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L'amour a d'abord un caractère de très-grande, elle se trouve rarement entre gens à qui la digénéralité. Il se dit de toutes les choses qu'on versité de leurs états et de leurs rangs ne permet aime, vers lesquelles on se sent porté. Il y a d'avoir ni les mêmes pensées ni les mêmes goûts. l'amour du vin, des fruits, des richesses, du jeu, C'est donc une communication intime et accomde la gloire, de la patrie, de la nouveauté, de pagnée de bienveillance entre deux êtres qui s'apla faveur, de la liberté, du repos; il y a l'amour précient mutuellement, qui se complètent l'un paternel, filial, conjugal, l'amour de Dieu, par l'autre, qui ont confiance l'un en l'autre, et l'amour du bien, etc. Mais, soit qu'on le consi- qui peuvent se traiter d'égal à égal. dère par rapport à des personnes ou à des choses, ou même qu'on le restreigne à exprimer ce qu'un sexe éprouve pour l'autre, le mot sera toujours facile à distinguer de ses synonymes à l'ardeur, à la véhémence qu'il implique : l'amour est tou= jours une passion; la tendresse et l'inclination sont plutôt des sentiments.

La tendresse est quelque chose de doux, de féminin, de flatteur, de gracieux, mais de peu héroïque; elle se rencontre rarement avec le courage. Elle est sans force; elle ne sait qu'aimer, elle fait qu'on se donne, qu'on se livre tout entier à celui qui en est l'objet, qu'on s'absorbe en lui. Elle consiste toujours en une douce et inactive émotion; la joie, les larmes en sont des suites assez fréquentes verser des larmes de tendresse (J. J.). La tendresse d'un père et d'une mère les rend faibles à l'égard de leur enfant, leur fait fermer les yeux sur ses défauts. « L'égalité du collège est une invention extrêmement bonne pour ôter aux jeunes gens la tendresse et les autres défauts qu'ils peuvent avoir acquis par la coutume d'être chéris dans les maisons de leurs parents.» DESC.

Cessez, lâches tendresses,

L'affection naît d'une manière douce et tranquille, et comporte tous les degrés inférieurs de l'amitié. Elle se distingue par sa modération. « Lorsqu'on estime l'objet de son amour moins que soi, on n'a pour lui qu'une simple affection; lorsqu'on l'estime à l'égal de soi, cela se nomme amitié.... On peut avoir de l'affection pour une fleur, pour un oiseau, pour un cheval; mais on ne peut avoir de l'amitié que pour des hommes.>> DESC. L'affection nous fait sympathiser avec les personnes que nous fréquentons; elle nous porte à avoir pour elles de la bonté et de l'indulgence, et nous en rend la société agréable. C'est de tous les sentiments bienveillants et sociaux le plus général, celui qui sert à les représenter tous. On ne dit point nos amours sociales, comme on dit nos affections sociales. « Toutes les relations de l'homme avec son espèce, toutes les affections de son âme naissent avec l'amour. » J. J. L'affection considérée généralement, et d'homme à homme, est le contraire de la haine; aussi oppose-t-on les passions affectueuses aux passions haineuses. << Voilà comment les passions douces et affectueuses naissent de l'amour de soi, et comment les passions haineuses et irascibles naissent de l'amour-propre. » J. J.

De jeter dans mon cœur vos indignes faiblesses. CORN. << Il me semble, dit Condillac, que attachement << Mes entrailles paternelles s'émeuvent de ten- ne signifie plus grand'chose; c'est un mot dont dresse à chacun de vos succès. » VOLT. « La mu- on se sert quand on ne sent rien pour quelqu'un, sique peut faire sentir à l'âme la douceur, la pi- qu'on ne sait trop dire ce qu'on sent et qu'on ne tié, la tendresse, le doux plaisir. » MONTESQ. ▾ veut pas s'engager à prendre beaucoup d'intérêt L'inclination est un commencement d'amour à ce qui le regarde. Cela peut venir de l'abus qu'on ou de tendresse, quelque chose de vague et d'in- en fait au bas des lettres. » Quoique cet arrêt soit déterminé; aussi ne dit-on pas donner des témoi- d'une sévérité excessive, toujours est-il que l'attagnages d'inclination, comme on dit en donner chement est un sentiment bien plus faible que l'ad'amour ou de tendresse. Entre l'amour et l'in-mitié, et même que l'affection : il touche moins clination il y a, sous le rapport de la force, une au cœur, il consiste presque uniquement à tenir opposition manifeste. « Je ne comprends pas qu'on d'une manière quelconque aux personnes ou aux puisse se marier sans amour, et sans amour vio- choses, à n'y être point indifférent. « L'attachelent; et, bien loin d'avoir eu de la passion, je n'aiment ou l'indifférence que les philosophes avaient même jamais eu d'inclination pour personne; si pour la vie n'était qu'un goût de leur amourje ne suis point mariée, c'est parce que je n'ai propre.» LAROCH. « L'éléphant est susceptible rien aimé. » DELAF. « Il ne faut pas s'étonner si d'attache, d'affection, de reconnaissance.» ROLL. quelquefois nous sentons pour les autres au pre- « Dans le zèle qui vous fait occuper de lui sans mier abord de l'éloignement ou de l'inclination.»cesse, votre élève ne voit plus l'attachement d'un COND.

D

2o Amitié, affection, attachement.

Il en est de l'amitié à l'égard de l'affection et de l'attachement comme de l'amour à l'égard de la tendresse et de l'inclination; elle est plus vive et portée à un plus haut point. En outre, elle suppose d'ordinaire réciprocité. De là vient qu'elle ne saurait avoir que des personnes pour objet, et de là vient aussi qu'elle entraîne des devoirs, un échange mutuel de soins et de bons offices pour les personnes qui en contractent les liens. Elle doit sa naissance à une certaine conformité d'idées, de mœurs, de caractère; c'est pourquoi

esclave, mais l'affection d'un ami. » J. J. - Parce que l'attachement est un sentiment peu prononcé ou peu profond, il a plutôt des choses pour objet; au lieu que, par la raison contraire, c'est à des personnes que se rapportent le plus souvent l'affection et toujours l'amitié. « La reine d'Espagne faisait tout espérer de son attachement naturel au saint-siège et de son affection pour la personne du pape. » S. S.

ANALOGIE, RESSEMBLANCE, SIMILITUDE, CONFORMITÉ. Ces mots expriment entre les choses un grand rapport, des traits communs, des qualités identiques, qui les empêchent de

différer au moins totalement, qui les réduisent ou tendent à les réduire à la même espèce. Analogie, grec avaloyía, de λóyog ává, discours, raisonnement ou rapport sur ou entre, est un terme de science, particulièrement de grammaire, de logique et quelquefois d'histoire naturelle. Dans la langue commune, il est ordinairement relatif au raisonnement, à l'usage que fait notre esprit de certains rapports observés, pour en tirer des inductions. L'analogie a pour caractère essentiel d'être instructive. « On peut regarder toute la substance du cerveau comme com1 posée de petits filets qui tiennent aux nerfs, quoiqu'ils soient d'une autre nature; à quoi l'anatomie ne répugne pas, et au contraire l'analogie des autres parties du corps nous porte à le croire. Boss. « Comme nous ne connaissons rien que par comparaison, dès que tout rapport nous manque, et qu'aucune analogie ne se présente, toute lumière fuit.» BUFF. Toutes ces opinions ne sont fondées que sur de petits rapports ou de fausses analogies. » ID. « Ceux qui regardent la femme comme un homme imparfait ont tort sans doute; mais l'analogie extérieure est pour eux. » J. J.

Mais le mot ancêtres diffère bien des deux autres. Nous descendons de nos ancêtres, leur sang coule dans nos veines; nous tenons la place qu'occupaient nos prédécesseurs et nos devanciers, mais de nous à eux il n'y a pas de lien de parenté. Les ancêtres d'un roi sont les hommes de sa famille dont il est issu; ses prédécesseurs sont tous ceux qui ont régné avant lui dans le même pays. L'un est dans l'ordre naturel, l'autre est dans l'ordre politique ou social. Tarente avait bien dégénéré de l'institution des Lacédémoniens, ses ancêtres.» MONTESQ. « Les Marseillais, comme leurs ancêtres, ont toujours aimé la liberté. » COND. La naissance n'est rien où la vertu n'est pas. Nous n'avons part à la gloire de nos ancêtres qu'autant que nous nous efforçons de leur ressembler. MOL. « C'était une coutume des Romains de porter dans les funérailles les images des ancêtres. » MONTESQ. « Dieu permet que vous transmettiez à vos enfants les possessions qui vous sont venues de vos anclires. » MASS. « Quelques aïeux ignorés n'ajouteraient rien à la gloire du nom de Boileau; c'est lui qui honorerait ses ancêtres. D'AL. Que si quelquefois l'idée de parenté n'entre pas dans celle d'ancêtres, ce dernier mot se distingue alors de ses deux synonymes, en ce qu'il suppose plus d'ancienneté et s'applique à des hommes qui ont vécu il y a bien

faire remonter la secte des Vaudois jusqu'à l'an 120 de notre ère, et d'en faire leurs prédécesseurs et leurs ancêtres.

Entre prédécesseur et devancier la différence est légère. Prédécesseur reproduit exactement le latin prædecessor, dont le sens est le même; au lieu que devancier a été formé du mot français devant. D'où il suit que prédécesseur est un terme noble, de haut style, et devancier un mot commun et parfois dédaigneux. Bossuet, prêchant devant Louis XIV, lui parle de ses prédécesseurs, de ses augustes prédécesseurs, et, dans le Discours sur l'Histoire universelle, il reproche à Childéric et à ses devanciers, les rois fainéants, d'avoir laissé attacher tout le pouvoir à la

Ressemblance, formé de sembler, paraître, avoir l'air, regarde l'extérieur ou la forme. Par là ce mot se distingue nettement de similitude et de conformité. « Si le nombre des ressem-longtemps. Bossuet reproche aux protestants de blances en général, si la parfaite conformité des parties intérieures suffisaient pour assurer l'unité des espèces, le loup, le renard et le chien n'en formeraient qu'une seule; car le nombre des ressemblances est beaucoup plus grand que celui des différences, et la similitude des parties internes est entière. BUFF. — D'autre part, comme la ressemblance consiste uniquement dans l'apparence, dans quelques traits visibles, elle est, à la différence encore de la similitude et de la conformité, superficielle ou peu profonde. « Où trouver là (dans le parlement d'Angleterre) une ombre, je ne dis pas de simititude, mais de ressemblance la plus légère avec nos parlements?» S. S. « J'ai rapporté environ quarante passages pour les comparer à quatorze ou quinze propositions condam-charge de maire du palais. D'autre part, nables, sur le seul sujet des épreuves, et il ne on a plutôt des prédécesseurs dans un emploi s'est trouvé nulle ressemblance qu'informe et réglé, dans un poste qu'on a obtenu par faveur confuse entre les uns et les autres, pas même ou par élection, et des devanciers dans toutes les dans les écrits de saint François de Sales, qui est carrières qu'on court de soi-même après d'autres. celui dont on vante le plus la conformité. » Boss. Un souverain, un prélat, un magistrat, des acaRestent similitude et conformité, qui signifient démiciens, ont des prédécesseurs. « Sixte-Quint tous deux une ressemblance intérieure, fonda-licencia d'abord les soldats, les gardes même de mentale, essentielle, complète. Ils n'équivalent pas non plus l'un à l'autre. La similitude a plutôt lieu entre des objets corporels ou physiques, et la conformité entre des choses abstraites, intellectuelles ou morales, On remarque, par exemple, entre des animaux une similitude de conformation (ACAD., BUFF.), et une conformité d'habitudes (BUFF.). L'eléphant a des rapports avec nous par la similitude de ses mouvements et par la conformité de ses actions (ID.) On dit une conformité et non une similitude de sentiments, d'inclinations, de goûts, d'humeurs, de principes (ACAD.).

ANCÈTRES, PRÉDÉCESSEURS, DEVANCIERS. Ceux à qui on succède.

ses prédécesseurs. » VOLT. « Malgré tout ce qu'avaient fait ses prédécesseurs, le prélat que nous pleurons y trouva encore beaucoup à faire. » MASS. « Je crois pouvoir dire, sans blesser le respect que je dois à nos prédécesseurs (les académiciens) que la critique du Cid est fautive en bien des points. » LAH. Mais les écrivains et les artistes de toutes sortes ont proprement des devanciers. « Nos devanciers littéraires. D'AL. Les Italiens ont été presque en tout genre les devanciers et les maîtres des autres peuples. » ID. Velli, dernier écrivain de l'histoire de France, avait tous les matériaux de ses devanciers. » VOLT. Montaigne fut le devancier et le maître de Mon

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tesquieu en imagination. » ID. « Vous sentirez la force de celui (Corneille) qui le premier alla si loin dans une carrière que ses devanciers n'avaient guère fait qu'entrevoir. » LAH. « M. Dusaulx a fait un très-beau parallèle de Juvénal et d'Horace, son devancier. ID.

ANCIENNEMENT, AUTREFOIS, JADIS. Dans le temps passé.

Anciennement représente le passé comme re=culé et par rapport aux usages qu'on y suivait; autrefois le désigne comme autre ou différent et suppose des changements qui l'ont modifié; jadis le peint comme meilleur et le fait regretter. Anciennement, dans les temps anciens, dans les siècles passés, sert à rappeler ce qui se faisait ou se pratiquait chez les anciens ou chez nos ancêtres, dans l'antiquité, ou au moins dans des siècles bien antérieurs. « La ville de Philippes, autrefois Datus, et plus anciennement Crénides. » ROLL. Anciennement, on avait coutume d'oindre le corps de ceux qui devaient combattre dans les spectacles publics. » FÉN. « La belle cérémonie qui se faisait anciennement au baptême des chrétiens! >> Boss. Le rit mosarabique est celui dont on se servait anciennement dans une grande partie de l'Espagne. » ID. « Anciennement, en France, il n'y avait point de condamnation de dépens en cour laie. MONTESQ. « L'agriculture était en honneur anciennement à Rome et dans tout le Latium. » ROLL. « Anciennement, les habits des Persans et des Juifs étaient de longues robes qui tombaient jusqu'à terre. » RAC. « Bacchus était anciennement représenté avec des cornes. » VOLT. « Le titre de cives n'a jamais été donné aux sujets d'aucun prince, pas même anciennement aux Ma- cédoniens, ni de nos jours aux Anglais. » J. J.

Autrefois, une autre fois, dans un temps qui était autre, dans d'autres circonstances ou un autre ordre de choses, s'emploie quand on veut marquer un contraste entre le passé et le présent. faire sentir que les choses n'en sont pas à présent où elles en étaient à l'époque dont on parle. Il y avait autrefois un roi et une reine; autrefois, c'est-à-dire dans un temps tout différent de celuici, dans le temps du merveilleux et des fées.

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Les déserts, autrefois peuplés de sénateurs,

Ne sont plus habités que par leurs délateurs. RAC. Autrefois, on entendait Platon par le nom de prince des philosophes, et maintenant on entend Aristote. » P. R. « Autrefois, notre musique était pleine de fredons; présentement, on a commencé à se rapprocher de la musique des anciens. » FÉN. « On dit que l'éducation de la jeunesse est beaucoup meilleure qu'elle n'était autrefois. » J. J. « Athènes avait alors pour alliés ceux qui avaient été autrefois ses plus cruels ennemis. » ROLL.

Jadis, jam diu, il y a déjà longtemps, semble exprimer que le temps dont il est question est déjà passé, a passé trop vite. C'est un terme relatif au bon vieux temps, au temps de nos bons aieux. Hors de la poésie, il est très-familier; les plus grands prosateurs du XVIIe siècle ne l'ont jamais employé, si ce n'est Bourdaloue, une seule fois : « Est-ce là cette Eglise jadis si florissante et si belle ? »

Ce n'était pas jadis sur ce ton ridicule

Qu'amour dictait les vers que soupirait Tibulle.

BOIL.

Le repos, le repos, trésor si précieux, Qu'on en faisait jadis le partage des dieux. LAF. O trop funeste hymen! ò feux jadis si doux! VOLT Hélas! de cette cour j'ai vu jadis la gloire. ID. froid sous ma plume un pays jadis si verdoyant, << Ne vous étonnez pas de voir devenir aride et si vivant, si riant à mon gré. » J. J. « Et toi, n'asprès d'elle de ce que tu fus jadis ! » ID. « Frantu point changé? Combien je t'ai vu différent cais, nation jadis aimable et douce, qu'êtes-vous devenus?» ID. « De ce parfait modèle de gouvernement, qui jadis nous faisait si fort estimer, il ne nous reste plus qu'un vain fantôme de république.» ROLL.

ANESSE, BOURRIQUE. Femelle de l'âne, de cette espèce de cheval à longues oreilles, qui brait, et dont on se sert beaucoup à la cam

pagne.

Comme le mot dne a été formé d'asinus, asne ane, de même ânesse dérive incontestablement du français áne, ou du latin asina. Bourrique, au contraire, doit être un terme de basse extraction.

Anesse est le mot ordinaire, et convient à tous les styles. C'est celui qu'emploie Buffon dans la description de l'àne. L'ânesse, dit il, a la voix plus claire et plus perçante que l'âne; le lait d'ânesse est un remède éprouvé et spécifique pour certains maux; l'anesse ne produit qu'un petit; le cheval avec l'anesse produit les petits mulets, etc. Dans un de ses sermons, Bourdaloue rapporte que Saul, cherchant les dnesses de son père, trouva le prophète qui lui déclara les vue de Dieu sur lui.» Fénelon, dans une lettre à un évêque, rappelle que, suivant l'Écriture, une dnesse parla au prophète Balaam.

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Mais le mot bourrique n'a aucune noblesse : il ne peut figurer que dans le style commun, où il représente cet animal domestique sous son aspect le plus commun, comme une pauvre bête de somme qu'on charge sans ménagement ou comme la plus vile des montures.

Eh quoi! charger ainsi cette pauvre bourrique! N'ont-ils point de pitié de leur vieux domestique' LAF.

« Nos critiques ne cessent de s'étonner que l'ambassadeur de Dieu (Moïse), qui va faire le destin d'un grand empire, marche à pied sans valet, et mette toute sa famille sur une bourrique. » VOLT. « Dites à monseigneur don Quichotte que s'il faut aller absolument où les seigneurs alguazils le veulent mener, du moins qu'il ne monte pas sur la vieille bourrique qu'on lui prépare; car elle est plus maigre qu'un carème, et elle ne va plus que d'une fesse.» (Sancho.) LES. « Je fis présent à mon écuyer de mes armes et de mon cheval, car il était monté sur une bourrique, ce qui n'aurait pas été une monture très-avantageuse pour un chevalier. » ID.

Bourrique se prend seul au figuré, et il signifie comme dne, mais dans un langage encore plus familier, plus populaire, une personne ignare. « A ces paroles, notre petit bossu traita son contradicteur de bourrique; et les disputeurs se prirent au collet. » LES.

ANIMAL, BÊTE, BRUTE. Être doué de vie, de sensibilité et de mouvement.

α

Animal vient d'animus, âme, souffle, respiration: l'animal est l'être qui respire. Bête paraît dériver du latin edo, es, est, esse, ou vesci, manger, se nourrir: la bête est l'être qui mange. Or, l'action de manger, à la différence de l'action de respirer, ayant rapport à un appétit et à la sensualité, on appelle bêtes les animaux qui sont réduits à leur ventre, en quelque sorte, qui sont privés de raison, chez lesquels l'intelligence est assujettie aux appétits. « Thalès remerciait les dieux d'être né raisonnable plutôt que bête. FÉN. « Toute la différence qu'il y a entre l'idée d'animal et celle de bete, est que l'idée d'animal n'enferme pas la pensée dans sa compréhension, mais ne l'exclut pas aussi et l'enferme même dans son étendue, parce qu'elle convient à un animal qui pense; au lieu que l'idée de bête l'exclut dans sa compréhension, et ainsi ne peut convenir à l'animal qui pense. »> P. R. Animal exprime le genre, c'est-à-dire un règne particulier de la nature, différent de ceux qui sont marqués par végétal et minéral, et il comprend l'homme; bete signifie une classe d'animaux de laquelle l'homme est exclu. Ainsi on devra dire, comparer l'homme aux autres animaux, et le comparer aux bétes; de tous les animaux l'homme est le seul qui marche droit, et l'homme est supérieur aux bétes. Diogène disait: Lorsque je vois des devins et des gens enflés de leurs richesses, je ne saurais m'empêcher de croire que l'homme ne soit le plus fou de tous les animaux; et quand je considère les gouverneurs, les médecins et les philosophes, je suis tenté de croire que par sa sagesse il est fort élevé au-dessus des bêtes (FEN.). Entre la bête et l'homme se trouve une opposition qui n'existe pas proprement entre l'animal et l'homme. Aussi dit-on, bétes et gens; il n'y a ni bêtes ni gens. Pythagore tenait que de l'éther, qui est l'âme du monde, sont tirées toutes les âmes particulières tant des hommes que des bêtes;... et qu'une âme sortant du corps de n'importe quel animal entrait indifféremment dans le corps d'un homme ou dans celui d'une bete. » FÉN. Bête, d'où sont formés bétail et bestiaux, fait partie de beaucoup de locutions qui servent à caractériser diverses sortes d'animaux dont l'homme est visiblement exclu: bêtes de somme, bétes de trait, bêtes farouches ou féroces, bêtes à cornes, à laine, etc.

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peau les bêtes qui commencent à vieillir et qu'on veut engraisser. » BUFF. « Quoi! tout meurt, tout est enterré? Le cercueil vous égale aux bétes, et il n'y a rien en vous qui soit au-dessus? Votre esprit est infatué des sentences de Montaigne, qui préfèrent les animaux à l'homme, leur instinct i notre raison.... Mais connaître une première nature, adorer son éternité, n'est-ce rien qui noas distingue des bêtes? » Boss. « Sur ces légères ressemblances, les hommes se comparent aux animaux.... Ils oublient leur dignité, et contents de ce qu'ils ont de commun avec les bétes, ils mènent aussi une vie toute bestiale.... L'homme. animal superbe, qui veut s'attribuer à lui-même tout ce qu'il connaît d'excellent, fait des efforts pour trouver que les bêtes le valent bien, ou qu'il y a peu de différence entre lui et elles. ID. On lâcha un second taureau plus fort et plus méchant que le premier. Ozmin regarda dans la carrière; il vit que la bête donnait bien de l'exercice aux cavaliers qui combattaient contre elle.... Ce fier animal avait déjà mis hors de combat deur cavaliers. » LES.

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Brute, quelle qu'en soit l'étymologie, renchérit sur bête. « L'amour charnel abestist et abrutist toute la sagesse.» CHARR. « La brute est une béte tout à fait bête. » COND. De là vient que, pour porter au comble la qualification de bête, nous disons bête brute. « O homme, qui que tu sois. qui te fâches de n'être pas une bête brute, à qui la lumière de ta raison et l'honneur de ta liberté est à charge.... » Boss. C'est le mot propre pour exprimer la plus grande distance entre l'homme et les autres ètres animés. « Il y a probablement une distance immense entre l'homme et la brute. entre l'homme et les substances supérieures.» VOLT. « Le singe et le perroquet ont paru à l'homme des êtres privilégiés, intermédiaires entre lui et la brute. » BUFF. « En mettant l'homme dans la classe des animaux, nous ne dérogeon point à sa noblesse, nous n'ôtons rien à la supériorité de la nature humaine sur celle des brutes. » ID. « Cette espèce d'intelligence des brutes, quoique infiniment inférieure par son principe à celle de l'homme, suppose cependant des projets communs et des vues relatives. » ID. Mais brute ne dit pas seulement plus que béte, il dit aussi autre chose. Bête ne regarde que l'intellectuel; brute a également rapport au moral, aux sentiments, à la conduite, ainsi que les adjectifs brut et brutal. La bête manque de raison, d'esprit, de capacité; la brute en manque absolument: ces quali

Mais on ne parle pas toujours avec cette ri-tés sont chez elle ensevelies, étouffées (obrulæ), et, gueur. Souvent, au contraire, employant le de plus, elle se livre d'une manière grossière, genre pour l'espèce, on donne aux bétes le nom violente, effrénée, à la satisfaction de ses apped'animaux comparer l'homme aux animaux. tits, à ses instincts et à ses penchants ignobles Quelle différence y a-t-il donc entre animal et « Les Juifs étaient plus brutaux que les brutes bête désignant seulement ceux des êtres vivants mêmes. » Boss. « Quant aux mœurs des Moscoet sensibles qui sont irraisonnables ? On ne se vites, ils vivaient en brutes, ayant une idée consert d'animal, en ce cas, que quand il n'est pas fuse de l'Eglise grecque, de laquelle ils croyaient besoin d'une grande précision, ou qu'on veut re-être. » VOLT. « On ne trouve à l'origine que des lever et ennoblir ces rivaux de notre espèce; au lieu que bête est toujours le terme spécial, et un terme dépréciatif ou méprisant. « Rien ne flatte plus l'appétit de ces animaux (les moutons) que le sel.... Tous les ans, il faut trier dans le trou

hommes plongés dans la plus affreuse barbarie, et conduits par des passions brutales dont ils étaient les victimes. Ces sauvages, pareils aur brutes, paraissaient n'avoir comme elles qu'un instinct grossier.» COND. « L'homme au-dessus

de la bête par le don d'intelligence et par le rayon de la lumière de Dieu qui lui a été communiqué, oubliant le caractère de sa grandeur, s'est honteusement dégradé lui-même, il s'est réduit au rang des brutes insensées par un honteux asservissement à sa chair, en ne lui refusant rien de tout ce qui la peut remplir. » BOURD.

Lorsque ces mots se prennent comme termes injurieux qu'on applique aux hommes, les différences sont exactement les mêmes entre bête et brute. Quant à animal, il semble exprimer, mais à un moindre degré, et par rapport aux formes seulement, le sens de bête ou celui de brute, ou tous les deux à la fois; en sorte qu'on appelle animal un homme quelque peu stupide ou grossier, ou bien quelque peu stupide et grossier. ANTÉRIEUR, PRÉCÉDENT, ANTÉCÉDENT. Adjectifs qualificatifs d'une chose par rapport à une autre qui vient après.

Pour mettre antécédent hors de question, il suffit de remarquer que c'est un terme didactique ou d'école, et non pas un mot qui appartienne, comme les deux autres, au langage commun. Voy. première partie, article Antécédent, précédent, p. 155.

Quant à antérieur et à précédent, l'un est relatif, l'autre absolu. Antérieur exprime une comparaison formelle et s'emploie bien avec un régime: un événement antérieur à un autre. Précédent implique aussi une comparaison, mais il ne la marque pas d'une manière aussi précise, et de là vient qu'il ne prend pas de régime : le chapitre précédent, cet hiver et le précédent. Etant relatif, antérieur peut recevoir différents degrés: une chose est plus ou moins antérieure à une autre, elle lui est antérieure de tant de mois, de tant d'années; mon droit est bien antérieur au vôtre (VOLT.). Précédent se dit d'une manière absolue, sans aucune addition, sans aucune indication de quantité.

ANTIPHRASE, CONTREVÉRITÉ. Façons de parler qui ne doivent pas être prises au pied de la lettre, parce qu'elles sont employées pour faire entendre le contraire de ce qu'elles signifient ordinairement.

L'antiphrase, du grec avτíopaots, contradiction, ou plutôt contre diction, contre locution, se réduit à un seul mot, à une simple dénomination: c'est par antiphrase qu'on impose tel ou tel nom à une chose ou à une personne, qu'on l'appelle de tel ou tel nom. « Le nom de bœuf que le roitelet porte dans plusieurs provinces lui est donné par antiphrase à cause de son extrême petitesse. >> BUFF. « On croit que Ptolémée Philopator avait empoisonné son père, et c'est ce qui lui fit donner le surnom de Philopator (amateur de son père), par antiphrase. » ROLL.

Et le doux Caveirac, et Nonnotte, et tant d'autres. (Vers d'une satire de Voltaire.)

« Le doux Caveirac est ici par antiphrase. Il n'y a rien de si peu doux que son Apologie de la révocation de l'édit de Nantes et de la Saint-Barthélemy. » VOLT. Mais la contrevérité est une proposition entière: on dit (SÉv., J. J.), on débite (J. J.) des contrevérités et non des antiphrases. << Les louanges, dans le style du monde, sont souvent des contrevérités déguisées. » BOURD.

Tant que son âme à son corps est soumise, Un demi-dieu peut faire une sottise; Et tout d'un temps ses éloges vantés Se convertir en contre vérités. J. B. RouSS, «L'écriteau où vous me louez sur l'amitié, qu'en dites-vous ? J'entends votre ton, et je comprends que c'est une satire suivant votre pensée; mais vous serez peut-être le seul qui la preniez pour une contrevérité.» SÉv. « Le langage vulgaire, en fait d'astronomie, n'est qu'une contrevérité perpétuelle. On dit que le soleil chaque jour tourne avec les étoiles autour de la terre, etc... Rien de tout cela n'est vrai.» VOLT.

est tout autrement de contrevérité, c'est un mot du langage commun. « Hector Boétius, dans son histoire de l'Ecosse, rapporte que l'on conserve encore quelques os d'un homme nommé, par contrevérité, le Petit-Jean, qu'on croit avoir eu

Seul, antérieur annonce une priorité vague, Toutefois, contrevérité peut se prendre aussi qui suppose entre les deux choses plus ou moins dans le sens individuel et solitaire d'antiphrase, d'intervalle; précédent désigne une priorité im- c'est-à-dire pour représenter une simple qualifimédiate, qui fait concevoir les deux choses cation ou imposition de nom. Alors la différence comme se touchant. Aussi, antérieur se dit seu- qui sépare les deux mots tient à celle de leur orilement avec l'article numérique un, et précédent gine. Antiphrase est savant et plus particulièse dit plutôt avec l'article défini le : dans un siè-rement usité en termes de rhétorique. « Rochecle antérieur, dans le siècle précédent. Un événe- more vous appelait furie, mais c'était par antiment antérieur est arrivé auparavant; l'événe-phrase, comme disent les doctes. » VOLT. Il en ment précédent est le dernier arrivé avant celui dont on parle. Pour découvrir l'origine de notre civilisation, il faut remonter à des âges antérieurs, et même jusqu'à des âges très-reculés; les âges précédents ont ignoré l'usage de la vapeur. Outre cela, antérieur est plus abstrait, se rap-quatorze pieds de hauteur. » BUFF. porte proprement aux actions et signifie primitivement une priorité de temps; un acte (BEAUM.), un engagement (J. J.), un contrat (ACAD.) antérieur; une découverte (ACAD.), une alliance Apaiser, de à paix, signifie, à la lettre, in(J. J.) antérieure. Précédent est plus concret, se duire ou ramener à paix ou à la paix : on apaise rapporte davantage aux objets et à leur ordre. proprement la guerre, et des combattants ou des « J'ai votre numéro 8 et tous les précédents. » J. J. ennemis. Calmer, c'est établir le calme ou la Cela se trouve dans un des précédents chapitres tranquillité qui règne sur la mer, quand les vents de ce livre. Des prétentions, des liaisons, des ha- ne soufflent pas : on calme proprement la mer et bitudes, des idées antérieures (J. J.); j'ai sup-ses agitations. De là résultent les différences suiposé dans une précédente lettre que.......... (ID.). vantes.

APAISER, CALMER, - PACIFIER. Faire cesser un trouble, empêcher un mouvement mauvais, désagréable ou dangereux.

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