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oppressés, et, l'âme d'un condamné sur la roue | synonymes; car ces adverbes de même origine et est oppressée de tourments; avec Racine, enten- de même radical ont d'ordinaire la plus grande dre gémir une mère oppressée; avec Laharpe. analogie pour le sens. Il n'est pas facile, par le saisissement qu'éprouve Orosmane l'oppresse; exemple, d'apercevoir en quoi different cher et avec Beaumarchais, ce reproche paraît vous met chèrement, dans, vendre ou payer cher ou chèretre à la gêne et vous oppresser. ment; juste et justement, dans, voilà juste ou justement ce qu'il faut; franc et franchement, dans, parler franc ou franchement; droit et directement, dans, aller droit ou directement au but. Et ainsi de beaucoup d'autres.

TERMINAISONS ANDER ET OLER.

Affriander, affrioler.

Entre les synonymes de cette espèce, toute différence doit dépendre de la valeur inhérente à

AFFRIANDER, AFFRIOLER. Attirer par quelque chose d'agréable au goût; des oiseaux, des pois-la particule ment, qui seule empêche les deux sons, par des appâts; une personne, par la bonne chère. Figurément, attirer par quelque chose d'utile ou d'agréable, les présents, le gain.

adverbes d'équivaloir tout à fait pour la forme. Or, qu'elle soit adverbiale ou substantive, cette désinence entraîne pour le radical, auquel elle se joint, la même modification de sens. Elle lui donne avec le verbe un rapport particulier;

gence et de subjectivité. Sans cette terminaison, l'adverbe n'a de rapport qu'avec l'adjectif; il en partage l'objectivité: avec cette terminaison, il devient verbal, pour ainsi dire, ou temporel, phénoménal, relatif à une action et au sujet qui la fait. Si bien que nous retrouvons entre les synonymes dont il s'agit ici l'opposition reconnue par Platon et Aristote entre le substantif et le verbe, savoir, celle de la permanence et de la contingence, de l'être et du phénomène, de la substance et de l'accident, de l'idée et du fait. Pour être extrêmement abstraite et générale, cette distinction n'en est pas moins applicable et fé

Affriander, c'est acoquiner, attirer, attacher, en rendant friand d'une certaine chose, ou par des friandises, c'est-à-dire suivant l'idée primi-elle lui imprime un certain caractère de contintive, par des fritures, car friand vient de frire, latin frigere, grec opúyɛtv. La pénultième syllabe | de ce verbe est adjective et dérivée du participe présent; comme la désinence de marchand et de chaland, elle n'offre par elle-même rien de remarquable pour le sens qui mérite ici d'être pris en considération. Si affriander annonce un appât petit, fin, délicat, et plus attrayant que solide, il le doit un quement au radical commun. Mais la terminaison d'affrioler, de son côté, étant diminutive, comme celle d'alvéole, de bestiole, de gloriole, latin alveolus, bestiola, gloriola, ce verbe enchérit sur le premier en ce qui regarde le peu de valeur intrinsèque des choses par les-conde. quelles on attire. On affriande avec des mets délicats de toutes sortes; on affriole avec des bonbons, des sucreries, des confitures. Et de même au figuré. Le fruit défendu affriande les femmes (DEST.).

Un regard, un soupir, affriole un amant.

4 ADVERBES.

TERMINAISON MENT.

REGN.

Cher, chèrement. Juste, justement. Ferme, fermement. Fort, fortement. Haut, franc, net; hautement, franchement, nettement. Vite, vitement. Soudain, soudainement. Exprès, expressément. Clair, clairement. Droit, directement. Certes, certainement. Comme, comment.

pres

CHER, CHÈREMENT. A haut prix. On dit que indifféremment, vendre, acheter, payer cher ou chèrement une marchandise, et au figuré, un avantage quelconque, une victoire, par exemple.

Mais cher indique une estimation de la chose en soi, eu égard seulement à sa nature, à sa valeur réelle, et indépendamment de tout événement, de toute action. A ce qui se vend chèrement il arrive de se vendre cher; l'adverbe chèrement exprime un fait, et de là vient qu'on ne dit pas qu'une chose coûte chèrement, comme on dit qu'elle coûte cher. Ce qu'on achète ou paye cher ne vaut pas ce qu'on en donne: c'est là une qualification essentielle et objective qui caractérise. Ce qu'on achète ou paye chèrement, on fait l'action de l'acheter ou de le payer cher; on a le tort de le faire, on peut se le reprocher, on y est poussé par tels ou tels motifs, on n'en est pas empêché par tels autres.

Les adverbes français se forment des adjectifs par l'addition de la terminaison ment. C'est ainsi que sagement, sensément, courageusement, ont On dira en général, sans égard aux temps ni été faits de sage, sensé, courageux. Il y a tout-aux lieux, et comme à priori, qu'un soldat doit fois des exceptions. Plusieurs de nos adverbes reproduisent exactement l'adjectif quant à sa forme, et n'y ajoutent rien. Tels sont cher, ferme. fort, juste, haut, franc, net, vite, droit, dans les expressions: vendre cher, tenir ferme, frapper fort, venir juste à l'heure, parler haut, franc, net, aller vite ou droit. Or, il arrive parfois qu'à un même adjectif correspondent deux adverbes, l'un n'ayant d'autre forme que celle de l'adjectif, et l'autre pourvu de la terminaison adverbiale commune, ment. De là une source particulière de

SYN. FRANC.

chercher à vendre cher sa vie : « Les chrétiens auraient pu montrer qu'ils savaient vendre cher leur vie. » Boss. Mais on rapportera en historien qu'une chose a été vendue ou achetée chèrement: Le cardinal de Retz, en ébranlant l'univers, s'attira une dignité qu'à la fin il voulut quitter comme trop chèrement achetée. » Boss. « On ne saurait jamais acheter la paix trop cher. » FÉN. « Les fidèles allaient jusqu'aux extrémités de l'empire pour acheter chèrement les cendres des apôtres. » ID. « On ne peut acheter la vérité

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trop cher.» VOLT. « Cramer vient d'acheter chèrement une très-belle maison de campagne. » ID. JUSTE, JUSTEMENT. Exactement, précisé

ment.

Juste est objectif et n'a rapport qu'à la proportion, considérée en soi et quant à l'idée : cette chaussure va juste à mon pied. Justement est contingent et subjectif: il exprime le même rapport, non comme étant, mais comme se faisant, comme phénoménal: «< : « Je vais trouver Agathe; la voici | justement.» REGN. Il est arrivé juste à l'heure du dîner se dira quand on n'aura égard qu'à la coïncidence de l'arrivée et de l'heure du dîner. Vous arrivez justement à l'heure qu'il faut, fait penser aussi au fait d'arriver, aux dispositions, à la conduite, au mérite ou au tort de celui qui

arrive.

Deux passages de Molière suffiront pour expliquer et confirmer cette distinction. « Voici tout juste un lieu propre à servir de scène, et voici des flambeaux pour éclairer la comédie. » Tout juste, et non justement; car un lieu n'est pas une chose qui se fasse, qui se passe, qui arrive. Mais, par la raison contraire, on dira avec le même auteur: «< Voici justement un fâcheux! Il ne nous fallait plus que cela!»

Si on dit parler et répondre juste, plutôt que justement, c'est qu'on songe à la nature des paroles et des réponses, et non pas au fait de les exprimer. FERME, FERMEMENT. D'une manière ferme, solide, avec force.

Ferme n'est relatif qu'à l'effet; il ne donne l'idée ni d'un agent ni de son action: une chose tient ferme dans la muraille; et, à la place de ferme, fermement serait ici tout à fait impropre. Mais on dira bien attachez cette chose fermement, c'est-à-dire faites l'action de l'attacher, avec l'intention et la force nécessaires pour qu'elle tienne solidement.

Ferme ne se trouve guère avec un verbe actif, si ce n'est avec tenir, tenir ferme, parce qu'en tenant ferme, on ne produit pas de grande action apparente, et cette locution d'ailleurs ne fait penser qu'à l'effet, à la solidité, à la fixité, à la résistance. « Les nations repoussées dans le nord y tiendraient ferme. » MONTESQ. On disait autrefois faire ferme, au lieu de tenir ferme. « Le régiment de Diesbach et un autre faisaient ferme contre une armée victorieuse. » VOLT. C'était une manière vicieuse de parler.

HAUT, FRANC, NET; HAUTEMENT, FRANCHEMENT, NETTEMENT. On parle haut, franc, net, comme on parle hautement, franchement, nettement, c'est-à-dire, sans crainte, sans déguisement, d'une manière ouverte et résolue.

Mais les qualités, exprimées par les adverbes à forme adjective, sont moins particulières au sujet qui parle que quand elles sont exprimées par les adverbes terminés en ment. Parler haut, franc, net, c'est parler un langage haut, frane, net; mais c'est là une qualification extérieure qui ne s'étend guère au delà des paroles, de l'air et du ton. Au contraire, hautement, franchement et nettement s'emploient pour exprimer la manifestation de sentiments propres à celui qui parle. C'est pourquoi, la netteté constituant une qualité extrinsèque, commune, et la franchise une qualité intérieure et particulière, on dit plutôt parler net que parler nettement, et parler franchement plutôt que parler franc. Franc, à la place de franchement, dans la phrase suivante de Molière, par exemple, ne conviendrait en aucune sorte : << Rien n'est plus condamnable qu'un ami qui ne vous parle point franchement. »

VITE, VITEMENT. Sans délai. Aller, courir, faire quelque chose vite ou vitement.

Vite est objectif et n'a rapport qu'au fait qui arrive en peu de temps; aussi se dit-il très-bien des choses cette horloge va trop vite; le plaisir finit vite; le temps va ou coule vite; cela partit plus vite qu'un trait (Sév.). Vitement est subjectif et se rapporte à un agent dont il dépeint l'empressement ou la promptitude: il ne se dit que des personnes. « Je n'oublierai jamais la hâte que vous aviez de vous divertir vitement, avalant les jours gras comme une médecine, pour vous trouver promptement dans le repos du carême. » Sév.

Quand vous allez ou que vous agissez vite, assez ou trop vite, vous arrivez ou votre action est faite tôt, assez ou trop tôt; quand vous allez ou que vous agissez vitement, vous vous montrez vite ou prompt.

Vitement se dit surtout avec un verbe à l'impératif : çà, payez-nous vitement (MOL.), achevez vitement (ID.), dites vitement (S. S.), venez vitement (SÉv.), c'est-à-dire hâtez-vous ou dépêchez-vous de nous payer, d'achever, de dire, de venir.

Nous entendons vite une chose (SÉv.), cela ne dépend pas de nous nous offrons vitement un

FORT, FORTEMENT. D'une manière forte et siège à une personne qui entre (REGN.), cela tévigoureuse.

L'un est pour l'idée et caractérise; l'autre est pour le fait et dépeint. Il faut frapper fort à la porte d'un sourd. « Si la sensation, dit Malebranche, touche l'âme assez fort, l'âme la juge dans son propre corps. » Et ailleurs, il dit : « Nos passions agissent très-fortement sur nous.» Un discours agit fortement sur quelqu'un, mais pas assez fort pour le faire changer de conduite.

Dans fort, la force est considérée en soi, quant à son degré intrinsèquement trop bas ou trop élevé, et quant à l'effet qui s'ensuit; dans fortement, elle est considérée par rapport à sa manifestation et à son impression sensible et pré

sente.

moigne de notre part une attention empressée. SOUDAIN, SOUDAINEMENT. D'une manière soudaine, instantanée.

Soudain est comme certes une formule abstrait: qui signifie aussitôt, et n'exprime pas comme soudainement une manière d'agir ou une qualite du sujet portée à tel ou tel degré : on ne dit pas. plus, moins, aussi soudain, mais plus moins ou aussi soudainement. « C'est le destin des héros de se ruiner à conquérir des pays qu'ils perdent soudain.» MONTESQ. « Il reçut l'ordre, et soudain il partit. » ACAD.

Un des regards de Mentor arrêtait tout à coup Télémaque dans sa plus grande impétuosité; Neptune n'apaise point plus soudainement les

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Soudain marque une circonstance de temps, mais sans dépeindre le sujet en rappelant une de ses dispositions habituelles, et il a cela de particulier qu'il suppose d'ordinaire, comme aussitôt, un fait antérieur.

EXPRÈS, EXPRESSÉMENT. Avec intention, de propos délibéré.

Exprès signifie à dessein; et expressément, avec un dessein formel, tout particulier, avec insistance. C'est la différence qu'il faut mettre entre ces deux termes dans le passage suivant de Bossuet: « Souvent nous nous appliquons expressément à imaginer quelque chose, et souvent aussi il nous arrive d'exciter exprès et de fortifier quelque passion en nous-mêmes.>>

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de la terminaison ment, dans laquelle seule en-
core réside tout élément de différence.
CERTES, CERTAINEMENT. En vérité, sans
mentir, assurément.

Certes est une sorte de formule affirmative générale dont on se sert pour donner à ses paroles une force objective absolue, et qui équivaut presque à un jurement. Mais il n'exprime pas, comme certainement, une conviction personnelle au sujet, une assertion qu'il soit prêt à soutenir, dont il accepte la responsabilité. En employant l'adverbe certes, on prétend énoncer une vérité qui n'a pas besoin de garantie, qui ne souffre pas de contradiction et dont on est si certain qu'on ne daigne pas la supposer contestable. C'est pourquoi on l'emploie à tout propos et sans conséquence, et c'est pourquoi il a toujours quelque chose de doctoral et d'un peu pédantesque. Déjà Labruyère le trouve vieux, mais il lui reconnaît de la force sur son déclin. « Certes, il n'y a point pour l'homme un meilleur parti que la vertu. » LABR.

Certes, plus je médite, et moins je me figure Que vous m'osiez compter pour votre créature. (Agrippine à Burrhus). RAC.

« Certes, mon père, lui dis-je, on ne saurait trop estimer un si beau fruit de la double probabilité. » PASC. « Tout se fait par raison dans les arbres, mais, certes, cette raison n'est pas dans les arbres. » Boss. « Certes, c'était lors de la prise de Constantinople par Mahomet II qu'il eût fallu des croisades.» VOLT.

Mais dans les passages suivants, où il s'agit d'assertions particulières sur des faits particuliers,

On voit clair dans une affaire, et on voit clairement les intentions de quelqu'un. La première de ces expressions représente la clarté objectivement, dans les choses vues; la seconde la représente sub-certes, à la place de certainement, serait improjectivement dans la personne qui voit. Il n'y a plus d'obscurité dans une chose où l'on voit clair; on ne voit rien clairement qu'à force de clairvoyance. Celui qui parle clair dit des choses claires; celui qui parle clairement est clair en parlant.

Quand on raisonne faux, le raisonnement, le résultat de l'opération est mauvais, ne vaut rien; quand on raisonne ou qu'on a raisonné faussement (PASc.), on se trompe ou on s'est trompé, on commet ou on a commis une erreur en raisonnant.

DROIT, DIRECTEMENT. En ligne droite, par le plus court chemin, sans s'écarter.

Le premier de ces adverbes est objectif et qualifie extérieurement, indépendamment de l'action et de l'intention du sujet; le second est subjectif et signifie une manière volontaire d'aller droit, dont on peut demander compte à l'agent. Celui qui ne va pas droit au but, a besoin d'être remis dans la voie; celui qui ne va pas directement au but, s'amuse, biaise, prend des détours. Là, vous n'avez égard qu'à la manière d'aller, en soi, absolument; ici, vous considérez le fait d'aller ainsi et le sujet qui va ainsi.

pre. « La prétendue lettre du roi de Prusse est certainement de d'Alembert. » J. J. « Certainement la cause de ces changements ne vint pas de moi. » ID.

J'aurai certainement grande joie à le voir. MOL. « Ai-je, dit le malade, toute la force nécessaire pour me servir de mes jambes? — Non certainement, dit le médecin. » PASC. « J. C. a dit : qui a des oreilles pour ouir, qu'il écoute : certainement il ne parlait pas à des sourds, mais il savait qu'il y en a qui en écoutant n'écoutent pas. » Boss. « M. l'archevêque de Paris et M. l'évêque de Meaux ont certainement lu ces manuscrits. » FÉN.-Dans toutes ces phrases, certainement revient à, je vous le certifie, au lieu que certes signifie proprement, cela est certain objectivement, en soi, absolument, indépendamment de l'assertion de tels ou tels.

COMME, COMMENT. De quelle façon ou de quelle manière.

L'un est objectif ou relatif à l'effet; l'autre est subjectif ou relatif à l'action. En conséquence on dira, voyez comme cette chose est faite, et comment elle se fait ou s'est faite; voyez comme il Il est à remarquer que la même règle de dis- travaille, c'est-à-dire examinez son travail ou tinction convient à plusieurs autres adverbes sy- son ouvrage, et voyez comment il travaille, nonymes, tels que certes et certainement, comme c'est-à-dire regardez-le travaillant ou à l'œuvre. et comment. Quoique certes et comme ne soient « Vous connaissez l'envie, vous savez comme ce pas des adjectifs, ils peuvent néanmoins passer vilain monstre est fait. » VOLT. « Il faut que vous pour des radicaux simples, dont sont composés vous promeniez, sans faire semblant de rien; certainement et comment par la simple addition elle va venir, sans faire semblant de rien.... voilà

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comment se font les mariages des Tuileries. >> REGN. — « Je m'imagine le château de Versailles, et je me représente en moi-même comme il est fait.» Boss. << Pour dire si un livre est bon ou mauvais, qu'importe de savoir comment on l'a fait? » J. J.

En deux mots, comme signifie à la rigueur, de quelle façon, et comment de quelle manière; celui-là qualifie ce qui est, et celui-ci ce qui se fait. Vous voyez comme il est beau, comme il est fait; savez-vous comment il va, comment il se porte, comment il est mort? Là, vous parlez d'états ou de qualités, ici, d'actions ou d'événements.

Dans les Provinciales, Pascal ayant rapporté en propres termes certaines opinions de Jansénius, ajoute : « Voilà comme il parle sur tous ces chefs. » C'est-à-dire, voilà de quelle sorte sont ses paroles ou ses discours. Et, quelques lignes plus loin, il écrit : « Voilà comment agissent ceux qui n'en veulent qu'aux erreurs. » Comment, et non pas comme, parce qu'il s'agit ici d'un fait, et non d'une chose.

Sur ces phrases de Corneille :

Albin, comme est-il mort?
Comme a-t-elle reçu les offres de ma flamme?
Voltaire remarque qu'il faut comment.

FIN DE LA PREMIÈRE PARTIE.

DES SYNONYMES

DE LA LANGUE FRANÇAISE.

DEUXIÈME PARTIE.

SYNONYMES A RADICAUX DIVERS.

A, EN, DANS. Prépositions qui servent à marquer le lieu.

A le fait considérer comme un point, comme un but; en et dans le représentent comme une étendue capable de renfermer, comme un contenant. On dit au sommet, au pied, à l'extrémité, au bout, etc.; et, en bouteille, dans la bouche, etc. Vous voyagez à cheval, et en voiture ou dans la voiture la plus commode qu'il y ait. Le prêtre monte à l'autel; il monte en chaire ou dans la chaire. Dire qu'une personne est à la prison ou à la ville, c'est faire entendre qu'elle y est allée, qu'elle en a fait le but vers lequel elle a porté ses pas; mais qu'elle soit en prison ou dans la prison, en ville ou dans la ville, cela indique qu'elle est, qu'elle se trouve entre les murs de la prison ou de la ville, et non dehors. Vous allez à Naples, Naples est le terme restreint, l'endroit indivisible auquel vous tendez; vous allez en Italie, dans le royaume de Naples; l'Italie et le royaume de Naples sont des espaces où vous allez entrer, des enceintes au milieu desquelles vous allez être comme le prêtre en chaire ou dans la chaire. - En général, on le voit, à s'emploie de préférence quand il est question de villes, en et dans quand on parle de tout un pays : c'est que les villes sont moins étendues, se conçoivent plus aisément comme des points. Cependant l'usage est de dire, par exception, aller aux Indes, à la Chine, au Japon, au Pérou, au Brésil, au Mexique, et c'est apparemment parce que ces contrées, vu la distance, offrent à l'esprit l'image d'espaces étroits, de termes plutôt que de conte

nants.

A

En et dans diffèrent aussi, quoique ce soient deux prépositions également significatives, non de la situation seulement comme à, mais de l'intériorité ou de la contenance.

En a un sens général et vague; dans, un sens particulier et précis. De là vient qu'avec en on met rarement l'article, et qu'avec dans on le met toujours. « Il s'est retiré en Sicile dans une cabane. » VOLT. Etre en disgrâce, dans la disgrâce du prince; en temps de guerre, dans le temps de la guerre. Etre en ville, travailler en chambre, n'exprime rien que d'indéterminé, un rapport abstrait d'opposition entre le lieu où on se trouve et un autre où on pourrait être : qui est en ville n'est pas chez lui; qui travaille en chambre ne travaille pas en boutique ou en société d'autres ouvriers. Mais dans la ville, dans la chambre, se dit en parlant précisément de telle ville, de telle chambre, entre les murs de laquelle on est renfermé. Etre en prison; dans la prison de la Force, dans une prison malsaine. S'établir en France, dans la France méridionale. J'aime à me promener en voiture; je me promenais dans ma voiture, dans une belle voiture lorsque je vous aperçus. En bataille est théorique, idéal; dans la bataille, effectif ou réel : une armée rangée en bataille doit se mouvoir avec facilitė; il est arrivé à tel général, tel jour, de perdre un bras dans la bataille. En guerre on est moins heureux qu'en paix; dans la guerre de trente ans, Gustave-Adolphe se signala par sa valeur. On vit en liberté, on est en fureur, on tombe en léthargie; mais on vit dans une entière liberté, on est dans une fureur extrême, on tombe dars

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