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ceur, de suavité, de délices. « Te voilà au comble des plaisirs, tu vas nager dans les délices; quelle félicité lorsque deux cœurs bien épris approchent au moment attendu!» REGN.-Lorsqu'il est question du bonheur des justes au delà de cette vie, et qu'il s'agit, non de le désigner simplement, auquel cas on se sert de béatitude, mais d'en marquer l'intensité, félicité est de rigueur, et prospérité formerait un vrai contre-sens. « Dieu paye un instant de tribulation légère par un poids éternel de joie, de gloire et de félicité. » MASS. Les âmes des rois qui ont régné avec une sincère vertu jouissent dans les Champs-Elysées d'une félicité complète (FÉN.).

« On voit des princes et des grands qui n'usent de leur prospérité que pour la félicité de leurs sens.» MASS. « Ils regorgent de biens et d'honneurs, et il semble que le monde se soit épuisé pour les élever à une prospérité complète; mais cependant leur cœur est-il satisfait? Et dans leur prospérité même, dans ce bonheur apparent, trouvent-ils en effet la félicité?» BOURD. « On plaint le riche plus qu'on ne l'envie, malgré sa prospérité; mais on est touché du bonheur de certains états, par exemple, de la vie champêtre, parce qu'on se sent maître de jouir de la même félicité. J. J.

par amour pour Dieu, ce que les honnêtes gens qui vivent bien font par honneur et par amour pour eux-mêmes. » FÉN. « Il faut que celui qui a un véritable désir d'honneur, au lieu de le poursuivre avec empressement, se contente de le rechercher en faisant de bonnes actions. » Boss.« Un Père a eu raison de dire que le souvenir de nos péchés nous est infiniment plus utile que le souvenir de nos bonnes œuvres. » BOURD. « Si nous connaissions le jour et l'heure où nous mourrons, plus de pénitence dans la vie, plus d'exercice de piété. Tout serait remis au dernier moment; et de là plus de salut, parce que le moment de la mort n'est ni le temps des bonnes œuvres, ni le temps de la pénitence. » ID. « Rendez votre foi certaine par vos bonnes œuvres. » Mass. « Des jours pleins de bonnes œuvres et toujours occupés pour le salut. » ID. « Le sceau de la piété, ce sont les bonnes œuvres et la conversion du cœur. » Boss. «< Pourquoi dans les jours d'abstinence l'Eglise romaine regarde-t-elle comme un crime de manger des animaux terrestres, et comme une bonne œuvre de se faire servir des soles et des saumons? » VOLT.

Quand il est question de notre conduite à l'égard des autres, une bonne action est un acte d'humanité ou de bienfaisance envers un de nos BONNES ACTIONS, BONNES OEUVRES. Les unes semblables. «< Chaque fois que tu seras tenté de et les autres sont moralement louables.

Seulement, bonnes actions est l'expression ordinaire, au lieu que bonnes œuvres se dit en termes de piété. OEuvre, du latin opus, operis, travail, entre dans plusieurs autres locutions qui n'ont cours que dans le langage de l'Ecriture ou de l'Eglise l'œuvre de la rédemption; l'œuvre de chair; œuvre pie. OEuvre signifie particulièrement aussi la fabrique d'une paroisse ou le banc des marguilliers.

L'homme de bien fait de bonnes actions; le bon chrétien, de bonnes œuvres. Les bonnes actions sont conformes à la raison; les bonnes œuvres, à la foi. On obéit à la voix de l'honneur ou de la conscience en faisant de bonnes actions; on travaille à son salut en faisant de bonnes œuvres. Les bonnes actions sont opposées aux mauvaises, aux fautes de toutes sortes; les bonnes œuvres le sont aux péchés.

Pythagore nous donne le conseil de rappeler le soir ce que nous avons fait dans la journée, pour nous applaudir de nos bonnes actions ou pour nous blâmer de nos mauvaises. » LES. « L'honnête homme à Paris n'est point celui qui fait de bonnes actions, mais celui qui dit de belles choses. J. J. « Ce général croyait qu'il suffisait, pour commander, de louer les bonnes actions, sans châtier les mauvaises. » ROLL. « Les Perses croyaient qu'il était raisonnable de mettre dans la balance de la justice le bien comme le mal, les mérites du coupable aussi bien que ses démérites, et qu'il n'était pas juste qu'un seul crime effaçât le souvenir de toutes les bonnes actions qu'un homme aurait faites pendant sa vie. » ID. « Dieu veut seulement que nous fassions pour lui tout ce que la raison nous doit faire pratiquer; il n'est pas question d'ajouter aux bonnes actions qu'on fait déjà; il n'est question que de faire,

sortir de la vie, dis en toi-même que je fasse encore une bonne action avant que de mourir; puis va chercher quelque indigent à secourir, quelque infortuné à consoler, quelque opprimé à défendre. » J. J. « Vous avez poussé trop loin la générosité en aidant ce jeune homme de votre bourse; mais enfin c'est votre métier de faire de bonnes actions. » VOLT. « Il faut louer Chapelain d'avoir fait une très-bonne action en procurant une pension à Racine pour son Ode sur le mariage du roi. » LAH. Une bonne œuvre est une œuvre ou un acte de charité envers notre prochain. Il faut que les bonnes œuvres soient secrètes, que la main gauche ignore ce que donne la main droite (VOLT.). « Mon maître (J. C.) a peu subtilisé sur le dogme et beaucoup insisté sur les devoirs : il prescrivait moins d'articles de foi que de bonnes œuvres.... Il m'a dit par lui-même et par ses apôtres que celui qui aime son frère a accompli la loi. » J. J. « Pour sortir de cette funeste indifférence, il faut s'attacher à la prière, au jeûne, aux aumônes, aux bonnes œuvres.»> Boss.

BON SENS, BON GOÛT. Assemblage de principes sages et légitimes, selon lesquels on juge droitement. Les règles du bon sens, les règles du bon goût. Telle chose est conforme au bon sens, au bon goût, ou le choque. « Le burlesque est contraire au bon sens et au bon goût. » MARM. << Tout cela (dans Esther) sans intrigue, sans action, sans intérêt, déplut beaucoup à quiconque avait du sens et du goût. » VOLT.

Mais le bon sens n'est autre chose que la raison, la raison vulgaire, la raison des bonnes gens, pour ainsi dire (voy. Entendement, intelligence, etc.). « Cette vérité est conforme à tous les principes du bon sens et de la raison. » BOURd. « Il faudrait avoir perdu le bon sens pour dire qu'il est parfaitement clair que l'âme est mor

telle.» PASC. «M. Ludon, qui me paraît homme n'a pas la force d'être méchant : toute autre bonté

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de bon sens, pourra vous aider de ses conseils.» FÉN. «Tels sont les préceptes généraux que le bon sens dicte à tous les hommes (sur le suicide), et que la religion autorise. » J. J. Le bon goût est la raison dans son application aux choses d'agrément, aux objets beaux. « Le bon goût n'est qu'un sentiment fin et fidèle de la belle nature. » VAUV. « Le soin qu'un homme de bon goût prend pour placer de bons tableaux dans un jour avantageux. » FÉN. « Ce mélange (de diverses citations dans un plaidoyer), si conforme aux règles de l'art, fut applaudi par les auditeurs de bon goût.» ID. « Le bon goût règne d'un bout à l'autre dans les Lettres provinciales. » VOLT. « Shakespeare avait un génie plein de force et de fécondité, sans la moindre étincelle de bon goût, et sans la moindre connaissance des règles. » ID. Avec du bon sens, on sait distinguer le vrai du faux, le bien du mal; avec du bon goût, on sait discerner le beau du laid.

n'est le plus souvent que paresse ou impuissance de la volonté.» LAROCH. La douceur est une qualité qui influe sur l'humeur et a rapport à la manière de prendre les choses dans le commerce de la vie : elle fait qu'on se montre gracieux, accommodant, qu'on ne choque, qu'on ne dédaigne, qu'on ne rebute personne, qu'on ne se fâche pas aisément. La douceur a pour contraires toutes les qualités antisociales: elle nous empêche d'être rudes, bourrus, acariâtres, pleins d'aigreur ou d'emportement. « Bien heureux ceux qui sont doux, sans aigreur, sans enflure, sans dédain, sans prendre avantage sur personne, sans insulter aux malheureux, sans même choquer le superbe; doux même à ceux qui sont aigres, n'opposant point l'humeur à l'humeur, la violence à la violence. » Boss. La bonté produit entre les hommes un échange de services; la douceur entretient la société par le liant qu'elle met dans toutes les relations. Au reste, on peut être bon sans « Entre le bon sens et le bon goût il y a la dif-être doux, et réciproquement. On peut être bon férence de la cause à son effet. » LABR. C'est-àdire, conformément à la maxime de Boileau (rien n'est beau que le vrai), les saines idées en matière de beauté dépendent, résultent des saines idées de la raison commune sur le vrai, le bien, l'honnête; soyez capable d'apercevoir le vrai et le bien, et par là même vous serez capable de sentir le beau. Une relation semblable entre le bon sens et le bon goût est indiquée dans le passage suivant : « L'imagination s'affranchit alors de toutes les règles de vraisemblance et de convenance. Plus la raison s'altère, plus l'imagination devient vagabonde et déréglée. A cet égard, rectifier l'esprit, ce n'est que le ramener à la raison et à la nature; c'est le bon sens qui est le précurseur, le restaurateur du bon goût. » MARM.

D'ailleurs, bon sens désignant la raison sous sa forme commune, populaire, dans son rapport aux choses ordinaires de la vie, aux choses de pratique, a moins de noblesse que bon goût qui la représente comme présidant à l'appréciation des objets les plus relevés, les plus fins, les plus délicats.

1o BONTÉ (BÉNIGNITÉ, DÉBONNAIRETÉ, BIENVEILLANCE, BIENFAISANCE); 2o DOUCEUR (MANSUÉTUDE ); 3o HUMANITÉ (PHILANTHROPIE, CHARITÉ); 4o SENSIBILITÉ (TENDRESSE). Tous ces mots désignent une disposition qui nous rend favorables aux autres. Ils paraissent se diviser naturellement en quatre classes sous les mots bonté, douceur, humanité et sensibilité, qu'il s'agit de distinguer d'abord.

Bonté, douceur, humanité, sensibilité.

avec un caractère brusque, âpre, grossier, violent même. On peut être doux, avoir des paroles et des manières engageantes, flatteuses, mais sans trouver réellement plaisir à obliger: que de gens appelés aimables dans le monde sont ainsi faits. « Il y a loin de la douceur à la bonté. Les grands qui écartent les hommes à force de politesse sans bonté, ne sont bons qu'à être écartés eux-mêmes à force de respects sans attachement. » DUCL.

L'humanité et la sensibilité ont plus de ressemblance entre elles qu'elles n'en ont avec la bonté et la douceur. Elles sont moins spontanées que celles-ci et plus négatives, c'est-à-dire qu'elles ne consistent pas à se rendre de soi-même, et sans excitation, utile ou agréable, mais à soulager des maux ou à épargner des peines parce qu'on est touché. Sans être ni bon par nature, ni doux par caractère, on sera néanmoins humain ou sensible, si on a du cœur, si on est compatissant, si on ne peut voir sans peine les maux d'autrui.

L'humanité et la sensibilité ont aussi leurs différences. Nous éprouvons de l'humanité à l'égard de tous les hommes indifféremment, et par cela seul qu'ils sont hommes; nous n'avons de sensibilité que pour ceux dont les maux présents nous frappent et nous émeuvent en leur faveur. Celui pour qui nous sommes humains est à nos yeur notre semblable, nous fût-il d'ailleurs tout à fait étranger; celui auquel la sensibilité nous fait prendre intérêt est devenu notre ami, nous souffrons de ses souffrances. L'humanité est un sentiment moral et vertueux, calme, froid, raiOn est bon par inclination, et doux par carae- sonné, constant, fruit de la réflexion et des tère. La bonté est une qualité qui influe propre- lumières, qui peut se trouver dans les âmes les ment sur la volonté par rapport aux biens et aux moins tendres et les moins délicates; la sensibiplaisirs qu'on peut faire aux autres; en sorte que lité, au contraire, donne l'idée d'un sentiment l'homme bon aime naturellement à rendre heu- vif, passionné, capricieux, qui naît dans l'occareux, travaille volontiers pour l'avantage d'autrui, sion, qui dépend tout de l'organisation et ne peut et est incapable de nuire, d'affliger, de souhaiter se produire que dans une âme très-impressionnamême du mal. Le contraire de la bonté est un ble. L'homme est plutôt humain, et la femme penchant mauvais, la méchanceté. « La bonté est sensible. — L'humanité étant plus générale, plus un goût à faire du bien et à pardonner le mal. » froide, moins voisine de l'amitié, a par cela VAUV. «Nul ne mérite d'être loué de sa bonté, s'il ! même moins de charme. « Et nous qui nous pi

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quons d'être sensibles (envers les morts), nous ne ses Mémoires, de la faiblesse du régent, et de sa sommes pas même humains, nous les fuyons, débonnaireté, de sa molle débonnaireté. De même nous les abandonnons, nous ne voulons pas les Lafontaine appelle débonnaire et doux le roi envoir.-BUFF. L'humanité suppose des maux pour voyé par Jupiter aux grenouilles, ce roi sur l'élesquels on a besoin d'être assisté par un secours paule duquel saute la gent marécageuse, tandis effectif; et la sensibilité des maux de moindre que conséquence peut-être, mais douloureux et touchants, comme des peines et des chagrins, dont on a besoin d'être soulagé, ce qui demande seulement qu'on y prenne part. On est proprement humain et secourable, sensible et compatissant.— L'égoïste, pour qui les autres hommes n'existent pas ou sont d'une nature inférieure à la sienne, est sans humanité; le cœur dur, qui est fermé à toutes les impressions attendrissantes, manque de sensibilité.

Le bon sire le souffre, et se tient toujours coi. Un mari bénin est benet, innocent; il ne voit pas et ne se soucie pas de voir les désordres de sa femme: un mari débonnaire les voit, mais il les souffre, faute de caractère. L'un est ridicule, l'autre fait pitié.

La bienveillance et la bienfaisance sont aisées à distinguer. L'une consiste à vouloir, et l'autre à faire du bien; l'une s'en tient au désir, l'autre en vient à l'accomplissement. « Il s'agit (dans la chaire) d'inspirer aux hommes la bonté, l'indulgence, la bienveillance mutuelle, la bienfaisance active. » MARM. « Dieu n'a-t-il pas donné aux hommes l'amour-propre pour veiller à leur con

1° Bonté, bénignité, débonnaireté, bienveillance, bienfaisance. Tous ces mots ont le même radical, bon, bene, bien. Ils signifient tous une disposition à faire du bien, à rendre service, à procurer le bonheur, à donner, à secourir, à ex-servation; la bienveillance, la bienfaisance, la cuser, à pardonner.

Bonté est le terme générique. Bénignité et débonnaireté désignent une grande bonté; la bienveillance et la bienfaisance sont les deux modes principaux de la bonté.

Bénignité, debonnaireté, grande bonté. Bénignité, de bene genitus, bien né, né bon, exprime une bonté naturelle, et se dit bien des choses inanimées qui exercent par elles-mêmes une influence ou produisent des effets salutaires: La bénignité du soleil (J. J.); une saison bénigne (Boss.), un fleuve bénin (ID.). Appliqué aux hommes, ce mot donne l'idée d'une bonté essentielle, d'un grand fonds de bonté, qui se déploie sur tous indistinctement et toujours. C'est une bonté facile, sans réserve, qui ne s'inquiète pas de savoir si on est digne ou indigne. « Pour faire voir la modération et la clémence de Sa Majesté impériale, l'ambassadeur assurait qu'elle n'enverrait pas même de troupes en Italie, ne voulant inquiéter personne, mais faire du bien à tout le monde.... Cette bénignité accoutumée de la maison d'Autriche devait engager le roi de Sicile à rechercher les bonnes grâces de l'empereur. S. S. Mais la débonnaireté est une bonté indulgente, pleine de longanimité, qui ne tient pas compte des torts et des outrages, qui rend le bien pour le mal. « Selon la morale de JésusChrist. c'est une béatitude que d'être doux et débonnaire, que d'être pacifique et patient, que d'endurer les injures et de les pardonner; et, selon la morale du monde, c'est une lâcheté que de supporter la moindre offense. » BOURD. Si la bénignité n'examine pas, la débonnaireté ne se rebute pas. Aujourd'hui ces mots ne se prennent guère que dans le sens ironique pour marquer une excessive bonté : alors bénignité a pour accessoire la sottise, et débonnaireté la faiblesse. Dans l'Enfant prodigue de Voltaire, Jasmin dit à Euphémon fils, au sujet des parasites de celui-ci: Pauvre bête!

Pauvre innocent! tu ne les voyais pas
Te chansonner au sortir d'un repas,
Siffler, berner ta benigne imprudence.

vertu, pour veiller sur l'amour-propre?» VOLT.
On est bienveillant sans être bienfaisant, quand
on a simplement des intentions favorables, quand
on prend ou qu'on porte intérêt, quand on est
prêt à rendre service, sans cependant passer aux
effets. «Il avait paru bien disposé pour moi :
cette bienveillance m'en avait inspiré. » J. J. Al-
ceste reproche à Célimène de recevoir Acaste.
Elle lui répond :

Mon Dieu! de ses pareils la bienveillance importe....
Ils ne sauraient servir, mais il peuvent vous nuire,
Et jamais, quelque appui qu'on puisse avoir d'ailleurs,
On ne doit se brouiller avec ces grands brailleurs.

MOL

On est bienfaisant sans être bienveillant, quand on fait le bien par calcul ou par ostentation, ou sans savoir le faire, sèchement, sans témoigner qu'on prend intérêt à ce qui nous touche. « Mme Geoffrin était bienfaisante, mais sans aucun des charmes de la bienveillance. » MARM. « La véritable politesse consiste à marquer de la bienveillance aux hommes. » J. J.

D'ailleurs, lors même que bienfaisance se prend, ainsi que bienveillance, pour une simple disposition, il en diffère beaucoup. La bienfaisance est une disposition à être utile, et la bienceillance une disposition à être agréable, à recommander, à favoriser. La bienfaisance fait attendre quelque chose de plus solide, et rend capable de sacrifices. Un malheureux implore votre bienfaisance, un orateur réclame votre bienveillance. « Votre père mourant ne vous a pas vainement recommandé à ma bienfaisance: souvenez-vous que je vous ai élevé. » BEAUM. « Si les prédicateurs s'élèvent contre des vices que nous avons, nous n'avons plus pour eux cette bienveillance qui nous rendait leur parole utile. » BOURD.

Bienfaisance est un mot du XVIIIe siècle, quoiqu'il s'en trouve un exemple dans Bossuet et un autre dans Fénelon. « La langue française est redevable à l'abbé de Saint-Pierre d'un mot précieux, celui de bienfaisance, dont il était juste qu'il fût l'inventeur, tant il avait pratiqué la

Et, d'autre part, Saint-Simon parle souvent, dans vertu que ce mot exprime. » D'AL.

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voir dans les autres hommes autant de frères, et sa maxime est : aimer Dieu de tout son cœur et son prochain comme soi-même. C'est par sympathie, par estime et par respect pour la nature humaine, c'est en se mettant en esprit à la place d'autres hommes, qui sont autant que nous, que nous sommes humains et philanthropes; c'est par religion que nous sommes charitables.

Du reste, la philanthropie diffère aussi de l'humanité. Elle suppose des maux à venir dont l'esprit seul est frappé et qu'il s'agit de prévenir, au lieu que l'humanité s'applique à des maux présents dont l'âme est touchée et qu'elle épargne ou soulage. La philanthropie est toute théorique, toute en projets; le cœur y a peu de part l'humanité est toute pratique; il y entre beaucoup de sensibilité; elle a pour contraire l'inhumanité, la barbarie. Un publiciste, un législateur, un philosophe, cherchant les moyens d'être utiles aux hommes, d'améliorer certaines conditions, de supprimer la traite, d'abolir l'esclavage, d'introduire la civilisation dans des contrées barbares ou sauvages, font œuvre de philanthropie; un général qui s'est rendu maître d'une ville est humain, quand il ordonne de respecter les habitants et leurs propriétés.

«La philanthropie est une vertu douce, patiente et désintéressée, qui supporte le mal sans l'approuver. Elle attend les hommes; elle ne donne rien à son goût ni à sa commodité. » (Socrate à Timon). FÉN. « Saurin a fait de Spartacus un héros philosophe, un homme qui n'a d'autre passion que l'amour de l'humanité, d'autre am

Le mot de douceur est objectif, il fait penser aux effets extérieurs de cette qualité; mansuétude est subjectif, il désigne cette qualité dans l'âme, comme un attribut de l'âme: on ne dit pas la mansuétude comme on dit la douceur du visage, des paroles, des manières. - Douceur s'emploie plutôt pour caractériser une action spéciale, et mansuétude pour exprimer l'habitude de la douceur, un état constant la douceur attire les cœurs, la mansuétude les conserve. La douceur est plus tendre, plus vive; la mansuétude plus élevée et plus ferme, c'est une vertu. C'est par ce dernier trait que la mansuétude diffère de la bénignité et de la débonnaireté. Comme celles-ci, la mansuétude a un caractère de pléni-bition que celle d'affranchir les peuples de la tude et de constance, et, comme la débonnaireté, tyrannie des Romains: tout son rôle est une suite elle suppose de la patience, de la longanimité. de maximes de philanthropie et d'exemples de Mais on est bénin et débonnaire par laisser aller, vertu. » LAH. - « Les nôtres furent touchés du par une insouciance naturelle; on ne se maintient spectacle de tant de malades et de mourants. Le dans la mansuétude qu'avec effort, qu'en répri- duc de Guise en prit autant de soin qu'il eût mant continuellement son humeur et des mou-fait de ses propres soldats, et il fit autant louer vements de colère. D'ailleurs, la bénignité et la débonnaireté sont inépuisables; rien ne peut les empêcher d'être bonnes, de vouloir et de faire du bien la mansuétude est inaltérable, rien ne peut l'empêcher d'être douce, traitable, gra cieuse. - Mansuétude ne se dit guère qu'en termes de dévotion, mansuétude pastorale, sacerdotale (MASS.); ce fonds de mansuétude si convenable au ministère sacré (ID.); cette douceur et cette mansuétude à laquelle seule est promise la possession éternelle de la terre des vivants (ID.). Il ne convient pas moins dans le langage ordinaire. Il est étonnant qu'une douceur si grande, qu'une si sublime vertu anime généralement tous mes ennemis, sans qu'un seul démente un moment cette universelle mansuétude. » J. J.

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3o Humanité, philanthropie, charité. Principes - d'action moraux, généraux et réfléchis, qui nous portent à nous intéresser au sort des autres hommes, à les aider, à les secourir.

L'humanité et la philanthropie conviennent mieux au philosophe; elles nous font considérer tous les hommes comme nos semblables, conformément à cette maxime: Je suis homme, rien de ce qui est de l'homme ne m'est étranger. La charité n'appartient qu'au chrétien; elle nous fait

son humanité qu'il avait fait admirer sa valeur.»
Boss. « Je n'ai jamais vu couler les larmes de
personne sans en être attendri je sens de l'hu-
manité pour les malheureux, comme s'il n'y avait
qu'eux qui fussent hommes. » MONTESQ.

Ne cache point tes pleurs: cesse de t'en défendre;
C'est de l'humanité la marque la plus tendre:
Malheur aux cœurs ingrats, et nés pour les forfaits,
Que les douleurs d'autrui n'ont attendris jamais.
VOLT.

4° Sensibilité, tendresse. Aptitude du cœur à prendre des affections relatives et favorables à autrui.

D

On est sensible, mais non pas tendre, à quelque chose. On assiste les pauvres, parce que naturellement on est sensible aux misères d'autrui et qu'on a le cœur tendre et affectueux. BOURD. Par elle-même, la sensibilité est passive: c'est une susceptibilité, une capacité d'être ému; il faut une occasion, un événement qui la provoque. La tendresse est active par elle-même; c'est une facilité à aimer; elle se développe spontanément. On est sensiblement touché; on aime tendrement. La sensibilité nous fait compatir aux maux d'autrui et sentir le prix d'un bienfait; elle ouvre le cœur à la clémence, à la miséricorde, à la recon

naissance, à tous les sentiments qui sont comme | Mais le bord n'est pas seulement une barrière des réactions de notre âme, qui la portent à pour l'eau qu'il enferme, c'en est une aussi pour vouloir et à faire du bien aux autres hommes. A les personnes qui sont au delà. la tendresse se rapportent l'amour et toutes les On dit même.... autres affections, celles de la famille principalement, qui ont leur germe et leur principe dans le cœur lui-même, et par lesquelles nous aspirons à plaire aux autres, à nous unir à eux, à vivre

avec eux et en eux.

D'ordinaire, la sensibilité mène à la tendresse; nous ne tardons guère à aimer d'affection ceux qui nous ont touchés. Et la tendresse se trouve rarement sans la sensibilité; comment ne pas partager les maux de ceux qu'on aime ? Cependant, à la rigueur, on peut être sensible en même temps que froid et inexpansif, et tendre en même temps qu'égoïste et impitoyable.

Quand il s'agit d'aimer, sensibilité exprime un amour reçu, une attache, et tendresse un amour conçu, un attachement. Le cœur sensible se laisse toucher, attirer, captiver; le cœur tendre se porte de lui-même vers une personne; ce n'est point un retour, une reconnaissance, et comme une réaction, mais l'effet d'une sympathie spontanée qui renferme en elle-même sa raison. « En 1675, Mme de La Vallière embrassa la ressource des âmes tendres, auxquelles il faut des sentiments vifs et profonds qui les subjuguent. Elle crut que Dieu seul pouvait succéder dans son cœur à son amant. Sa conversion fut aussi célèbre que sa tendresse.... Toute la cour était occupée d'intrigues d'amour. Louvois même était sensible, lui dont le caractère dur semblait si peu fait pour l'amour. » VOLT. Dans Polyeucte, Pauline aime Sévère par tendresse, et Polyeucte par sensibilité (ID.).

BORD, CÔTÉ, RIVE, RIVAGE, La partie, l'endroit de la terre où des eaux viennent aboutir et toucher.

Bord, latin ora, grec öpoç, borne, est le terme le plus général: il se dit même en parlant d'autres choses que la terre et l'eau: le bord d'un vase, le bord d'un précipice, le bord des lèvres. Son idée propre et caractéristique dans tous les cas et spécialement quand on le prend dans le même sens que les trois mots qui l'accompagnent ici, c'est que le bord borde, fait bordure, borne, et par suite contient, empêche de déborder, d'aller ou de se répandre au delà, de s'extravaser. Cette nuance se trouve très-bien indiquée dans les exemples suivants. « Dieu marqua des bornes à la mer...; et quelque agités que paraissent les flots, dès qu'ils approchent du bord, la défense de Dieu les tient en respect. » ROLL.

Qu'il (Thésée) a vu le Cocyte et les rivages sombres,
Et s'est montré vivant aux infernales ombres;
Mais qu'il n'a pu sortir de ce triste séjour,
Et repasser les bords qu'on passe sans retour. RAC.
On ne voit point deux fois le rivage des morts,
Seigneur puisque Thésée a vu les sombres bords,
En vain vous espérez qu'un Dieu vous le renvoie.

:

ID.

« J'étais comme un homme qui nage dans une
rivière profonde et rapide: si les bords sont escar-
pés, et s'il ne peut se reposer sur le rivage, il se
lasse enfin peu à peu. » FÉN. Bord a encore
cela de particulier qu'il exprime la plus grande
proximité par rapport à la chose que le bord ter-
mine. Etre sur le bord du précipice, c'est être
sur le point d'y tomber. Etre sur le bord de la
mer, c'est n'en être séparé par rien. « Calypso va
chercher Ulysse. Il était sur le bord de la mer...;
il regardait sans cesse la mer, assis sur quelque
rocher. » FÉN. Aussi l'influence de l'eau se fait
sentir sur son bord. Des bords riants, ou fleuris,
le sont à cause du voisinage de l'eau.
Tel en un secret vallon,

Sur le bord d'une onde pure,
Croît à l'abri de l'aquilon,

Un jeune lis, l'amour de la nature.

RAC.

Une plante qui ne vient que sur les bords de la mer (ACAD.) ne trouve pas, loin de la mer, les conditions nécessaires à sa croissance.

Côte est le seul de ces mots qui ne se dise que de la mer. Aussi est-ce un terme presque consacré de marine et de géographie. De plus, on considère la côte ou les côtes de dessus la mer. C'est

comme nous disons aujourd'hui le littoral, c'està-dire la partie de la terre qu'on découvre étant en mer, que gagnent ou que côtoient les vaisseaux, dont s'approchent les poissons (ROLL.), contre laquelle agissent les eaux de la mer avec plus ou moins de violence (BUFF.). Les côtes sont abordables ou bien inaccessibles et pleines d'écueils. On les défend contre toutes les att ques qui peuvent venir du côté de la mer, contre la fureur des flots, contre les pirates, contre les surprises et les descentes d'un ennemi. Il y a des pays dont on ne connaît que les côtes, c'est-à-dire ce qu'on en peut apercevoir de la mer les côtes d'Afrique, la côte de Guinée.

Bord et côte emportent l'idée d'élévation le bord et la côte sont plus ou moins escarpés. Car, d'une part, le bord ne peut pas contenir l'eau sans la surmonter, comme la bordure le tableau qu'elle encadre, et, de l'autre, côte et coteau, dans une autre acception, désignent le penchant d'une montagne ou d'une colline. Au contraire, la rive et le rivage, du latin rivus, ruisseau, formé du grec péw, couler, sont plutôt plats, comme le sont d'ordinaire les extrémités de la terre baignées par les ruisseaux, les rivières, et toutes les eaux courantes en général : la rive et

Sur les rives d'Argos, près de ces bords arides, Où la mer vient briser ses flots impérieux.... J. B. Rouss. « Ce n'est pas s'opposer à un fleuve que de relever ses bords de part et d'autre, de peur qu'il ne se déborde, et ne perde ses eaux dans la campagne. » Boss. « On doit regarder les collines et les montagnes du fond de la mer comme les bords qui contiennent et qui dirigent les courants. »le rivage vont, s'étendent en pente douce jusqu'à BUFF. Les bords qui contiennent les ruisseaux, les rivières et toutes les eaux courantes forment toujours des angles alternativement opposés. » ID.

D

l'eau, et celle-ci les couvre quand elle déborde. C'en est assez pour distinguer la rive et le rivage du bord, qui d'ailleurs se conçoit toujours comme

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