce qu'on a plus ou moins longtemps épié, afin de le voir, ou de ce qu'on surprend à force de pénétration, comme d'une intelligence, d'une ruse, d'une intrigue, ou enfin de ce qu'on a intérêt à découvrir, comme un vol.

SAISIR, SE SAISIR. Prendre tout d'un coup, mettre la main sur.

Saisir exprime en elle-même et sans aucune circonstance l'action ordinaire d'occuper, de s'emparer. Les enfants ne peuvent d'abord ni marcher ni saisir. » J. J. Se saisir a plus rapport au sujet qu'il représente comme plein d'ardeur et d'avidité, comme se jetant sur la chose ou la personne, comme l'envahissant, comme la garrottant et l'étreignant. «A peine un grand est-il débarqué que Théophile l'empoigne et s'en saisit. »

si, après cela, il se trouve encore quelques théologiens qui se figurent qu'en décriant ces propositions j'ai en vue de les décrier eux-mêmes, je déclare que cette fausse idée ne saurait venir que des mauvais artifices de l'équivoque. » BOIL.

on a par devers soi des raisons toutes particulières de croire que cette révélation entraînerait des inconvénients. Il y a des choses qu'il faut toujours taire; il y en a d'autres à l'égard desquelles chacun, suivant les circonstances, a droit de juger s'il lui convient de se taire. « Il serait honteux de taire des vérités importantes à l'humanité. » RAYNAL. J. J. Rousseau aurait mieux

blic. « Il se tait et fait le mystérieux sur ce qu'il sait de plus important. » LABR. « La vérité est que les plus discrets s'en taisent et n'osent en rire qu'entre eux. » J. J. « Elle ne peut se taire de votre beauté. » SÉV. « Vous chicanez inutilement sur le principe lorsque vous êtes obligé de vous taire sur les conséquences qui suffisent pour anéan tir le précepte de J. C.» PASC. « La princesse des Ursins se taisait sur le traitement qu'elle recevait, et le supportait avec un courage mâle et réfléchi. »S. S.-On dit dans le même sens, et il faut

distinguer de la même manière, cacher une chose, et se cacher d'une chose. « J'ai travaillé moi-même à ce livre, et je ne m'en cache pas. » J. J. «Poltrot ne se cache pas du dessein qu'il avait conçu d'assassiner le duc de Guise à quelque prix que ce fût. » Boss.

RÉSOUDRE, SE RÉSOUDRE À. Prendre un parti, se déterminer à agir de telle ou telle manière.

Résoudre, c'est simplement sortir de l'indécision; se résoudre, c'est en sortir avec peine, en se faisant violence: il en coûte de se résoudre, on n'y parvient qu'en luttant contre soi-même.

A la fin, par nos raisons gagnée,

Elle se résolut à souffrir la saignée. MOL. Celui qui est résolu de faire une action n'éprouve plus d'embarras, sait à quoi s'en tenir sur la conduite qui lui convient; celui qui s'est résolu à la faire a trouvé en lui-même une résistance qu'il a dû vaincre. « J'ai eu toutes les peines du monde à vaincre son scrupule et ce n'est que d'aujourd'hui qu'elle s'est résolue à accepter le dia

mant.» MOL.

TIR. Eprouver quelque chose d'agréable ou de SENTIR, SE SENTIR; RESSENTIR, SE RESSENfâcheux. On se sent de la goutte et des infirmités de la vieillesse, comme on les sent. On ressent l'influence, ou l'on se ressent de l'influence de la température, d'une doctrine, d'une administration bonne ou mauvaise; on ressent la munificence d'un prince, ou l'on s'en ressent.

Se sentir et se ressentir ne présentent pas l'ac

de sa peine.

REVÊTIR un habit, SE REVÊTIR d'un habit. Le mettre ou s'en couvrir.

tion d'une manière aussi directe et aussi pleine | l'ouvrier que cette opération soulage et délivre que les verbes actifs; ils signifient éprouver quelque chose, soi aussi, pour sa part, n'y être pas étranger, ou n'en être pas exempt. Ils expriment donc la même chose, mais à un moindre degré. Celui qui se sent ou qui se ressent, sent ou ressent en partie ou de loin, à une distance plus ou moins grande de l'impression.

Les formes que revêt la pensée sont telles ou telles; les formes dont se revêt la pensée la rendent telle ou telle.

Revêtir se rapporte à l'habit, et se revêtir, à la personne. Tant que vous n'avez pas revêtu un habit, il est nouveau ou inaccoutumé pour vous, et on ignore s'il vous va; tant que vous ne vous êtes pas ACQUITTER, S'ACQUITTER. On acquitte un de- revêtu d'un habit, vous n'y êtes pas accoutumé, et voir, un vou, une promesse, et on s'en acquitte. on ignore si vous aurez bon air avec. Un habit est Mais acquitter est tout objectif, et s'acquitter véritablement neuf quand on ne l'a jamais revêtu; subjectif: l'un fait penser à la chose sur laquelle un peuple est véritablement sauvage quand chez tombe l'action, et l'autre à la personne d'où part ce peuple on ne s'est jamais revêtu d'habits. Vous l'action. Si vous acquittez votre promesse ou votre donnez à un pauvre des habits inutiles ou que vou, la chose promise ou vouée sera faite, réalisée; vous ne mettez plus pour qu'il les revêtisse et afin si vous vous en acquittez, vous en serez quitte ou de ne les pas laisser périr de vétusté; vous donlibre, vous n'aurez plus à y songer. L'obligation | nez des habits à un pauvre pour qu'il s'en revêqu'on acquitte est un objet, un acte notarié; l'o- tisse et afin qu'il soit à l'abri des injures de l'air. bligation dont on s'acquitte est quelque chose d'idéal et de propre aux personnes, à la personne qui agit: l'obligation que vous avez acquittée n'a plus de valeur, l'obligation dont vous vous êtes acquitté ne vous pèse plus. - A peine est-il besoin d'ajouter que c'est toujours de quelque chose de personnel qu'on s'acquitte, et que c'est quelquefois les autres qu'on délivre en acquittant. Le maréchal de Coigny avait toujours traité sévèrement le poëte Bernard, qui lui était attaché. « Mais en mourant il le recommanda vivement à son fils, en le priant de réparer ses torts; devoir que celui-ci se fit un plaisir d'acquitter, et qu'il acquitta pleinement. » LAH. - Enfin on acquitte quelquefois mais on ne s'acquitte jamais, involontairement. Fontenelle donnait constamment sa voix (pour entrer à l'Académie) à l'abbé Trublet, « par un sentiment de reconnaissance dont le philosophe ne s'apercevait peut-être pas.lui-même, et qu'il acquittait comme sans le vouloir. » D'AL.

α

DÉPOUILLER une chose, S'en DÉPOUILLER. La quitter, s'en défaire. On dit également au figuré, dépouiller son orgueil, sa fierté, la haine, l'artifice, et s'en dépouiller.

RIRE, SE RIRE de quelque chose. Ne pas s'en soucier, s'en moquer.

On rit de ce qui se montre risible, on se rit de ce qu'on trouve ridicule. Quand de mauvais plaisants font rire le monde en employant des termes qui ne sont pas du bon usage, on ne rit pas de ce qu'ils disent, mais on se rit d'eux (VAUG.). La première expression énonce le fait simplement et le présente comme provoqué par l'objet; la seconde ajoute à l'idée du fait celle de la hardiesse du sujet et de son opinion particulière sur la valeur de l'objet. On distinguerait de même jouer quelqu'un et se jouer de quelqu'un, c'est-à-dire le tromper.

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SYNONYMIE DES VERBES ACTIFS ET DE LEUR DÉFI

NITION COMPOSÉE DU V ERBE rendre ET D'UN AD-
JECTIF QUI LEUR CORRESPOND POUR LE SENS ET
POUR L'ÉTYMOLOGIE.

Engraisser, rendre gras. Chauffer, rendre chaud. Roubaud a très-bien établi la différence de Aiguiser, rendre aigu. Populariser, rendre ces deux locutions. « L'action de se dépouiller populaire. Endurcir, rendre dur. Éclaircir, d'une chose, dit-il porte directement sur le surendre clair. Embellir, rendre beau. Etc. jet qui se dépouille; l'action de dépouiller la Deux différences principales empêchent de conchose porte directement contre l'objet dont on fondre ces expressions synonymiques. D'abord, veut être dépouillé. La première de ces images le verbe montre à l'œuvre; sa définition montre attire principalement votre attention sur la per-l'oeuvre. En engraissant on rend gras, de même sonne vous assistez en quelque sorte à son dépouillement. Par la seconde, votre attention est plutôt fixée sur la chose, vous verrez tomber sa dépouille. Si le prince se dépouille de sa grandeur, vous le voyez tel qu'un homme privé s'il la dépouille, vous la voyez s'évanouir. » Il est difficile de nous dépouiller des choses auxquelles nous tenons beaucoup, de nos goûts, de nos habitudes, de nos préjugés, et de dépouiller celles qui tiennent beaucoup à nous, les sentiments de la nature, l'humanité, la pudeur.

DÉCHARGER, SE DÉCHARGER.. Un portefaix décharge un fardeau et s'en décharge, c'est-àdire qu'il le dépose.

L'esprit se porte, d'un côté, vers le fardeau que l'on voit changer de position, passer de l'épaule de l'ouvrier sur la terre; de l'autre, vers

qu'en chauffant on rend chaud, de même qu'en aiguisant on rend aigu. C'est la même chose envisagée, là, du côté du sujet et de son action, ici, du côté de l'objet et du résultat qu'il subit, c'est-à-dire qu'on insiste, d'une part, sur l'action en la présentant dans son accomplissement, et, de l'autre, sur la qualité en la dégageant du verbe auquel elle est mêlée, en la mettant en saillie, en la faisant voir séparée, en la signalant en dernier lieu à l'attention, de telle, sorte que nous croyons voir l'action se passer sous nos yeux. Une fermière dira: J'engraisse de la volaille; c'est là ce dont elle s'occupe, et: Cette volaille que j'avais achetée maigre, je l'ai rendue grasse; c'est là l'espèce de modification qu'elle a fait subir à l'objet. Lorsqu'on entend dire qu'une chose a été popularisée, on demande naturelle

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