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églaes. « Il ne faut point confondre et égaler les choses qui ne se ressemblent que par l'obscurité.» PASC. Dans cet exemple égaler représente une opération mentale, une assimilation, une confusion. « Les doigts inégaux entre eux s'égalent pour embrasser ce qu'ils tiennent. Boss. Ici le même verbe exprime bien l'action physique, mais simplement comme un fait, c'est-à-dire sans effort, sans travail, sans soin, sans l'intention formelle d'atteindre le but; accessoire important qui distingue égaliser dans les passages suivants. « C'est à des lois particulières à égaliser, pour ainsi dire, les inégalités, par les charges qu'elles imposent aux riches. » MONTESQ. « La politique a combiné et divisé les forces pour les égaliser et pour les contenir.» MARM. « Le style périodique est diffus, lorsque pour égaliser les membres de la période, on y fait entrer des circonlocutions et des épithètes. » ID. « Mme la comtesse n'était jamais la même. Du matin au soir c'était les deux extrêmes. Si elle avait été ma femme, comme dans peu de temps je vous l'aurais égalisée!» ID. La nature, la mort, les sentiments égalent, c'est-à-dire établissent l'égalité; les hommes, les lois, l'art égalisent, c'està-dire travaillent à établir l'égalité ou l'établissent avec intention, volontairement et avec effort. En un mot, égaliser annonce une action d'égaler volontaire, intentionnelle, expresse, et plutôt effective et rigoureuse que mentale et par comparaison. C'est pourquoi il se dit plutôt par rapport à des grandeurs physiques que par rapport à des grandeurs immatérielles. C'est pourquoi il convient mieux en termes de jurisprudence: égaliser les lots, c'est-à-dire s'appliquer à rendre les parts égales. C'est pourquoi il doit être seul employé, comme l'insinue l'Académie, dans le sens de rendre uni, plan, un chemin ou un terrain, à moins que cet effet ne soit produit, non pas volontairement par les hommes, mais par un éboulement fortuit, par succession de temps, ou par un tremblement de terre.

REVOIR, REVISER. Examiner de nouveau un compte, un procès, des feuilles qui doivent être livrées à l'impression.

A en juger par les primitifs voir et viser, la distinction serait facile à faire, car on voit involontairement, sans en avoir le dessein, tandis que viser suppose dans l'agent intention et soin. Mais cette dernière idée convient également à revoir et à reviser, en vertu de leur particule initiale re; si bien qu'on revoit et qu'on revise avec autant de soin et d'attention à ne rien laisser de défectueux.

Toutefois, revoir, c'est littéralement, voir de nouveau, et reviser, c'est voir de nouveau ce qui a déjà été revu, ou vu de nouveau, ou vu avec soin. Car reviser, latin revisere, est un verbe de seconde formation, qui a pour radical le supin de revidere, tout comme viser, visere, a été fait du supin visum du verbe primitif videre. Et tout comme viser dénote une seconde vue, reviser signifie une seconde revue, une revue faite, non plus dans l'intention de savoir s'il y a quelque chose à reprendre, ce qui a été constaté par la première, mais afin de découvrir ce qu'il

y a à reprendre, ce qu'il faut retrancher, detruire ou simplement changer.

Par cela seul qu'on revoit, on soupçonne que la chose pourrait bien n'être pas comme il faut: on ne revise que les choses supposées ou reconnues imparfaites, et ce qu'on cherche, ce n'est pas si elles pèchent par quelque endroit, mais en quoi et par où elles pèchent. Vous revoyez, afin de corriger, s'il y a lieu; vous revisez, afin que ce qui doit être corrigé le soit. Revoir annonce le désir de s'instruire, de s'éclairer; reriser est un acte d'autorité, ayant pour but immediat de casser, d'abolir en tout ou en partie. Reviser un règlement, un article de la constitution, la législation civile ou pénale, c'est travailler, se mettre à les changer, à les améliorer, et non pas simplement examiner si on n'y trou vera point quelque défaut. Ceux qui ont voulu qu'on revisat le procès du maréchal Ney n'entendaient pas élever le moindre doute sur l'irregularité et l'iniquité des formes qu'on y a suivies; ce qu'ils demandaient, c'était plus qu'une enquête désormais superflue, c'était une réhabilitation immédiate.

« Solon sut bien prévenir l'abus que le peuple pourrait faire de sa puissance dans le jugement des crimes: il voulut que l'aréopage revit l'alfaire; que, s'il croyait l'accusé injustement absous, il l'accusât de nouveau devant le peuple; que, s'il le croyait injustement condamné, il arrêtât l'exécution, et lui fît rejuger l'affaire. » MONTESQ. -« Les magistrats chargés du châtiment des coupables faisaient si mal leur devoir, que les malfaiteurs commettaient toutes sortes de crimes impunément.... Sa majesté catholique donna un pouvoir particulier à don Pedro Giron, vice-roi et capitaine général de la Sicile, d'exminer et de reviser toutes les affaires, tant civiles que criminelles. » LES.

TERMINAISON OYER.

Tourner, tournoyer. Flamber, flamboyer. Féter, fétoyer. Solder, soudoyer. Charrier, charroyer. Verdir, verdoyer. Ondé, ondoyant. Plier, ployer.

Quelle que soit l'origine de cette terminaison. le sens n'en est pas douteux : c'est une terminaison primitivement fréquentative. Tourner signifie faire un tour; et tournoyer, en faire plusieurs, ne faire que tourner. « Dans l'endroit ca vous voyez tournoyer l'eau, il y a un gouffre. » ACAD. « Les lièvres poursuivis se contentent de tourner et de retourner sur leurs pas; les femelles ne s'éloignent pas tant que les måles et tournoient davantage. » BUFF. Côtoyer, c'est aller et venir le long de la côte, de manière à en suivre toutes les sinuosités. Ce qui est flambant flambe; ce qui est flamboyant flambe à plusieurs reprises, plusieurs petits coups de suite, fait plusieurs petites actions de flamber, scintille. Fétoyer quelqu'un, c'est le fêter et le fêter encore. Guerroyer, c'est être sans cesse en guerre, avoir la manie de faire la guerre, aimer ou être toujours prêt à la faire et par suite à batailier,

armoyer signifie de même pleurer à tout propos pour le moindre sujet. Soudoyer exprime touours une habitude; et solder, quelquefois un Ete simple: un prince soudoie les troupes qu'il à sa solde, et il les solde toutes les fois qu'il eur paye leur solde.

Charrier, c'est mener d'un endroit à un autre n charrettes ou en chariots du bois, des pierres u autres choses; charroyer représente le va-etient des voitures, plusieurs mouvements sucessifs, interrompus et repris. Aussi ne dit-on as des fleuves, qu'ils charroient, mais qu'ils harrient; aussi ne dit-on pas charroyer, mais harrier droit, pour, se bien conduire, aller à on but sans écart.

Les arbres verdissent au printemps; ils verloient quand ils commencent à verdir, quand ils prennent la couleur verte par places, en quelques endroits, sans que la totalité forme quelque chose de nettement vert: une couleur verdoyante ire sur le vert (ACAD.).

doyante ou qui ondoie, qui fait l'action d'ondoyer, se dit d'une chose, non en tant que faite, mais en tant que faisant, c'est-à-dire qui se meut le serpent décrit une ligne ondoyante.

Mais non-seulement ce qui est ondoyant agit ou se meut, mais encore il s'agite, il se meut d'un mouvement répété et comme en se jouant: flammes ondoyantes. « Chaque mouvement du paon produit des milliers de nuances nouvelles, de gerbes des reflets ondoyants et fugitifs sans cesse remplacés par d'autres reflets et d'autres nuances. » BUFF.

Après quoi, la flamme ondoyante
Fut dans l'air longtemps tournoyante,
Puis se perdit dans le même air,
Tout ainsi qu'eût fait un éclair.
PLIER, PLOYER. Agir sur un corps long et
étendu de manière à en joindre les deux bouts.

SCARR

Ces verbes dérivent l'un et l'autre du latin plicare; mais le premier est simple et le second composé. Ployer contient de plus que plier la syllabe oy, en sorte que ployer est pour plioyer ou pour ployier.

agir itérativement ou plusieurs fois sur une chose et n'arriver qu'à la courber, à rapprocher seulement les deux extrémités : vous ployez une baguette sur laquelle vous vous appuyez; le vannier ploie l'osier pour l'entrelacer : une planche ou une personne surchargée ploie sous le faix.

Il suit de ce dernier exemple que les verbes en yer sont quelquefois diminutifs en même temps que fréquentatifs; deux caractères qui s'allient Or, ployer diffère de son synonyme comme parfaitement ensemble (voy. la terminaison sub- étant fréquentatif et diminutif. Plier, c'est d'un stantive erie, p. 201). Ils peuvent exprimer une seul coup faire un pli, mettre en pli ou en angle: suite d'actes partiels qui n'aboutissent pas positi-plier du papier, plier une lettre. Ployer, c'est ement et complétement à l'effet marqué par le radical. Ainsi flamboyer, ce n'est pas positivement lamber, jeter de la flamme, c'est jeter de temps en temps des éclats de lumière, d'où résulte comme ane flamme: on voyait flamboyer les épées. Larmoyer, ce n'est pas précisément répandre des armes; c'est continuellement geindre, faire le pleureux, faire de petites mines et de petites plaintes qui donnent l'air de pleurer. Guerroyer, c'est moins faire la guerre ou être en guerre, qu'avoir continuellement l'envie et comme la démangeaison de la faire, que produire à chaque instant de petits actes d'hostilité qui sentent seulement la guerre; et de là vient naturellement à guerroyer le sens affaibli de batailler.

Ces considérations sommaires, tirées d'exemples peu importants, peuvent être ensuite appliquées à d'autres qui méritent un plus long examen. Nous nous bornerons aux deux qui suivent. ONDÉ, ONDOYANT.

α

Entre ondé et ondoyant, il y a d'abord la difference qui tient à ce que le premier de ces mots est passif et le second actif. Ondé représente dans les choses un état ou une qualité reçue ou subie. « Le tabis est une espèce de gros taffetas ondé par la calandre. » ACAD. Ondé sert à exprimer les lignes et les nuances de couleurs empreintes sur le plumage des oiseaux (BUFF.), dans le bois de certains arbres (ACAD., LAP., BUFF.) ou dans certaines pierres précieuses (BUFF.). Mais ondoyant marque une qualité active des choses ou une propriété des choses qui se meuvent et en tant qu'elles se meuvent. « Le vol des lavandières est ondoyant et se fait par élans et par bonds. » BUFF. Fénelon, parlant d'un mémoire manuscrit dans lequel il a fait quelques corrections, dit : « J'ai souligné d'une ligne ondée toutes les paroles du changement, qui ne vont pas jusqu'à trois lignes. » Ligne on

A

Plier se dit particulièrement des corps minces et flasques ou du moins fort souples qui se plissent facilement, tout d'un coup, et gardent leur pli: on plie de la mousseline, des vêtements, des étoffes, en les mettant par lits ou par couches. Ployer se dit particulièrement des corps roides et élastiques qui fléchissent un moment sous l'effort et sur lesquels il faut agir ou peser continuellement pour les empêcher de se rétablir dans leur premier état on ploie une branche d'arbre. « Qui peut être le maître de son habitude et ployer son génie à son gré? VOLT.

D'où il suit qu'en général plier et ployer diffèrent comme le pli de la courbure. La blanchisseuse plie les serviettes pour les livrer; on ploie une serviette, quand on la roule pour l'introduire dans un anneau. On plie à plat, on ploie en rond. De même on déplie en faisant que la chose ne soit plus en double, que ses parties ne soient plus appliquées l'une sur l'autre; on déploie ce qu'on déroule, comme des drapeaux et des voiles, un oiseau déploie ses ailes en les étendant, en les retirant de dessus son corps sur lequel elles sont courbées.

Ployer dit donc moins que plier: il n'exprime que le commencement de l'action signifiée par le simple, la courbure au lieu du pli. En marchant, vous ployez le genou; dans une génuflexion profonde vous le pliez, car alors le genou ployé forme un vrai pli. Nous ployons sous le fardeau des ans; mais si une personne ploie beaucoup et sans pouvoir se relever, on dira qu'elle est pliée en deux « Je suis plié en deux, je souffre vingt

α

trois heures en vingt-quatre. » VOLT. Une épée, comme un bâton, ploie et ne plie pas, si ce n'est lorsqu'elle ploie jusqu'à la garde : « L'épée plia jusqu'à la garde. » LES. Une armée ne fait que ployer, tant qu'elle résiste et s'efforce de reprendre sa place; sinon, elle plie ou s'enfonce, il ne lui reste que la retraite. Une chose pliante plie aisément et beaucoup : tel est l'osier. Une chose ployante plie aisément, mais peu le courlis et la bécasse ont un bec en forme de sonde grêle et ployante (BUFF.); l'échasse a des jambes molles et ployantes (Id.). - De même, au figuré, plier se dit absolument: plions sous le joug de la foi (Boss.), c'est-à-dire ployons d'abord et entièrement. L'empereur plia en tout sous la volonté de Charles XII. VOLT. Ployer, au contraire, se dit relativement et signifie plier peu à peu ou un peu, sous quelque rapport. & C'est à force de voir ces merveilles que le monde entier a enfin ployé sous le joug de la religion. » FÉN. « Malgré toute la droiture qu'elle étale, la vertu du monde saura bien ployer, quand il faudra de la faveur. » Boss.

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Enfin, comme plier rappelle le pli à la rigueur, même pour l'oreille, il se trouve plutôt employé dans le langage ordinaire et au propre, au physique; ployer, par la raison contraire, convient mieux au figuré et en poésie. De là vient aussi que déployer a de plus que déplier le sens figuré et secondaire de développer, d'étaler, d'exposer au grand jour, de mettre en spectacle, de faire parade.

Ajoutons une remarque applicable à ployer et à tous les autres verbes de cette désinence, c'est qu'ils tombent de plus en plus en désuétude. << Vert ne fait plus verdoyer, dit Labruyère, ni fête fétoyer, ni larme larmoyer. » Nous commençons aussi par ne plus guère nous servir de ployer. Ne serait-ce pas parce que cette terminaison, comme les terminaisons substantives erie et ise, est familière, en même temps que fréquentative et diminutive, et que nous laissons perdre la plupart des mots qui rappellent la simplicité et la naïveté de nos aïeux, ceux, par exemple de feintise, de hantise, de chalandise, etc.?

insensible d'une couleur à l'autre, ou d'unc même couleur, en allant du clair à l'obscur 01 de l'obscur au clair.

Nuer est un verbe simple, primitif; nuancer, un terme secondaire qui dérive du participe présent du premier. C'est ainsi que le verbe influer produit influence,, d'où se tire ensuite influencer, verbe de création assez récente, de même que nuancer. Et, comme influencer signifie une minière d'influer humaine, volontaire, réfléchie. faite à dessein; de même nuancer exprimera plutôt l'œuvre de l'art, et nuer celle de la nature: le fleuriste s'efforce de nuancer les fleurs de la même manière qu'il les trouve nuées dans les jardins. Le plumage d'un oiseau est nué de telle ou telle façon (BUFF.); il y a des jaspes d'une seule couleur, et il y en a qui sont tachés, nués, ondés ou veinės (ID.). « Sous Louis XIV on a nuancé les étoffes et même l'or avec une intelligence et un goût rares. » VOLT. Des bergères avaient tissu et nuancé ces guirlandes, avec un art inimitable, de toutes les couleurs dont se revêt le printemps. MARM. Lafontaine dit du paon qu'il porte autour du cou« un arc-en-ciel nue de cent sortes de soies.» Un cercle de femmes. vêtues d'habits de diverses couleurs qui s'assortissent, forme « un arc-en-ciel nuancé de mille couleurs. » MONTESQ. - Première distinction.

«

Toutefois, on se sert aussi de ces deux verbes, surtout au participe passé, en parlant des productions de la nature et des produits de l'art. Quelle différence convient-il alors de mettre entre l'un et l'autre? Nuer, faire des nues, désigne simplement et à la rigueur une action qui a pour effet une dégradation entre des couleurs différentes et même assez tranchées. « La poitrine du grand lori est richement nuée de rouge. de bleu, de violet et de vert.» BUFF. Nuancer, faire des nuɑrces, c'est-à-dire différents degrés d'une même couleur, annonce quelque chose de plus fin, de plus délicat, une transition adoucie, qui se trouve. ou effectivement entre les diverses teintes d'une même couleur, ou tout au moins entre des couleurs fort approchantes l'une de l'autre. « Lá queue de ce chien était couverte de poils noirs légèrement nuancés d'un peu de fauve. » BUFF.

Une couleur est nuée d'une autre toute contraire : « Le dos du martin-pêcheur est à fond noir nué de blanc. BUFF. Une couleur peut n'être nuancée que d'un simple reflet : « La couleur de l'ani est un noir à peine nuancé de quel

Quoi qu'il en soit, la désinence verbale oyer est non-seulement fréquentative et diminutive, mais encore familière, pour l'ordinaire au moins, comme dans l'ordre des substantifs la terminaison erie, à laquelle elle semble conforme en tout point. Fêtoyer quelqu'un signifie d'abord le fêter avec beaucoup d'empressement et ensuite le féterques reflets violets. » ID. sans façon, le festiner. Soudoyer est un mot du bon vieux temps, comme soudard; et, abstraction faite de sa désinence, la forme basse et triviale sous lequelle apparaît son radical le rend propre à figurer dans le langage commun, ou à être, par extension, pris en mauvaise part: soudoyer des spadassins. Larmoyer et guerroyer ne sont d'usage que dans la conversation familière.

TERMINAISON ANCER.

Nuer, nuancer.

NUER, NUANCER. Assortir, disposer des couleurs de manière qu'il se fasse une diminution

Enfin, comme nuancer n'exprime pas l'idée radicale ou primitive aussi strictement, d'aussi près, on est plus libre dans son emploi, et il se dit seul au figuré, pour désigner la différence fine, délicate, imperceptible, qui se trouve entre les mots, les idées, les mêmes espèces de choses. comme vertus, passions, etc. « La nature passe par des gradations nuancées. » BUFF.

TERMINAISON ANGER.

Meler, mélanger (mixtionner).

MÊLER, MÉLANGER. Mettre ensemble plusieurs choses pour qu'elles forment un tout.

Ces verbes sont entre eux comme ceux qui précèdent, quoique le second ne dérive pas du participe présent du premier, ainsi qu'il arrive à nuancer par rapport à nuer. Le simple, mêler, marque le genre c'est l'expression courante, ordinaire, employée à tous les usages et en parlant de toutes sortes de choses; le composé modifie et restreint l'idée simple, radicale ou primitive: c'est une expression formée par une destination spéciale, pour signifier une action qui demande de l'attention et du soin, et une manière de procéder réglée, calculée.

« On mele les choses pour les mettre les unes parmi les autres, ou pour en changer l'ordre; on les mélange lorsqu'on les met ensemble dans des proportions propres à produire un certain effet: 'art du peintre est de bien mélanger les couleurs. » COND.

Roubaud établit absolument la même distinction. « Méler, dit-il, c'est mettre ensemble, avec, dans, entre, etc., à dessein ou sans dessein, avec art ou sans art, avec une sorte de confusion quelconque, toute sorte de choses, de quelque manière que ce soit, en brouillant, en joignant, en incorporant, en déplaçant, en alliant, etc. Telanger, c'est assembler, assortir, ou composer, combiner, à dessein et avec art, des choses qui doivent naturellement se convenir, pour obtenir par leur agrégation et leur variété un résultat avantageux et un nouveau tout. Les recueils, appelés mélanges, ne sont bien souvent que des œuvres fort mélées. Vous mélez le vin avec l'eau pour boire vous mélangez différentes sortes de vin pour les corriger ou les améliorer l'un par l'autre, et en faire un autre vin. »

On méle les cartes, au hasard, en les mettant pêle-mêle; on méle ses livres, ses papiers, sans le vouloir, sans s'en apercevoir; et c'est aussi de cette façon qu'une rivière méle ses eaux avec celles d'une autre rivière. Mais un peintre mélange les figures et les couleurs d'un tableau (FÉN.); de savantes recherches avaient appris aux Grecs la manière de mélanger la boisson (BARTH.); Boileau en disant :

Heureux qui, dans ses vers, sait, d'une voix légère,
Passer du grave au doux, du plaisant au sévère,
n'a pas prétendu qu'on mélangedt tous les styles
(VOLT.) '.

TERMINAISON ELER.
Dente, dentelé.

DENTÉ, DENTELÉ. Qui est découpé ou entaillé 1. Méler (mesler) et mélanger (meslanger), suivant l'étymologie de Ménage, viendraient du latin miscere par l'intermédiaire du diminutif barbare misculare, mais ce n'est qu'une conjecture. Mixtionner, au con traire, a été formé évidemment du substantif latin mixtio, mistion ou mélange, de mixtum, supin de miscere; aussi est-ce un terme de science, savoir de pharmacie, de même que mixtion et mixture. Mixtionner signifie mélanger, c'est-à-dire mêler volontairement quelque drogue dans une liqueur, afin qu'elle produise un certain effet, ordinairement mauvais ou dangereux. Circé me présente, dit Ulysse, cette boisson mixtionnée dont mes compagnons avaient éprouvé les terribles effets. » FÉN.

de manière à présenter des dents : une roue dentée ou dentelée; une feuille dentée ou dentelée.

Que la désinence substantive el ou eau soit de sa nature, ou seulement quelquefois, diminutive, peu importe pour la distinction à opérer ici. La seule chose à considérer, c'est que denté reproduit de plus près et avec plus d'exactitude la valeur du radical, l'idée de dents. Ce qui est denté a véritablement des dents, se termine en pointes égales, qui se suivent avec ordre et qu'on appelle dents. Ce qui est dentelé, au contraire, est seulement comme s'il était denté, comme s'il avait des dents: ce mot indique l'effet d'une action secondaire, d'une imitation plus éloignée. D'après cela, il vaut mieux dire en général, une roue dentée, et une feuille dentelée. - Mais ensuite, une roue et une feuille dentées auront des pointes égales, placées avec ordre et à peu de distance les unes des autres; tandis que, une roue et une feuille dentelées représenteront moins fidèlement l'image des dents, auront des entaillures et des découpures plus inégales, moins régulières, moins proches les unes des autres.

TERMINAISON ETER.

Rapiécer, rapiéceter.

RAPIÉCER, RAPIÉCETER. Mettre des pièces. Comme la désinence substantive et est essentiellement et toujours diminutive, c'est de là qu'il faut partir pour distinguer ces deux verbes. De même donc que voleter signifie voler petitement ou un peu, et à plusieurs reprises, et craqueter, craquer plusieurs fois de suite, petitement ou avec petit bruit, de même « rapiéceter c'est remettre sans cesse de nouvelles pièces. ou mettre beaucoup de petites pièces : on rapièce un bas, du linge, un rideau auquel on met proprement une pièce; on rapiécète le linge, les vêtements qu'on est toujours à rapiécer, où l'on ne voit que pièces et petites pièces. » ROUB.

Rapiéceter annonce plutôt la misère ou une plus grande misère. « Elle était à sa toilette avec ses deux dames d'atour qui employaient tout leur savoir-faire à rapiécer pour ainsi dire, ses appas. » LES. « Il faut que tous les vêtements d'un mendiant soient usés, déchirés ou rapiécetés. » ID.

TERMINAISON IGER.

sont

Iger, ager, à la fin des verbes français, presque toujours la traduction du verbe latin agere, faire, agir, produire, mouvoir. Mitiger, mitem agere, faire ou rendre doux; fustiger, fustem agere, mouvoir le bâton ou le fouet; exiger, exigere (ex agere), tirer de, faire effort pour obtenir de; et de même ombrager, umbram agere, produire de l'ombre, partager, saccager, soula ger, faire les parts, le sac, le soulas.

TERMINAISONS IGER ET ETER.
Voltiger, voleter.

VOLTIGER, VOLETER. Voler à de fréquentes reprises, tantôt d'un côté, tantôt d'un autre. Les

abeilles volètent ou voltigent sur les fleurs, les oiseaux autour de leur nid, les papillons autour d'une chandelle.,

Mais l'idée de petitesse s'attache plus particu lièrement à voleter: ce verbe a tous les caractères des diminutifs : il peint le vol intermittent, en quelque sorte, ou de courte haleine de volatiles petits ou faibles ou qui ne font que commencer à voler.

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Et les petits (de l'alouette), en même temps,
Voletants, se culbutants,

Délogèrent tous sans trompette. LAF. Montaigne disait de Virgile et de l'Arioste: Celui-là, on le voit aller à tire-d'aile, d'un vol haut et ferme; celui-ci voleter et sauteler de conte en conte, ne se fiant à ses ailes que pour une bien courte traverse. » MARM. « Il nous faudrait un peu de la liberté anglaise : nous sommes de jolis oiseaux à qui on a rogné les ailes; nous voletons, mais nous ne volons pas. » VOLT.

Voltiger, voltam agere, c'est faire une volte, ou le mouvement d'un cheval qui caracole : «Au cun oiseau ne caracole et ne voltige plus lestement que le vanneau. » BUFF. Ce verbe vient peut-être, de même que voleter, du diminutif fréquentatif latin volitare, par l'intermédiaire de volte, ou bien encore de volvere, rouler, se mouvoir en cercle, qui se rapporte au même primitif que volare, voler. Quoi qu'il en soit, voltiger a pour idée dominante, non pas celle de la petitesse, ce mot n'offrant rien à l'oeil qui indique un diminutif, mais bien celle de fréquence, de vol dans une direction, puis dans une autre, d'une sorte de vagabondage. « Le fils d'Ulysse remarque les ombres légères qui voltigent autour de lui. FÉN. L'abeille évite d'engluer ses ailes dont elle a besoin pour voltiger çà et là. » ROLL.

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OPPRIMER, OPPRESSER. Accabler, faire succomber sous le poids du malheur, de l'affliction, de l'injustice.

Opprimer est la traduction exacte du mot latin opprimere, qui a le même sens et dont la terminaison peut être ici négligée. Du supin de ce verbe, oppressum, ou de son participe passé, oppressus, opprimé, a été formé le verbe secondaire oppresser, qui signifie proprement rendre opprimé, mettre dans l'état de quelqu'un qu'on opprime.

En conséquence, oppresser, presque toujours employé au participe, est un verbe tout subjectif, c'est-à-dire qui a surtout rapport à l'état de peine de celui qui gémit sous un poids quelconque, à qui il semble avoir un poids sur l'estomac, qu'il s'agisse d'une affection corporelle ou morale. Au contraire, opprimer se rapporte toujours à la cause, et c'est pourquoi l'oppresseur se definit celui qui opprime, et non celui qui oppresse. C'est pourquoi aussi, suivant la remarque judicieuse de Laharpe, ce qui opprime est toujours une cause, un agent, un oppresseur, c'est-à-dire une personne ou une chose personnifiée, comme le pouvoir ou l'injustice; au lieu que ce qui oppresse ne peut être qu'une chose: on est opprimé par ses ennemis, on est oppressé de douleur.

L'oiseau qui volète, vole à plusieurs reprises, c'est-à-dire qu'il ne vole pas longtemps sans se L'opprimé a besoin d'être défendu (J. J.): le poser quelque part, pour recommencer ensuite à cœur oppressé et l'âme oppressée ont besoin d'être voler. Les ailes du guillemot sont si étroites et soulagés. Opprimer signifie le fait d'une persécusi courtes qu'il ne peut que voleter ou plutôt sau-cution et en rappelle l'auteur; oppresser exprime ter de pointe en pointe sur la roche, en prenant à chaque fois un instant de repos. » BUFF.

L'oiseau qui voltige vole à plusieurs reprises, c'est-à-dire qu'il ne vole pas longtemps dans la même direction, qu'il va çà et là, qu'il erre de tous côtés, sans but, sans s'arrêter à ceci ni à cela, sans même se poser nulle part. « Le cœur fait pour une félicité solide, voltige autour des créatures, mais il ne peut s'y fixer. » MASS.

Ce qui distingue voleter, c'est la brièveté des volées et la fréquence des pauses; ce qui frappe dans voltiger, c'est l'inconstance dans la direction et la fréquence des reprises en sens divers. Les abeilles volètent de fleurs en fleurs; les papillons voltigent d'une fleur à l'autre, ils ne se posent que rarement, et il en est de même des demoiselles sur les ruisseaux (BUFF.).

D'ailleurs, en sa qualité de diminutif, voleter, à la différence de voltiger, est familier et ne se di: point figurément, soit des choses petites ou grandes que le vent soulève et fait aller çà et là, comme des cheveux, un étendard, soit d'un homme qui n'a rien de fixe dans l'esprit ou dans des sentiments, qui,

un excès de peine éprouvé intérieurement.

On dit opprimer la liberté des peuples (PASC.); la violence essaye d'opprimer la vérité (ID.); les adversaires d'Arnaud se liguèrent pour l'opprimer avec assurance (ID.); le tyran Sylla avait opprimé Rome (FÉN.);

Je cède et laisse aux dieux opprimer l'innocence;

RAC.

la vertu est opprimée sur la terre (LABR.); une partie du peuple opprime l'autre (MONTESQ.); 1péché nous rend injustes et violents, il nous fait opprimer les faibles et persécuter les innocents. il nous fait maltraiter et opprimer les serviteurs de Dieu (Boss.); parce que toutes ces expressions sont propres à désigner des actions et des faits. eu égard à ceux qui en sont les auteurs, plutôt qu'à l'état de ceux qui en souffrent.

Mais on dira avec Voltaire, dissiper les chagrins d'une âme oppressée; avec Boileau, une femme oppressée de douleur; avec Regnard,

J'étouffe et je sens là certain poids qui m'oppresse; avec J. J. Rousseau, mon âme est oppressée du poids de la vie; avec Bossuet, on n'entend dans toutes les familles que gémissements de cœurs

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