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homme vivant. » BOURD. Ce mot offre presque | subsister ce qui a été dit, et se bornent à prétoujours à la pensée quelque chose de sombre, senter à côté autre chose qui doit être admis en d'affreux et de redoutable soit par la nature même temps: ce convive est affamé, il avait néanmême de la chose, soit par ce qui s'y passe, soit moins déjeuné copieusement; c'est la coutume par ce. qui l'habite. L'antre d'un lion (FEN.), de dormir la nuit et de veiller le jour, toutefois l'antre de Polyphème (ROLL.), l'antre de la si-nous dormons une partie du jour et veillons une bylle (FÉN., BOIL.), de la Jalousie (MONTESQ.), de partie de la nuit. la Discorde (VOLT.), de la Chicane (ID.), de l'Inquisition (ID.); les antres de la police (ID.). « Chaines forgées par la tyrannie dans l'antre de l'imposture. » ID. « N'a-t-on pas vu de ces déborde-LAF.), mais pourtant (Bo:L., MOL., LAF.); néanments de l'espèce humaine, des peuples, ou plutôt des peuplades d'animaux à face humaine, sortir tout à coup de leurs antres, marcher par troupeaux effrénés, tout opprimer, ravager les cités, renverser les empires...?» BUFF.

D

La terre s'ouvre, et ne s'offre à la vue
Qu'un antre sombre, enfumé, caverneux,
Où d'un brandon l'éclat fuligineux
Semble éclairer par ses lueurs funèbres
L'affreux manoir du prince des ténèbres.
J. B. Rouss.

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quent une opposition plus grande, une correcCependant et pourtant martion, une contradiction, et s'emploient volontiers avec mais, mais cependant (BOIL., Boss., LABR.,

moins et toutefois n'indiquent guère qu'une opposition, une addition, ou dans tous les cas une modification qui ne va pas jusqu'à supprimer la proposition antécédente, et ils se disent plus ordinairement avec et, et néanmoins (Boss., FÉN., LAROCH.), et toutefois (BOIL., Boss.).

1o Cependant, pourtant.

Cependant, pendant ce, pendant cela, annonce que, pendant que, tandis qu'une certaine chose se montre, passe, apparaît, semble, une autre contraire a lieu, est. C'est un mot particulièment propre à opposer la réalité à l'apparence, ce qui est à ce qu'on croit.

Qu'avez-vous? Je n'ai rien. Mais...... Je n'ai rien, vous
dis-je,

Répondra ce malade à se taire obstiné.
Mais cependant voilà tout son corps gangrené. BOIL.
Qu'il paraît bien nourri! Quel vermillon! Quel teint!
Cependant, à l'entendre, il se soutient à peine. ID.
« L'amiral ne paraissait pas plus élevé qu'au-
paravant; cependant il eut en effet toute l'auto-
rité. » Boss. « Vous tournez les choses d'une
manière qu'il semble que vous avez raison; et
cependant il est vrai que vous ne l'avez pas. »
MOL.

Tanière, dans la basse latinité et en italien tana, caverne, est une caverne habitéè, non pas comme quelquefois l'antre, par une bête farouche, ce qui en rend l'approche redoutable et l'idée seule effrayante, mais par une bête sauvage. Les animaux les plus sauvages et les plus solitaires sortent de leurs tanières quand l'amour les appelle. VOLT. « Un serpent qui se glisse entre des fleurs est plus à craindre qu'un animal sauvage qui s'enfuit vers sa tanière dès qu'il vous aperçoit. » FÉN. « Les bêtes sauvages ont chacune leurs forts et leurs tanières pour s'y retirer. » ROLL. La tanière paraît être spécialement la retraite du renard. « Sortez, monsieur le renard, sortez de votre tanière. DEST. « Les renards emplissent leurs tanières de cette proie. » REGN. « Les renards du Groenland font leurs tanières dans les fentes des rochers. » BUFF. « Les renards ont leurs tanières, et les oiseaux leurs nids; mais le fils de l'homme n'a pas où reposer sa tête. » Ross. Dans le cœur de ce scribe se trouvaient des tanières pour les renards, c'est-à-dire des motifs secrets d'intérêt.» MASS. Enfin la tanière est plutôt un trou dans la terre, un terrier, qu'une cavité dans un rocher. Aussi dit-on qu'un misanthrope ou un solitaire sort rarement de sa tanière, comme on dit qu'il sort rarement de son terrier. Au figuré, tanière signifie de misérables huttes. « Trois mille familles plaidant contre des moines redemandent la propriété de leurs déserts et de leurs tanières. » VOLT. « Déterrer un pauvre homme de sa tanière. » ID. « Ces hommes se retirent la nuit dans des tanières, où ils vivent de pain noir, d'eau et de Le dieu Terme des Romains ne devait jamais racines.» LABR. reculer; ce qui arriva pourtant sous Adrien. »> MONTESQ. « Il ne s'agit pour lui, dit-il, que de continuer les armes de sa maison, les mêmes pourtant qu'il a fabriquées. » LABR. 2° Néanmoins, toutefois.

1o CEPENDANT, POURTANT; — 2o NÉANMOINS, TOUTEFOIS. Malgré cela.

Cependant et pourtant sont adversatifs, servent à exprimer quelque chose de contraire, qui détruit ou exclut ce qui a été dit: cet homme semble honnête, mais cependant c'est un fripon; quoique cet homme soit honnête, il m'a pourtant trompé. Néanmoins et toutefois laissent

Pourtant, de pour et de tant qui vient de tantus, si grand, signifie mot à mot pour si grand que. Je l'ai pourtant emporté; pourtant, c'est-àdire pour si grande qu'ait été la résistance. Et pourtant elle tourne! dit Galilée dans sa prison; pourtant, c'est-à-dire pour si grande ou quelque grande que soit l'assurance de ceux qui pensent autrement. Pourtant a donc plus d'énergie que cependant, quoique ce dernier commence aussi une proposition destructive, et non pas seulement modificative, de la précédente. Il fait concevoir de grands obstacles, une forte opposition, quelque chose à quoi on ne s'attend pas. « Elle soutint ce jour-là le plus grand combat qu'âme humaine ait pu soutenir; elle vainquit pourtant. » J. J.

Quoique Scythe et barbare, elle a pourtant aimé.
RAC.

Une aventure étrange et qui pourtant est vraie.
LAF.

Néanmoins, néantmoins, en rien moins, latin nihilominus, affirme la coexistence, la non incompatibilité d'une chose avec une autre. Il ne renverse pas ce qui a été dit, il y rapporte

quelque chose qui paraît y répugner, et le sou- | des viandes défendues. » VOLT. Des chairs étouffées tient également. « L'eau, si fluide, si incapable sont des chairs d'animaux qui ont été étouffés. de toute résistance, et néanmoins si forte pour « La chair du pécari, quoique plus sèche et porter.» FÉN. « Les assemblées continuent trois moins chargée de lard que celle du cochon, n'est fois la semaine, et néanmoins les choses vont pas mauvaise à manger. Lorsqu'on veut manger assez lentement. » Boss. « Quoique le titre d'al- de cette viande.... » BUFF. « Ce surikate mangeait lié des Romains fût une espèce de servitude, il avec avidité la viande crue, et surtout la chair était néanmoins très-recherché. MONTESQ. « Il de poulet. » ID. « La chair du cabiai est grasse et ajoute qu'il y a des auteurs graves qui affirment tendre; mais elle a plutôt le goût d'un mauvais que c'était la droite, qu'il croit néanmoins être poisson que celui d'une bonne viande. » ID. fondé à soutenir que c'était la gauche. » LABR. On qualifie la chair relativement à l'animal auToutefois, toutes fois, fait entendre que parmi quel elle appartient: elle est maigre ou grasse, toutes les fois, les cas, les circonstances où une longue ou courte, sèche ou chargée de lard. On chose arrive, il s'en trouve, il peut s'en trouver qualifie la viande relativement à ce qu'éprouvent où elle n'arrive pas. Il ne renverse pas non plus ceux qui en usent: elle est de bon ou de mauvais ce qui a été dit, il en convient; mais il y fait goût, savoureuse, succulente, grossière, indiune exception; au lieu de poser, comme néan- | geste. moins, une assertion en face d'une autre et de Ou bien chair se dit absolument pour désigner maintenir celle-là comme celle-ci, il pose une une sorte de substance alimentaire : les animaux règle et exprime quelque chose qui en sort. carnivores vivent de chair; les catholiques s'abTout pays est bon pour mourir, excepté toute- stiennent de chair le vendredi et le samedi. Au fois celui-ci, quand on laisse quelque chose lieu que viande se prend dans un sens plus déteraprès soi. » J. J. « Quoique ce ne soit pas la miné pour signifier de la chair exposée, coupée coutume de payer auparavant, toutefois, de peur ou apprêtée pour être servie à ceux qui s'en que je ne l'oublie, voici.... » MOL. « Ordinaire-nourrisent: viande piquée, lardée, bardée; un ment en ce qui regarde les dispositions inté- plat de viande, une table chargée de viandes. rieures il ne faut regarder que la personne; | CHANCELER, VACILLER. Ces mots expriment toutefois, par l'influence de l'intérieur sur l'ex- le défaut d'être mal assuré. térieur, on peut aussi avoir quelque égard au bien commun. » Boss. « Quoique je propose ces livres comme exemples de la puissance mutuelle des imaginations, je ne prétends pas toutefois les condamner en toutes choses. >> MAL.

CHAIR, VIANDE. Partie molle et musculaire de la substance animale, servant ou pouvant servir d'aliment.

Toute la différence entre ces deux mots tient à l'étymologie du second. La viande est ce qui est propre à la vie, ce qu'on doit prendre pour l'entretenir; en sorte que ce mot emporte toujours une idée de nourriture. Mais cette idée n'est pas aussi essentiellement comprise dans la signification du mot chair; ce qu'on considère surtout dans celui-ci, c'est, non pas l'usage qu'on peut faire de la chose, mais cette chose même comme entrant dans la constitution physique de tel animal. Voilà de belles chairs, peut être l'éloge d'une jolie femme; voilà de belles viandes, est celui d'un bon morceau de bœuf, de veau ou de mouton. «Ma chair est vraiment viande, dit J. C. » Boss. « Pour l'épouse d'un Dieu (l'Eglise), il n'y avait que la chair d'un Dieu qui pût être une viande sortable. » BOURD. « Ce n'est point une figure que le sacrement de l'Eucharistie: cette chair véritable est véritablement viande. »

FÉN.

Cette différence se conserve, même alors que les deux mots expriment quelque chose que l'on mange. La chair se rapporte à l'animal qui la fournit chair, et non viande, de poulet, de perdrix, de lièvre. Mais on ne voit autre chose dans la viande que sa destination: de la viande, et non de la chair, de boucherie; acheter une livre de viande. « Saint Pierre mangeait indifféremment avec les gentils convertis du porc et des chairs étouffées; mais ensuite il se remit à l'abstinence

Ce qui chancelle court des chances, est en danger de choir, penche comme s'il allait tomber; ce qui vacille va deçà et delà, d'un côté et puis d'un autre, comme va un petit rameau, une baguette, bacillum, ou une chose changeante, variable, qui vague (vagatur) petitement ou à plusieurs reprises.

L'objet qui chancelle n'est pas ferme; celui qui vacille n'est pas fixe. Le premier aurait besoin d'être soutenu ou raffermi; le second d'être dé terminé ou assujetti. Celui-ci est trop mobile, celui-là trop faible.

Le corps de l'ivrogne chancelle, car il menace de tomber; sa langue vacille, car elle s'agite irrégulièrement, elle balbutie. Dans la vieillesse, dit Buffon, les jambes sont chancelantes, et la tête vacille : les jambes sont chancelantes ou sur le point de manquer; la tête vacille, elle éprouve un branlement, une sorte d'oscillation.

L'esprit qui ne sait pas se tenir dans le parti qu'il a pris, chancelle; celui qui balance entre plusieurs partis, sans s'arrêter à aucun, vacille. Qui chancelle cède ou mollit; qui vacille flotte. C'est plutôt la volonté qui chancelle, parce qu'elle est susceptible de force ou de faiblesse; c'est plutôt la raison qui vacille, parce qu'elle peut être incertaine, en suspens entre diverses opinions. L'âme faible chancelle, l'esprit sceptique vacille. Au moment d'assassiner Pyrrhus, Öreste sent chanceler son courage (RAC.); dans l'Histoire des variations, Bossuet reproche aux protestants de n'avoir qu'une foi vacillante. On dit un trône chancelant, une forteresse chancelante; ce sont comme des édifices dont la solidité peut se démentir. Mais on dit une main ou une lueur vacillante, c'est-à-dire qui tremble, qui frémit, comme un roseau agité par le vent.

Le témoin qui chancelle dans sa déposition, hé

site, est peu affirmatif; celui qui vacille dit tan- | n'ayant point de rapport à ce qu'on éprouve, aux tôt une chose tantôt une autre. choses de cœur; une femme inconstante ne s'est pas plutôt attachée qu'elle se détache, il ne faut pas s'y fier.

Léger et volage, à la différence des trois mots précédents, ne conviennent pas en matières graves. Un homme, un peuple, un esprit, un cœur léger ou volage est frivole, peu sérieux, changeant ou inconstant dans de petites choses, en fait de modes, d'amour ou d'amourette, par exemple. << Henri VIII d'Angleterre était né ja

Une démarche ou une mémoire chancelante manque de force, est défaillante, caduque, menace ruine. Une démarche ou une mémoire va=cillante est seulement vague et incertaine. Un tribun militaire fort âgé s'excusa d'accepter de = nouveau la même charge en disant aux Ro=mains : « Les forces de mon corps sont tout à fait exténuées : je ne puis presque plus faire usage de la vue et de l'ouïe; ma mémoire chancelle, la vigueur de mon esprit est usée. » ROLL. Le chan-loux, soupçonneux, inconstant, âpre sur l'intécelier Michel Letellier « conjurait ses enfants de l'avertir de bonne heure quand ils verraient sa mémoire vaciller ou son jugement s'affaiblir, afin que par un reste de force il pût garantir le public et sa propre conscience des maux dont les menaçait l'infirmité de son âge. » Boss.

CHANCIR, MOISIR. Ces mots expriment tous deux un changement à la surface de certains corps, qui tendent à se corrompre en fermen

tant.

Chancir est peu usité en comparaison de son synonyme, et il paraît avoir une signification moins étendue et moins forte.

D'une part, il ne se dit que des choses qui se mangent; au lieu que moisir s'applique aussi à d'autres matières : tout se moisit dans les lieux humides (ACAD.); laisser moisir des titres dans leur coin (J. J.); Boileau dit, en parlant d'un poëme intitulé Moïse :

Le Moïse commence à moisir par les bords. D'autre part, chancir annonce une corruption moins prochaine : ce qui chancit commence seulement à moisir. Du pain chanci est un peu plus que rassis, il est temps de le manger; du pain moisi n'est plus mangeable. Des confitures chancies blanchissent (candescunt), se couvrent d'une pellicule blanchâtre, indice d'une disposition à la moisissure; des confitures moisies sont gâtées ou bien près de l'être, comme l'indique le verbe latin mucere ou mucescere, d'où moisir tire son origine.

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CHANGEANT, VARIABLE, INCONSTANT; -LÉGER, VOLAGE; - VERSATILE. Qui se dément; qui ne reste pas le même, dans le même état ou fixé au même objet; qui tend à être autrement ou à avoir autre chose.

rêt. D'ailleurs, il était passionné pour les femmes,
et volage dans ses amours. » FÉN. « Ces notes
fixeront la langue et le goût, deux choses assez
inconstantes dans ma volage patrie. » VOLT. « I!
y a des personnes si légères et si frivoles que......»
LAROCH. « La renommée peint les Parisiennes
frivoles, étourdies, volages. » J. J.
épithètes s'appliquent de préférence à la jeunesse
et aux amants, quand ils font ou que celui qui en
parle fait des affections du cœur une sorte de
badinage. « Les femmes accusent les hommes
d'être volages, et les hommes disent qu'elles sont
légères.» LABR.

Ces deux

Quant à la distinction de léger et de volage, le cœur léger ne tient pas fortement à son objet, et le cœur volage voltige d'objet en objet. Un rien, un souffle en quelque sorte suffit pour dégager l'un; le goût de la variété entraîne l'autre à contracter divers engagements. « La femme volage est une légère qui aime la multitude. » COND. Phèdre dit de Thésée :

Je l'aime, non point tel que l'ont vu les enfers, Volage adorateur de mille objets divers. BAC. Ainsi, le défaut d'une femme changeante ou inconstante est un défaut de conséquence, sur lequel on ne plaisante pas, qu'on juge au point de vue de la morale. Mais l'attachement de la femme changeante est susceptible de lassitude ou de dégoût; celui de la femme inconstante n'est pas long ni sûr. Le défaut d'une femme légère ou volage se prend moins au sérieux et se caractérise au point de vue de la galanterie. Mais l'attachement de la femme légère n'est pas fort; celui de la femme volage est vagabond.

Versatile, versatilis, de versare, fréquentatif de vertere, tourner, est comme le superlatif de tous Changeant, variable et inconstant se disent les mots qui précèdent, et surtout de variable. tous trois du temps. Changeant le représente « Les causes des effets du hasard sont variables comme un objet susceptible de devenir tel ou tel, et versatiles. » Buff. On est versatile dans ses beau ou vilain, froid ou chaud, sec ou humide; opinions, c'est-à-dire si variable qu'on ressemble variable comme un agent capable de plus ou à une girouette : Voltaire a été l'écrivain le plus moins de force ou d'ardeur, comme pouvant de- versatile (LAH.). On le dit aussi du caractère, venir calme ou orageux, produire du vent ou de mais non pas des affections. « Alcibiade était la pluie; inconstant le désigne comme incertain d'un caractère versatile. » VOLT. Ce mot est telleou pas sûr, comme devant se modifier bientôt.ment relatif à l'esprit (et non pas au cœur), et Pareillement, un esprit est changeant quant à sa manière d'être, à ses sentiments; variable quant à sa manière d'agir, à ses résolutions, ou à ses opinions; et inconstant eu égard au peu de fond qu'on peut faire sur lui et au peu de durée de ses impressions actuelles. Une femme changeante est sujette à se lasser de son état ou de l'objet de son affection, à désirer du nouveau; femme variable n'est pas une expression usitée, variable

lui attribue une telle mobilité, qu'il finit par signifier une sorte de talent, une habile souplesse. « Nul n'a eu une dialectique plus adroite et plus versatile que Bayle pour se charger successivement de l'attaque et de la défense. » LAH. Ce génie si souple, si pliant et si versatile ne sert qu'à avertir les sénateurs d'être sur leurs gardes. » D'AG.

α

CHANGEMENT, VARIATION, MUTATION, VI

CISSITUDE, RÉVOLUTION, INNOVATION. Modi- | dans l'altération; la variation, dans l'incon

fication qui fait perdre aux choses de leur identité.

stance; la mutation, dans le déplacement. La mutation de l'axe de la terre (VOLT., BUFF.). « Rechercher dans les histoires les exemples des grandes mutations (changements de dynasties).» Boss. a Les guerres ont presque toujours été le fruit de ces tristes mutations (même sens). » MASS. « L'extraordinaire, le vaste, les grandes mutations (déplacements des mers) sont des objets qui plaisent à l'imagination.» VOLT. « Les principautés devaient prendre l'investiture à chaque mutation d'empereur ou de vassal. » ID. « Le droit de rachat devait se payer à chaque mutation d'héritier.» MONTESQ. Le roi ne se réservait dans la Louisiane, cédée à la compagnie de Law, que la foi et hommage-lige, à chaque mutation de roi. » MARM. « Il y a eu de nombreuses mutations dans ce régiment. » ACAD. « La mutation des généraux était un inconvénient considérable attaché à la forme du gouvernement des Romains. » ROLL.

Le changement est une modification de l'état; la variation, une modification du cours des choses. Changement se dit des choses qui sont; variation, des choses qui vont ou se font. Le changement produit une autre manière d'être, d'autres qualités; la variation est une autre phase ou une autre façon d'agir. Une chose qui ne change pas continue à être telle qu'elle est, reste la même; une chose qui ne varie pas continue à se développer de même, persévère. Quand on parle des changements d'une personne, on a égard à sa nature, à sa constitution, soit physique, soit spirituelle; quand on parle de ses variations, on pense et on fait penser à sa manière de se conduire ou de juger. On dit un changement d'état, de condition, de visage, de face, de scène; les changements de la terre; tous les êtres créés sont sujets au changement. Mais on dit la variation des vents, des témoins; les La vicissitude, du latin vicissim, alternativevariations du change, de l'usage, de la mode, ment, tour à tour, est une variation alternative, de l'humeur, de l'amour, de la faveur, etc. « La c'est-à-dire qui consiste à aller, non pas d'un guerre en Italie fut longue et cruelle, parce que état à un autre, puis à un autre, puis à un autre les différentes factions ne savaient ni se réunir indéfiniment, mais d'un état à un autre, pour ni persister chacune dans leurs premières dé- revenir au premier, et ainsi de suite, par une marches; et comme les intérêts changeaient de espèce d'aller et de retour ou de mouvement mille manières, la fortune variait continuelle-oscillatoire. Les vicissitudes de la vie ou de la ment. » COND.- Changement exprime d'ordinaire fortune nous mettent dans l'opulence, dans la un seul événement ou l'effet d'un seul événe-joie, et puis dans la misère, dans la tristesse; ment; mais variation désigne plusieurs faits après quoi elles nous ramènent à l'opulence et ou une succession de faits. Que la mode ou la à la joie pour nous faire retomber dans la misaison change, nous avons une autre mode, une sère, la tristesse; et toujours ainsi. Notre volont autre saison; qu'elle varie, nous passons par a ses vicissitudes et ses retours.» BOURD. « L'Eune suite de modes ou de saisons. Qui change glise, tantôt soutenue, tantôt persécutée par les prend une autre opinion, un autre sentiment; grands du monde, durera parmi ces vicissitudes qui varie flotte. Changement annonce une jusqu'à la fin des siècles. Boss. Quelle vie modification plus essentielle, et variation une pénible que ces vicissitudes éternelles de vice et modification plus superficielle, plus légère, ac- de vertu!» MASS. Suivant Héraclite et Empécessoire. « La couleur et le poil des loups chan- docle, les éléments sont dans une vicissitude gent suivant les différents climats, et varient quel- perpétuelle (FÉN.): le feu se transforme en air, quefois dans le même pays. » BUFF. « Il serait qui se transforme en eau, qui se transforme en impossible de suivre le gouvernement de l'empire terre; et réciproquement, la terre se transforme d'Allemagne dans toutes les variations qu'il a en eau, l'eau en air, et l'air en feu. Qu'un souffertes; ce sera assez pour nous d'observer les homme ou un objet soit déplacé, il y a simple changements principaux sous les différentes pé-mutation; mais il y a vicissitude, quand un riodes. » COND. « Dieu varier! Dieu changer! homme ou un objet est mis à la place d'un autre, cette idée me paraît un blasphème. VOLT. - et que celui-ci, à son tour, est mis à la place Quand il s'agit de l'homme et de ses dispositions, du premier, quand, en un mot, il se fait non variation ne marque pas seulement une multi-pas seulement un changement, mais un échange. plicité de changements, mais aussi quelquefois la fin des siècles, les pauvres qui avaient été un changement sans raison, le changement d'un | les derniers dans le monde, prendront la preesprit léger. « Le changement d'opinion peut se mière place, et les riches seront mis à la dertrouver avec la force d'esprit, souvent même il nière, bien étonnés d'une si grande vicissitude la prouve; les variations dans la manière de (Boss.). penser montrent le peu de solidité. Une plus grande lumière nous fait changer de sentiment; le défaut de lumière nous fait varier. » COND. Mutation, latin mutatio, de mutare, fréquentatif de movere, mouvoir, indique, particulièrement dans le style noble ou en termes de droit et d'administration, un changement de place. Le changement proprement dit a rapport à la manière d'être la variation, à la manière d'agir; et la mutation, au lieu. Le changement consiste

Révolution, de revolvere, tourner de manière à revenir au point de départ, après avoir parcouru un cercle, signifie d'abord le mouvement circulaire des astres. Ce mot, au figuré, indique un changement considérable et fatal, un changement qui arrive inévitablement et s'étend à toute la terre, à tout un corps, à tout un ordre de choses, et produit des effets durables. « Notre globe a essuyé des révolutions. » VOLT. a Plusieurs parties de la terre ont souffert de grandes

révolutions. » ID. « La cour est comme le théâtre des révolutions humaines; on y voit tant de changements soudains, des morts si terribles et si peu attendues. » MASS. « Nous ne pouvons juger que très-imparfaitement de la succession des révolutions naturelles (de la terre); et nous jugeons encore moins de la suite des accidents, des changements et des altérations. » BUFF. << Saint Louis introduisit l'usage de fausser sans combattre; changement qui fut une espèce de révolution. » MONTESQ.

L'innovation, action d'introduire une noureauté, est le changement d'une chose ou dans une chose établie depuis longtemps. Il se dit surtout des dogmes, des coutumes, des institutions. « Ce critique donne, autant qu'il peut, à l'hérésie un air d'antiquité, et à saint Augustin un air d'innovation. » Boss. « Voilà les fondements de l'antiquité de la foi et de l'innovation des hérétiques. » ID. a Tant d'innovations utiles étaient reçues avec applaudissement, et les plaintes des partisans des anciennes mœurs étaient étouffées par les acclamations des hommes raisonnables. » VOLT.

CHANGER, ÉCHANGER, TROQUER, PERMUTER. Donner ou laisser une chose pour une autre, sans qu'aucune des deux soit de l'argent.

Changer est d'abord bien distinct des trois autres verbes. Il est le seul qui signifie quelquefois une action involontaire au sortir d'un bal, il peut arriver qu'on change son chapeau sans s'en apercevoir; à la place de mon parapluie qu'on m'a pris, j'en trouve un autre qui vaut mieux, je ne perds pas au change. Il est le seul qui soit absolu il ne marque pas nécessairement réciprocité d'action entre deux personnes dont chacune donne et reçoit je trouve mon vêtement trop chaud pour la saison, je le change. Enfin changer est de ces quatre mots le plus général et le seul qui soit de tous les styles.

renards noirs, qu'ils troquaient pour des clous et des morceaux de verre. » VOLT. « Au siége de Paris par Henri IV, plusieurs officiers des assiégeants troquaient un aloyau pour une fille. » ID. Cet enfant troque avec joie un cornet de bonbons contre un livre. » LAH. « J'aurais volontiers, dit Sancho, troqué cette massue contre un morceau de fromage.» LES. « Faisons un troc, Frontin; cède-moi cette fille-là, et je t'abandonne ma vieille comtesse. » ID.

Quant à permuter, latin permutare, sa signification est encore plus restreinte et plus spéciales autrefois on le disait uniquement des bénéfices ecclésiastiques; c'est à présent un terme d'administration dont on se sert dans le seul cas où il est question d'un échange d'emploi.

CHARGE, - FARDEAU, FAIX. Ce qu'on porte. La différence est assez grande entre charge d'une part, fardeau et faix de l'autre.

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Charge est abstrait; fardeau et faix sont concrets. La charge d'un homme ou d'un animal est ce qu'il porte d'ordinaire ou ce qu'il est capable de porter ou ce qu'il doit porter; le fardeau ou le faix d'un homme ou d'un animal est ce qu'il porte effectivement et actuellement. « La charge ordinaire des lamas est de 150 livres. » BUFF. C'est une chose étonnante de voir quelle était la charge des soldats romains dans la marche. » ROLL. & Porter à quelqu'un des lettres la charge d'un âne. » LES. « Y a-t-il quelque crime dont Jésus ne soit point chargé? Tout y est, la charge est complète. Que chacun vienne reconnaître la part qu'il a dans ce fardeau. » Boss. Charge signifie une qualité idéale; fardeau et faix représentent des objets matériels; aussi dit-on trèsbien la charge d'un fardeau, comme la charge d'un poids (BUFF.), d'un joug (MAL.). Boileau dit à Louis XIV :

Mais je sais peu louer, et ma muse tremblante

Fuit d'un si grand fardeau la charge trop pesante. Au figuré, charge exprime quelque chose à faire, une obligation, un office, une dépense, et non comme une masse qui pèse sur quelqu'un.

Échanger appartient au style noble, et il se dit particulièrement à l'égard du haut commerce, du commerce portant sur des objets considérables, D'ailleurs, la charge ne se rapporte pas, comme ou du commerce envisagé théoriquement, au le fardeau et le faix, à l'état pénible de celui qui point de vue de l'économie politique. On échange est dessous. C'est pourquoi on donne bien une une propriété contre une autre; les métaux pré-charge à des choses inanimées, à un mur, à un cieux servent de gages d'échange (VOLT.); question du libre échange. Du reste, l'application de ce mot s'étend au delà des choses commerciales, mais c'est presque toujours en parlant de choses considérables qu'on s'en sert: échanger des prisonniers, des notes diplomatiques, des provinces, les ratifications d'un traité, etc. Voy. Changer, échanger, p. 128.

Troquer, au contraire, n'est d'usage qu'en parlant de l'échange des denrées ou des valeurs, et encore de celles qui sont petites ou de médiocre importance, de celles dont on trafique. Troquer est un terme vulgaire et souvent familier. « La femme du patron de la barque de Stockolm était allée à une foire pour troquer du sel et de la farine contre des peaux de rhennes et de petitsgris; car tout le commerce de ce pays se fait ordinairement en troc.» REGN. « Les Samoyèdes venaient apporter au marché des martres et des

SYN. FRANC.

vaisseau. Les planètes composent une roue d'un
vaste diamètre dont l'essieu (le soleil) porte toute
la charge. » BUFF. « On peut supposer que la
charge ordinaire de ces vaisseaux était de
200 hommes. ROLL. Le fardeau et le faix sont
des charges qui font impression sur celui qui les
porte, des charges pesantes sous lesquelles on
plie. Charge exprime aussi bien quelque chose
de léger que quelque chose de lourd. « Le cheval
s'est blessé, il ne saurait porter la moindre
charge. » LES. « Cet état brillant est un engage-
ment au travail, est une charge, est un fardeau,
et un fardeau très-pesant. » BOURD. Du reste,
la charge peut se considérer sons d'autres rapports
que celui de la pesanteur : une belle charge
(VOLT., LES.).

Deux mulets cheminaient, l'un d'avoine chargé,
L'autre portant l'argent de la gabelle.
Celui-ci, glorieux d'une charge si belle,

28

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