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La rigueur effectue les décisions de la sévérité; | tingue nettement de ses synonymes. It touche à elle montre dans la conduite et l'application ce l'insensible, et on dit bien une dure insensibilité que sévérité représente comme une simple dispo- (MASS.). « Les dévots plaignent les autres d'un ton sition dans la loi ou dans l'esprit du juge. « Les si cruel, leur justice est si rigoureuse, leur chajuges d'un goût sévère ont traité le Télémaque rité est si dure, leur zèle si amer, que l'insensibiavec quelque rigueur. » VOLT. Bienfaisant envers tous, envers moi seul sévère, lité même des gens du monde est moins barbare D'un exil rigoureux tu m'imposes la lof. que leur commisération. » J.J. «Les hommes exID. << Les préceptes du mahométisme sont extrême- malheureux, sont également portés à la dureté. trêmement heureux, et les hommes extrêmement ment sévères; ils ordonnent la plus rigoureuse ab- Il n'y a que la médiocrité et le mélange de la stinence. ID. La sévérité se fait craindre par la bonne et de la mauvaise fortune qui donnent de menace, et la rigueur par l'exemple. « Ce n'était la douceur et de la pitié. » MONTESQ. Quel malpoint par la sévérité des menaces, par la rigueur heureux n'espérait pas, en l'abordant (le chancedes châtiments que saint Benoît se faisait obéir. lier Le Tellier), du secours ou de la pitié? Qu'il BOURD. On dit un regard et un visage sévères, était éloigné de ceux qui, joignant à la sévérité mais non pas rigoureux.—Ensuite, la rigueur étant de leur profession la rudesse de leur humeur, le complément de la sévérité, la première enché- affligent les pauvres de Jésus-Christ, et désespèrit sur la seconde. « Chez les Romains, les peines rent, par leur dureté, des misérables qui ne géqui regardaient les premières personnes de l'Etat missent déjà que trop sous le poids de leur mauétaient assez douces; celles qu'on infligeait aux vaise fortune! » FLÉCH.- En parlant des choses, personnes d'un rang inférieur étaient plus sévè- ce qui est rude choque; ce qui est dur fait res; enfin celles qui ne concernaient que les con- peine cet ordre de la Providence m'est dur et ditions basses furent les plus rigoureuses. » MON- bien sensible (SÉv.).—Et comme dur ajoute à l'idée TESQ. « Cette loi est la plus sévère et la plus commune celle de l'insensibilité, il peut être emrigoureuse de toutes. » PASC. Vous êtes trop se- ployé comme enchérissant sur tous les autres, vère et trop rigoureux. » FÉN. Tant il se mon- même sur rigoureux. « Saint Etienne fut mortifié trait sévère et rigoureux à l'égard de ses écoliers.» et austère sans dureté, charitable et doux sans LES. «La Providence prépare aux riches un juge- faiblesse.» BOURD. « La fermeté de mon supément sévère et rigoureux. » BOURD. User de sévérieur, toute sage qu'elle peut être, me paraît ririté et de rigueur contre soi-même (ID.).-Rigou-gueur outrée et dureté. » ID. « Sois sévère sans reux paraît aussi plus fort qu'austère. «L'austérité être dur.▾ LES. «Il y aura pour les grands un jula plus rigoureuse, » BOURD. « David ne modéra gement rigoureux, et, suivant le terme de l'Ecri= point la rigueur de ses austérités.» ID.-Ce mot ture, rigoureux jusqu'à la dureté. » Bourd. =va jusqu'à marquer même un excès. « Nous exa= gérons en paroles la sainteté du christianisme; nous sommes rigoureux dans nos décisions. >> BOURD. «Quelques-uns détruisaient l'usage de la pénitence par un excès de sévérité. L'Eglise modéra leur rigueur. » ID. — Rigueur vient, dit-on, du grec piyoz, froid, et signifie ce qui rend roide de froid ou d'effroi, ce qui glace et frappe de stupeur.

α

Rude, du latin rudis, brut, apre au toucher, qui n'est pas poli, désigne un manque de douceur dans les manières, dans la façon dont on traite les gens.

Nourri dans les forêts, il en a la rudesse. Rac.
Il est brusque, impoli.

1° AUTORITÉ, PUISSANCE, POUVOIR ; — 2o EMPIRE, DOMINATION. Ces mots sont pris ici dans parlant des souverains, des magistrats, relatile sens le plus étendu, quand ils se disent en vement à ce qui dépend d'eux.

1o Autorité, puissance, pouvoir.

L'autorité d'abord diffère beaucoup de la puissance. L'une rend vénérable, l'autre redoutable; l'une inspire le sentiment du respect, l'autre celui de la crainte. On défère à l'autorité, on cède à la puissance. « Si Jésus-Christ a établi les rois défenseurs de son Église, c'est pour honorer leur autorité et pour consacrer leur puissance. » Boss. L'autorité se rapporte davantage à la dignité, et la puissance à la force. « Gélon vécut . dans l'autorité royale jusqu'à une extrême vieille Débonnaire avait l'esprit faible, mais la nation lesse, sans abuser de sa puissance. » FÉN. « Louis était guerrière; l'autorité se perdait au dedans sans que la puissance parût diminuer au dehors.> MONTESQ. « L'autorité ecclésiastique n'est qu'une autorité de persuasion; c'est la puissance de la vérité et non la puissance de la force. » VOLT. << Dans ce mot d'autorité (appliqué au sénat) était contenue l'idée d'une puissance de raison, différente de celle du peuple qui n'est qu'une puissance de force. C'est la distinction reconnue entre potestas et auctoritas, dont le premier se dit en bien et en mal, et dont le second ne s'emploie jamais qu'en éloge, et emporte toujours une Dur, durus, qui ne peut être attendri ou idée de respect. » LAH. On dira plutôt l'autorité amolli, exprime un manque de pitié en même d'une assemblée, et la puissance d'un conquétemps qu'un manque de douceur; ce qui le dis-rant; l'autorité des lois, d'un père, d'un maître,

On doit peu s'étonner de cet air de rudesse Dans un provincial nourri sans politesse. REGN. « Charles IX était rude de son naturel, et il commençait depuis quelque temps à parler sèchement à la reine mère. Boss. « Il me rebuta rudement. » Pasc. «Rien ne nous heurte plus rudement que cette doctrine. » I». « Si on s'occupait exclusivement de la chasse, on en contracterait une certaine rudesse.» MONTESQ. « C'était un homme de politesse et d'une douceur de mœurs que les Français seuls conservent dans la rudesse attachée au service maritime. » VOLT.-On le voit, la rudes se tient au défaut d'usage ou d'éducation, ou bien on la contracte parmi les gens de mer ou dans les camps.

Cette distinction est vraie, mais insuffisante: car, d'une part, l'usage permet d'employer aussi autour comme adverbe, et, de l'autre, à l'entour de est une locution prépositive encore usitée. quoi qu'en dise l'Académie (1835).

une chose, est ou va autour ou à l'entour l'enune grave autorité, et la puissance des armes, d'un ennemi, une puissance formidable. En par-vironne, l'enferme comme dans un cercle. lant de l'ancienne Rome, on opposera bien l'au- Mais, pour l'ordinaire, autour est une prépositorité du sénat à la puissance tribunitienne ou à tion et prend un régime, au lieu qu'à l'entour la puissance du peuple (ROLL., VERT.). est un adverbe et se dit absolument. « Le pic Pouvoir étant primitivement un verbe, à la grimpe autour du tronc des arbres; il niche dans différence des deux premiers mots qui sont des les cavités qu'il a faites, et c'est du sein des arsubstantifs purs, se rapporte spécialement à bres que sort sa progéniture, destinée à ramper l'acte, à l'exécution. Le pouvoir est quelque à l'entour. » BUFF. chose de délégué ou de communiqué par quoi se manifeste ou s'exerce l'autorité ou la puissance. L'autorité publique ou la puissance publique se divise en plusieurs pouvoirs ou en pouvoirs particuliers; les différents pouvoirs partagés et répandus se réunissent dans l'unité d'autorité ou de puissance. « L'agrandissement de l'Etat donne aux dépositaires de l'autorité publique plus de tentations et de moyens d'abuser de leur pouvoir. » J. J. Le souverain remet aux juges une portion de son autorité en leur conférant le pouvoir de rendre la justice en son nom (VOLT.). En nous donnant la liberté de juger le prochain, nous attentons contre l'autorité de Dieu, nous prétendons nous donner un pouvoir qu'il s'est réservé (BOURD.). « Jésus-Christ a reçu puissance sur tous les hommes : Toute puissance, dit-il, m'est donnée dans le ciel et dans la terre.... Il ne parle que du pouvoir de donner la vie, parce que c'est son pouvoir primitif, et celui qu'il veut exercer naturellement. Le pouvoir de juger et de condamner est un pouvoir dont il n'use qu'en second lieu et à regret. » Boss.

On appelle autorités les dignitaires, les hommes revêtus d'un caractère qui doit les faire honorer; puissances, les nations en armes; et pouvoirs, les différentes branches du service public. Tout est perdu si le pouvoir s'exerce ou s'administre de manière que la puissance soit diminuée ou vaincue, et l'autorité compromise ou déconsidérée. 2° Empire, domination.

L'empire et la domination, du latin imperare, commander, et de dominus, maître, sont tout relatifs à la façon dont on use de l'autorité, de la puissance ou du pouvoir; exercer une autorité impérieuse et dominante (BOURD.); être possédé de l'esprit d'empire et de domination (ID.). « De leur propre faiblesse (des, enfants), d'où vient d'abord le sentiment de leur dépendance, naît ensuite l'idée de l'empire et de la domination. » J. J. « Les princes de la terre, disait Jésus-Christ, exercent avec empire l'autorité qu'ils ont sur les peuples. MASS. Ce qui est simplement autorité, puissance ou pouvoir dans un homme ordinaire devient empire ou domination, c'est-à-dire presque toujours quelque chose d'odieux, dans un homme enclin à la tyrannie et au despotisme. Mais l'empire regarde plutôt le fond, et la domination la forme: l'empire est absolu, et la domination hautaine. Il y a plus de fermeté et de violence dans l'empire, il exige qu'on suive ses volontés à la rigueur; il y a plus de fierté dans la domination, elle veut paraître au-dessus. On traite quelqu'un avec empire (BOURD., PASC.); on se donne des airs de domination (BOURD.), on a l'orgueil de la domination (MONTESQ.). AUTOUR, A L'ENTOUR. Ce qui, par rapport à

Ce qui est ou va autour est ou va contre, tout près; ce qui est ou va à l'entour, se trouve ou se meut plus loin, à une certaine distance, aux environs. On peut dire d'une table, dans un festin, que les convives sont autour, et que les serviteurs tournent à l'entour. « N'as-tu vu personne rôder à l'entour de moi? » REGN. - On remarque un vase et l'inscription qui est autour (FÉN.); on est charmé de la beauté d'un vase et de l'odeur qu'il répand à l'entour (MASS.). — « Combien Dieu a mis de défenses autour du cerveau ! » Boss. « La terre tourne à l'entour du soleil. » P. R. — « Ces mésanges ont des marques blanches autour des yeux. BUFF. « Cet oiseau se perche haut par le besoin de découvrir à l'entour de lui. » ID.

Boileau, en parlant d'un livre qui avait été publié contre lui par Pradon, avait écrit dans les premières éditions de l'épître vi:

A l'entour d'un castor j'en ai lu la préface.

Sur une critique de Pradon, qui prétendit qu'il fallait dire autour et non pas à l'entour, le satirique mit dans les éditions suivantes :

Autour d'un caudebec j'en ai lu la préface. Il fit bien : car l'enveloppe d'un chapeau, au lieu d'en être à quelque distance, est tout contre, y touche. Mais du fait ici rapporté on a eu tort de conclure que Pradon et Boileau condamnaient à l'entour de absolument, même dans les cas où la chose environnante est très-éloignée de l'objet

environné.

D'ailleurs, aux passages cités dans l'article ci-dessus, on pourrait en ajouter un très-grand nombre où à l'entour est employé avec régime. Voltaire a dit dans la Princesse de Navarre : Et le brave Alamir, il fait tomber à bas

Tout alentour de lui nez, mentons, jambes, bras. Durant l'épiscopat de saint Sulpice, tous les déserts à l'entour de Bourges étaient peuplés de saints solitaires.» Boss. Comme les montagnes sont à l'entour de Jérusalem, ainsi Dieu est à l'entour de son peuple pour le protéger. » ID. a Bon! en voilà un (des chasseurs) qui le blesse (le sanglier). Les voilà tous à l'entour de lui. ■ MoL.

LAF.

Ésope raconte qu'un manant,
Un jour d'hiver se promenant
A l'entour de son héritage....
A l'entour de ce pin l'homme tendit ses rets. ID.
Qu'à l'entour de sa femme une mouche bourdonne....
ID.

AVANTAGE, DESSUS, PRĖÉMINENCE, SUPÉ

RIORITÉ. Ce par quoi on l'emporte sur un autre ou sur d'autres.

sur eux, et qu'ils eussent consenti, par un aveu sincère de leur faiblesse, à quitter leurs sentiments.... » BOURD. « Remportez la victoire sur votre ennemi en le comblant de bienfaits. Peut-on voir une plus illustre supériorité? » Boss.

L'avantage est quelque chose d'avantageux ou de favorable, quelque chose dont on est avantagé, un bien, une commodité, une utilité, qu'on a de plus et qui fait qu'on est avant. Avoir sur quelqu'un l'avantage de la fortune, de la jeunesse, de la santé. «Quand l'univers l'écraserait, l'homme serait encore plus noble que ce qui le tue, parce qu'il sait qu'il meurt; et l'avantage que l'univers a sur lui, l'univers n'en sait rien. »pée aux barbares, obtenait sur Rome la préémi

PASC.

Le dessus est l'avantage qu'on obtient dans un combat ou dans une dispute. En effet, il consiste primitivement et essentiellement pour un lutteur à ne pas rester dessous, mais à se mettre dessus. Une armée a sur une autre l'avantage du terrain, du poste, du nombre; et, dans l'action, elle a, elle prend, elle perd ou reprend le dessus. « Conti paraît, avec lui la confiance revient aux troupes; la valeur de la nation reprend le dessus: on le suit, rien ne résiste.» MASS.

Prééminence et supériorité renferment une idée d'excellence, étrangère aux deux mots qui précèdent. La prééminence et la supériorité sont des avantages qui font, non pas qu'on est mieux placé, mieux partagé, mais plus élevé. Ce sont des avantages par lesquels on prime, on brille, on se distingue. L'avantage de l'univers sur l'homme n'est ni prééminence ni supériorité, puisque l'homme est plus noble que lui.

La prééminence a rapport au rang; la supériorité à la valeur, à la puissance, à l'action plutôt qu'à l'état. La prééminence vous donne place au-dessus des autres; la supériorité, le droit de commander aux autres ou le pouvoir de les surpasser. La première est toute de forme et d'institution, et indépendante du sujet; la seconde, plus réelle ou plus effective, est ordinairement caractéristique du sujet même.

La prééminence est une préséance, une distinction honorifique ou hiérarchique par laquelle vous êtes établi au-dessus des autres. Une prééminence est nécessaire dans tous les corps. MAL. - Le gouvernement monarchique suppose des prééminences, des rangs, et même une noblesse d'origine. La nature de l'honneur est de demander des préférences et des distinctions.» MONTESQ. Le titre de grand a toujours été donné en France à plusieurs premiers officiers de la couronne, comme grand sénéchal, grand veneur, etc. On leur donna ces titres par prééminence pour les distinguer de ceux qui servaient sous eux.» VOLT. « Au concile de Chalcédoine on décida que l'église de Constantinople était en tout égale à celle de Rome pour les honneurs.... Dans cette dispute de rang et de prééminence, on allait directement contre les paroles de J. C. ID.

La supériorité est une qualité, une vertu, une faculté, un talent, une autorité qui vous rend plus fort ou plus puissant que les autres. Supériorité de génie, d'esprit, de courage, de mérite, de forces (ACAD.). Le caractère de supériorité empreint dans toutes ses actions, dans tous ses discours (ID.). « Si les pharisiens avaient de bonne foi reconnu la supériorité du Fils de Dieu

L'imitation de la parole ne donne au perroquet aucune prééminence, parce qu'elle ne suppose en lui aucune supériorité (BUFF.). A une époque où l'empire d'Orient et celui d'Occident étaient également affaiblis et épuisés, a Constantinople, échap

nence, non la supériorité, que donne le bonheur sur l'infortune. » CHATEAUBRIAND.

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AVANTAGE, UTILITÉ, PROFIT. L'idée également exprimée par ces trois mots est celle d'un bien qui dépend ou qui peut résulter de certaines choses.

Avantage a cela de particulier qu'il est relatif, qu'il implique une comparaison. L'avantage nous met en avant, nous fait précéder les autres, nous élève au-dessus d'eux, nous donne sur eux la supériorité. « Sylla et Sertorius aimaient mieux périr que de faire quelque chose dont Mithridate pût tirer avantage. » MONTESQ. a Voyez par combien d'avantages nous vous sommes supérieurs. » VOLT.

α

Avantage peut être encore relatif, en ce sens qu'il fait concevoir par opposition un mal avant lequel ou au-dessus duquel est un bien dont il s'agit: il y a avantage à se conduire ainsi, c'està-dire que se conduire ainsi convient davantage, est préférable à se conduire autrement, que le bien à attendre surpasse le mal à craindre; et c'est pour cela qu'on dit un parti avantageux plutôt qu'un parti utile ou profitable.

A l'idée d'avantage correspond nécessairement l'idée d'inconvénient et celle de supériorité sur l'inconvénient ou les inconvénients. « Quelques pertes légères, mêlées avec des gains considérables, n'empêchent pas que le trafic ne soit regardé comme très-avantageux. » ROLL. On fait à quelqu'un des propositions ou des conditions avantageuses, c'est-à-dire qui lui offrent plus de bien que de mal, qui lui promettent plus de suites heureuses que de fâcheuses.

Mais ce qui distingue encore plus avantage, c'est l'étendue et la noblesse de sa signification. Il désigne toutes sortes de biens, particulièrement ceux qui consistent à être avant, c'est-àdire dans une prééminence, dans quelque chose de grand, de considérable, d'honorable, de glorieux. L'avantage est le genre dont l'utilité et le profit représentent des espèces, et des espèces d'une nature intéressée, c'est-à-diré presque toujours peu relevée. « Nous avons cet admirable avantage de connaître que la mort est une peine du péché. » PASC. Il n'y a rien d'admirable dans l'utilité et le profit. Un panégyrique doit avoir pour effet d'être avantageux à la personne qu'il célèbre, et utile ou profitable aux personnes qui l'entendent. a Ne perdez pas le fruit de cette vérité, qui, tout avantageuse qu'elle est au saint dont je fais l'éloge, sera encore plus utile et plus édifiante pour vous. BOURD. « Le panégyriste d'un faible académicien doit réunir avec choix et présenter sous un point de vue avanta

geux ce qu'il peut y avoir de bon et d'utile dans les ouvrages de celui qu'il est obligé de louer. »> D'AL. C'est un avantage que vous procure ce qui vous fait honneur; c'est de l'utilité ou du profit que vous retirez de ce qui vous fournit du fruit, des ressources, des moyens de bien-être. Utilité et profit, de leur côté, diffèrent sensiblement l'un de l'autre. L'utilité, du latin uti, se servir, naît du service qu'on tire des choses. Onappelle utile ce qui sert à quelque chose (ACAD.), inutile ce qui ne sert à rien (ACAD.). Un meuble a son utilité. « La vache (dans ce pays des Indes) deviendra sacrée, attendu sa rareté et son utilité. » VOLT. a L'utilité de ces définitions et leur usage est d'éclaircir et d'abréger le discours.» PASC. « Un peuple peut aisément souffrir qu'on exige de lui de nouveaux tributs; il ne sait pas s'il ne retirera point quelque utilité de l'emploi qu'on fera de l'argent qu'on lui demande.» MONTESQ. « La botanique est fort utile à la médecine. » ROLL.

Le profit est lucratif; il naît du gain, de ce qui revient d'un commerce, d'une entreprise, d'une industrie, d'une exploitation. Le profit de l'usure (BOURD.), un profit usuraire (COND.); le profit de l'extraction des mines de l'Amérique (BUFF.). « Ensuite desquelles (paroles) on peut prendre du profit (de son argent) sans craindre qu'il soit usuraire.» PASC. « Les corsaires égyptiens nous regardèrent comme des esclaves dont les Phéniciens trafiquaient; et ils ne songèrent qu'au profit d'une telle prise. » FÉN. « Pourquoi n'y a-t-il pas des pensions attachées à l'encouragement de l'agriculture? Cet argent retournerait de même à l'Etat, mais avec plus de profit.» VOLT. « Les Français ont dépensé des sommes immenses pour entretenir aux Indes une compagnie qui n'a jamais rien payé aux actionnaires et aux créanciers du profit de son négoce.» ID. « Les frais des mines d'or et d'argent d'Italie en auraient absorbé tout le profit. » ROLL.

D'ailleurs, l'utilité est dans les objets quelque chose d'immédiat, au lieu que le profit, de proficere, avancer, faire des progrès, suppose un travail pour le faire arriver avec plus ou moins de peine. Ce qui est utile sert, au lieu de nuire; ce qui est profitable pourra amener quelque bien moyennant des efforts, de l'application ou des réflexions. J. B. Rousseau loue un auteur qui sait «rendre l'attrayant utile et profitable. » La lecture de l'Evangile est utile; la représentation du Tartufe peut être profitable (MOL.). « L'adversité sans doute est un grand maître; mais ce maître fait payer cher ses leçons, et souvent le profit qu'on en retire ne vaut pas le prix qu'elles ont coûté.» J. J.

A la fin d'un article sur ces trois mots, l'abbé Girard dit en parlant de son livre des Synonymes: « Je souhaite que cet ouvrage soit utile au lecteur, qu'il fasse le profit du libraire, et qu'il me procure l'avantage de l'estime publique.»

1o AVARE, ATTACHÉ, INTÉRESSE; - - 2° SORDIDE, CRASSEUX, LADRE, VILAIN ; - 3° CHICHE, MESQUIN, TAQUIN. Tous ces adjectifs servent à qualifier un homme qui a la passion de l'argent ou des richesses.

1° Avare, attache, intéressé. Ces trois premiers mots font considérer sous diverses faces le vice dont il est question: ils en marquent les espèces, à la différence des mots suivants qui en expriment les degrés.

Avare correspond à avarice, qui est le nom propre de cette passion. Par conséquent, il en désigne les deux caractères principaux, qui sont de n'aimer pas à dépenser et de chercher à amasser sans cesse. Au contraire, attaché et intéressé n'en représentent chacun qu'une partie ou un côté, savoir, attaché la crainte de diminuer ce qu'on a, et intéressé le désir de l'augmenter. L'homme attaché est parcimonieux, épargnant; l'homme intéressé est âpre au gain et avide de profit.

Mais, comme attaché est très-rare, ainsi employé et entendu, avare le remplace et se trouve dans le même rapport que lui avec intéressé. L'homme avare ne dépense pas volontiers, soit pour lui-même, soit pour les autres, il est, comme on dit dans le style familier, tenace; l'homme intéressé n'est point satisfait de ce qu'il a. Autant celui-là met de soin à conserver, autant celui-ci en met à acquérir. L'avare est serré, se concentre ordinairement sur ce qu'il tient sous sa main, et il se peut qu'il n'ambitionne rien de plus; l'homme intéressé, au contraire, peut être libéral ou même prodigue, mais pour lui la grande affaire est de gagner.

Celui qui n'ose toucher à son argent, qui n'en est que le triste gardien, et semble ne se réserver aucun droit que celui de le regarder, est proprement celui qu'on appelle avare. » Boss.

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G

Speusippe parut intéressé, ayant exigé une récompense de ses disciples, contre la coutume et les principes de Platon. » ROLL. - Les hommes ne haïssent celui qu'ils appellent avare que parce qu'il n'y a rien à gagner avec lui.» VOLT. « Je ne parlerai plus à mon oncle de résignation, parce que j'ai peur qu'il ne me croie intéressé; cependant il doit bien s'imaginer que je ne suis pas venu de si loin pour ne rien gagner. » Rac. 2o Sordide, crasseux, ladre, vilain. Extrêmement, honteusement, odieusement avare.

Sordide, latin sordidus, de sordes, ordure, est de tous ces mots le plus général. Il se dit nonseulement des personnes, mais encore et plus particulièrement des choses: avarice ou épargne sordide; les attachements sordides de l'avarice (MASS.). A quoi il faut ajouter qu'il est le seul qui ait rapport à l'acquisition et qui signifie trèsintéressé; aussi dit-on gain sordide, sordide intérêt, ne pas perdre une occasion sordide de gain (MASS.).

Travaillez pour la gloire, et qu'un sordide gain ' Ne soit jamais l'objet d'un illustre écrivain. Bon. Le crasseux se plaint tout à lui-même : c'est un grigou qui vit dans la crasse; il se néglige, il est mal vêtu, il porte sur lui les marques de son vice, il est crasseux. Boileau, dans sa X satire, a donné de ce personnage une excellente peinture qui commence ainsi :

Mais pour bien mettre ici leur crasse en tout son lustre, etc.

Le ladre et le vilain refusent aux autres. Mais

le ladre manque de sensibilité, et le vilain de noblesse. Ladre signifie primitivement lépreux, et les hommes couverts de lèpre sont, comme on sait, insensibles aux impressions du dehors. Le ladre est donc l'avare que n'émeuvent ni le spectacle de la misère ni les cris de la détresse. Dans l'Avare de Molière, Frosine, ayant en vain imploré l'assistance d'Harpagon, s'écrie à la fin: « Le ladre a été ferme à toutes les attaques. » De même, à la fin d'un drame de Saŭl, par Voltaire, Bethsabée dit de David, qui a souvent répondu par de durs refus à ses demandes d'argent Puisse-t-il mourir tout à l'heure, le vilain ladre, et vous laisser régner en paix! »

femme se piquèrent, tinrent ferme et rompirent. » S. S.1

AVERTIR, DONNER AVIS, INFORMER. Faire connaître à quelqu'un un événement qui l'intéresse.

Entre avertir et donner avis se trouvent les différences suivantes.

1o Avertir, de advertere, tourner vers, rendre attentif à, exprime une action qui peut être faite par les choses et non pas seulement par les personnes : les infirmités de la vieillesse nous avertissent de notre fin prochaine. « Bonjour, mon très-cher hôte; mon estomac m'avertit de finir (cette lettre) avant que la morale me gagne. » J. J. Mais il n'y a que les personnes dont l'usage permette de dire qu'elles donnent avis.

2. Avertir est une invitation à prendre garde, et par conséquent annonce un danger. On avertit quelqu'un d'un complot (VOLT.), des périls auxquels il s'expose (J. J.), du danger où il est (ROLL.). « Tout le monde sait qu'au Capitole les oies avertirent les Romains de l'assaut que tentaient les Gaulois, et ce fut le salut de Rome. » BUFF.

Le vilain n'est pas noble, généreux; ce qui le distingue, c'est la bassesse des actions et des sentiments. Les gens riches ne sont pas tous généreux, et j'en connais qui sont des francs vilains; mais don Bertrand en use avec moi fort noblement. » LES. « Par la gerni, s'écria Sancho, que les infantes sont vilaines! Elles vous renvoient un écuyer comme s'il leur devait encore du reste. ID. « Ce garçon-là est bien généreux : il ne vous ressemble pas, vous êtes un vilain,« Monsieur, je viens vous avertir qu'il ne fait pas VOUS. REGN. Le défaut du vilain est surtout révoltant, lorsqu'il se développe contre un bienfaiteur, lorsqu'il tourne en ingratitude : Graissez les bottes d'un vilain, dit le proverbe, il dira qu'on les lui brûle.

3 Chiche, mesquin, taquin. Ces trois mots, à la différence de ceux qui les précèdent immédiatement, sont des diminutifs et veulent dire un peu ou petitement avare; ils annoncent un ridicule plutôt qu'un vice.

bon ici pour vous.» MOL. Mais les choses dont on donne avis sont moins essentielles à la personne qui reçoit l'avis, et, au lieu d'être pour elle menaçantes, elles sont quelquefois heureuses. « Je vous donne avis, mon cher ami, que je marie mademoiselle Corneille. » VOLT. « Je vous donne avis que tout va bien (pour vous). » MOL. « Je vous donne avis, victorieux abbé, que vous avez remporté un second triomphe à l'Académie. » MONTESQ. Quand les prêtres avaient trouvé le bœuf Apis, ils en donnaient avis au peuple de Memphis. » RAC.

Mais chiche et mesquin regardent la dépense,
et ce qui les distingue l'un de l'autre, c'est que
l'un est absolu, l'autre relatif. Chiche marque
le peu, et mesquin l'insuffisance. Le chiche épar-se
gne trop; le mesquin épargne trop eu égard à sa
fortune, à sa condition.

Le régal fut petit et sans beaucoup d'apprêts:
Le galant (le renard), pour toute besogne,
Avait un brouet clair; il vivait chichement.

LAF.

« Cette rusticité de l'ambassadeur lui concilia le mépris, et sa vie mesquine, en table nulle, et en équipages pauvres et courts, l'acheva. » S. S. On dit une moisson chiche, c'est-à-dire peu abondante, et une décoration mesquine, c'est-àdire pas assez riche pour le lieu, les choses ou les personnes.

Taquin se rapporte à la manière d'acquérir aussi bien qu'à la manière de dépenser. Le taquin dispute, pointille, bataille, marchande, avec une sorte d'aigreur et d'acharnement, afin d'obtenir plus ou de donner moins, afin de faire quelque petit profit ou d'avoir quelque petite diminution. Son caractère entièrement distinctif est la chicane. « C'est un homme taquin qui se ferait fesser pour le moindre profit. » ACAD. « Sur le point de signer (le contrat de mariage), tout se rompit avec aigreur par la manière altière dont la duchesse de Roquelaure voulut exiger que le duc de Rohan donnât plus gros à son fils. Ce dernier en fut justement très-mécontent. Il était taquin encore plus qu'avare; lui et sa

3o Avertir, appeler l'attention sur, inviter à mettre sur ses gardes, suppose plutôt un événement futur, et signifie prévenir. « Madame, je viens vous avertir que la comédie sera bientôt prête. » MOL. << J'ai envoyé un livre au roi, mais en l'avertissant bien que ce livre n'était pas fait pour être lu par lui. » D'AL. « Avertissez-le de ses fautes avant qu'il y tombe. » J. J. Mais donner avis, comme donner nouvelle, se rapporte plutôt à un événement passé. « Tâche de faire donner avis à Cléante du mariage qu'on a conclu. » MOL. « Je dois vous donner avis que j'ai trouvé le moyen de faire recommander votre affaire à M. le comte de Castellane. » J. J. « Ma tante accommoda mon affaire; elle m'écrivit aussitôt pour m'en donner avis. » LES.

4° Avertir est particulièrement relatif à ce que doit faire la personne avertie; si bien qu'on dit, avertir de faire une chose. « Ce grand prince vous avertit, sire, en mourant, de craindre le Seigneur. » MASS. « Le père de Themistocle l'avertit de ne pas compter beaucoup sur la faveur du peuple.. ROLL. Mais on ne dit pas donner avis d'agir de telle ou telle manière, et souvent l'avis donné est sans conséquence pour la conduite de celui qui le reçoit.

4. L'avaricieux n'est ni odieusement ni petitement avare; il se montre avare dans les cas particuliers, il manque à donner dans l'occasion. Voy. Avare, avaricieux, Ire part., p. 37.

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