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N'eût voulu pour beaucoup en être soulagé. Laf. << Fallait-il traverser un torrent, je vous portais, et j'osais presser dans mes bras une si douce charge. » J. J.

Fardeau et faix diffèrent aussi.

Fardeau présente l'idée d'un objet unique : « Le précieux fardeau qu'elle portait dans son sein.» ACAD. « C'est un pesant fardeau qu'une couronne. » ID. << Regarder la loi comme un fardeau insupportable.» Boss.

Pour mes tristes enfants quel affreux héritage!
Le crime d'une mère est un pesant fardeau.
(Phèdre.) Rac.
Voudrais-je de la terre, inutile fardeau,
Attendre chez mon père une obscure vieillesse ?
(Achille.) ID.
C'est un poids bien pesant qu'un nom trop tôt fameux!
Valois ne soutint pas ce fardeau dangereux.
Faix, du latin fascis, faisceau, fagot, amas de
choses jointes ensemble, signifie le résultat d'une
accumulation, une multiplicité de choses réunies.
Nous appelons faix ce qui s'amasse, se compli-
que, s'accroît progressivement le faix des an-
nées (BOIL., LAF.), des procès (BOIL.), des dettes
(S. S.), des affaires multipliées (COND.). Succom-
ber sous le faix des affaires ou des impôts (ACAD.).
<< Les érudits plient sous le faix (des mots et des
paroles), leur mémoire en est accablée pendant
que leur esprit demeure vide. » LABR.

Mon corps n'est point courbé sous le faix des années.

BOIL.

PASC. L'âme touchée de Dieu éprouve un trouble qui traverse le repos qu'elle trouvait dans les choses qui faisaient ses délices. Elle ne peut plus goûter avec tranquillité les objets qui la charmaient. ID. «Dieu change le cœur de l'homme par une douceur céleste qu'il y répand.... Trouvant sa plus grande joie dans le Dieu qui le charme, il s'y porte infailliblement de lui-même. » ID. « Une fille surtout le charma par sa voix mélodieuse et par les grâces qui l'accompagnaient.» VOLT. « Le moqueur (oiseau) charme, comme le rossignol, par les accents flatteurs de son ramage. » BUFF.

Nous sommes émerveillés de ce qui nous enchante. Les hommes de génie nous enchantent par leurs chefs-d'œuvre. « En récitant aux Grecs les neuf livres de son histoire, Hérodote les enchanta par la nouveauté de cette entreprise, par le charme de sa diction, et surtout par les fables. » VOLT. « Quand nous lûmes les ouvrages des Toscans, nous fumes aussi enchantés que nous l'étions quand nous lisions les beaux morceaux de Milton, d'Addison, de Dryden et de Pope.» ID. « Le monde moral est celui qui nous éblouit et nous enchante. Boss. « Il fut surpris, ou plutôt enchanté de ma vue. » LES. « Je découvre beaucoup de talent au travers des défauts de nos comédiennes. Je vous dirai même que je suis enchanté de l'actrice qui a fait la suivante dans les intermèdes. » ID.

Charmer exprime une impression de douceur, qui affecte la sensibilité. Enchanter marque une impression de surprise, qui dépend d'une appréciation de la raison. Le plaisir causé par ce qui charme est un agrément; le plaisir causé par ce qui enchante est plus sérieux et réfléchi. « Dès que parurent ces conversations de Bélisaire avec Justinien, tout Constantinople en fut charmé. La quinzième conversation surtout enchanta les esprits raisonnables. » VOLT. « J'étais charmé de figure d'Alcime, enchanté de son langage, idolâtre de ses vertus.» MARM.

L'amour, dans les héros, interrompu, troublé, Sous le faix des lauriers est bientôt accablé. RAC. Un pauvre bûcheron, tout couvert de ramée, Sous le faix du fagot aussi bien que des ans Gémissant et courbé, marchait à pas pesants, Et tachait de gagner sa chaumine enfumée. LAF. Outre cela, le faix est plutôt une surcharge, une chose dont on a mis et dont on a mis encore jusqu'à faire fléchir, jusqu'à écraser. Si le fardeau est pesant, le faix est accablant; s'il arrive quella quelquefois de plier sous le fardeau, on succombe sous le faix. Notre piqueur finit par me surcharger à tel point et de travail et de coups, que j'étais menacé de succomber bientôt sous le faix. J. J. Lorsqu'on excède les lamas de travail et qu'ils succombent une fois sous le faix, il n'y a nul moyen de les faire relever.» BUFF. « Le lama, qui, comme le chameau, passe sa vie sous le fardeau, a aussi des callosités.... Les callosités des babouins et des guenons ne proviennent pas de la contrainte des entraves ni du faix accablant d'un poids étranger. » ID.

CHARMER, ENCHANTER, RAVIR. Causer beaucoup de plaisir.

Charmer et enchanter, quoiqu'ils se ressemblent extrêmement, diffèrent en ce que ce qui charme est touchant, et ce qui enchante admirable. En effet, on dit charmer, et non pas enchanter, la douleur, la peine, l'ennui de quelqu'un; et, d'un autre côté, ce qui arrive comme par enchantement, étonne ou surprend par la promptitude ou la facilité de l'exécution.

Nous trouvons délicieux ce qui nous charme. Toutes les créatures soumettent l'homme par leur force ou le charment par leurs douceurs. »

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Entre charmer et enchanter, d'une part, et ravir de l'autre, la différence est celle de l'immobilité au mouvement. Ce qui charme ou enchante rend ébahi, interdit, stupéfait, conformément au sens propre de ces mots qui veulent dire assoupir, empêcher l'action d'une personne ou l'effet naturel d'une chose. Ce qui ratit, au contraire, fait agir, emporte, enlève, fait venir à soi. « Le genre sublime ravit et transporte. ROLL. « Ravie de la perfection infinie de Dieu, l'âme se laisse entraîner par une telle beauté. » Boss. Epicure distingue deux sortes de plaisirs, les uns qui consistent dans le repos, et les autres qu'il appelle agités aux premiers se rapportent charmer et enchanter, aux autres ravir. La littėrature et les beaux-arts à l'envi charmaient et enchantaient les Athéniens; les chants de Tyrtée ravissaient les Spartiates. Un spectacle charme ou enchante, il se borne à frapper; un discours ravit, il excite les mouvements de l'âme et peut provoquer à l'action. «Il vivait entouré d'amis toujours charmés de le voir, et toujours ravis de l'entendre. » MONTESQ. On charme et on enchante les sens, capables seulement de modification;

mais on ravit l'âme ou le cœur, on les fait bon-
dir, tressaillir, ou on les entraîne.

Je vous adore, et vous m'aimez,
Mon cœur en est ravi, mes sens en sont charmés.
MOL.

Ce qui charme ou enchante est magique, merveilleux, fait impression; ce qui ravit est fort. CHEVAL, COURSIER, ROSSE. Animal qu'on . emploie à porter et à tirer comme l'âne, mais qui est plus grand, qui a les oreilles plus petites, et qui hennit au lieu de braire.

Cheval vient du latin caballus, cheval de bagage ou de fatigue. C'est le nom commun de l'espèce, le mot de l'histoire naturelle, celui dont on se sert continuellement, et qui ne réveille aucune idée accessoire particulière.

Coursier, qui fait des courses, dont l'office est de courir, représente le même animal, non plus comme utile et comme prenant part à nos travaux pénibles, mais dans sa fonction la plus noble, comme emporté et brillant dans la carrière, comme partageant avec nous la gloire des joutes et des combats. Aussi coursier signifie-t-il un cheval grand, beau, superbe, et se trouve-t-il ordinairement accompagné d'épithètes qui ne peuvent convenir qu'au roi des animaux domestiques.

Sa main sur les chevaux laissait flotter les rênes:
Ses superbes coursiers qu'on voyait autrefois,
Pleins d'une ardeur si noble obéir à sa voix,
L'œil morne maintenant....

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ce fut encore pis. Ils me prirent pour un piedplat. Dès lors je n'eus plus que des rosses, et je devins le jouet des postillons. » J. J. « On voit bien que vous avez été engendré de deux vieilles rosses: vous avez des salières sur les yeux à y fourrer le poing. » REGN.

Dans sa cinquième satire, Boileau a très-heureusement opposé coursier et rosse comme indiquant, l'un ce qu'il y a de plus relevé, l'autre ce qu'il y a de plus vil en fait de chevaux :

Entre tant d'animaux qui sont ceux qu'on estime?
On fait cas d'un coursier qui, fier et plein de cœur,
Fait paraître en courant sa bouillante vigueur,
Qui jamais ne se lasse, et qui dans la carrière
Mais la postérité d'Alfane et de Bayard,
S'est couvert mille fois d'une noble poussière.
Quand ce n'est qu'une rosse, est vendue au hasard,
Sans respect des aïeux dont elle est descendue,
Et va porter la malle ou tirer la charrue.
Coursier se dit particulièrement bien dans la
poésie noble, tandis que rosse a sa place légitime
dans le plaisant ou le comique.

CHOISIR, OPTER, ÉLIRE, PRÉFÉRER, AIMER MIEUX, ADOPTER, TRIER. Se déterminer en faveur d'une chose plutôt qu'en faveur de toute autre.

C'est l'idée purement et simplement exprimée par choisir; chacun des autres mots la présente modifiée d'une certaine façon.

Opter signifie choisir, étant contraint de se décider, étant placé dans une alternative où il faut nécessairement suivre tel parti ou tel autre. (Phèdre, récit de Théramène.) Rac. Tantôt faire voler un char sur le rivage, Aussi ce verbe se trouve presque toujours avec Tantôt, savant dans l'art par Neptune inventé, falloir. Dans le choix la liberté est entière; dans Rendre docile au frein un coursier indompté. ID. l'option, elle est limitée, on vous offre à choisir » Louis XII fit son entrée dans Gênes, monté sur ceci ou cela, prononcez-vous, il n'y a pas de un coursier tout noir, armé de toutes pièces. milieu. Une jeune fille est tout à fait maîtresse Boss. Dans cette pompe des Perses « venait d'a- d'elle-même quand on la laisse choisir un époux; bord un char consacré à Jupiter, traîné par des c'est toute autre chose quand elle n'a que l'opchevaux blancs, et suivi d'un coursier d'une tion, elle est obligée de se donner à l'un des deux grandeur extraordinaire qu'ils appelaient le che- ou trois prétendants qu'on lui désigne. Un canval du soleil. » ROLL. « Semblable à un coursier didat à la députation choisit le département ou fougueux qui bondit dans les vastes prairies. les départements dont il brigue les suffrages; s'il FÉN. « Alors l'imagination s'échauffe, l'enthou- est élu dans plusieurs, il faut qu'il opte. « Loth siasme agit; c'est un coursier qui s'emporte dans sur le point de se séparer d'Abraham et maître sa carrière. » VOLT. « Déjà George, le Mars de de choisir de la droite ou de la gauche, leva les l'Angleterre, était descendu du haut de l'empy- yeux avant que d'opter, vit à l'entour une conrée, monté sur le coursier immortel devant qui trée fertile et laissa à Abraham celles qui lui les plus fiers chevaux du Limousin fuient.... » ID. parurent moins délicieuses. MASS. Voilà le vrai Rosse a été pris de l'allemand Ross, qui, dans sens d'opter, choisir entre la droite ou la gauche, cette langue, a la signification de notre mot cour- entre le oui ou le non, entre telle chose ou telle sier, mais que nous avons dégradé par une sorte autre, entre partir ou rester, etc. Quand on a à de dérision. C'est ainsi que de Land, Buch, Herr, choisir, on hésite quelquefois; quand on a à Rappier, nobles en allemand, d'où nous les avons opter, quelquefois on balance. « Faut-il opter tirés, nous avons fait des mots qui expriment (entre les grands et le peuple)? Je ne balance pas, quelque chose de peu de prix ou quelque chose je veux être peuple. » LABR. « Qu'on est à plainde risible: landes, bouquin, hère, rapière. Le dre, quand on se trouve en certaines situations fait est que rosse, dans la langue française, dési- où il faut opter entre sa fortune et sa conscience! gne un mauvais cheval. « Voudriez-vous qu'on Il est rare alors qu'on ne s'affaiblisse pas. » MASS. tuât tous les chevaux d'une ville, parce qu'il y a « Les Achéens se trouvaient dans une situation quelques rosses qui ruent et qui servent mal? » où ils ne pouvaient éviter un inconvénient que VOLT. Il y a des peuples à qui l'on a crevé les pour tomber dans un autre. Il n'y avait pas de deux yeux comme aux vieilles rosses à qui l'on milieu : il fallait avoir les Romains pour amis ou fait tourner la meule. » ID. « En France les che- pour ennemis; il fallait opter. L'alliance des Rovaux de poste ne sentent la gaule que sur les mains fut acceptée. » COND. « On donnait aux épaules du postillon.... En payant grassement les Etoliens l'option, ou de s'abandonner à la discréguides, je crus suppléer à la mine et au propos;tion du sénat, ou de payer au peuple romain

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mille talents.» ROLL. « Vous vouliez briller, et qu'on lui donne sa confiance. » COND. On choisit ce sont des choses in- une chose lorsqu'on veut la prendre'; on la prévous vouliez être aimée compatibles. Il faut opter. » J. J. « Forcé de com- fère à une autre, lorsqu'on ne fait que juger de battre la nature ou les institutions sociales, il ses qualités. Nous choisissons ce que nous troufaut opter entre faire un homme ou un citoyen; vons de plus utile; nous préférons ce que nous car on ne peut faire à la fois l'un et l'autre. ID. estimons supérieur. Un imitateur de Racine le Presque toujours l'option est un choix assigné ou choisit pour modèle; un simple critique le préprescrit entre deux choses; toutefois le nombre fère à Corneille ou à Sophocle. Le choix est bon de ces choses peut être plus grand, mais il est ou mauvais, la préférence est juste ou injuste: fixé, on ne peut absolument pas porter ses vues le choix est bon ou mauvais, selon que l'objet sur d'autres. Dieu imputa à David le dénom- répond ou ne répond pas à ce que nous nous probrement du peuple; et sans autre miséricorde posons d'en faire; la préférence est juste ou inque de lui donner l'option de son supplice, il lui juste, selon que l'objet, relativement aux autres, a été mis à la place qu'il doit avoir, ou bien trop ordonna de choisir entre la famine, la guerre ou la peste. Boss.- Ensuite, opter représente haut ou trop bas. Le choix est un acte de la voplutôt une action à faire, et choisir une action se lonté ou de la liberté après une délibération sur faisant; le premier la position, le second la con- l'aptitude des choses à servir nos desseins; la duite. L'option est plus ou moins avantageuse préférence est un acte de la faculté judiciaire suivant la valeur des choses entre lesquelles elle après une comparaison tendant à découvrir les permet de délibérer; le choix est plus ou moins mérites respectifs des choses en soi. — En second bon suivant qu'on y emploie plus ou moins de lieu, on choisit une chose, simplement; on prédiscernement. Lorsqu'on a à opter, il faut bien fère une chose à une autre. Choisir suppose bien choisir. « Elien dit que la lionne porte deux mois; aussi des choses ou des personnes laissées, écard'autres disent qu'elle porte six mois; s'il fallait tées, négligées, mais il ne les montre pas aussi opter entre ces deux opinions, je serais de la der-explicitement. Vous dites qu'on a choisi un tel nière, car le lion est un animal de grande taille.» général, lorsque vous ne le considérez point au BUFF. Je serais de la dernière, c'est-à-dire je milieu de ses concurrents; si vous voulez exprisi vous voulez le choisirais la dernière. « Me trouvant dans la né-mer qu'il l'a emporté sur eux, cessité d'opter entre deux objets (l'histoire des représenter triomphant, vous dites qu'on l'a préoiseaux et celle des minéraux), j'ai préféré le féré. « Pedro paraît: votre promesse vous engage dernier comme m'étant plus familier, quoique à le choisir pour votre gendre.... Vous devez me le préférer, sans avoir égard à mon rang, sans plus difficile. » ID. avoir pitié de ma situation cruelle. LES.

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Élire signifie l'action collective d'un corps ou d'une société qui par la voie des suffrages choisit un homme pour occuper une place ou remplir une fonction. << Jusque vers le milieu du XIe siècle, les empereurs allemands furent en possession de choisir eux-mêmes les papes ou de les faire élire dans des conciles tenus en Allemagne. » COND. « La révolution eut un autre effet; avant ce temps, le maire (du palais) était le maire du roi: il devint le maire du royaume; le roi le choisissait.... Mais depuis la nation fut en possession d'élire. » MONTESQ. - Du reste, élire ne suppose pas nécessairement, comme choisir, l'appréciation ni même la connaissance du sujet. On dit bien élire au sort. Avec le suffrage universel, tous les Français élisent leurs représentants; combien peu les choisissent! « Les syndics sont des magistrats annuels que le peuple élit ou choisit. » J. J.

Préférer signifie choisir spéculativement, dans la sphère idéale, là où l'on n'a pas ou bien où il ne s'agit pas de vues pratiques. Le choix a pour but l'usage ou l'emploi qu'on veut faire de la chose; la préférence ne fait que marquer le cas qu'on fait de la chose et le rang qu'on lui assigne. Chez un marchand de tableaux, je choisis celui-ci ou celui-là pour le placer dans mon cabinet; dans un musée, en présence de tableaux sur lesquels je puis seulement dire mon opinion, je préfère celui-ci à celui-là. On choisit un emplacement; on préfère un paysage à un autre. « On choisit l'étoffe, on préfère le marchand; on choisit l'étoffe pour l'acheter et l'emporter; on préfère le marchand pour aller acheter chez lui, parce

Aimer mieux, quant au sens, ressemble plus à préférer qu'à aucun autre de ces verbes. Mais d'ordinaire on préfère par raison, et toujours on aime mieux par goût. Quoique je ne puisse rien alléguer pour préférer Cicéron à Démosthène, néanmoins je l'aime mieux (LAH.).

Adopter, signifie choisir une chose qui est à un autre ou dont un autre est l'auteur, la lui emprunter et la faire sienne. Adopter un système (DEST.), les manières de penser de quelqu'un (J. J.); adopter le langage du monde contre la vertu, sans ses mœurs (MASS.); les Chinois devraient adopter notre alphabet (VOLT.); les Grecs adoptèrent les lettres des Phéniciens (ID.). « Il a fallu soixante ans pour faire adopter en France ce que Newton avait démontré. » ID. « Saint Augustin n'a pas employé pour établir cette vérité d'autres preuves que celles que l'Eglise a formellement adoptées. » Boss.

L'Amérique à genoux adoptera nos mœurs. VOLT. Trier signifie choisir physiquement, tirer (trahere, d'où peut-être trier) une chose ou des cho4. Suivant l'Académie, prendre, dans une de ses nombreuses acceptions, veut dire choisir. Mais prendre indique plutôt l'effet du choix, ce à quoi aboutit le travail du discernement. Après avoir plus on moins longtemps choisi, un acheteur finit par dire : « Je ne veux pas de ces étoffes, je prends celle-ci. » Ou bien prendre, c'est choisir d'abord, sans examen ou sans beaucoup d'examen. « Chez les Romains on étudia toutes les sectes de philosophes à la hate; les circonstances ne laissaient pas le loisir d'examiner. Chacun prit une secte, et personne ne choisit, » COND.

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voir dans l'histoire de l'Académie combien Louis XIV était attentif à conserver la liberté des élections, et empressé à approuver les bons choix (D'AL.). Le choix, ainsi qu'un objet, peut tomber sur quelqu'un; et l'élection, ainsi qu'un événement, approche, est retardée, on y procède ou on y assiste. « Après la prise de Constantinople par les croisés, ils procédèrent à l'élection d'un empereur; le choix tomba sur Baudouin, comte de Flandre. » COND. Le choix se considère bien à priori ou en droit; l'élection est toujours présentée en fait, comme effective. « Selon M. Jurieu, c'est au troupeau qu'appartient le choix du pasteur.... Mais si, anciennement, le peuple présent concourait à l'élection, elle n'était faite néanmoins que par les évêques et le clergé en présence du peuple. » FÉN.

ses du milieu d'autres, les en séparer. Et non-seulement ce mot ne se dit que des objets physiques, et non des choses morales, abstraites, ou des personnes, mais encore l'opération qu'il marque exige peu d'intelligence et de sagacité. « Une génisse n'a pas besoin d'étudier la botanique pour apprendre à trier son foin. » J. J. «Tous les ans il faut trier dans le troupeau (de brebis) les bêtes qui commencent à vieillir, et qu'on veut engraisser. » BUFF. Par extension, trier, en général, se prend dans un sens défavorable. « Sur un grand champ couvert d'une moisson fertile, mes ennemis vont triant avec soin quelques mauvaises plantes, pour accuser celui qui l'a semé d'être un empoisonneur. » J. J. « Comment rassembler tous leurs libelles? Qui peut aller trier tous ces lambeaux, toutes ces guenilles, chez les fripiers de Genève ou dans le fumier du Mercure de Neufchâtel? ID. N'ont-ils pas assez, ces Heurter, c'est choquer fortement, violemment; grands, des mille et un feuillistes, faiseurs de la rudesse du mot lui-même l'indique assez. Ce bulletins, afficheurs, pour y trier les plus mau- qui choque donne un coup; ce qui heurte donne vais, en choisir un bien lâche et dénigrer qui les un grand coup. On choque les verres à table. « Il offusque?» BEAUM. On voit par ce dernier exem- y a en Perse des œufs qui se vendent trois ou ple que l'action de trier s'applique aussi à des quatre écus la pièce, et que les Persans s'amupersonnes, mais c'est toujours à des personnes sent à choquer les uns contre les autres par masur lesquelles on appelle le dédain. Saint-Simon nière de jeu. » BUFF. En heurtant des verres ou dit au sujet de gens sans probité, qui avaient des œufs les uns contre les autres, on les casse. été nommés pour asseoir un nouvel impôt : « Ca Quand un corps en choque un autre, il en résulte fut à ces gens si bien triés à digérer l'affaire. » un petit bruit, une petite secousse, ou une simCHOIX, ÉLECTION. Détermination et nomina-ple communication de mouvement. « Un corps tion d'une personne pour une place, un emploi, une dignité.

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CHOQUER, HEURTER. Donner contre.

choqué détruit dans le corps choquant autant de mouvement que le corps choquant lui en communique. » COND. Rien de plus évident, dit-on, que la communication du mouvement par l'impulsion; il suffit qu'un corps en choque un autre pour que cet effet suive. » BUFF. Mais quand un

autre, il le brise ou il se brise, ou tout au moins
le coup est plus rude. « Holà, porteurs. Je pense
que ces marauds-là ont dessein de me briser à
force de heurter contre les murailles et les pa-
vés. » MOL.

L'un me heurte d'un ais dont je suis tout froissé....
BOIL.

Le choix se fait par un seul homme, l'élection par plusieurs, par un corps, une société ou une assemblée, à la majorité des suffrages : le choix des ministres, d'un général, d'un ambassadeur; l'élection d'un député, d'un maire, d'un aca-corps en heurte un autre ou heurte contre un démicien. « Élection ne peut être employé pour choix. Election d'un empereur, d'un pape, suppose plusieurs suffrages. » VOLT. M. de Cormenin s'est plaint autrefois dans un de ses écrits de ce que trop de fonctions, en France, dépendent du choix, et pas assez de l'élection. De cette première différence s'ensuit une seconde, qui a été signalée par le P. Bouhours. Quand on dit le choir d'un tel, cela peut s'entendre dans le sens actif, le choir qu'un tel a fait Le roi se repentit de son choix. C'est que le choix peut être fait par un seul homme. Mais comme l'élection résulte d'un concours de voix, l'élection d'un tel se dit toujours dans une signification passive, et a rapport au sujet qui souffre ou a souffert l'action exprimée par élire: tel roi de Pologne fit telle chose le jour de son élection ou après son élection.

D'autre part, choix est le terme général, et on s'en sert aussi quand il est question d'une action collective ou faite à plusieurs. Mais alors même ce mot diffère d'élection et ne doit pas partout lui être indifféremment substitué.

Choir est un substantif pur; élection, un substantif verbal. Le choix est une chose et se qualifie comme tel : il est bon ou mauvais, louable ou indigne. L'élection est un fait et reçoit des épithètes en conséquence: elle est calme ou tumultueuse, régulière ou irrégulière. On peut

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« Le Seigneur sera une pierre de scandale et une pierre d'achoppement, et un grand nombre de ces peuples heurteront cette pierre, y tomberont, y seront brisés. » PASC. On heurte contre un écueil (BOURD.). Un vaisseau heurte contre un rocher; c'est une trop lourde masse pour qu'on puisse dire qu'il le choque. De même, on ne choque pas à une porte, on y heurte; il faut frapper fort pour être entendu.

« Des troupes qui se choquent préludent au combat ou le commencent; lorsqu'elles se heurtent, le combat est rude et violent au premier abord. Vous choquez par mégarde votre voisin; un crocheteur qui va brutalement vous heurte. » ROUB.

Au figuré, même différence. Une chose nous choque l'oreille ou la vue; elle ne nous la heurte pas: pour une impression purement désagréable heurter serait un mot trop fort. Il suffit de la plus légère offense, du plus léger déplaisir pour choquer une personne; pour la heurter, il faut la traiter avec plus de rudesse, la blesser griève

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ent. Il est bien difficile de ne choquer personne; mais on peut au moins ne heurter personne. Une simple affectation choque; l'égoïsme heurte.

Avec de la finesse, des tournures, des adoucissements, vous choquez celui que vous ne voulez pas heurter. Vous êtes choqué d'une censure détournée; une apostrophe personnelle vous heurte. Le malin vous choque adroitement; le brutal vous heurte grossièrement. » ROUB.

ciel; on connaît les paroles que le confesseur de Louis XVI lui adressa sur l'échafaud : « Fils de saint Louis, montez au ciel.» Paradis marque un état ou est relatif à l'état : être en paradis, c'est être dans une extrême joie, ou dans une situation qui semble ne rien laisser à désirer de ce qui peut rendre heureux.

CITER, ALLEGUER, RAPPORTER, PRODUIRE. Mentionner ou faire connaître, à propos de ce qu'on dit, un écrit, un passage, un exemple, ou autre chose semblable.

Citer est purement indicatif, et alléguer est probant. Vous citez une chose en disant où elle se trouve, en donnant son adresse, pour ainsi

On choque et on heurte la raison, le sens commun, le bon sens, les opinions reçues, le goût public, l'amour-propre, la vraisemblance, etc. On les choque par des actions ou des discours qui y sont tant soit peu contraires; on les heurte lorsqu'on les choque de front, ouver-dire; vous alléguez une chose comme une loi tement, sans ménagement, sans égard. - Les opinions qu'on produit dans la physique semblent devoir être convaincues de fausseté dès qu'elles choquent tant soit peu les opinions reçues. PASC. « On n'a jamais heurté le sens commun plus effrontément. » VOLT.

Choquer, en parlant des personnes, se dit plutôt au figuré, et heurter au propre; choquer est le seul qui s'emploie bien, au figuré, avec le pronom personnel: se choquer d'une chose, se choquer de tout. Tout cela est conforme à la différence des deux mots, dont l'un a une signification modérée, faible, l'autre une signification forte, rigoureuse, physique.

CIEL, PARADIS. Ces deux mots, employés figurément, désignent dans le style religieux le lieu où vont les âmes des justes au sortir de cette vie.

Le ciel est opposé à la terre, au-dessus de laquelle il s'étend, en forme de voûte; le paradis est opposé à l'enfer, où, comme on sait, les damnés souffrent toutes sortes de tourments. Par conséquent le ciel est quelque chose d'élevé, le séjour propre de la gloire, le lieu où Dieu réside, où les saints le voient face à face, le contemplent et l'adorent; et le paradis est quelque chose de délicieux, le séjour propre de la béatitude, le lieu où les bienheureux goûtent des plaisirs ineffables, comme en goûtait Adam dans le paradis, c'est-à-dire dans le jardin où Dieu le mit aussitôt qu'il l'eut créé.

qui milite en votre faveur. Une bonne citation est réelle et exacte; une bonne allégation est décisive. Vous citez faussement ce qui n'existe pas ou ce qui est tout autrement que vous ne le dites; vous alléguez à tort ce qui ne peut rien faire pour votre cause.

Pour être irréprochable, un érudit doit citer (et non pas alléguer) le chapitre et là page où il puise chacun des passages qu'il recueille. « On accuse Maldonat de n'avoir pas lu dans la source tout ce grand nombre d'écrivains qu'il cite. » Boss. « Qu'y avait-il à faire là-dessus, sinon de citer la page?» PASC. « On cite, on commente, on critique, on néglige, on oublie, mais surtout on méprise communément un auteur qui n'est qu'auteur.» VOLT. De plusieurs passages qui lui sont favorables, un controversiste ou un dialecticien habile n'alléguera que ceux qui ont le plus de force de conviction. « Il y a de certaines gens, qui, pour faire voir qu'on a tort de ne pas les estimer, ne manquent jamais d'alléguer l'exemple de personnes de qualité qui font cas d'eux. » PASC. « Pour prouver ce qu'il avance, il n'a rien eu à nous alléguer que la communion des petits enfants. » Boss. « Les juges sont obligés de juger selon ce qui est allégué et prouvė. » ACAD.

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Je pourrais t'alléguer, pour affaiblir mon crime, De mon père sur moi le pouvoir légitime. VOLT. On cite quelquefois pour faire une allusion, pour s'amuser ou montrer son savoir; on allègue tou

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Le mot ciel signifie d'abord la principale de-jours pour ou contre ce qui a été dít ou avancé. meure de Dieu, et emporte ensuite l'idée de réunion à Dieu, de participation à ses grandeurs. Les vases de boue, entre les mains de l'Ouvrier souverain, deviennent bientôt des vases de gloire et de magnificence; et tout chrétien est né grand, parce qu'il est né pour le ciel. » MASS. Le mot paradis donne l'idée du bonheur céleste, de jouissances incomparables. « Le moindre petit plaisir qui s'offre à ma portée me tente plus que toutes les joies du paradis. » J. J. Dans le ciel, on est avec Dieu; dans le paradis, on est au comble de la félicité.

Et si parfois on cite également à l'appui d'une assertion ou pour la combattre, ce n'est pas cette circonstance qui frappe dans ce verbe comme dans l'autre. D'ailleurs, on cite plutôt pour établir, pour s'autoriser, au lieu qu'on allègue plutôt pour se défendre, s'excuser ou se justifier. Vous citez quand vous voulez confirmer votre thèse, quand vous écrivez une histoire ou un traité dogmatique; vous alléguez quand vous repoussez une attaque, quand vous réfutez des objections ou que vous essayez de vous laver d'un reproche.

Qui gagne le ciel sortira d'ici-bas en vainRapporter, c'est apporter de nouveau, citer ou queur, glorieux et triomphant; qui gagne le pa-alléguer après d'autres. « Si je ne rapporte point radis jouira après la mort de la récompense qu'il aura méritée en vivant saintement ou par ses bonnes œuvres.

Ciel indique le lieu, un lieu supérieur ou placé en haut : les mauvais anges furent précipités du

les passages qui ont été tant de fois cités en cette matière, on me le pardonnera facilement. » Boss. Mais la différence qui sépare le plus ordinairement ce mot des deux premiers, c'est qu'il exprime une exposition, et non une simple men

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