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LOUEUR, LOUANGEUR. Qui loue ou donne des

SYNONYMIE DES ADJECTIFS VENANT, L'UN D'UN
VERBE, ET L'AUTRE D'UN SUBSTANTIF CORRES-louanges.
PONDANT.

Loueur ne se dit que des personnes; louangeur se dit aussi des choses: plume louangeuse (J. J.);

Menteur, mensonger. Loueur, louangeur. Passant, discours ou ton louangeur (ACAD.); histoires

passager.

Leur différence de valeur tient à leur différence

louangeuses (LAH.). Loueur qualifie en raison d'un fait unique, au lieu que louangeur marque plutôt une habitude constante: ainsi, La Fontaine dit qu'en donnant au prince de Condé, à l'égard de César, sinon la préférence, mais la concurrence du moins, il croirait être un loueur modeste. Les hommes sont, suivant Alceste,

Sur toutes les affaires,

d'origine. L'adjectif verbal suppose de la part du sujet qualifié action, et presque toujours action forte, expresse, volontaire, intentionnelle. Au contraire, l'adjectif nominal, ou ne désigne point l'action, ou en désigne une peu prononcée, peu spéciale, involontaire; de là vient que le premier Loueurs impertinents, ou censeurs téméraires. MOL se dit surtout des personnes, c'est-à-dire des << Corbinelli a fait une épître contre les loueurs exagents capables de dessein et de préméditation, cessifs. » SÉv. Mais louangeur n'a aucun rapport tandis que le second s'applique plus particulière- à un cas présent, à des faits particuliers; il exment aux choses. Ensuite, l'adjectif verbal qua-prime une habitude de louer à tous propos, sans lifie en raison d'un fait, et l'adjectif nominal en raison d'une qualité constante. Le premier, par cela seul qu'il tient du verbe, marque une qualité temporaire; car l'idée d'un temps précis, passé, présent, ou futur et non continuel, s'attache toujours au verbe, et c'est pourquoi il est appelé en allemand le mot du temps, Zeitwort. MENTEUR, MENSONGER. Qui trompe en mentant, en faisant considérer comme vrai ce qui est

faux.

Ils ne sont synonymes que lorsqu'ils s'appliquent tous deux aux choses, attendu que mensonger ne peut se dire des personnes. L'éclat menteur ou mensonger des biens de ce monde.

dinal Dubois était doux, bas, souple, louangeur, préméditation et comme par instinct. « Le caradmirateur. » S. S. « Bonnard avait le défaut d'être un peu louangeur. » LAH. « Horace, qui n'est pas louangeur, appelle Sophocle le grand Sophocle.» ID. Enfin, loueur est une qualification plus relative à la personne qui loue, et louangeur une qualification plus relative aux louanges qu'il donne: un loueur perpétuel fait sans cesse l'action de louer; un louangeur fade, fastidieux, emphatique, donne des louanges fades, fastidieuses, emphatiques.

PASSANT, PASSAGER, se disent des personnes qui se transportent d'un lieu à un autre.

Par leur sens, ces termes se rapprochent beaucoup plus, l'un du verbe passer, et l'autre du substantif passage. Le passant ne fait que passer; ce mot indique un trajet très-court, et qui ne dure qu'un instant. Le passager met plus de temps à passer; c'est un voyageur qui séjourne quelque peu sur le navire qui le transporte. On dit de l'homme qu'il n'est que passager sur cette terre, parce que son passage y dure au moins quelque temps. Par la raison contraire, passant a souvent été employé dans les épitaphes: Arrête, passant. En outre, passant exprime réellement l'action de passer, et passager un état: on arrête les passants; sur un navire il y a des soldats et des passagers,

SYNONYMIE DES VERBES NEUTRES AVEC LES MÊM
VERBES DEVENUS ACTIFS ET ACCOMPAGNÉS DU
PRONOM PERSONNEL.

Menteur est plus fort que mensonger; il semble indiquer des promessses faites et qu'on ne tient pas; et, comme dans ce sens, il se prend métaphoriquement, on ne l'emploie que dans le style élevé. Un récit menteur differe bien d'un récit mensonger: la première expression emporte que le mensonge est dans la personne qui fait le récit, et la seconde qu'il réside dans la chose même. Faire un récit menteur, c'est mentir volontairement, en faisant un récit qu'on sait être faux; un récit mensonger contient des faussetės, mais on l'ignore. En un mot, menteur rappelle l'action du verbe mentir. l'habitude de mentir, et mensonger, l'état ccnstant de ce qui a la qualité exprimée par le substantif mensonge. On ne dit menteur que des choses considérées comme des personnes qui cherchent à tromper, ou bien des choses qui sont faites par des personnes à dessein de tromper. La renommée est menteuse (VOLT.); la menteuse antiquité (J. J.); oracles menteurs (LAF., VOLT.). « Le néant parait quelque chose; mais il n'est rien qu'un néant menteur: que ne fait-il point espérer? Mais dans le fond que donne-t-il? » FÉN. Langage menteur (RAC.): paroles menteuses (MOL.). « La nature humaine est partout orgueilleuse, partout Beaucoup de verbes, dans notre langue, ont menteuse, et veut toujours en imposer. » VOLT. à peu près la même signification, employés sous Mensonger qualifie les choses propres à tromper, la forme neutre et sous la forme pronominale. mais non pas destinées pour tromper. Plaisirs Nous disons presque indifféremment, par exemmensongers (ACAD.); allusions (LAH.), légendes ple, que la beauté passe et se passe; qu'on meurt (VOLT.) mensongères. Les romans sont des produc-et qu'on se meurt; qu'on pâme et qu'on se pâme; tras mensongeres (LAH.). La peinture et la poésie que le lait épaissit et s'épaissit; que les animaux soat des arts mensongers (J. J.). engraissent et s'engraissent; que la campagne embellit et s'embellit; que l'heure approche et s'approche. De là autant d'expressions synonymi

Je l'ai vu, ce n'est point une erreur passagère
Que produit du sommeil la vapeur mensongère.

VOLT.

Passer, se passer. Mourir, se mourir. Påmer, se pamer. Panacher, se panacher. Noircir, se noircir. Amender, s'amender. Pourrir, ohancir, moisir; se pourrir, se chancir, se moisir. Etc.

ques pour la distinction desquelles une règle | tez d'une manière analytique et concrète, allant

générale est nécessaire, afin d'éviter les redites et de confirmer les déterminations par le rapprochement des exemples.

Le verbe neutre, ainsi que le verbe pronominal, exprime qu'un phénomène ou un fait a lieu par lequel le sujet passe d'un état à un autre. En cela consiste la synonymie des deux verbes; mais elle ne s'étend pas au delà. Leur différence résulte de leurs noms mêmes.

Le verbe neutre n'est ni actif ni passif, mais simplement énonciatif. Il ne présente point d'agent, de cause; il ne rappelle ni la manière d'agir, ni les degrés, ni les progrès de l'action. Ce n'est point une action qu'il marque, mais un acte abstrait, inqualifiable, sans durée, et indépendant de toute circonstance. Le verbe pronominal, au contraire, acquiert par le pronom une signification qui tient de celle du verbe actif au lieu d'énoncer le fait simplement, en lui-même, il le montre s'accomplissant; il le représente dans toute son étendue, dans ses détails, dans sa manière, ses degrés, ses circonstances. Il est concret, descriptif, représentatif, analytique, circonstanciel; il fait voir la chose ou la personne occupée à devenir ce qu'elle doit être, pendant qu'elle va ou est en train d'aller à un état nouveau. Il peint l'opération successive, | le travail, les efforts, la révolution qui doit amener cet état, l'action reçue et les changements éprouvés par le sujet dans le temps de l'épreuve. Purement énonciatifs ou qualificatifs, synthétiques et abstraits, leurs synonymes ayant des caractères tout opposés, les verbes neutres se distinguent encore des pronominaux en ce qu'ils conviennent dans les propositions absolues et générales, leurs synonymes n'étant de mise que dans les propositions relatives et particulières. On dit bien, tout passe et tout meurt ici-bas; on ne dirait point, tout se passe et tout se meurt. L'homme meurt, c'est-à-dire est mortel, proposition absolue et générale; et il en est de même de beaucoup d'autres dans lesquelles entre le verbe neutre la beauté ou le temps passe. Mais en disant d'une personne qu'elle se meurt ou que sa beauté se passe, j'applique le fait général à un cas particulier. Et lors même que les deux verbes font partie de propositions particulières, le verbe neutre conserve toujours quelque chose de son caractère de généralité. Un homme meurt, pâme, avance, c'est-à-dire que le phénomène de la mort, de la pâmoison et de l'avancement a lieu en lui comme il a lieu chez les autres, comme il arrive d'ordinaire. Si on dit qu'il se meurt, qu'il se pâme ou s'avance, alors, les verbes étant relatifs à la manière font concevoir le fait comme ayant dans le sujet où il se passe quelque chose de spécial.

à sa fin, pendant sa décadence ou sa dégradation. Les fleurs et les fruits, les plaisirs, les biens de ce monde, la beauté, le temps, les couleurs, les saisons, les modes passent, c'est-à-dire, en général et sans fixer l'attention sur la manière et la durée de l'opération ou du changement, que toutes ces choses ont pour qualité de s'en aller, de finir, de cesser d'être. Quand on dit qu'elles se passent, on les montre pendant leur déclin, en train de s'en aller, se flétrissant, s'effaçant, perdant leur lustre, leur forme, en un mot faisant l'action ou subissant les épreuves qui doivent amener leur fin. Avec le terme abstrait passer, qui fait abstraction de la durée, on emploie souvent les adverbes promptement, rapidement; et, au contraire, se passer faisant voir la chose pendant sa dégradation, comporte d'autres modifications, comme insensiblement et peu à peu. La vaine joie passe comme un éclair; la peine se passe avec le temps et la réflexion. « Il y a, dit Bouhours, des maux qui passent et des maux qui durent; les maux qui durent se passent à la longue. » « Les plaisirs passent bien vite, passent en un moment. » Boss. « Un court délai nous semble long quand il se passe. » ID.

En second lieu, passer convient mieux dans les propositions générales, et se passer dans les propositions particulières; la beauté passe bien vite, et la beauté de cette femme commence à se passer. Les maux passent, et votre mal se passe; le temps passe, et le temps de semer ou de recueillir se passe.

Enfin, la relativité de se passer apparaît avec évidence quand on se sert de cette expression en parlant du temps. Si on veut seulement exprimer la rapidité avec laquelle il s'échappe, on dit le temps passe, les jours, les années passent; mais on dit qu'il se passe, quand on en parle avec rapport à l'usage que nous en faisons. La vie passe comme un songe, et pour la plupart la vie se passe à former des projets de bonheur, ou elle se passe laborieusement et longuement dans l'ennui. a Le temps passe, le temps s'écoule; le temps se passe, le temps s'emploie, se consume. » MARM. MOURIR, SE MOURIR. Subir l'événement de la mort.

L'un exprime cet événement d'une manière générale et comme un acte abstrait; l'autre peint l'action de mourir avec tout ce qui l'accompagne: il fait assister, en quelque sorte, à l'agonie du mourant; il retrace l'image de ses mouvements, de ses efforts, de la lutte qu'il soutient pour échapper. Un homme que la foudre ou un boulet prive tout d'un coup de la vie meurt, et ne se meurt pas. Un phthisique qu'on voit et qui se voit approcher, chaque jour, du terme fatal, se meurt. Mes filles, soutenez votre reine éperdue. Je me meurs. (Esther). RAC.

PASSER, SE PASSER. Se perdre, s'écouler, ne pas continuer à demeurer dans le même état,« Je me meurs tout doucement. » VOLT. « L'amour avoir une existence bornée. profane est toujours plaintif : il dit toujours qu'il En disant qu'une chose passe, vous énoncez languit et qu'il se meurt. » Boss. « L'abbé de Foix simplement, d'une manière abstraite et synthé-se tique, qu'elle est passagère, qu'elle a une courte durée; c'est sa qualité ou son sort de finir bientôt. En disant qu'elle se passe, vous la représen-cret et descriptif. L'un sert à exprimer que

meurt; il agonise, cela est pitoyable. » SÉV. PAMER, SE PAMER. Tomber en pamoison. Pamer est énonciatif et abstrait, se pamer con

-

Distinguez de même amaigrir et

ÉPAISSIR, S'ÉPAISSIR. Devenir épais, plus épais.

fait a lieu, mais sans indication de la manière et engraisser.
des circonstances; l'autre fait qu'on est témoin s'amaigrir.
d'une scène; il montre la crise dans son cours,
dans ses progrès, il représente le sujet se débat-
tant, pour ainsi dire, avant de tomber.
Sire, în pâme de joie ainsi que de tristesse. CORN.
« Ezechiel, au travers des ailes des chérubins,
voit je ne sais quoi de merveilleux : il s'étonne,
il se pâme, il tombe sur sa face. » Boss. Voyez
les choses bien exactement telles qu'elles sont, et
songez dans quel état pouvait être la tête d'un
homme qui se pâme de plaisir en vous disant de
pareilles choses. » LAH.

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en effet ces couleurs ou ces formes. » ROUB. NOIRCIR, SE NOIRCIR.

Tous deux marquent le fait de l'épaississement, mais chacun à sa manière. En employant épaissir, vous ne faites qu'énoncer le fait; en employant s'épaissir, vous le dépeignez, vous montrez le sujet en travail ou sans cesse occupé à prendre de la consistance. Un instant peut quelquefois suffire à une chose pour épaissir; il lui faut du temps pour s'épaissir. Il semble ensuite que l'un exprime un épaississement ordinaire, naturel ou périodique, qui n'a rien de spécial, et l'autre un épaississement accidentel, dont on remarque particulièrement la cause ou la manière. Le lait épaissit en se caillant; il s'épaissit quand on le bat pour en extraire le beurre. On distinguerait pareillement sécher et se sécher, durcir et se durcir. On sèche d'ennui dans une prison; << Otez aux hommes leurs divertissements, vous les verrez se sécher d'ennui. » PASC. « En quelques

« Les choses sujettes à devenir noires noircis-minutes les œufs durcissent dans l'eau bouillante;

sent le teint noircit au soleil. Les choses se noir

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cissent lorsqu'elles perdent leur blancheur et qu'elles deviennent noires : le temps se noircit à mesure qu'il se couvre de nuages épais et sombres. Un objet pourrait noircir tout d'un coup; il ne se noircit que par degrés. » ROUB.

AMENDER, S'AMENDER.

α

« En disant qu'une terre amende, vous la présentez dans un état d'amélioration, vous considérez l'effet produit: en disant qu'elle s'amende, vous la présentez dans le travail de l'amélioration, vous considérez ses efforts et ses progrès. » ROUB. On distinguera de même, mutatis mutandis, empirer et s'empirer. « Nos affaires empiraient à vue d'œil.» LES. « Il ne faut pas s'étonner si les choses empirèrent par la mort de Henri VIII. » Boss. Les premiers hommes purent sentir combien leur état allait s'empirant. » ID. « Les maux du corps s'invétèrent, s'empirent en vieillissant, et détruisent enfin cette machine mortelle. » J. J. POURRIR, CHANCIR, MOISIR; SE POURRIR, SE CHANCIR, SE MOISIR.

«La viande pourrit, les confitures chancissent, le pain moisit; ce sont des accidents que ces objets doivent éprouver, ou même qu'ils éprouvent actuellement. La viande se pourrit, les confitures se chancissent, le pain se moisit: ces objets sont alors dans la crise ou fermentation qui produit la pourriture, la chancissure ou la moisissure. »> ROUB.

« Le tronc rude et noueux de ces arbres s'est durci

par le nombre des années. » FÉN. « Le bois du
cerf ressemble au bois des arbres par la manière
durcit, se sèche et se sépare. » BUFF.
dont il croît, dont il se développe, se ramifie, se

ROUGIR, SE ROUGIR. Ces deux verbes se disent également de ce qui prend une couleur rouge.

Rougir signifie le fait d'une manière abstraite; se rougir montre la chose en train de devenir rouge. Ensuite, c'est dans les choses plutôt une propriété de rougir, comme de noircir et d'épaissir, et un accident de se rougir, comme de se noircir et de s'épaissir. Certains fruits rougissent à certaines époques de l'année, mais ils se rougissent avant, si des maladies ou des insectes les attaquent. - La différence est la même entre brunir et se brunir. « Trois ou quatre jours après leur naissance, les petits des nègres paraissent d'un jaune basané qui se brunit peu à peu. »> BUFF.

-

EMBELLIR, S'EMBELLIR. Une campagne, une ville embellissent et s'embellissent, c'est-à-dire deviennent belles ou plutôt, d'une part, deviennent belles et de l'autre se font belles.

Embellir est relatif à l'effet, s'embellirà l'action. Le premier signifie l'espèce de changement opéré. Le second le montre s'opérant; celui-ci se rapporte au temps, aux détails, aux efforts successifs, aux progrès de la chose. Au printemps la campagne embellit; la campagne la plus ingrate et la plus mal située finit par s'embellir à force de culture et de travaux.

ENGRAISSER, S'ENGRAISSER. Devenir gras. APPROCHER, S'APPROCHER. Devenir proche. Engraisser signifie simplement et d'une ma- Approcher n'exprime que le fait du rapprochenière abstraite le fait de la substitution de l'em- ment par l'abréviation et la diminution de la bonpoint à la maigreur; il est relatif au résultat. distance: ce qui est loin approche. Approchez, Sengraisser est relatif à la cause, au temps, au c'est-à-dire, soyez proche ou plus près; c'est en travail, aux efforts, à tout ce qui est nécessaire faisant du bien aux hommes qu'on approche le pour amener le résultat; il vous peint à l'œuvre, plus de la Divinité. S'approcher désigne, non le vous engraissant; il représente l'action continue, simple fait d'une plus grande proximité, mais constante d'engraisser, et tous les changements surtout l'action par laquelle ce fait est produit, successifs qui remplissent l'intervalle entre la c'est-à-dire l'action de franchir l'espace intermémaigreur et l'embonpoint. Les animaux engrais-diaire, sa manière, sa durée, sa difficulté. Aussi sent dans certains pâturages, et on les envoie s'y est-il susceptible de beaucoup plus de modifica

RAC.

tions << En approchant du bosquet, j'aperçus... Jérusalem, qu'il n'y avait plus moyen de s'échapEn y entrant, je vis avec surprise ta cousine per. » Boss. s'approcher de moi, et, d'un air plaisamment Pour s'échapper de nous Dieu sait s'il est allégre. suppliant, me demander un baiser.» J. J. En approchant énonce un fait accessoire, sur lequel on n'insiste point; je vis s'approcher, exprime un fait principal qu'on fait voir s'effectuant, dont on veut représenter la manière. « Une mort lente et qui s'est approchée comme par degrés. » D'AG. «Germanicus prenait le soin de s'approcher secrètement des tentes pendant la nuit, et de prêter l'oreille aux discours de ses soldats. » BOURD. D'ailleurs, approcher est général, s'approcher particulier la mort approche pour tous et s'approche pour chacun; l'un est absolu, et l'autre relatif je l'ai prié d'approcher, et il n'a pas osé s'approcher. On distinguerait à peu près de même arrêter et s'arrêter.

-

AVANCER, S'AVANCER. Aller en avant. J'avance énonce le fait; je m'avance le montre s'accomplissant. Avancer exprime en elle-même, dans son essence, une action inqualifiable par cela mème, si ce n'est sous le rapport du plus ou du moins. S'avancer emporte relation à la manière, aux progrès, aux obstacles, et à toutes les circonstances; il reçoit par conséquent beaucoup de modifications; on s'avance avec noblesse, lentement, avec peine, rapidement, au travers des périls, contre l'ennemi, etc.-S'avancer, d'ailleurs, présente le sujet se portant en avant, agissant sur soi-même pour se mettre en mouvement, prenant sur soi d'aller vers. « Le duc de Rohan se mit à la porte du cabinet. Comme le roi approcha, il s'avança. » S. S.

MONTER, SE MONTER, s'emploient également pour marquer qu'un nombre, une somme, une dette, une créance va ou s'élève jusqu'à tant.

La seule différence qu'il y ait entre les deux expressions, c'est que la seconde est relative au détail, à l'addition: vous me devez telle somme; en y joignant telle et telle autre, le tout se monte à mille francs. Quand on voudra seulement exprimer un total, on se servira du verbe neutre monter. « La succession de mon frère monte à des sommes immenses. >> DEST. « Les dettes de Louis XIV, à sa mort, montaient à deux milliards six cents millions. » VOLT. Mais il faudra préférer le verbe pronominal, se monter, si on rappelle un calcul ou l'opération qui a servi, à établir le total.

Un après un le seigneur fait le compte (des aulx): Puis quand il voit que son calcul se monte A la trentaine, il les met dans un plat. LAF. « Le stupide ayant calculé avec des jetons une certaine somme, demande à ceux qui le regardent faire à quoi elle se monte. » LABR.

ÉCHAPPER, S'ÉCHAPPER. S'évader, s'esquiver, quitter en toute bâte un lieu où l'on est pour se mettre en sûreté.

Racine dit encore dans Esther qu'on peut surprendre la justice des plus grands rois : « ils ont peine à s'échapper, dit-il, des pièges de l'artifice.» Il y a beaucoup de dangers dont on ne peut échapper qu'en s'échappant. - Ces deux verbes se disent encore tous deux, au figuré, dans le sens de s'évanouir, se dissiper. Il arrive un moment où le dernier espoir échappe ou s'échappe. Le second verbe semble marquer une succession, et non une action faite tout d'un coup. On dirait que l'espoir ne s'échappe que peu à peu et malgré des efforts pour le retenir. «Sentant déjà la vie qui s'échappe je cherche à la ressaisir par ses commencements. »J. J.Ils se disent enfin de certaines choses qui d'ellesmêmes sortent d'un lieu qui les contient ou les renferme. Mais échapper convient pour une sortie brusque, instantanée, et s'échapper s'il est question de choses qui sortent par une action successive. Un bâton échappe de la main, une idée de la mémoire; des pleurs s'échappent des yeux, des flammes d'un volcan. «Quand une chose que nous tenons échappe de nos mains, nous sentons parce moyen en quelque façon qu'elle se meut.» Boss. On ne peut jamais dire d'aucune chose avec justesse, qu'elle commence à échapper.

AUGMENTER, S'AUGMENTER. Croître, devenir plus grand ou plus fort.

Augmenter est un terme abstrait, mathématique, propre à énoncer ou à signifier l'espèce et le degré de changement. « La chaleur augmentait. » J. J. « Les effets du raisonnement augmentent sans cesse.» PASC. «On reçut si bien les soeurs de Psyché que leur déplaisir en augmenta de moitié. » LAF. S'augmenter est une expression qui dépeint, fait image et représente la chose en progrès. « L'Église ne cessait de s'augmenter tous les jours sous le fer et dans le feu. » Boss. « La naissance des choses, elle est imparfaite; elles s'augmentent, se fortifient par l'accroissanee. » MONTAIGN.

Une chose à remarquer, c'est que la différence est à peu près la même, quand le second verbe est réciproque, et non pas pronominal. Exemple: Disputer et se disputer, être en débat ou en contestation.

Disputer est purement énonciatif: il signifie la sorte d'action d'une manière abstraite. Se disputer est descriptif, et appelle l'attention sur les personnages qui sont en scène, aux prises, et qui agissent réciproquement l'un sur l'autre. On n'est pas de même avis quand on dispute, et on dispute avec calme afin de trouver ou d'éclaircir la vérité; on est animé de sentiments hostiles quand on se dispute, et on se dispute avec violence, avec animosité, quelquefois jusqu'à en venir aux coups. On dispute On échappe et l'on s'échappe des mains de sur une chose; on se dispute à propos d'une chose. quelqu'un. Mais le premier de ces verbes énonce Disputer est relatif à la chose discutée et marque ce que le second dépeint. Dans s'échapper on plutôt un combat d'opinions; se disputer a rapport voit le sujet en action, faisant effort, cher-à ceux qui sont en dispute, et c'est un combat de chant le moyen de fuir. On échappe par bonheur, parce qu'on n'est point aperçu; on s'échappe par adresse. «Titus ferma de si près les avenues de

personnes qu'il exprime. Deux docteurs dans l'école disputent, et on peut disputer même sans être en présence, par écrit ou par lettres; deux

femmes qui ont une querelle dans la rue se dis-
putent. Fénelon écrit à quelqu'un : « Vos amis
disputent à qui vous aura. » Et Voltaire dans une
epigramme dit en parlant d'une personne :

Les malins qu'Ignace engendra,
Les raisonneurs de jansénistes,
Et leurs cousins les calvinistes
Se disputent à qui l'aura.

Pareillement, quereller et chamailler ne représentent pas les personnages en action, leurs efforts réciproques, leurs démêlés et leurs luttes comme se quereller et se chamailler.

SYNONYMIE DES VERBES NEUTRES AVEC LEUR

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d'actuel et de passager. Au contraire, le participe, joint à l'auxiliaire, forme une expression significative d'une qualité fixe, constante, inhérente au sujet, qui ne le quitte pas. Cela résulte de la valeur ordinaire de l'adjectif dont tient le participe, et de ce que le verbe être, mis en saillie dans l'expression composée, lui donne un caractère d'existence, de permanence et de durée.

EXCELLER, ÊTRE EXCELLENT. Avoir un degré éminent de perfection, de supériorité.

Exceller est relatif, a besoin d'un complément et exige une comparaison avec des rivaux qu'on surpasse; on ne peut pas dire qu'une personne ou une chose excelle, sans indiquer sur qui et en

PARTICIPE PRÉSENT OU PASSÉ ACCOMPAGNÉ DU quoi. Un âne dit dans Lafontaine :

VERBE être.

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Les humains sont plaisants de prétendre exceller
Par-dessus nous.!

LAF.

Mais d'où vient qu'au renard Ésope accorde un point, C'est d'exceller en tours pleins de matoiserie? ID. Être excellent est absolu, exprime une idée complète et n'a pas besoin d'un régime ni d'une comparaison. « Vous ne sauriez croire combien est excellent le beurre que nous mangeons.» LAF. Ce qui excelle est meilleur que les autres, n'a pas de pareils dans son espèce; ce qui est excellent est très-bon.

Ensuite, exceller représente plutôt le sujet comme agissant, et être excellent le dépeint comme doué d'une qualité. Le conducteur de char, qui est excellent, excelle à conduire un char dans la carrière. On excelle à faire une chose; on est excellent pour subir une modification, ou comme instrument ou comme moyen. La chair des ramiers est excellente à manger. (BUFF.), c'est-àdire à être mangée. «Les chiens naturels sont excellents pour garder les troupeaux. » BUFF.

OBÉIR, ÊTRE OBÉISSANT. Se soumettre aux volontés de quelqu'un.

Le verbe exprime un fait; le participe, en tant qu'il tient de l'adjectif, une qualité. Le verbe exprimant un fait, est relatif; et le participe exprimant une qualité ou un état du sujet, est absolu. Le premier comporte toutes sortes de modifications, quant aux circonstances et à la manière dont le fait particulier se passe; le second a par lui-même un sens complet, il représente une qualité caractéristique du sujet et indépendante de toute circonstance. On sert et on secourt une certaine personne, d'une certaine manière, dans certaines occasions: c'est un fait qu'on accomplit; on est serviable et secourable indépendamment de tout rapport de personne, de lieu, de temps, de moyens : c'est une qualité dont on est doué. Il en est de même quand le mot qui accompagne le verbe étre est un participe, au lieu d'être un adjectif. On meurt d'un coup de feu, dans son lit, à un certain age, toutes circonstances qui ne peuvent être notées dans l'expression, tel homme est mourant, parce que cette expression est complète et se suffit à elle-même. Quand vous dites qu'un jeune homme est étudiant en droit ou en médecine, vous exprimez tout ce que vous pouvez exprimer avec ce tour; mais, en vous servant du verbe neutre, vous direz qu'il étudie le droit ou la médecine dans une certaine ville, avec plus ou moins d'ardeur et de succès, sous tels et tels maîtres, suivant telle ou telle méthode. Parmi les hommes qui sont languissants, les uns languissent de misère, les autres d'amour, ceux-ci dans l'attente d'un bien, ceux-là dans un long exil. Certaines républiques anciennes ont été floris-obéissant se rapporte davantage au sujet doué de santes: les unes fleurirent par les lettres, d'autres par le commerce, d'autres par les conquêtes. «La prospérité du monde fleurit avec quelque honneur dans la confusion de ce siècle : viendra le temps du discernement. » Boss. «Thalès s'en alla en Egypte où les sciences florissaient pour lors. FEN. Etre dépendant, c'est être dans la dépendance, sans autre spécification possible; mais on dépend de quelqu'un sous tel rapport, jusqu'à tel point, pendant plus ou moins de temps.

D'autre part, le verbe exprimant un fait désigne toujours, par cela même, quelque chose

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Obéir désigne l'acte d'un moment, et être obéissant une disposition constante. Le premier, tout contingent, tout dépendant des circonstances, signifie faire dans l'occasion ce qu'on nous commande; le second, tout qualificatif, signifie, non pas faire un acte d'obéissance, mais posséder d'une manière permanente la vertu de l'obéissance. Ce qui prouve combien obéir est accidentel et relatif, c'est qu'on peut obéir sans être obéissant, par contrainte ou par intérêt. Toutefois, obéir se prend aussi, comme être obéissant, en parlant d'une suite d'actes d'obéissance: «Il vaut mieux, dit Platon, obéir aux dieux qu'aux hommes. >> Mais obéir est toujours plus considéré dans les actes produits et relativement à l'habitude: être

la qualité qui le caractérise. D'ailleurs, obéir dépend des occasions d'agir et suppose des intervalles; être obéissant marque une disposition qui ne cesse pas un instant.

CHANCELER, ÊTRE CHANCELANT. N'être pas ferme.

Chanceler exprime un fait accidentel; à celui qui chancelle il arrive de chanceler. Etre chancelant marque une disposition ou qualité permanente qui chancelle sort de l'état de stabilité; qui est chancelant demeure toujours dans un état contraire à celui de la stabilité, est toujours près

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