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gráces sont plutôt des qualités esthétiques ou re- | On admire les grâces d'une femme pendant qu'elle latives à la beauté; l'aménité est une qualité marche, qu'elle se présente ou qu'elle danse; morale, qui se rapporte à la bonté, et qui a sa les agréments des femmes se conservent mieux source dans le caractère. Les agréments et les dans les pays tempérés que dans les pays chauds graces d'un homme galant ou d'un écrivain spiri- (MONTESQ.). « Quelque grâce qu'ait aux yeux de tuel ne nous touchent pas de la même manière J. C. les larmes d'un pénitent, elles ne peuvent que l'aménité d'un vieillard bon et inoffensif ou jamais égaler les chastes agréments d'une sainque celle d'un auteur plein d'onction, tel que teté toujours fidèle. » Boss. Fénelon et quelquefois Lafontaine.

Aménité, amonitas, a été renouvelé des Latins au XVIIIe siècle. Il était inconnu au XVII.

D

Ensuite, les agréments se rapportent au fond, sont quelque chose de plus solide, de plus sérieux; au lieu que les grâces n'allant pas au delà de la forme, expriment une qualité plus superficielle et toute bornée à la façon. « Boileau a eu plus de force et de vérité que d'élévation et de délicatesse, plus de solidité et de sel dans la cri

ment que de grâce. » VAUV. Des auteurs sublimes n'ont pas négligé de primer encore par les agréments, flattés de remplir l'intervalle qui sépare les extrémités et de contenter tous les goûts.» ID. Ils auraient dédaigné de primer par les graces: les grâces ne conviennent guère qu'au petit et au joli, à tout ce qui n'a de valeur que par l'élégance, la délicatesse et le fini.

« On appelait ce vallon le Tempé de Sicile, à cause de sa riante aménité. » MARM. « L'aménité est dans le caractère, dans les mœurs ou dans le langage, une douceur accompagnée de politesse et de grâce.» ID. « Catulus avait autant de dou-tique que de finesse ou de gaieté, et plus d'agréceur et d'aménité dans l'esprit et dans les mœurs que Marius était rustique et féroce.» ROLL. « La langue latine manque de certaines lettres, comme upsilon et séta, qui sont d'une douceur extrême, et qui répandent dans le discours je ne sais quelle aménité. » ID. « Fréjus écouta ces réflexions avec une paix profonde, et les paya de l'aménité d'un sourire tranquille et doux. » S. S. « Dans une compagnie (l'Académie) où Fénelon plus gracieux et plus tendre (que Bossuet) apporta cette onc-prit et les agréments du corps, parce que l'esprit tion et cette aménité qui nous font aimer la vertu.» VAUV. a Toi qui as surpassé Bossuet et Pascal en aménités et en grâces (Fénelon), aima ble génie; toi qui fis régner la vertu par l'onction et par la douceur. » ID. « Point d'aménité, point de douceur dans les ouvrages de J. B. Rousseau.» VOLT. « La douceur de son commerce (de Mari vaux) et l'aménité de ses mœurs faisait aimer et estimer sa personne. » D'AL.

Les graces, à leur tour, diffèrent des agréments, en ce qu'elles supposent la personne en action. On dit de certains animaux, du cheval et du cerf, par exemple, qu'ils ont de la grâce, et de certains objets inanimés, incapables de se mouvoir, tels que lieux ou maisons, qu'ils ont des agréments.

Enfin, on dit également les agréments de l'es

comme le corps, peut être doué d'avantages qui font qu'il agrée. Mais comme c'est principalement par le corps, par ses actions et ses mouvements, que se développent les manières, on dit particulièrement bien les grâces du corps. « Les chemins qui conduisent les hommes à l'autorité et à la gloire étant fermés aux filles, elles tâchent de se dédommager par les agréments de l'esprit et du corps de là vient leur conversation douce et insinuante: de là vient qu'elles aspirent tant à la beauté, et à toutes les grâces extérieures, et qu'elles sont si passionnées pour les ajustements.» FÉN. «Il semble, dit Girard, que le corps soit plus susceptible de grâces, et l'esprit d'agréments: l'on dit d'une personne qu'elle marche, danse, chante avec grace, et que sa conversation est pleine d'agréments. »

Pareillement, les grâces dans l'homme tiennent aux manières, à la parole, à l'accueil, au geste. « Il met de la grâce dans tout ce qu'il fait. >> AGRICULTEUR, CULTIVATEUR, COLON. Aucun ACAD. Les grâces particulières de la prononcia- de ces termes n'était usité dans notre langue avant tion grecque sont en partie perdues pour nous. »le XVIIIe siècle. Ce sont les noms des hommes qui LAH. A travers des dehors si affreux (de Cléo-cultivent la terre et habitent les champs, comme pâtre défigurée et désormais sans agréments à l'indique leur radical commun, le verbe latin cause de la privation de nourriture qu'elle s'était colere, cultiver, habiter. imposée pour mourir et des meurtrissures qu'elle s'était faites) perçaient les graces touchantes qui brillaient dans tous ses mouvements. » ROLL. Les agréments, au contraire, dépendent des traits. « Ce Georges Villiers est ce même Buckingham, fameux alors dans l'Europe par les agréments de sa figure. » VOLT. « Corysante, la jeune fille d'une merveilleuse beauté, perdit tous ses agréments et devint hideuse. » FÉN.« Le cardinal de Rohan, doué de tous les les agréments de la figure, de l'esprit, de l'élocution, d'un caractère facile et doux, d'un accueil enchanteur, d'une politesse parfaite, avec des grâces naturelles et touchantes. » MARM.

Par conséquent, les grâces expriment une qualité accidentelle, fugitive, de circonstance, et les agréments une qualité fixe et permanente.

Agricultor, que reproduit exactement notre mot agriculteur, avait déjà en latin un certain caractère de noblesse, qu'il tenait de sa terminaison ou de sa première partie, ager, champ cultivable, par opposition aux landes et aux bruyères. En français agriculteur est un terme relevé. Il représente en bien ou comme considérables les hommes auxquels il s'applique. Les agriculteurs forment un ordre dans l'Etat. « En Scandinavie, la royauté et la liberté subsistaient ensemble: les agriculteurs avaient part à la législation aussi bien que les grands du royaume.» VOLT. «En mortifiant le parlement, Louis XIV voulut encourager la noblesse qui défend la patrie, et les agriculteurs qui la nourrissent. » ID. Un agriculteur est un propriétaire qui fait valoir par luimême et en grand. « David descendit chez l'agri

culteur Nabal, pour y mettre tout à feu et à sang, parce que Nabal avait refusé des contributions à sa troupe de brigands. » VOLT. « Un agriculteur qui a douze cents livres de revenu est tout étonné qu'on lui en demande quatre cents pour les impôts. » ID. - Ou bien, c'est un théoricien, un agronome, une sorte de savant qui étudie l'agriculture, ou en donne des leçons. Voltaire appelle Duhamel du Monceau un célèbre, un illustre agriculteur, et il dit de Xénophon qu'il était guerrier, philosophe, poëte, historien, agriculteur. »

colons pour cultiver avec moi la terre, et je ne pourrai acheter librement du blé pour les nourrir, eux et ma famille ! » ID.

Quand le mot agriculteur n'est pas un titre général dont on honore tous ceux qui s'occupent d'industrie agricole, quand on le prend dans un sens spécial, il désigne un homme qui s'adonne à l'agriculture, c'est-à-dire un artiste en quelque sorte, ou un puissant propriétaire qui préside à l'exploitation de ses biens, qui guide les travaux, qui calcule, combine, spécule, expérimente. Le cultivateur s'adonne à la culture ; c'est un artisan, un producteur; il laboure, sème, plante, taille, récolte. Le colon fait partie de la population des campagnes : c'est un paysan, ou, pour parler latin, un ruricole, ruris incola: il occupe un lieu, s'y fixe, ou s'en va ailleurs'. 1o AIGRE, ACIDE, ACERBE, ÅCRE, ACRIMONIEUX; 2° AMER; 3o RUDE, APRE, AUSTERE. Ces mots désignent au propre une qualité opposée à la douceur et qui affecte l'organe du goût d'une manière toujours très-sensible, sinon toujours désagréable; au figuré, tous, à l'exception d'acide, qui ne se dit qu'au physique, marquent dans les dispositions de l'âme, les manières ou les discours, quelque chose de fâcheux qui déplaît, choque, offense.

Cultivateur, quoique remontant, en dernière analyse, au latin colere, est un mot tout français par sa formation: il a été fait du verbe cultiver. Le cultivateur cultive, il travaille la terre, c'est l'ouvrier des champs. Il est plus ou moins industrieux (COND.); il se sert de tels ou tels instruments (VOLT.); il est en général ignorant, pauvre, malheureux (ID.). «Quelle barbarie domine encore chez ces laboureurs innocents, chez ces honnêtes cultivateurs tant vantés dans des églogues!» VOLT. « Des artisans, des cultivateurs qui gagnent leur pain à la sueur de leurs fronts.» ID. Si le cultivateur possède, il possède peu comparativement à l'agriculteur, c'est un petit propriétaire ou même c'est le fermier du maître de la terre, et il n'a en propre que des charrues, un jardin, et quelques vignobles. « Certains cultivateurs sont des fermiers qui prennent une terre à bail. COND.« Dans son poëme, Saint-Lambert a moins parlé aux simples cultivateurs qu'aux sei-axń, pointe, qui est évidemment la racine d'agneurs des terres qui vivent dans leurs domaines.... Une cabane ne peut pas être le logement d'un agriculteur considérable; il lui faut des écuries commodes, des étables faites avec soin, etc. » VOLT.

α

1° Aigre, acide, acerbe, dcre, acrimonieux. Aigre vient du latin acer, comme maigre de macer. Acer a également servi à former dcre, acrimonieux et acerbe: lui-même dérive du grec

cide, latin acidus. En sorte que les cinq premiers mots de tout cet article remontent étymologiquement à la même origine.

piquant, rien de plus; il produit une sensation de déplaisir légère et fugitive, qui ne va pas jusqu'à nuire, jusqu'à faire mal, et qui n'a ni ampleur ni durée.

Aigre est très-usité en comparaison d'acide et d'acerbe: on s'en sert au figuré comme au propre, et c'est un des plus anciens mots de notre langue, au lieu que acide n'a pas l'acception figurée et que acerbe n'a commencé à être reçu en France que vers la fin du xviir siècle. Mais pour en venir à des déterminations rigoureuses, ce qui est aigre n'est plus doux, ce qui est acide n'est point doux, et ce qui est acerbe n'est pas encore doux.

Mais aigre, acide et acerbe se distinguent par la faiblesse de l'impression qu'ils expriment: un Colon, colonus, a cela de particulier qu'il rap-fruit, par exemple, aigre, acide ou acerbe, est pelle une autre acception du verbe colere que celle qui se retrouve dans agriculteur et cultivateur. Le colon est celui qui habite et non celui qui cultive la terre. Les pays continuellement exposés à des débordements ne peuvent avoir de colons, repoussent les colons (VOLT.). La Corse a des colons qui vivent de châtaignes et du produit de la chasse, elle manque d'agriculteurs et de cultivateurs. « J'ai trouvé dans un très-mauvais pays un vaste terrain inculte qui appartenait à des colons; je l'ai fait cultiver.» VOLT. « Sodome et Gomorrhe étaient habitées; les colons de ces villages préparaient l'asphalte, et en faisaient un commerce utile. » ID. « Soliman tenait toujours la campagne, habitée d'ailleurs par des colons musulmans. » ID. - Ce mot signifie collectivement les gens de la campagne et comprend même les journaliers et les valets des cultivateurs. « Les guerres de religion ruinèrent l'agriculture. Sully trouva une grande partie des terres en friche. Il était dû par les colons plus de vingt millions pour trois années de taille. » VOLT. Les terres données, dans l'Inde, aux grands de l'empire, aux raïas, aux nababs, sont cultivées par des fermiers qui s'y enrichissent et par des colons qui travaillent pour leurs maîtres. » ID. « Je suis laboureur; j'ai environ quatre-vingts personnes à nourrir. Quoi! dis-je, j'aurai rassemblé des

L'aigreur est souvent un défaut postérieur à la qualité de la douceur, le résultat d'une altération, comme ce qui arrive au lait et au vin, par exemple, quand ils tournent. L'acidité est le

4. Voltaire et Marmontel ont employé substantivement agricole dans le sens d'agriculteur. « Ne parlez de moi que comme d'un agricole qui aime la vertu et la vérité autant que la campagne. » VOLT. « Pour former un petit conseil d'agricoles. » MARM. Il résulte diriger ces travaux champêtres, Acélie imagina de se de ces exemples et de la terminaison d'agriculteur, qui marque un agent, que l'agricole se borne davan tage à la théorie, au goût, que c'est toujours et sim plement un amateur.

A quoi il faut ajouter que de tous ces mots

produit dans l'âme par la qualité qu'ils signifient:
une critique aigre, acerbe ou dcre cause une dou-
leur amère; l'aigreur et l'âcreté sont dans les
choses la propriété de blesser, l'amertume est
dans l'âme ou dans le cœur le mal éprouvé, la
blessure; on oppose les plaisirs aux amertumes
de la vie. Corneille a dit dans Pompée :
Il est de la fatalité

défaut de douceur, sans rapport à ce qui a été ou | naire dans la personne de qui elle nous vient de peut être. L'acerbité, au lieu d'être postérieure l'intérêt pour ce qui nous touche réprimande à l'état normal et bon, lui est antérieure. Acerbe amère. sert uniquement à qualifier les fruits qui ne sont pas encore mûrs: tous les fruits avant leur ma-amer est le plus subjectif, le plus relatif à l'effet turitė, dit Trévoux, ont un goût acerbe; et il ajoute: les médecins appellent vin acerbe du vin fait de raisins qui ne sont pas encore mûrs. En latin, acerbus veut dire quelquefois prématuré. Ainsi, le vinaigre, le petit-lait et le levain sont aigres; l'oseille est acide; la nèfle non encore blette et tous les fruits verts sont acerbes. - Au figuré, entre aigre et acerbe la différence est aussi simple que certaine des paroles aigres, un ton aigre, sont d'une personne aigrie, indisposée, irritée, fâchée; des paroles acerbes, un ton acerbe sont d'une personne qui parle d'une manière verte ou crue, sans ménagement, qui aurait besoin d'être adoucie.

Que l'aigreur soit mêlée à la félicité. Le mot propre était amertume, au lieu d'aigreur; c'est Voltaire qui en a fait la remarque. 3° Rude, apre, austère.

Rude, apre et austère vont ensemble. Ils ne se disent pas primitivement des choses sapides comme les précédents, et quand on les applique au goût, ils en indiquent une modification toute particulière. La chose rude, apre ou austère a une saveur, non pas humide, mais farineuse; au lieu de faire venir l'eau à la bouche, elle dessèche cet organe; elle produit sur lui l'effet, non pas d'une pointe, de quelque chose d'aigu ou d'acéré, mais de quelque chose de contondant. Au figuré, même nuance: au lieu de piquer, d'irriter, d'exciter, ce qui est rude, âpre ou austère résiste, ne cède pas, est dur, réfractaire, intraitable.

Acre et acrimonieux, distingués l'un de l'autre dans la première partie, p. 209, ont cela de propre l'un et l'autre, qu'ils annoncent une impression forte, violente, qui blesse, déchire et emporte la pièce. Si on trouve ensemble dans nos meilleurs écrivains aigre et piquant (BOURD.), on y trouve aussi dcre et mordant (J. J., MARM), dcre et corrosif (BUFF., ROLL.), dcre et violent (VOLT.). Ce mot ne convient guère en parlant des fruits dont la saveur, si mauvaise qu'elle soit, n'est pourtant pas caustique et délétère; mais c'est une épithète qui se donne bien au venin des serpents (VOLT.), à la saveur de l'arsenic (BUFF.), Rude et apre ne diffèrent guère l'un de l'auau suc des cantharides (ROLL.). Au figuré, ce tre que par le degré. Rude vient de rudis, brut, mot conserve la même énergie: l'acreté dénote, non poli, qui n'a pas reçu de façon. Apre, asnon pas de la pique seulement, mais de la mé-pre, latin asper, a été fait du grec doñopos, qui chanceté ou de la haine; elle mord au vif. Moins brusque, moins emportée que l'aigreur, elle n'éclate pas autant, mais elle fait d'une manière plus concentrée et plus noire de plus profondes blessures.

2o Amer.

ne peut être ensemencé à cause des aspérités,
des rochers, veut dire en général quelque chose
dont la surface n'est pas lisse, est raboteuse. En
parlant des choses du goût, rude qualifie celles
qui ne coulent pas aisément, qui passent avec
peine, comme est un vin de mauvais cru ou du
vin nouveau qui n'a pas encore eu le temps de se
faire, et apre est l'épithète qu'on donne à celles
qui raclent la bouche comme font certains fruits
sauvages dont l'effet est d'engourdir les gencives
et d'empêcher la langue, devenue presque blan-
che, de glisser sur le palais. Au figuré, rude
donne aussi l'idée de quelque chose de moins
sauvage, de moins inculte que le mot dpre.
L'homme rude a l'abord choquant; l'homme dpre
est inabordable; le premier est sec, impoli,
le se-
cond rébarbatif. La rudesse peut n'être que dans
la forme, l'apreté tient souvent au caractère.
« Le goût, chez les Romains, fut d'abord analo-

Amer a pour idée caractéristique celle d'une sensation remarquable par l'étendue et la durée. Au lieu de piquer seulement, de chatouiller désagréablement l'organe du goût comme la chose aigre, acide ou acerbe, au lieu de prendre fortement au gosier et d'emporter le palais comme la chose dere, l'amertume est une saveur pleine, qui empoisonne pour ainsi dire, toute la bouche; elle excite abondamment la salive, qui s'en imprègne et la répand de tous côtés. Elle dure quelque temps, on a de la peine à s'en défaire malgré de continuels crachements. Et ce qui ne lui est pas moins particulier, c'est qu'elle n'est pas absolument malfaisante, c'est que souvent elle segue à la rudesse de leurs moeurs, à l'apreté de trouve jointe à quelque qualité salutaire qui rachète ce qu'elle a de désagréable au goût. Il y a des médicaments amers; la chèvre aime le saule et le cytise amers (MARM.), elle s'en nourrit; l'utilité d'une médecine nous en fait digérer l'amertume (Boss.).

Au figuré, la chose amère nous cause, non pas une douleur cruelle comme la chose dcre, mais une longue souffrance, de l'affliction, une sorte de mélancolie durable. De plus, elle n'est pas sans compensation et elle suppose d'ordi

SYN. FRANC.

leur génie, à l'état d'inculture de leur société. » MARM. « La dédaigneuse hauteur de cet enfant peut être l'effet de l'dpreté d'un caractère indomptable et fier qui ne veut céder qu'à luimême; alors il faudrait bien vous garder de heurter la rudesse avec la rudesse. » J. J.

Austère, austerus, avoτnpós, d'avev, dessécher, convient seulement à l'égard d'une saveur proprement astringente, qui produit dans la bouche un resserrement, suivant l'expression de Trévoux. L'Académie définit l'alun, un sel de

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saveur austère et astringente. Au figuré, aus-traînement, par une sympathie ou une correstère regarde, non pas la manière de traiter les pondance naturelle, par un accès de sensibilité autres, mais la manière de vivre avec soi-même, ou par caprice qu'on aime; et c'est par choix. l'austérité consistant à être sec pour soi, à se par estime, par respect, en conséquence d'un resserrer, à se réduire, à s'abstenir de beaucoup jugement de l'esprit qu'on chérit. Chérir la méde choses. moire de quelqu'un (ACAD., COND.); un peuple qui chérit son roi (Boss.). « Cette princesse aura toutes les vertus que nous chérissons avec respect dans les princesses de nos jours. » VOLT. « Combien nous devons respecter et chérir de tels juges!» ID. « Respectable vieillard, chéri et estimé généralement. » ID.-En conséquence, on peut chérir des choses pour lesquelles on a naturelle

AIMER, CHÉRIR; AFFECTIONNER. Avoir ou éprouver une disposition favorable, un sentiment qui nous incline et nous porte vers son objet. Aimer, chérir.

Aimer comporte tous les degrés et toutes les manières, sans désigner spécialement et sans exclure tel degré ou telle manière; chérir marque un seul degré, le plus haut, et une seulement de la répugnance. C'est ainsi qu'un auteur manière, celle qui est exprimée par le mot tendresse. Nous aimons ce qui nous fait plaisir: nous chérissons ce qui nous est cher, nous l'aimons chèrement où tendrement, par prédilection. Aussi chérir s'emploie bien comme enchérissant sur aimer, comme superlatif d'ai mer. « Loin de déplorer leur erreur, ils l'aiment, ils la chérissent. » J. J. « Les âmes du purgatoire sont plus aimées et plus chéries de Dieu que celles des païens.» BOURD. « L'homme, image chérie et bien aimée que Dieu avait établie dans son paradis de délices.» Boss. «< Jérusalem que j'ai toujours si tendrement aimée, et dont j'ai chéri les habitants, comme s'ils eussent été mes propres frères. » ID. « Athéniens, dit Socrate, je vous aime et vous chéris, mais j'aime mieux obéir à Dieu qu'à vous. » LAH. « Aime les hommes en général, dit Confucius; mais chéris les gens de bien. » VOLT. « Ses sentiments sont si confor mes aux miens qu'il chérit tout ce que j'aime, comme il hait tout ce qui me déplaît. » LES.

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On aime tout ce qui plaît, les personnes et les
choses on chérit surtout les personnes et ce qui
s'y rapporte, parce qu'on n'a véritablement de
tendresse que pour les personnes. - Aimer n'em-
portant par lui-même aucun degré ni aucune
manière, il peut y avoir des préceptes qui déter-
minent de quelle manière et jusqu'à quel point
on doit ou on ne doit pas aimer. « L'évangile
commande d'aimer le prochain comme soi-même
et défend d'aimer la créature plus que le créa-
teur. » GIR. Le degré et la manière de chérir sont
toujours les mêmes et n'ont pas besoin d'être in-
diqués. - Ce qu'on aime est agréable simplement;
ce qu'on chérit est cher, précieux, réputé de
grande valeur. Ce qu'on aime procure ou même
seulement promet des jouissances; ce qu'on ché-
rit est un trésor auquel on tient infiniment. Si
on fait quelque chose pour ce qu'on aime, on se
sacrifie pour ce qu'on chérit.

On ne peut trop chérir votre chère santé,
Et pour la rétablir j'aurais donné la mienne.
(Tartufe à Elmire). MOL.

« Il me semble que pour cette foi que je chéris, et
que je garde comme mon plus riche trésor, je ne
craindrais point de donner mon sang et de sacri-
fier ma vie. » BOURD.

Mais chérir ne dit pas seulement plus qu'aimer, il dit autre chose. C'est par goût, par en

D

chérit la critique (BOIL.). C'est ainsi que J. C. et
ses disciples ont chéri l'abaissement et les souf-
frances (VOLT.). On peut aimer, mais non pas
chérir ce qu'on désapprouve. Aimer est opposé à
hair, et chérir à détester. « M. de Sales déteste
la persécution et chérit la philosophie.» VOLT.
Je chéris Alcméon, je déteste Hermogide. ID.
Affectionner n'exprime ni un amour d'entraîne-
ment, de sympathie, comme aimer, ni un amour
de choix, de prédilection, d'estime, comme ché-
rir, mais une sorte d'amour, un simple intérêt
pris aux personnes ou aux choses en vertu de
l'habitude. « Corneille paraît affectionner les vers
d'antithèses. » VOLT. « On a remarqué que Cice-
ron affectionne certaines formes de construction
ou d'harmonie qui reviennent souvent.» LAH.
« Je ne sais point si le chien choisit, s'il se res-
souvient, s'il affectionne, s'il craint, s'il imagine,
s'il pense.» LABR. «On a fait construire pour ce
paca une petite loge en bois dans laquelle il de-
meurait assez tranquille pendant le jour.... Il
semble même affectionner sa retraite tant que le
jour dure. BUFF. «Les maîtres ont peu de fan-
taisie et d'humeur, et leurs domestiques les
affectionnent promptement. » J. J.- Affectionner
se dit surtout d'un supérieur à l'égard d'un infé-
rieur qu'il protége, qu'il favorise, à la fortune
ou à l'avancement duquel il cherche à contribuer.
« Certaines lumières paraissant la nuit donnent
sujet aux peuples oisifs d'imaginer des escadrons
de fantômes qui combattent en l'air, et auxquels
ils font présager la perte ou la victoire du parti
qu'ils affectionnent. » DESC. « Soyez persuadée
que j'affectionne cette œuvre (celle des filles cha-
ritables de la Ferté), et que j'en prendrai un
soin particulier, surtout quand.... » Boss. « La
reine d'Espagne dépêcha au roi le marquis de
Grillo, qu'elle affectionnait et qu'elle fit grand
d'Espagne dès qu'elle s'y fut rendue maîtresse.»
S. S. « Le roi Louis XIV, pendant le travail, de-
mandait l'avis de Mme de Maintenon. Jamais elle
ne paraissait affectionner rien, et moins encore
s'intéresser pour personne.... Quand elle n'affec-
tionnait personne, c'était le ministre même qui
disposait des grâces et des choix. » ID. « Son Ex-
cellence lui témoigna de la joie de ce qu'il avait
choisi pour gendre un homme qu'elle affectionnait
beaucoup et qu'elle prétendait avancer.» LES. -
On affectionne aussi les affaires qu'on a à cœur. «Je
forçai le duc de Noailles de rapporter une affaire
que je savais qu'il affectionnait, et sur laquelle
je l'avais entrepris sans mesure. S. S. «Em-

pressé pour engager dans une affaire des person- | 2o PORT, PRESTANCE, REPRÉSENTATION, MAINnes qui ne l'affectionnant pas n'osent pourtant TIEN, CONTENANCE. Manière d'être extérieure refuser d'y entrer. » LABR. d'une personne.

AINSI QUE. DE MÊME QUE, COMME. Termes de comparaison.

Mais les quatre premiers mots, air, mine, physionomie et visage, forment une classe à part, Ainsi que et de même que sont bien distincts parce qu'ils se rapportent à la face particulièrel'un de l'autre. Ainsi que se rapporte à la réalité ment, et même deux d'entre eux à la face seule. ou à l'événement; de même que, au mode. Faire Tous les autres, port, prestance, représentation, une chose ainsi qu'un autre, c'est la faire aussi; maintien et contenance, doivent être d'abord séla faire de même qu'un autre, c'est la faire de la parés des premiers, et mis ensemble, parce qu'ils même manière. Lors de la conquête de l'Améri- regardent l'habitude entière du corps'. que, les habitants du pays se battirent ainsi que, 1o Air, mine, — physionomie, visage. mais non pas de même que les Espagnols. Un Air et mine ne se disent pas aussi exclusivebeau paysage nous charme ainsi qu'une musiquement de la face seule : l'air guerrier et la mine délicieuse, mais non pas de même qu'une musique guerrière s'étendent à toute la personne. Rollin délicieuse. Les abeilles construisent aujourd'hui dit de Socrate : « Tout l'air de sa personne, qui des cellules ainsi qu'autrefois, et elles construi- n'avait rien que de très-commun et de très-pausent aujourd'hui leurs cellules de même qu'au-vre, répondait parfaitement à l'air de son vitrefois. sage.»- - Ensuite air et mine marquent plutôt un état apparent : avoir l'air ou la mine d'être ou de faire quelque chose, c'est paraître ou sembler l'être ou le faire. Au contraire, physionomie et visage indiquent un état ou une qualité qui ne laisse aucun doute. Rhadamante dit à Caton arrivant aux enfers: « Tu as la physionomie assez mauvaise, un visage dur et rebarbatif. Tu as l'air d'un vilain rousseau; du moins, je crois que tu l'as été pendant ta jeunesse. » FÉN. Dans Crispin rival de son maître, de Lesage, Oronte est affirmatif quand il dit à Labranche: « Viens cà; je te trouve une physionomie d'honnête homme. » Mais il doute et il interroge, lorsqu'il ajoute: « Ecoute: ton maître a la mine d'un vert galant.» Un homme qui a l'air ou la mine triste paraît triste; une physionomie ou un visage triste annonce plutôt une tristesse ou une inclination à la tristesse sérieuse, véritable, certaine. On a moins de confiance dans celui qui fait bonne mine que dans celui qui fait bon visage; on est moins assuré de sa bienveillance. Air, mine.

De son côté, comme est d'abord l'expression générale et s'emploie continuellement sans qu'on ait égard aux deux points de vue qui séparent ainsi que d'avec de même que : faire une chose comme un autre; les Indiens se battirent comme les Espagnols; un beau paysage nous charme comme une musique délicieuse. Mais indépendamment de cette aptitude à remplacer les deux autres mots, comme a aussi une application spéciale qui lui assigne un domaine propre. Il est seul de mise quand il s'agit d'une comparaison entre qualités ou sous le rapport des qualités : c'est pourquoi on dit hardi comme un lion, effronté comme un page, blanc comme neige, doux comme miel, et non pas hardi ainsi que, ni de même qu'un lion, etc. « Le bois du cerf est, comme le bois des forêts, grand, tendre et assez léger dans les pays humides et fertiles.» BUFF. En d'autres termes, ainsi que marque une comparaison entre choses qui arrivent ou se font, sans rapport à la manière : « Ainsi que le gouvernement influe sur le caractère des peuples, le caractère des peuples influe sur celui des langues. » COND.- De même que sert à comparer des faits ou des actions qui ont lieu de même, qu'on considère quant à leur manière ou à leur façon: De même qu'une vapeur pestilente se coule au milieu des airs, et imperceptible à nos sens, insinue son venin dans nos cœurs; ainsi l'esprit malin, par une subtile et insensible contagion, corrompt la pureté de nos âmes. » Boss.

-

Comme annonce une comparaison qui tombe sur la qualité d'une chose ou d'une personne : Comme on voit un torrent... :

Mine, en allemand miene, est plus familier et se prend plus volontiers en mauvaise part: avoir une mine patibulaire, la mine d'un malfaiteur, une mine à faire peur, une laide mine, une drôle de mine. On ne dit guère une mine noble. << Dans l'état de nature, l'homme aurait aussi une mine bien étrange. » BUFF. Lafontaine dit de Louis XI, tel qu'il est représenté en marbre sur son tombeau à Cléry:

Je lui trouvai la mine d'un matois.

4. Toutefois comme l'air et la mine ne se bornent Tel Bourbon descendait à pas précipités.... VOLT. pas essentiellement à la face seule, et qu'ils comC'est la distinction de Girard, qui l'exprime prennent quelquefois le corps et ses situations, et que, d'autre part, maintien et contenance ne se disent de la façon suivante. « Ainsi que marque parti-pas seulement des attitudes du corps, mais aussi des culièrement une comparaison qui tombe sur la réalité de la chose; ce qu'on peut nommer comparaison de faits ou d'actions. De même que marque proprement une comparaison qui tombe sur la manière dont est la chose; ce qu on peut nommer comparaison de modifications. Comme marque mieux une comparaison sur la qualité de la chose; ce qu'on peut nommer comparaison de qualifications. >>

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traits de la face, il faut distinguer air et mine de maintien et de contenance. Outre que l'air et la mine ont toujours plus de rapport à la face, et le maintien et la contenance au corps, air et mine désignent l'extérieur qu'on a, au lieu que maintien el contenance expriment l'extérieur qu'on se donne en se composant, lequel montre qu'on ne se laisse point aller, qu'on sait se maîtriser, ne point être embarrassé. L'air et la mine indiquent la manière dont on est; le maintien et la contenance la manière dont on se tient, l'attitude qu'on prend avec empire sur soi-même.

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