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qu'un homme ne fait point par raison. » FÉN. Ne doit-il pas se préparer tranquillement à la perte de son procès, loin d'en marquer d'avance un dépit d'enfant?» J. J. « Je n'ai plus ni humeur ni dépit contre les pagodes au milieu desquelles je vis. » ID. « Je me suis crue abandonnée, et, dans mon dépit, j'ai reçu la main du connétable que mon père m'a présentée. » LES. Je fis des réflexions, sans toutefois mépriser moins les menaces de la colère du roi et du dépit de Mme de Maintenon. » S. S.

Ira, nom latin de la colère, nous a donné ire, autrefois usité dans les cas où nous employons à présent courroux. On a dit l'ire comme la superbe, dans le grand, en parlant de Dieu et des souverains, par exemple : « Vierge sainte, apaisez sur les ennemis de l'Eglise l'ire formidable de Dieu.» Boss.

ou d'art. Une bibliothèque est une collection de livres; un livre est un recueil de pensées.

Quelquefois cependant on se sert des deur mots en parlant des mêmes choses: collection ou recueil de plantes, de livres, d'estampes, de lois, de vaudevilles, des productions d'un auteur. Alors collection, en vertu de sa particule initiale cum (collectio, de cum legere, prendre ou rassembler avec, ensemble), marque multiplicité, grand nombre de choses; il est collectif ou compréhensif. Par opposition, recueil exprime quelque chose de moins étendu ou de plus petit. On donne la collection des conciles, des pères, des canons, des classiques latins; et un recueil de poésies fugitives, ou de bons mots. On donne la collection du tout, et le recueil d'une partie. << Nous n'avons pas plus de temps qu'il ne nous en faut pour rassembler assez de portefeuilles et de papiers pour l'immense collection (de plantes) que nous allons faire.... J'ai été assez heureux pour pouvoir insérer dans le petit recueil (herPuis, passant d'un extrême à l'autre, comme il bier) que j'ai eu l'honneur de vous envoyer quelarrive presque toujours à l'égard des plus belles ques plantes curieuses. » J. J. Cela se trouve expressions qui tombent ainsi en désuétude, on dans une lettre que j'ai depuis insérée dans la ne s'est plus servi du mot ire que par forme de collection de mes œuvres.... De là me vint le probadinage dans la poésie familière ou heroï-comi-jet de faire cette ode que vous trouverez dans le que. Dans l'Amour médecin de Molière, un mar- recueil de mes poésies. » MARM. - La collection chand d'orviétan dit :

Quand quelque Dieu, voyant ses bontés négligées,
Nous fait sentir son ire, un autre n'y peut rien.

LAF.

Admirez mes bontés, et le peu qu'on vous vend
Ce trésor merveilleux que ma main vous dispense.
Vous pouvez avec lui braver en assurance
Tous les maux que sur nous l'ire du ciel, répand.

On lit dans la Pucelle de Voltaire :

Tels La Trimouille et le dur Tirconel
Se préparaient au terrible duel

Par ces propos pleins d'ire et de menace.
La bile est proprement le symbole physiologi-
que de la colère: elle ne se prend pour la colère
même que dans le discours commun, et encore il
est bon que le mot bile soit mis avec d'autres
mots qui rappellent sa signification originaire:
émouvoir la bile, décharger ou retenir sa bile.

COLLECTION, RECUEIL, COMPILATION (RAPSODIE, RAMAS, RAMASSIS). Assemblage de choses qui sont ou qu'on donne pour être belles ou curieuses, propres à plaire ou à instruire.

Collection et recueil ne se disent pas proprement des mêmes choses. On fait collection d'objets, tableaux, armes, médailles, antiquités de toutes sortes, coquilles, minéraux, insectes, ou choses semblables, c'est-à-dire qui ne sont pas de nature à composer un tout. Mais on fait un recueil de pièces, d'écrits, d'actes, de discours, d'anecdotes, de chansons, de lettres, de contes; choses qui peuvent être jointes ensemble de manière à former corps. « Collection se dit des choses qui continuent d'être autant de touts séparés, et qui ne sont réunies que parce qu'elles sont renfermées dans un seul lieu; recueil se dit des choses qui sont plus faites pour se réunir en un seul tout. » COND. La collection vous présente des objets étalés les uns à côté des autres dans des galeries, des cabinets, des rayons, des cases; le recueil vous présente réunies en un seul volume, en un seul cahier, differents fragments, morceaux, extraits ou opuscules de littérature

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a pour qualités d'être grande, volumineuse, riche, complète. Les qualités du recueil se tirent de la nature des choses qui y sont contenues, ou, suivant la force de la particule initiale re, du soin qu'on a mis à les choisir. Voilà ce que j'appelle les ruses du comte de La Blache. Mais cette consultation de l'adversaire ne mériteraitelle pas aussi de trouver place en ce recueil ingénu des ruses, puisqu'elle-même en est la plus ample collection?» BEAUM. Lorsque après la mort de Saint-Evremond on rassembla dans une volumineuse collection tous ces fragments épars qui, séparément, avaient fait tant de fortune; ce recueil, qui montrait Saint-Evremond tout entier. le réduisit à sa juste valeur. » LAH. Voltaire dit au sujet d'une grande bibliothèque de deux cent mille volumes : « Dans cette immense collection de livres, il y en a environ cent quatre-vingt-dix neuf mille qu'on ne lira jamais, du moins de suite. » Et J. J. Rousseau, dépeignant les Neufchâtelois : « Les paysans mêmes sont instruits; ils ont presque tous un petit recueil de livres choisis qu'ils appellent leur bibliothèque. » Pour faire de belles collections, il faut du temps, des moyens extérieurs de toute espèce, du savoir, de la patience; pour faire un bon recueil, il faut d'ordinaire des lumières, du goût, de la critique, du discernement.

La compilation est une sorte de recueil littéraire. Mais, au lieu que dans le simple recueil se trouvent réunis des morceaux laissés tels quels, intacts, ceux qui entrent dans la compilation ont été employés et traités comme des matériaux, modifiés, abrégés, fondus ensemble, et il en est résulté, non pas un répertoire, mais un ouvrage. Un recueil est bon, si les pièces qu'il contient ont de la valeur et ont été bien choisies; une compilation est bonne, si elle est bien faite: « L'histoire ancienne de Rollin est encore la

meilleure compilation qu'on ait en aucune ROLL. « Le grand principe de Paul Emile était langue, parce que les compilateurs sont rarement qu'un commandant, plus que tout autre, doit éloquents, et que Rollin l'était. » VOLT. « Le ju- écouter les conseils. » ID. « Les chefs sentent gement que vous portez sur l'œuvre posthume dans le fils d'Ulysse je ne sais quelle autorité d'Helvétius ne me surprend pas. Son ouvrage à laquelle il faut que tout cède l'expérience des est plus capable de faire du tort que du bien à vieillards leur manque; le conseil et la sagesse la philosophie ; j'ai vu avec douleur que ce n'était sont ôtés à tous les commandants.... Il fait le tour que du fatras, un amas indigeste de vérités tri- en diligence, et tous les capitaines les plus exviales et de faussetés reconnues. On trouve d'ail- périmentés le suivent. » FÉN. leurs dans cette compilation irrégulière beaucoup de petits diamants brillants semés çà et là. » In.

Avec ces mots Leroy a comparé, suivant l'indication de Girard, rapsodie et ramas, auxquels Condillac a joint ramassis. Mais rapsodie, ramas et ramassis ont cela de particulier par rapport à collection, recueil et compilation, qu'ils se prennent toujours en mauvaise part. Ensuite, pour ce qui regarde les différences à mettre entre eux, rapsodie est purement littéraire, comme compilation, et familier; sans compter que le défaut qu'il suppose provient plutôt de l'incohérence et de la bigarrure des matières que de leur nature ou de leurs qualités. Ramas et ramassis, ce qu'on a ramassé, pris par terre, dans la poussière ou dans la boue, se disent, au contraire, par mépris, et non pas familièrement et par badinage, d'une réunion de choses quelconques ou même de personnes, par elles-mêmes viles ou mauvaises. Ramas et ramassis ont été distingués l'un de l'autre dans la Ire partie, p. 192. COMMANDANT, CAPITAINE, GÉNÉRAL. Dans un sens très-étendu et sans relation au grade particulier, ces mots désignent des chefs militaires.

Commandant, celui qui commande, signifie dans une armée un officier considéré comme un supérieur, et non pas comme un guerrier, comme un homme qui exerce plus ou moins bien le métier des armes. Ce qui distingue nettement le commandant du capitaine et du général, c'est qu'on se le représente, abstraction faite de sa conduite sur le champ de bataille. « Ces troupes campées autour de la ville, se mirent en marche sous leurs commandants. » FÉN. « Spartacus fit combattre trois cents prisonniers romains aux funérailles d'un des commandants de son armée. » LAH. « Ni la marche des troupes, ni le campement des armées, ni les quartiers d'hiver, ni le séjour des commandants dans une ville n'étaient à charge à personne. » ROLL. << Cyrus le Jeune se mêlait avec le simple soldat, mais sans que la dignité de commandant en souffrit. ID. L'éclat des plus grandes victoires ne mettait point à couvert des recherches des tribuns le général qui n'avait pas assez ménagé la vie de ses soldats, ou qui, pendant la campagne, les avait traités avec trop de hauteur il fallait qu'il sût allier la dignité du commandant avec la modestie du citoyen. » VERT. - Que s'il y a quelque chose de remarquable dans le commandant, c'est la tête plutôt que la main, ce sont les qualités intellectuelles, et non pas les qualités d'exécution. « Ce n'est point de cent mille bras qui composent une armée que dépend la victoire, mais de la tête du commandant. »

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Le capitaine et le général sont des hommes d'action, des chefs qui dirigent dans les opérations de la guerre et surtout dans les combats. Ils diffèrent cependant l'un de l'autre de plusieurs facons.

1o Capitaine est qualificatif et attribue de la valeur comme guerrier; au lieu que général marque plutôt un simple titre. Le général Merci était regardé comme un des plus grands capitaines (VOLT.). « Louvois persuadait à Louis XIV qu'il était plus grand capitaine qu'aucun de ses généraux. » S. S. « Ce député (parvenu au Capitole) annonça la victoire de Camille, et il demanda, de la part de tous les Romains qui étaient dispersés, ce grand capitaine pour leur général. » ROLL. 2° Quand général se prend comme capitaine dans le sens qualificatif, il annonce du génie, quelque chose de naturel, et non pas, comme capitaine, quelque chose d'acquis, de l'expérience. « La plupart des grands capitaines sont devenus tels par degrés. Condé était né général; l'art de la guerre semblait en lui un instinct naturel.... Il n'y avait en Europe que lui et le Suédois Torstenson qui eussent à vingt ans ce génie qui peut se passer de l'expérience.» VOLT. 3° Capitaine dit moins que général sous tous les points de vue : il exprime une capacité moins haute ou moins vaste, un talent qui s'exerce sur une plus petite échelle, à la tête d'un corps et non de toute une armée, ou bien il s'applique à des hommes dont le nom a jeté un moindre éclat. « Les ministres de Louis XIV étaient alors les plus forts de l'Europe, ses généraux les plus grands, leurs seconds les meilleurs et qui sont devenus des capitaines en leur école. » S. S. « Scipion tenait le premier rang parmi les capitaines et les généraux de la république. » VERT. « C'est dans ces occasions qu'un simple capitaine pouvait quelquefois faire une plus grande fortune dans ces pays (de l'Inde) qu'aucun général parmi nous. » VOLT. << Alors les pirates formèrent des armées; leurs capitaines devinrent des généraux. » ROLL. « Ces deux capitaines, Annibal et Scipion, dignes d'être mis en parallèle avec ce qu'il y avait jamais eu de plus grands princes et de plus fameux généraux. » ID. « Ces historiens (Thucydide, Xénophon, Polybe) étaient en même temps excellents capitaines.... Ils apprennent par l'exemple des plus grands généraux de l'antiquité, et par une sorte d'expérience anticipée, comment il faut faire la guerre. » ID.

COMMANDEMENT, ORDRE, (PRESCRIPTION), PRECEPTE, INJONCTION. Déclaration de volonté qui détermine ce qu'un autre doit faire.

Commandement est général; ordre, particulier celui qui a le commandement donne un

simple invitation. « Dieu ne conseille pas seulement au riche d'entretenir le pauvre, ne l'y exhorte pas seulement, mais le lui enjoint, et lui en fait un devoir rigoureux. » BOURD. « L'Eglise commande expressément aux enfants baptisés de garder inviolablement ces dispositions; et elle enjoint, par un commandement indispensable, aux parrains d'instruire les enfants de toutes ces choses. » PASC. Au reste, injonction et enjoindre

ordre. En vain le Sauveur veut imposer silence à la multitude; malgré le commandement qu'il leur fait, et plusieurs ordres réitérés de sa part, ils élèvent la voix. » BOURD. « Le corps est remué et transporté d'un lieu à un autre au commandement de l'âme : les yeux et les oreilles se tournent où il lui plaît, les mains exécutent ce qu'elle ordonne.... » Boss. Le prince, qui commande à ses sujets, leur ordonne telles ou telles choses, dans tels ou tels cas. Dieu ou la loi com-se disent surtout en termes de jurisprudence et mande certaines choses; le médecin ordonne un d'administration. « Philippe de Valois enjoint, remède à un malade. · On obéit au commande- dans son ordonnance, aux officiers des monnaies ment, on exécute l'ordre le commandement de tromper les marchands de façon qu'ils ne s'aémane de l'autorité, de Dieu ou d'un souverain; perçoivent pas qu'il y ait mutation de poids. » et l'ordre, du pouvoir, d'une puissance déléguée VOLT. « Le 23 février 1771, six parlements nouet subalterne, qui ordonne, arrange, dispose se- veaux furent institués sous le titre de Conseils lon ses intentions. Celui qui gouverne commande, supérieurs, avec injonction de rendre gratis la ses agents ordonnent. J. C. devait paraître dans justice. » ID. « Si j'avais été juge, j'aurais donné le temple, comme le fils de la maison, pour y or- toute raison à Beaumarchais, mais j'aurais supdonner ce que son père avait prescrit. » Boss. A primé ses Mémoires avec injonction d'être plus la place de prescrit, commandé conviendrait tout circonspect. » LAH. « Saturnin fit rendre un déCommandement est formel et a rap- cret par le peuple portant injonction aux consuls port à la manière; ordre est matériel et relatif au de faire publier qu'on interdisait le feu et l'eau à fond des choses; on commande rudement, on or- Métellus. » ROLL. donne des cruautés. Enfin, le commandement étant plus général est aussi plus vague. L'équité commande, la justice ordonne. On commande simplement; on ordonne sous des peines. Ce qui commande l'admiration ne l'exige pas absolument, n'en fait pas un devoir, une loi.

autant 1.

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Il est inutile d'ajouter à ces mots, comme l'a fait Girard, celui de jussion, qui n'est plus usité aujourd'hui et dont les dictionnaires donnent une définition qui ne laisse rien à désirer.

1° COMMENCEMENT, NAISSANCE; — 2o ORIGINE, SOURCE. Ces mots se disent des choses en tant qu'elles viennent à être, et en marquent le point initial ou le point de départ.

Le précepte est d'un précepteur, d'un homme qui enseigne. Ce mot n'appartient pas, comme les deux précédents, au langage ordinaire, mais Mais commencement et naissance représentent au style doctoral. Il signifie une maxime, une rè- les choses elles-mêmes arrivant à l'existence, gle de conduite. On cède ou on résiste au com- commençant ou naissant; tandis que origine et mandement et à l'ordre, ils sont plus ou moins source indiquent d'où elles viennent, d'où absolus; on se laisse ou on ne se laisse pas gui- elles sortent, d'où elles découlent. Le comder par le précepte, il est plus ou moins sage. mencement de la guerre est un acte d'hostilité On est sous l'empire, sous la domination du par lequel elle débute; son origine, c'est quelmaître qui commande ou ordonne; le précepte que chose d'antérieur qui l'a amenée. Le comsuppose un maître qui instruit et dirige. Les pré-mencement de nos maux en est la première ceptes de la religion et de la philosophie nous apprennent à nous soumettre aux commandements et aux ordres de ceux dont nous dépendons.

L'injonction est un commandement ou un ordre exprès, auquel il faut indispensablement obéir, et qui s'éloigne le plus d'un simple conseil, d'une 1. Prescrire signifie commander ou ordonner avec précision, en décrivant ou en assignant le comment, les limites, le degré. «Juger selon les formes prescrites. PASC. « La nature ne veut pas que les animaux passent les limites qu'elle leur a prescrites. »

ID.

α

Scipion ne fait rien que Rome ne commande,
Rien qui ne soit prescrit par nos communs traités.

VOLT.

«Le plénipotentiaire a son fait digéré par la cour, les moindres avances qu'il fait lui sont prescrites. » LABR. Il faut faire docilement ce qui est commandé ou ordonné, et exactement, à la lettre, ce qui est prescrit. On suit un régime ordonné, et on le suit tel qu'il est prescrit: « Quand vous êtes malade, est-il un régime que vous ne suiviez tel qu'il vous est prescrit?» BOURD. On peut commander ou ordonner, mais non pas prescrire, en laissant indécis ou indé terminé le lieu, le temps, la manière, les moyens. «Nous fimes les libations ordonnées (par Circé) et les vœux prescrits pour les ombres. » FÉN.

partie; leur sourse est ce d'où ils émanent. La naissance d'une personne donne l'idée de cette personne elle-même venant au monde; son origine fait concevoir le lieu d'où elle est issue. Et, dans le sens d'extraction, la naissance d'une personne exprime la noblesse de la famille où elle est née; son origine fait connaître l'antiquité de sa race. L'homme né à Paris y a vu le jour pour la première fois; celui qui est originaire de Paris descend d'ancêtres qui étaient Parisiens. Nous tenons à nos parents par la naisssance, à Adam et à Dieu par notre origine. « Comme le sang des rois fait passer avec lui dans leurs enfants le courage et la magnanimité de leurs ancêtres et des sentiments dignes de leur naissance, on voudrait que le sang de J. C., en coulant dans vos veines au pied de l'autel, vous rendit les images vivantes de J. C. et vous inspirât des sentiments dignes d'une si haute origine.» MASS. Une chose prend commencement ou naissance comme elle prend fin; une chose tire son origine ou sa source de plus ou moins haut ou loin.

1° Commencement, naissance. Première partie ou première apparition, premier acte de présence des choses qui viennent à être.

Commencement est général; naissance ne se dit que des animaux : le commencement d'une maladie, la naissance d'un enfant. Le commencement est opposé à la fin, la naissance à la mort. Lorsque naissance se prend au figuré, il diffère moins, mais il diffère toujours de son synonyme. Il ne convient qu'en parlant des choses qui peuvent être considérées comme ayant une sorte de vie et comme étant susceptibles, non pas seulement de durée et d'extension, mais d'accroissement: la naissance d'un Etat (ACAD.), de l'Église (PASC.), d'une sédition (ACAD.), d'un incendie (BOURD.), du lutheranisme (ID.). On dit le commencement et non la naissance d'une page. D'ailleurs, au lieu que commencement est un terme abstrait, qui signifie, et n'exprime pas, naissance est un mot concret, qui dépeint un événement, qui parle à l'imagination. Commencement du monde ou du printemps désigne une époque naissance du monde ou du printemps fait assister en esprit au débrouillement du chaos et aux premières circonstances, aux premières scènes, par lesquelles la nature ouvre la belle saison. On fait un voyage au commencement du printemps; un poëte décrit la naissance du printemps.

2o Origine, source. Ces mots servent à faire connaître d'où procèdent les choses qui viennent à être.

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COMMERCE, NÉGOCE, TRAFIC. Ces trois mots expriment une sorte d'industrie qui consiste à procurer des denrées ou des valeurs pour d'autres ou pour de l'argent.

Commerce, commercium, est le seul traduit exactement d'un mot latin dont le sens reproduise l'idée commune. Il est formé de cum, avec, ensemble, et de merx, merces, marchandises : il signifie proprement échange de marchandises. Dans toutes ses acceptions figurées se retrouve cette idée d'échange, de communication réciproque commerce d'idées, de sentiments, de lettres; le commerce de la vie, le commerce du monde; le commerce des savants, de deux amis, des époux. Commerce est le terme général, le seul fréquemment usité, celui qui peut presque toujours remplacer les deux autres, et auquel souvent les deux autres ne peuvent être substitués. Il se dit seul d'une manière absolue en termes d'histoire, d'administration ou de législation pour représenter simplement et sans aucun accessoire, par rapport à l'humanité tout entière, ou à une nation, ou aux individus, ce développement de l'activité de l'homme qui fait passer et circuler les choses des uns aux autres par échange.

Négoce vient du latin negotium (nec otium, privation de loisir), occupation, affaire. Il ne Origine est pris au propre, source au figuré. désigne pas le fait de l'échange, mais les soins, Origine se dit à l'égard de tout ce qui s'élève ou les occupations, les démarches, les calculs, les se produit, oritur, comme les astres s'élèvent combinaisons pour arriver à cette fin. Les accepen partant de l'Orient l'origine d'un homme, tions dérivées de ce mot le témoignent comme d'une guerre; l'origine d'un mot, de la civilisa- son étymologie. Négocier, négociation, négocia tion. Source, en conséquence de sa signification teur, marquent l'action de traiter, de manier, primitive, qui ne doit jamais être perdue de vue, de conduire avec art, avec travail, des affaires peut être employé uniquement quand il est ques- publiques ou privées. On négocie un traité, une tion, non pas de choses individuelles ou ab- alliance, un mariage, un accommodement. - Au straites, insaisissables à l'imagination, mais de lieu que commerce exprime simplement le mode choses propres à être représentées comme se d'industrie en général ou en particulier, négoce succédant ainsi que les eaux d'une fontaine, et fait concevoir la profession qu'on exerce avec plus comme ayant un cours. Une source de misères ou moins de talent, et montre la pratique, le (J. J.). La tradition est la vraie source de la détail et le tracas des affaires commerciales. On vérité. » PASC. « Il faut remonter jusqu'à cette s'enrichit par le commerce; ce qui fait entendre origine de la guerre de la Hollande.... Cette uniquement que ce n'est pas par tel ou tel autre guerre est la vraie source de tous les maux que genre d'industrie; on quitte le soin de son nela France souffre. » FÉN. « Jésus-Christ mon- goce (MOL.); on est exercé dans un négoce (Mass.); trait clairement, par les livres sacrés, que son on est engagé dans les soins d'un légitime néorigine remonte jusqu'à la source du genre hu- goce (BOURD.); on voyage pour les affaires de son main. » ID. De plus, l'origine a un carac- négoce (FÉN.). « Après avoir acquis dans son com tère théorique: on cherche à la connaître, elle merce une fortune honnête, il quitta sur ses est plus ou moins obscure, plus ou moins difficile vieux jours le négoce et les affaires et mit un à découvrir. La source a un caractère pratique, intervalle de repos et de jouissance entre les on y puise, elle est plus ou moins abondante. tracas de la vie et la mort. » J. J. « Colbert étant L'historien doit s'enquérir des origines, et puiser sans lettres, élevé dans le négoce, et chargé par dans les sources. On remonte à l'origine, on re- Mazarin des détails d'affaires, ne pouvait avoir de court à la source. « La providence de Dieu, étant goût pour les beaux-arts; ses grandes vues pour l'unique et véritable cause de nos maux, l'arbitre la finance et pour le commerce ne s'étendirent et la souveraine, il est indubitable qu'il faut re- pas d'abord jusqu'aux arts aimables.» VOLT. courir directement à la source et remonter jus-« Comme, en Suisse, les sujets en général ont qu'à l'origine, pour trouver un solide allége- très-peu de commerce, le négoce n'est assujetti ment. PASc. Origine, substitué à source dans à aucune charge, excepté de petits droits d'entrela phrase suivante de Massillon, serait d'une impropriété sensible : Si la justice et la piété dans les grands prennent la place des passions et de la licence, qu'elle source de bénédictions pour les peuples! »

pôt. » MONTESQ. Les Phéniciens étaient nés avec un génie si heureux pour le négoce, qu'ils furent regardés comme les inventeurs du commerce de mer. » ROLL. Comme négoce signifie l'exercice du commerce, ceux qui sont voués par

COMMIS, EMPLOYÉ. Ces mots représentent sous le rapport de leur condition des agents, des personnes subordonnées à d'autres et payées par elles pour faire à leur place certaines affaires.

état à cet exercice s'appellent plutôt négociants | donnera à Tyr des facilités pour rétablir son que commerçants; et c'est pourquoi negociant négoce et son crédit, elle retournera à son trafic est bien plus usité que commerçant, quoique honteux. » ROLL. « Les hypocrites font trafic de négoce le soit bien moins que commerce. Au la religion. » J. J. « Les Circassiens font trafic reste, négoce ne signifie pas seulement en gé- de leurs filles. » VOLT. « Luther éleva sa voir néral le commerce par rapport à sa pratique et contre le trafic de tous les objets de la religion.. aux occupations de ceux qui s'y livrent, mais ID. « Constantin permit aux pères de vendre aussi, en particulier, l'espèce de commerce ou leurs enfants, mais il ne permit ce trafic qu'aux d'occupation de certains agents, placés entre le pauvres. » ID. Autrefois, en France, on achetat producteur et le consommateur pour moyenner les emplois de judicature: c'était, suivant l'exles échanges, et travaillant à les mettre en rap- pression de Voltaire, un trafic honteux. port, à les rapprocher, à faciliter les ventes et les achats. En ce sens le négoce est moins étendu que le commerce. Il y a commerce partout où il y a échange, choses données et reçues, là où, par exemple, le producteur vend immédiatement au consommateur; et le nom de commerçant convient à tout homme qui par état contribue à mettre des produits à la portée des consommateurs, et d'abord au producteur lui-même en tant qu'il fournit et vend des denrées. Mais il n'y a négoce qu'où il y a calcul, entreprise, spéculation pour le placement des marchandises; et le négociant, comme le courtier, est parmi les commerçants un homme éclairé, laborieux, instruit des moyens des producteurs et des besoins des consommateurs, et cherchant à les accorder ensemble; c'est l'homme qui proprement fait les affaires du commerce, l'agent le plus utile du

commerce.

Trafic, de traficium, mot de la basse latinitė, est composé de tra, trans, au delà, d'un endroit à un autre, et de facere, faire, agir, travailler. Il exprime une industrie qui consiste à acheter d'un premier vendeur en un endroit, pour revendre au consommateur en un autre, de manière à retirer un certain profit. Le commerce de transport ou de commission est proprement un trafic. « Les Anglais et les Hollandais, ces deux nations commerçantes, seront toujours pour le prince qui favorisera le plus leur trafic. » VOLT. - Le revendeur fait aussi le trafic: Mme la Ressource, revendeuse à la toilette, dans le Joueur de Regnard, dit d'elle-même :

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Le commis a une commission, l'employé de l'emploi; le commis a un commettant dont il suit les instructions, l'employé un chef dont il exécute les ordres. Commis annonce quelque chose de plus relevé et de plus important: le commis a la confiance de celui qui lui commet le soin de ses affaires, et, pour s'en acquitter, il jouit d'une certaine indépendance, et peut faire preuve de beaucoup de talent; mais l'employé n'est guère qu'un instrument, quelque chose dont on fait usage, qui a trouvé une application. On parle de la fortune des commis puissants; on plaint le sort des pauvres employés.

Les commis reçoivent des appointements. « Avez-vous donné à tous les commis des bureaux de vos ministres des appointements raisonnables? » FÉN. Mais ce sont proprement des gages qu'on donne aux employés. nombre monstrueux d'employés (à la gabelle) mourraient de faim, s'ils s'en tenaient à leurs gages. » S. S.

< Ce

Voltaire dit de Pellisson qu'il fut premier commis et confident du surintendant Fouquet; il se dépeint lui-même comme un commis de ministre, qui extrait les archives des malheurs de son siècle. Mais, pour donner une idée de la bassesse d'extraction de Rouillé, secrétaire d'Etat des affaires étrangères, il rapporte qu'il était On tâche, autant qu'on peut, dans son petit trafic, fils d'un employé dans les postes; et ailleurs il A gagner ses dépens en servant le public. se moque d'un nommé du Jonquay, qu'on pré- Ce mot, à cause de la bassesse de son origine, tendait docteur ès lois et destiné à devenir conest particulièrement propre à marquer un com-seiller au parlement, et qui « n'avait pu seulemerce petit, uniquement inspiré par l'intérêt. ment demeurer garde dans une brigade d'em<< Montrez aux filles de qualité le trafic qu'on ployés des fermes. » peut quelquefois établir en certains pays pour y diminuer la misère.» FÉN. «Comme Aristote avait déjà dissipé tout son bien, il était obligé pour subsister, de faire trafic de certains remèdes, qu'il débitait lui-même à Athènes. » ID. Souvent même trafic se prend en mauvaise part pour indiquer un gain trop fort ou résultant de la vente d'une chose qu'il n'est pas permis de vendre. Un misérable trafic de librairie (MARM.); le trafic des mauvais livres (LAH.). « Les âmes intéressées abandonnent leurs trafics usuraires et consentent à des restitutions. » BOURD. « L'infâme trafic de la simonie. » PASC. « Le mariage est devenu parmi nous un trafic mercenaire, où l'on se donne l'un à l'autre selon ses revenus et ses héritages.» BOURD. « A proportion que Dieu

« Il faut aux compagnies, dans la capitale, des administrateurs, des directeurs, des commis, des employés. » COND. « Ceux qui prétendent que l'acte par lequel un peuple se soumet à des chefs n'est point un contrat, ont grande raison. Ce n'est absolument qu'une commission, un emploi dans lequel, simples officiers du souverain, ils exercent en son nom le pouvoir dont il les a faits dépositaires. » J. J.

COMMUN, GÉNÉRAL, UNIVERSEL. Qui convient ou est propre à plusieurs.

Commun a visiblement moins d'étendue que ses deux synonymes: ce qui est commun convient ou est propre au plus grand nombre, à la plupart seulement; au lieu que ce qui est général ou universel convient ou est propre à tous. Aussi n'est

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