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pour marquer la longue habitude qu'on en a: cet officier a vieilli dans le métier; consultez-le sur votre tragédie, il est du métier.

un refuge contre quelque chose, c'est au contraire parvenir à s'y soustraire par effort ou par adresse:

N'en riez pas, Félix, Dieu sera votre juge; Vous ne trouverez point devant lui de refuge. CORN. Asile, substantif pur, marque un état; refuge, substantif verbal, désigne un état où on s'est mis par une action volontaire, celle de fuir. C'est une différence considérable. « Cruels et lâches persécuteurs, faut-il donc que les cloîtres les plus retirés ne soient pas des asiles contre vos calomnies! » PASC. Dans cette phrase refuge se

Profession, de profiteri, déclarer, est le mot qui exprime la classe à laquelle on appartient par ses occupations. Celui qui a telle profession se donne et est connu du public et des magistrats pour se livrer à telle sorte de travail. La profession est comme une enseigne qui indique la corporation, pour ainsi dire, dont on fait partie dans le corps de la cité ou de l'Etat. Molière a mis sur le théâtre les diverses professions des hommes (MOL.). « Le point d'honneur est propre-rait très-impropre, parce que les religieuses de ment le caractère de chaque profession; mais il est plus marqué chez les gens de guerre. » MONTESQ. Tous les habitants de cette côte sont fort adonnés à la piraterie, et n'attachent à cette pro-sentielle l'idée que refuge, substantif verbal, ne fession aucune idée d'injustice ou d'infamie. » BARTH. « Ascagne est statuaire, Hégion fondeur, Eschine foulon, et Cydias bel esprit, c'est sa profession. Il a une enseigne, un atelier, des ouvrages de commande. » LABR. « Les professions les plus élevées sont les plus dépendantes; et dans le temps même qu'elles tiennent tous les autres états soumis à leur autorité, elles éprouvent à leur tour cette sujétion nécessaire, à la quelle l'ordre de la société a réduit toutes les conditions. » D'AG.

Parti, dans cette acception, n'est d'usage que pour exprimer une profession qu'on embrasse, et seulement au moment qu'on l'embrasse, après avoir délibéré, après avoir balancé divers partis, divers motifs de détermination. « Mon mari me fit tant d'instances pour prendre le parti du théâtre, qu'il vint à bout de m'y déterminer. >> LES. « En France l'ancienne noblesse a souvent pris le parti de la robe. Presque tous les autres Etats ignorent qu'il y ait de la grandeur dans cette profession. » VOLT. « Cratès se trouva un jour à une tragédie, où il remarqua que Téléphus quitta toutes ses richesses pour se faire cynique: cela le toucha; il résolut aussitôt d'embrasser le même parti.» FÉN.

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ASILE, REFUGE. Lieu de sûreté.

Asile, latin asylum, est le grec autov, formé de l'adjectif ǎoulos, intact, inviolable, qui n'a rien à craindre; de & privatif, et de oviáw, dépouiller, piller, ôter, arracher: chez les Grecs et chez les Romains, la loi ne permettait pas de toucher à ceux qui étaient dans un asile; leur personne était inviolable.

Laissez-moi ce refuge; il est inviolable;

Port-Royal n'étaient pas entrées dans ces cloî-
tres pour échapper aux calomnies des jésuites.
2° Asile, substantif pur, exprime comme es-
signifie que comme accidentelle. L'asile est fait
ou disposé pour nous mettre à l'abri; c'est notre
sauvegarde, notre rempart; il arrive au refuge de
nous mettre à couvert; c'est notre retraite. Dans
l'asile, on est hors de danger, on n'a rien à
craindre; dans le refuge, on échappe à la pour-
suite, ce mot n'en dit pas davantage.

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Asile enchérit donc sur refuge; il annonce plus de sûreté ou une sûreté plus durable, plus entière. « Cette princesse sera la mère des pauvres, le refuge et l'asile des malheureux. » BOURD. « La cour de Ptolémée Soter était le refuge et l'asile de tous les malheureux. » ROLL. « Plus d'asile, plus de refuge assuré pour lui. » MARM.

3° Refuge suppose des maux devant lesquels on fuit, et encore à pas redoublés, des maux présents et pressants; asile suppose des maux quelconques, et, par exemple, des maux seulement possibles, ou de faibles maux, des troubles, des inconvénients, de simples incommodités.

Le danger qu'on craint fait chercher un asile. « Je balançai si je ne chercherais pas moi-même un asile hors du royaume, avant les troubles qui semblaient le menacer. » J. J. « Le lapin se donne la peine de fouiller la terre et de s'y pratiquer un asile. BUFF. Le péril qui assaille fait chercher un refuge. Les Suédois ayant incendié Altena pendant la nuit et au milieu d'un hiver rigoureux, les Altenois vinrent à Hambourg demander un refuge (VOLT.). « Les bois et les montagnes servirent de refuge à tout ce qui (des combattants) put s'échapper. » MARM.

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C'est plutôt repos qu'on trouve dans l'asile, et salut dans le refuge. « Il faut un asile pour le besoin; dans la nécessité, un refuge. Un port est N'enviez pas, ma mère, un asile au coupable. Volt. en tout temps un asile; dans la tempête, c'est un Refuge, refugium, vient de refugere, fuir à tou-refuge. Le voyageur égaré cherche un asile; et,

tes jambes, se sauver, se réfugier. «Ils s'enfuirent épouvantés, et l'Afrique fut leur refuge.» MARM.

1° L'idée essentielle de l'asile, c'est qu'on y est à l'abri, hors d'atteinte; celle du refuge, c'est qu'on s'y retire ou qu'on s'y jette. On est en sûreté dans l'asile; on se met en sûreté dans le refuge. Trouver un asile contre quelque chose, c'est en être préservé par sa position, et sans chercher à y échapper: « Les morts mêmes dans le tombeau ne trouvent pas un asile contre la mauvaise langue du médisant.» LABR. Trouver

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poursuivi, un refuge. » ROUB.

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4° Enfin, comme asile indique primitivement un lieu sacré, où on est inviolable, l'asile ne se prend que pour une retraite honnête. La solitude est un asile pour le philosophe. Marmontel dit en parlant de l'Elysée: « Le calme et l'innocence habitèrent l'asile des ombres heureuses. » Refuge, au contraire, s'emploie bien en mauvaise part pour exprimer une retraite de brigands, de joueurs, de vagabonds. « Votre maison est le refuge ordinaire de tous les fainéants de la cour. » MOL. Les cafés et autres refuges des fainéants

Ils étaient en chemin, près d'un bois qui servait
Souvent aux voleurs de refuge. LAF.

En général, le mot asile annonce quelque chose de plus grand et de plus noble. « Voilà ce qui faisait la gloire du peuple et du sénat de Rome, qui était le refuge des rois et des peuples. L'ambition des magistrats et des généraux d'armée était de se rendre les défenseurs des provinces et des alliés. Aussi l'empire romain était-il regardé comme le port et l'asile de tout l'univers, où les nations opprimées étaient sûres de trouver une prompte et puissante protection. ROLL.

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et fripons du pays. » J. J. « On renouvelle sou- | cellent dans les dons de Dieu.» BOURD. On asvent cette accusation cruelle d'irréligion, parce pire même à un but qu'on ignore. « Ce quelque que c'est le dernier refuge des calomniateurs. » chose où aspirait le réprouvé et qui lui manquait. VOLT. il ne faisait pas attention que c'était Dieu. Il l'a connu trop tard. » BOURD. On prétend ouvertement, en faisant des démarches publiques, en se mettant sur les rangs, en faisant valoir ses titres, à un avantage prochain et bien déterminé « A Rome, il y avait des qu'on espère d'obtenir. magistratures où les plébéiens pouvaient prétendre. » MONTESQ. « Lucrétius Ofella s'étant mis au nombre des aspirants au consulat, le dictateur lui défendit de prétendre à cette charge.» ROLL.Par conséquent, prétendre enchérit sur aspirer: c'est aspirer, ayant droit ou croyant avoir droit d'obtenir, et se portant à faire valoir ce droit. « Cette paix...; voilà à quoi nous aspirons. Mais il ne suffit pas d'y aspirer et d'y prétendre. » BOURD. Sostrate dit à Ériphile, dans les Amants magnifiques : « Tous les princes du monde seront trop peu de chose pour aspirer à vous; les dieux seuls y pourront prétendre; et vous ne souffrirez des hommes que l'encens et les sacrifices. » MOL.

ASPIRER, PRÉTENDRE. Vouloir avoir et poursuivre certaines choses, une place, un emploi, la gloire, les honneurs.

a Le premier n'exprime que le désir, le second joint à cette idée une confiance fondée sur des titres vrais ou chimériques. » COND. Vous aspirez à la place à laquelle vous voudriez bien arriver; vous prétendez à la place que vous vous jugez digne d'obtenir. Aspirer à une chose est plus près de soupirer et de respirer après un chose (voy. première partie, p. 156), c'est-à-dire en faire l'objet de ses vœux; prétendre à une chose est plus près de prétendre une chose (voy. première partie, p. 54), c'est-à-dire l'exiger comme un droit. L'ambitieux que rien ne contente, à qui tout fait envie, aspire à tout; le présomptueux, qui croit que tout est dû à sa naissance, à son mérite, à ses services, à sa capacité, prétend à tout. On aspire à la faveur, on prétend à ce dont on se juge digne. « Pour faire mieux comprendre l'état de la cour après la mort du cardinal Mazarin, il faut dépeindre les personnes de la maison royale, les ministres qui pouvaient prétendre au gouvernement de l'État, et les dames qui pouvaient aspirer aux bonnes grâces du roi. » DELAF.

On est affligé quand on n'arrive point au but auquel on aspire. On se croit victime d'une inustice quand on n'obtient pas ce à quoi on prétend.

Si on veut s'épargner bien des regrets, bien des désappointements, il faut n'aspirer qu'aux choses auxquelles on peut prétendre. ASSEMBLER, JOINDRE, UNIR. Opérer un rap prochement entre des objets.

Assembler des objets, c'est seulement les metc'est tre les uns près des autres; les joindre, faire qu'ils se touchent, qu'ils soient contigus et adhérents; les unir, c'est les confondre, n'en faire qu'une seule et même chose.

Ce qui n'est qu'assemblé se dissout de soi-même tôt ou tard; ce qui est joint peut être détaché avec plus ou moins d'effort; il en faut beaucoup pour rompre ce qui est uni.

Assembler marque le plus faible degré de rapprochement, celui qui consiste à mettre ensemble, dans le même lieu : on assemble des matériaux pour bâtir (ACAD.); on assemble ses cheveux sur son front (RAC.); on assemble dans une dia

On aspire, mais on ne prétend pas au repos, à la perfection, à vivre tranquillement, à l'affection d'une femme, parce qu'il n'est point ici question de choses qui se donnent à ceux qui les méritent et auxquelles on puisse avoir des droits propre-tribe beaucoup de termes injurieux (PASC.). Mais, ment dits, mais de choses auxquelles on peut avoir le bonheur d'arriver. Suivant les docteurs, qui exagèrent l'action de la grâce, l'homme peut aspirer, mais non pas prétendre au salut.

Aspirer est plus particulièrement indicatif du but, et c'est pourquoi ce mot, à la différence de prétendre, s'emploie bien avec un autre verbe à l'infinitif: aspirer à régner, à devenir chrétien, à se connaitre, à plaire. Prétendre est tout relatif à ce qui rend digne du bien auquel on se porte, qu'on demande ou qu'on réclame. « Vous prétendez au salut; mais sur quel titre ?» MASS

On aspire en secret, timidement, à un but éloigné ou élevé auquel on arrivera peut-être à la longue. « Tous, nous aspirons de loin à quelque repos. » Boss. « Le souverain bien, le salut, est la fin commune et la plus éloignée où nous devons tous aspirer. » BOURD. « Aspirons à ce qu'il ya de plus haut (Boss.), à ce qu'il y a de plus ex

du reste, entre les objets rendus ainsi voisins, il
n'y a pas de rapport, ou au moins de cohérence:
assemblage confus (FÉN.); des atomes que le ha-
sard a assemblés (ID.). Au contraire, joindre et
unir, c'est lier, faire que les choses s'accordent,
se correspondent, tiennent les unes aux autres :
notre esprit est joint ou uni à notre corps; on ne
dit pas assembler une chose ou qu'une chose est
assemblée à une autre. Les choses assemblées ne
sont plus éloignées; les choses jointes ou unies
ne sont plus séparées. La colle sert, non pas à
d'autre
assembler, mais à joindre ou à unir; et,
part, le charpentier ne joint et n'unit pas encore
les pièces de bois toutes taillées qu'il se contente
de mettre en place, il les assemble. Des personnes
assemblées se trouvent dans le même local; des
personnes jointes ou unies forment une associa-
tion.

D'un autre côté, unir renchérit sur joindre;

mais on dit plus que suffisamment, par la raison contraire : « L'athéisme est plus que suffisam ment confondu par la voix de toute la nature. » BOURD.

Mais c'est surtout à un agent et à sa manière d'agir que suffisamment, c'est-à-dire d'une manière suffisante, est relatif. Un enfant est assez laborieux, a assez d'ardeur, et il travaille suffisamment. Je suis souvent assez embarrassé pour exprimer certaines différences; quand j'y réussis, je crois avoir suffisamment rempli mon dessein. On ne sait pas assez parce qu'on n'étudie pas

les choses jointes sont attachées les unes aux autres, dépendantes les unes des autres, mais distinctes pourtant; les choses unies sont tellement jointes qu'elles ne font plus qu'un. « La substance du mastic, qui joint le verre aux autres matières contiguës, est très-différente de celle de ces matières. Les ciments de nature sont, au contraire, ou de la même essence ou d'une essence analogue aux matières qu'ils unissent; ils pénétrent ces matières dans leur intérieur, et s'y trouvent toujours intimement unis. » BUFF. Les spiritualistes regardent l'âme comme accidentellement jointe au corps; les matérialistes la sup-suffisamment. On est assez porté à croire (MAL.), posent si étroitement unie au corps, qu'elle périt avec lui. Un homme est joint d'intérêt ou d'intrigue (PASC.), et uni de cœur (BOURD.) avec un

autre.

Ah! que le ciel en tout à joint nos destinées!
Qu'il a pris soin d'unir nos âmes enchaînées!

(Palmire à Séide dans le Fanatisme.) VOLT.
« Après la mort de Ptolémée, il restait encore
deux des capitaines d'Alexandre, Lysimaque et
Séleucus, qui avaient été jusque-là toujours unis
d'intérêt et d'amitié, et joints ensemble par des
traités et des confédérations. » ROLL. Que de per-
sonnes jointes par les liens du mariage ne sont
pas pour cela unies par les sentiments! Dans Mé-
rope, Polyphonte dit à Mérope, qui va l'épouser,
quoiqu'elle l'abhorre:

Le trône vous attend, et les autels sont prêts;
L'hymen qui va nous joindre unit nos intérêts.
VOLT.

Joindre annonce un lien quelconque; et union,
une entière conformité, une même âme, en quel-
que sorte. Sous les gouvernements despotiques
de l'Asie, le laboureur, l'homme de guerre, le
magistrat, ne sont joints que parce que les uns
oppriment les autres sans résistance; et si l'on y
voit de l'union, ce ne sont pas des citoyens qui
sont unis, mais des corps morts ensevelis les uns
auprès des autres. » MONTESQ.

ASSEZ, SUFFISAMMENT. Autant qu'il faut. Assez est absolu, suffisamment relatif. Assez fait considérer la chose en soi; suffisamment la fait considérer par rapport à un but, à un emploi, ou sous quelque point de vue particulier. J'ai assez d'argent. « J'avais suffisamment d'argent pour faire commodément la route.» J. J. L'avare n'en a jamais assez; le prodigue jamais suffisamment. Un homme est assez vêtu, et suffisamment vêtu pour la saison. — En conséquence, assez dit plus que suffisamment : quand il y a assez d'une chose, ce qui serait de plus serait de trop; mais quand il y en a suffisamment, il n'y en a assez que sous un certain rapport, pour une certaine fin, et ce qui serait de plus ferait abondance, sans être de trop. « Mme des Ursins laissa ce château à Aubigny, pas assez seigneur pour remplir le lieu, mais suffisamment riche pour y recevoir le voisinage et les passants. » S. S. Quand il est question d'une petite portion et d'un revenu médiocre, on dit en avoir suffisamment, c'est-à-dire non pas assez, absolument, mais assez, eu égard à sa position ou à ses désirs. On ne dit pas plus qu'assez, ce dernier mot exprimant au suprême degré l'idée dont il est le signe;

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quand on sonde suffisamment l'homme (J. J.), que sa destinée naturelle ne peut s'accomplir ici-bas. Lorsque des mots ne sont pas assez précis, et qu'ils ne désignent pas suffisamment les objets (FÉN.), on use de circonlocutions. Un orateur est assez sûr de lui-même, quand il est suffisamment instruit (J. J.) ou préparé (P. R.). · En un mot, assez regarde la quantité des choses ou le degré de leur qualité; et suffisamment, la manière plus ou moins satisfaisante dont on fait les choses ou dont on les présente. Si je me contentais de dire que plus de cent mille personnes ont été condamnées à mort sur une accusation de sorcellerie, je n'en dirais pas encore assez (VOLT.), et je ne m'expliquerais pas suffisamment (BOURD.). Le règne de Théodose fut assez glorieux; mais cet empereur ne répara pas suffisamment le massacre des habitants de Thessalonique, en n'allant poist à la messe pendant quelques mois (VOLT.).

ASSIÉGER, OBSÉDER. Etre établi, campé devant, autour; entourer, environner, pour arriver à être maître.

Assiéger, mettre le siége, asseoir son camp, vers, auprès, contre, se dit bien au propre: assiéger une ville ou une forteresse. Obséder, pris immédiatement du latin obsidere, se tenir devant, faire obstacle, investir, s'emploie au figuré seulement.

Or, assiéger ayant aussi l'acception figurée, c'est dans ce sens ou dans ce cas que les deux mots semblent synonymes et qu'il est besoin de les distinguer l'un de l'autre.

En premier lieu, l'action d'assiéger peut avoir une chose pour sujet et une chose pour objet. Mille fléaux nous assiégent en cette vie; des gens intéressés assiégent les portes des palais; des discours flatteurs assiégent les trônes des rois. Mais l'action d'obséder est plutôt faite par des personnes et dirigée contre des personnes. De tout temps les rois ont été obsédés par des courtisans; des parents, des créanciers, des importuns, des charlatans, des espions vous obsèdent.

En second lieu, quand les deux actions partent de personnes pour aboutir à des personnes, une dernière différence subsiste, qui empêche de confondre les deux verbes. Une idée de force est attachée à assiéger, et à obséder une idée de continuité ou de constance. On assiége pour prendre d'assaut, vivement; on obsède comme on bloque, assidûment, sans bouger de là, de manière à s'opposer à toute communication et à l'approche de toute autre personne. Un solliciteur assiége un ministre à qui il veut arracher une grâce

(S. S.); un ministre ou un favori obsède le prince qu'il veut gouverner (FÉN.). Un amant assiége la femme auprès de laquelle il devient pressant, à qui il donne toutes les marques d'une passion violente (LES.); on ne peut approcher d'une femme incessamment obsédée d'une duègne vigilante ou d'un mari jaloux (ID.). Vous assiéger, c'est faire auprès de vous de grandes instances, chercher à vous forcer; vous obséder, c'est ne vous pas quitter, être sans cesse autour de vous, pour disposer seul de vous.

On assiége pour emporter, en faisant soutenir un siége. Le duc d'Orléans se trouva assiégé de gens qui voulaient être de ses conseils. »S.S. « Dubois et Law assiégèrent le duc d'Orléans (pour obtenir la mort du comte Horn) et le retournèrent si bien, que la première nouvelle que j'appris à la Ferté fut que le comte Horn avait été roué en Grève. » ID. « Elle ne put pénétrer jusqu'à Néron, mais l'assiégeait dès qu'il sortait, et lui criait d'écouter l'innocence. » D'AL. On obsède pour posséder, pour demeurer maître, et de manière à écarter les autres, à leur faire obstacle. « Albéroni persuada à la reine de suivre les traces de Mme des Ursins pour posséder le roi, qui fut de l'enfermer, de l'obséder jour et nuit sans aucun moment d'intervalle, d'empêcher personne d'en approcher. » S. S. Idoménée, dans le Télémaque, dit au sujet de deux de ses courtisans: < Tant d'années d'habitude étaient des chaînes de fer qui me liaient à ces deux hommes, et ils m'obsédaient à toute heure. » FÉN. « Les gens intéressés qui obsèdent les princes sont ravis de les voir inaccessibles. » ID.

ASSIETTE, SITUATION, POSITION. Manière d'être locale, manière d'être d'une chose par rapport au lieu qu'elle occupe, où elle est mise, où elle se trouve.

Assiette, manière d'être d'une personne assise ou semblable à celle d'une personne assise, exprime immobilité et sûreté. Une assiette assurée (J. J., COND.); une assiette tranquille (BOURD., FEN., VOLT., ROLL.). Heureux ceux qui sont sur ces fleuves, non pas plongés, non pas entraînés, mais immobilement affermis; non pas debout. mais assis dans une assiette basse et sûre!» PASC. « La république romaine ayant réuni sous elle les peuples et les royaumes, tout enfin a pris une assiette ferme et une consistance assurée. » ROLL. L'assiette est essentiellement forte: « Des lieux forts d'assiette. » ROLL. Elle est aussi stable, habituelle, durable; c'est ce qu'indique la terminaison passive du mot assiette, tandis que situation et position, ayant une terminaison active, signifient quelque chose d'actuel, de momentané, de variable. L'assiette du pied est plus grande dans l'homme que dans tous les animaux quadrupèdes; quand il marche, il se soutient dans une situation droite et perpendiculaire (BUFF.). L'homme moralement léger manque d'assiette (VAUV.), et change souvent de situations ou de positions. On est plutôt naturellement dans telle assiette, et accidentellement dans telle situation ou dans telle position. Il n'y a pour chaque chose et pour chaque personne qu'une assiette, une manière d'être solide, assurée, inébranlable.

« Le corps de la girafe n'a point d'assiette, sa démarche est vacillante.» BUFF. « Un visage enflammé, des yeux étincelants, un geste menaçant, des cris: tous signes que le corps n'est pas dans son assiette. » J. J. « Tant il est aisé de démonter un jugement de son assiette naturelle! » PASC. « La vraie assiette de l'âme est lorsqu'elle est maîtresse des mouvements du cerveau. » Boss. << Il n'est pas aujourd'hui dans son assiette ordinaire. » ACAD. Mais il peut y avoir pour chaque chose et pour chaque personne bien des situations et des positions.

Dans telle ou telle situation, au lieu d'être forte, ferme, inébranlable ou inébranlablement placée, une chose ou une personne se trouve avec ce qui l'entoure dans de tels rapports, qu'elle est bien ou mal, qu'elle éprouve ou qu'elle produit un effet agréable ou le contraire. Un château est dans une belle situation, quand il se trouve au milieu de sites pittoresques, ou que les alentours en sont charmants : « Vous avez préféré à toute autre contrée les rives de l'Euphrate pour y élever un superbe édifice; l'air y est sain et tem| péré, la situation en est riante. » LABR. Un château remarquable par son assiette est un château fort; il repose sur une base solide et est inexpugnable : « Ajoutez à ces avantages de la ville de Namur l'assiette merveilleuse de son château escarpé et fortifié de toutes parts, et estimé imprenable. » RAC. · Dans une bonne situation, notre âme reçoit de ce qui nous entoure des impressions qui la rendent heureuse; dans une bonne assiette, ou dans son assiette naturelle, elle est rassise ou tranquille.

La position se rapporte à un but. Aussi dit-on en position de faire une chose. Chercher, par l'avantage des positions, à diminuer l'inégalité des forces (RAYNAL). Position exprime le résultat de l'action de poser, action faite avec dessein; au lieu que situation désigne une manière d'être, telle qu'est celle d'un pays sur la terre, c'est-àdire indépendante de toute intention, de toute tendance ou aptitude à agir. Un animal dort dans telle situation, et prend telle position pour dormir (BUFF.). Le foetus, dans le sein de la mère, peut à chaque instant changer de situation, et quelquefois le fœtus est dans une position désavantageuse pour l'accouchement (ID.). Un homme se trouve dans la pire des situations, dans une situation affreuse (MONTESQ.), et dans la pire position où on puisse se trouver pour être jugé équitablement (J. J.). Dans telle situation on est heureux ou malheureux; dans telle position on est ou on n'est pas en état de faire telle ou telle chose. Quand on n'est pas dans une situation aisée, on n'est pas dans une position à faire du bien aux autres. En changeant de situation, un malade se trouve soulagé; une armée change de position, afin d'être plus à portée de vaincre. Une ville est dans une vilaine situation (ACAD.); la position de Chambéri, au milieu des Alpes, est très-favorable à la botanique (J. J.). « La situation de Genève est très-agréable; on voit d'un côté le lac, de l'autre le Rhône, aux environs une campagne riante, des coteaux.... Le port de Genève sur le lac, ses barques, ses marchés, et sa posi

tion entre la France, l'Italie et l'Allemagne la rendent industrieuse, riche et commerçante.» D'AL. D'un autre côté, la position étant l'effet d'une action, désigne plutôt quelque chose de volontaire, de fait par les hommes ou de précis. Racine dit toujours ce qu'il doit dire dans la position où il met ses personnages. » VOLT. Un pays est dans telle situation, et sa position est bien ou mal indiquée sur la carte. Vous direz d'une manière générale et vague que telle ville est dans une situation avantageuse; et, en déterminant davantage, que sa position entre tel et tel pays lui donne la facilité de faire ceci ou cela. a Les croisés arrivèrent tous ensemble à Constantinople, dont ils admirèrent la grandeur extraordinaire, aussi bien que sa situation avantageuse: ⚫ elle commande à deux mers, et à voir sa position entre l'Asie et l'Europe, elle semble être faite pour les tenir toutes deux dans sa dépendance. Boss.

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ASSISTER, ÊTRE PRÉSENT. Se trouver dans un lieu au moment où il s'y passe quelque chose. Ces deux expressions ne paraissent pas différer par leurs radicaux: assister, c'est se tenir auprès ou devant, ad stare; être présent, c'est être étant devant, ens præ.

Mais assister est un verbe, et comme tel il exprime un fait; être présent est une circonlocution adjective, et par conséquent il marque une qualité. Ensuite, en vertu de sa particule initiale ad, assister désigne un fait volontaire : il suppose une certaine activité développée par l'agent. De sorte qu'on assiste quand on se rend exprès dans le lieu pour être présent, et de plus on prend d'ordinaire quelque part à ce à quoi on assiste. Au contraire, quand il arrive d'être présent, c'est sans l'avoir voulu; c'est par hasard qu'on se trouve là; on est regardant, et non pas spectateur. Cette différence est bien marquée dans le passage suivant de Bourdaloue: « Le publicain n'osait porter la vue sur ceux qui étaient présents et qui assistaient à cette prière publique. » Ces personnes étaient présentes par rapport au publicain; elles n'étaient pas venues pour le voir. Mais elles assistaient à la prière, s'étant rendues dans le temple afin d'y prendre part.

On dira donc assister à la messe, à un sermon, à une cérémonie, à une représentation, à des funérailles, à des noces, à une assemblée, parce qu'on y vient tout exprès, et qu'on ne reste pas étranger à ce qui s'y passe. Et c'est souvent par devoir qu'on se rend ainsi présent. On assiste régulièrement (J. J.) ou exactement (BOURD.) au service divin.

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Mais on dira être présent à un accident, à un fait qui n'a pu être ni annoncé ni prévu. « Il n'y eut jamais de mort si prompte que celle de M. de Paris. Mme de Lesdiguières a été présente à ce spectacle.» SEV. « M. de Beauvilliers avait été présent à ce qui venait de se passer. » S. S. « J'étais présent lorsque la chose arriva. » ACAD. « Je fus présent à cette conversation je l'ai fidèlement recueillie. » VOLT. « La peinture de ce miracle faite par l'évangéliste est si sensible, que nous croyons en le lisant y être présents nous mêmes. BOURD.

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Assister, c'est se rendre présent en un lieu pou? prendre part à ce qui s'y fait. Y être présent. c'est s'y trouver, quand quelque chose s'y passe. Un simple témoin a été présent à ce qu'il rapporte; il n'y a pas assisté. Ordinairement, quand une opération chirurgicale a lieu, il y a des personnes qui y assistent, savoir celles qui assistent l'opérateur, qui y sont venues pour cela, ses aides, et d'autres qui y sont présentes, savoir celles qui se trouvant là voient ce qui y arrive.

Puisque les faits auxquels on assiste suppo sent qu'on est venu exprès dans le lieu où ils se produisent, ils sont de ceux qui sont réglés et déterminés d'avance, comme une réunion, une cérémonie, des jeux; mais ceux auxquels le hasard veut qu'on soit présent peuvent être d'une tout autre nature. Cicéron dit à Catilina: « Tu ne tiens point de conseils si secrets que je n'en sois averti; j'y assiste; je suis présent jusqu'à tes pensées. VERT.

ASSOCIER, AGRÉGER. Mettre de compagnie. Associer, ad sociare, c'est donner pour compagnon ou pour allié (socius), faire entrer en société. Agréger, aggregare, c'est joindre à la troupe, au troupeau (grex, gregis).

On associe à beaucoup de choses, à l'empire (Boss., Sév.), aux mystères (VOLT.), à sa table (LABR.), à des travaux (LES., D'AL.), à une entreprise (ACAD.), à un commerce (ID.); la grâce nous associe à la nature divine (BOURD.) On associe aussi à un seul homme : Ulysse marcha contre Polyphème avec les quatre hommes que le sort lui avait associés (FÉN.). « Pour faire cet examen, on m'associa M. de Châlons. » Boss. Mais on agrège seulement à un corps ou à un ordre. « Pline dédia son ouvrage à Tite, alors presque associé à l'empire par Vespasien son père.... Pline avait été agrégé dans le collège des augures. » ROLL.

Associer se prend aussi dans cette acception étroite, sans pourtant équivaloir tout à fait à son synonyme.

L'associé contribue à former le corps; l'agrégé est joint au corps. . — « Dieu associa les gentils et les juifs dans la même créance. » BOURD. « Jésus-Christ appela les gentils pour les agréger à son peuple. » Boss. - Nous devons nous aimer en hommes fidèles, associés dans un même corps de religion.» BOURD. « Par le baptême, nous avons été agrégés au corps de l'Église. » ID.

On est associé en corps, et agrégé à un corps. Entre l'associé et le corps il y a fusion, union intime, coopération : entre l'agrégé et le corps il n'y a qu'adjonction. L'associé est incorporé, et l'agrégé attaché. Tous les associés des jésuites faisaient partie de leur ordre; mais ils avaient aussi des agrégés de tous états, même mariés, qui faisaient les mêmes vœux en tout ce que leur état pouvait permettre, et on prétend que Louis XIV, grâce à son confesseur, le père Tellier, eut l'idée de se faire agréger ainsi dans cette compagnie (S. S.). De même, dans l'institut pythagoricien, les associés, ceux qui composaient proprement l'association, étaient les membres ordinaires. Mais, de plus, des externes, hommes et femmes, étaient agrégés aux différentes mai

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