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TERMINAISON BRE.

Cette terminaison vient de la latine ber ou bris: célèbre, celeber ou celebris; lugubre, lugubris. Elle est fort semblable, sinon identique, à la désinence adjective des Allemands bar, qui dérive de l'ancien verbe baren, porter, le même, sans doute, que le grec péps:v. D'où il suivrait que bre en français, ber ou bris en latin, comme bar en allemand, ferait signifier aux adjectifs que le sujet qualifié porte, c'est-à-dire porte en soi, contient, ou porte devant soi, présente ce qui est exprimé par leur radical. Célèbre, qui porte gloire, xλéos pépwv; lugubre, qui porte deuil, luctum ferens: muliebris, de femme, qui présente ou représente la femme, qui en a l'air, qui la sent ou qui lui convient: muliebris forma, air efféminé.

TERMINAISONS BRE ET AIRE.

et par extension tout ce qui a un air de mort: pompe, appareil, spectacle, honneurs, ornements, chant, convoi, funèbres; images funèbres, oiseaux funèbres. « Louis le Grand veut que ma faible voix anime toutes ces tristes représentations et tout cet appareil funèbre. » Boss. « Des flambeaux funèbres éclairaient le Champ-deMars. » D'AL. « Un père, à qui la mort vient d'enlever ses enfants, les accompagne jusqu'à la sépulture; sa douleur même se plaît à se nourrir du long appareil de leur pompe funèbre. » MARM. << On reconnaît le génie de Crébillon à ces lueurs funèbres qu'il faisait briller dans la nuit tragique; on sent que l'horreur était son élément. >> LAH.

Tandis que dans les airs mille cloches émues, D'un funèbre concert font retentir les nues. Boш.. Tel que l'astre du jour écarte les ténèbres, De la nuit compagnes funèbres. RAG. J'aurai soin du convoi, de la pompe funèbre, Et n'épargnerai rien pour la rendre célèbre. REGN. Funéraire, qui concerne les funérailles, et non pas, comme funèbre, qui appartient aux funérailles, est un mot moins expressif ou plus abstrait, parce qu'il marque avec les funérailles un rapport moins essentiel, moins présent. Funèbre peint, funéraire signifie: ce qui est funèbre vous frappe par un aspect de mort; ce qui est funéraire est froidement signalé à votre esprit comme ayant telle destination ou étant de telle sorte: urne funéraire (MARM.), frais funéraires (ACAD.), muséum de monuments funéraires (BEAUM), style funéraire ou style des épitaphes (VOLT.). Funéraire est un terme, non pas de poëte, mais plutôt d'antiquaire, de légiste ou d'intendant. Rollin, ayant parlé de divers usages rapportés dans l'Iliade, ajoute : « Nous aurions à faire d'autres observations sur les cérémonies funéraires. » Le plus proche parent d'un homme qui vient de mourir confie à quelque ami les détails funéraires (BEAUM.).

Salubre, salutaire. Funèbre, funéraire. SALUBRE, SALUTAIRE. En latin, saluber ou salubris, et salutaris; bon pour la santé, salus. Ce qui est salubre, salutem fert, c'est-à-dire porte en soi la santé; ce qui est salutaire, se rapporte à la santé. Salubre indique sur le bienêtre du corps une influence plus entière, plus commune, plus constante, et il sert à qualifier l'eau, l'air, la nourriture, dont on fait avantageusement, et de manière à se bien porter, un usage continuel; il les représente comme charges de santé qu'ils communiquent. Salutaire ne fait point image: c'est un terme abstrait, par lequel on détermine la propriété intrinsèque qu'ont certaines choses, les remèdes (VOLT.), certaines drogues (J. J.), le fer d'un chirurgien (ID.), les plantes, par exemple, de faire revenir à la santé quand on est malade. Buvez d'une eau qui n'est pas salubre, vous vous porterez mal, vous tomberez malade; buvez d'une eau qui n'est pas salutaire, quoique prescrite comme telle, vous continuerez à vous mal porter. « Je ne manquais point, à mon lever, de courir sur la terrasse humer l'air salubre et frais du matin. » J. J. « Je suis surpris que des bains de l'air salutaire et bienfaisant des montagnes ne soient pas un des Désinence empruntée de l'italien. Elle est beaugrands remèdes de la médecine et de la morale. » ID. coup plus fréquente dans cette langue que dans De plus, salubre signifiant avec la santé un la nôtre elle y termine quantité d'adjectifs, rapport prochain, positif, de tous les instants, ne parmi lesquels plusieurs ont aussi des désinences se dit qu'au propre; et le rapport marqué par correspondant à ique, à al, ou à il: angelesco, salutaire étant vague, éloigné, abstrait, extraor-angelico; papesco, papale; fratesco, fratile. Elle dinaire, cet adjectif s'emploie aussi pour exprimer qu'une chose est bonne indirectement pour la santé ou qu'elle est bonne sous d'autres points de vue. Des eaux salubres, quand on en boit, contribuent à la santé. Ce n'est pas précisément ce qu'entend Bossuet, lorsqu'il dit que le Nil portait partout la fécondité avec ses eaux salutaires. Respirer l'air salutaire de la liberté (J J.). FUNÈBRE, FUNÉRAIRE. Relatif aux funérailles ou à la mort, funus.

Funèbre, funus ferens, præ se ferens, qui porte la mort devant soi, qui présente un aspect de mort, de funérailles, est une épithète propre à dépeindre tout ce qui accompagne les funérailles,

TERMINAISON ESQUE.

Pédant, pédantesque. Courtisan, courtisanesque.

est faite, sans aucun doute, à l'imitation du latin icus, a, um, et partant elle a le même sens, si ce n'est qu'étant d'origine italienne, elle ne convient pas, en italien, au langage grave et sublime, comme ses analogues ico, ale ou ile. En français, il y a plus; non-seulement elle manque de noblesse, mais elle marque quelque chose de bizarre, d'étrange, pour la forme ou la grandeur, que ce soit un agrément ou un défaut dans le sujet : témoin burlesque, grotesque, pittoresque, romanesque, gigantesque, tudesque, soldatesque. Chevaleresque rappelle la chevalerie, ses mœurs et ses aventures extraordinaires; moresque et arabesque, des monuments de l'art des Mores,

des Arabes, gracieux par leur variété. Barbaresque, également tiré de l'italien, fait exception; mais il n'exprime pas une qualification com

mune1.

PÉDANT, PÉDANTESQUE. En quoi il y a du pédantisme ou de la pédanterie.

a

fécond, fecundus; profond, profundus; vagabond, vagabundus. Elle vient incontestablement du mot unda, onde; ce qui fait qu'elle exprime l'abondance, car ce dernier mot lui-même a pour racine unda, ab unda. Elle est donc superlative. Elle a le plus grand rapport avec la désinence adjective eux. Avec l'abondance de la qualité, elle en marque quelquefois la profusion, le débordement, l'excès, ou bien seulement l'habitude. En latin, mirabundus veut dire, qui est toujours en admiration, ébahi, émerveillé de tout; cogitabundus, tout pensif; venerabundus, respectueux, plein de vénération, et qui en témoigne beaucoup; errabundus ou vagabundus,

Pédant exprime la qualité à la rigueur et se dit plutôt des personnes ou par rapport aux personnes. « Une pédante personne. » MOL. Siècle pédant (DUDEFF.), esprit pédant (S. S.). La piété affectueuse et tendre de Fénelon ne se montrait ni pédante ni austère. » D'AL. Mœurs pédantes (VOLT.). « La pédante ville de Genève. » ID. — Pédantesque, qui se rapporte à ce qui est pédant ou d'un pédant, atténue, affaiblit le sens du pre-vagabond, qui ne fait qu'errer de côté et d'aumier mot, et par conséquent convient mieux pour les choses, pour celles surtout qui sont théoriques ou littéraires. « Tous les livres écrits depuis quelque temps respirent je ne sais quoi de sombre et de pédantesque. » VOLT. Savoir (ACAD.), érudition (D'AL.), diatribe (ID.), style (VOLT.), recherches (ID.), préceptes (J. J.), pédantesques. Quand ces mots se disent tous deux des choses, pédantesque est moins fort: il dénote un défaut moins odieux que risible, un défaut de forme et superficiel plutôt qu'intérieur et inhérent au ca

ractère.

On distinguera de même courtisan de courtisanesque. « Amortir, parmi la noblesse, l'esprit courtisan. » J. J. Avoir des manières courtisanesques, c'est-à-dire qui sentent le courtisan.

TERMINAISONS ESQUE ET IQUE. Romanesque, romantique. ROMANESQUE, ROMANTIQUE. Qui tient du

roman.

tre; ira, colère, mouvement actuel de colère, et iracundia, grande colère, ou colère habituelle, disposition inhérente au caractère. ROUGE, RUBICOND. De la couleur du feu, du sang.

De la racine rub a été fait rubeus, rubius, rubjus, roubje, rouge. Ce qui est rubicond, est tout rouge, plein de rouge, rouge à l'excès; et ce mot, calqué sur le latin rubicundus, ne se dit guère qu'en plaisantant, d'un visage tout rouge, enluminé, qui paraît comique, à cause de sa grande rougeur. « Un gros homme à face large et rubiconde. »VOLT. « La grosse et rubiconde face de l'abbé de Bernis. » ID. « Avoir la face rubiconde et un embonpoint de chanoine. » ID. « Ce licencié, cette face rubiconde, se nomme don Chérubin Tonto. LES. D

TERMINAISONS OND ET ANT.

Moribond, mourant.

MORIBOND, MOURANT. Qui est près de mourir. Le moribond est plein de mortalité, pour ainsi dire, toujours mourant: il languit, il ne fait que traîner; « il a peu de temps à vivre, dit Condillac, et ses infirmités le menacent d'une mort prochaine.» «< J. C. rendit la santé aux paraly

Ce qui est romanesque est étrange, et à ce mot s'attache toujours une idée plus ou moins marquée d'ironie, d'invraisemblance et d'incrédulité; il fait songer à une suite ou à un tissu d'aven tures surnaturelles, ou il marque le goût qu'on a pour ces sortes de faits. Romantique est une qualification sérieuse et en bonne part, qui n'an-tiques et aux moribonds. » BOURD. « Finissez la nonce rien de bizarre, de fantastique, d'extravagant, mais une ressemblance plus ou moins grande, sous le rapport de la beauté, entre un site réel et ceux qui sont décrits dans les romans. En entendant raconter une histoire merveilleuse, vous vous écriez: cela est romanesque, on a peine à y croire; et en apercevant un vallon qui plaît par la variété de ses aspects: voilà qui est romantique! « Les rives du lac de Bienne sont plus sauvages et plus romantiques que celles

du lac de Genève. » J. J.

TERMINAISON OND.

Rouge, rubicond.

Désinence imitée de la latine undus, a, um : 4. Marmontel a dit cependant du czar Pierre qui

visita Paris en 1717 : « Ce caractère barbaresque avait paru tout à coup s'adoucir, s'attendrir même devant le jeune roi. » Barbaresqué a bien là le sens qui doit lui convenir dans le langage ordinaire : barbaresque, c'est-à-dire étrange et qui tient du barbare.

guerre et rendez du pain aux peuples moribonds. » FEN.« Refuser à un moribond la permission d'aller prendre les eaux.» VOLT. «Sixte- Quint contrefait l'humble et le moribond; on l'élit pape. ID. « Comme Sénèque était d'une maigreur extrême, il avait l'air d'un moribond. » MARM.

Le mourant est à son lit de mort, il se meurt. & J. C. était mourant sur la croix. >> BOURD. Un homme frappé à mort tombe mourant (Boss., FEN.). « On dit que les mourants prophétisent.

VOLT.

TERMINAISONS OND et EUX.
Furibond, furieux.

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FURIBOND, FURIEUX. Plein de fureur. Tous deux expriment l'acte de fureur, et l'habitude de s'y livrer; tous deux s'appliquent, par extension, à ce qui dénote la fureur, au visage, à l'air, aux regards.

Mais le furieux est plein de fureur, et le furibond en est si plein que la fureur déborde, s'é

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tend, ondoie hors de lui. Furibond renchérit sur furieux; il marque un plus haut degré de fureur, et une fureur considérée, moins dans le sujet qui en est plein, que comme se répandant hors de lui. Ce dernier caractère tient encore à ce que la désinence ond se joint plus volontiers aux bases verbales, que la désinence eux. On cherche à apaiser un furieuz; on évite un furibond. Dans les Folies amoureuses de Regnard, Crispin dit à Albert, qu'Eraste poursuit l'épée à la main:

Ah! monsieur, évitez sa rage furibonde. Sauvez-vous, sauvez-vous. Achille furieux s'enferme dans sa tente; les bacchantes couraient furibondes sur les montagnes.

On croirait, d'après l'Académie et Roubaud, que furieux indique toujours et simplement un accès actuel de fureur, tandis qu'il serait réservé à furibond d'exprimer la disposition constante. C'est une erreur. « Avant Vespasien, l'empire avait été successivement occupé par six tyrans également cruels, tous furieux, et souvent imbéciles. » MONTESQ. Ne dites-vous pas en commun proverbe, des loups ravissants, des lions furieux, malicieux comme un singe ? » LABR. « La tigresse est furieuse en tout temps. » Buff.

La véritable différence consiste en ce que la fureur du furibond est plus grande, moins con centrée, et se témoigne plus fortement que celle du furieux. C'est pourquoi de furibond on a formé un verbe furibonder, qui signifie éclater de fureur. « L'évêque pesta, jura, tempêta, furibonda.» Sév. L'âme du furieux est en proie à la fureur, et le furibond se conduit avec furie. Le furieur a le sens trouble, c'est un fou; le furibond est hors de sens, c'est un énergumène, un forcené. « Cet homme, furieur de me voir fêté dans mon infortune, perdit tout à fait la tête, et se comporta comme un forcené.» J. J. A la place de forcené, furibond ferait à peu près le même sens. « Le furibond chevalier ne revenait point de sa frénésie il se démenait dans la chambre comme un possédé.» LES. Dans les Fourberies de Scapin, Scapin dit à Silvestre: « Tiens-toi un peu, enfonce ton bonnet en méchant garçon, campe-toi sur un pied, mets la main au côté, fais les yeux furibonds, marche un peu en roi de théâtre. » MOL.

TERMINAISONS OND ET IQUE.
Pudibond, pudique.

PUDIBOND, PUDIQUE. Qui a de la pudeur. Pudique ne dit rien de plus. Le pudibond est tout plein de pudeur, il en a même trop; et c'est pourquoi ce mot, comme celui de rubicond, ne s'emploie guère que familièrement et ironiquement, pour exprimer un excès, celui d'un homme qui est ou qu'on suppose si plein de pudeur qu'il rougit pour un rien. « J'ai trouvé, moi qui suis très-pudibond, que les jeunes demoiselles pourraient rougir de ce langage à la comédie. » VOLT.

On vous dira qu'il n'est point de femelle,
Tant pudibonde et tant vierge fût-elle,
Qui n'eût été fort aise en pareil cas.

ID.

TERMINAISON OLENT.

Du verbe olere, sentir, exhaler une odeur, les Latins ont tiré une désinence adjective, olens, olentus, ulentus: violens ou violentus, violent: opulens ou opulentus, opulent. Sa valeur dépend de son origine. En général, elle qualifie le sujet en indiquant qu'il y a en lui de la chose exprimée par le radical de l'adjectif, puisque le sujet sent cette chose, en exhale l'odeur.

Mais quelquefois elle représente cette participation comme un simple rapport de convenance du sujet à la chose ainsi, esculentus, escam olens, qui sent la nourriture, qui a rapport à la nourriture, qui y est propre; lutulentus, qui sent la boue, se dit, par exemple, de l'eau trouble qui a l'air bourbeux, qui est comme la boue; pestilens, pestem olens, qui tient de la peste. Plus souvent elle est complétive. Elle annonce qu'il y a dans le sujet beaucoup de la chose dont le radical de l'adjectif est le signe, et que le sujet en est tellement plein, tellement imprégné qu'il en exhale l'odeur. Les Latins disaient, doctrinam redolere, pour signifier être plein d'instruction.

TERMINAISONS OLENT ET ANT.

Sanguinolent, sanglant.

SANGUINOLENT, SANGLANT. Où il y a du sang. Tous deux ont pour type le latin sanguinolentus; mais le premier le traduit exactement, tandis que le second l'abrége au point de le rendre méconnaissable. C'est pourquoi sanguinolent est plutôt un terme de science, d'histoire naturelle ou de médecine, et se rencontre plus rarement dans le langage commun.

D'ailleurs, avec la forme de sanguinolentus, sanguinolent en a conservé le sens : il se dit des flegmes, des crachats, des glaires, qui sentent le sang, qui ont quelque chose du sang, une apparence de sang, qui sont comme sanglants. « Le musc est une humeur sanguinolente qu'on tire d'un animal tout différent de la civette. » BUFF. « Les meilleures plumes des autruches se reconnaissent en ce que leur tuyau, étant pressé dans les doigts, donne un suc sanguinolent. » ID. Sanglant, signifie taché, souillé, couvert, dégouttant de sang.

TERMINAISONS OLENT ET IF.

Violent, vif.

-

VIOLENT, VIF. Qui a un degré de force remarquable; qui n'est ni faible, ni mou, ni lâche, ni languissant. Un homme d'un naturel violent et d'un naturel vif, ou simplement, un homme violent et un homme vif; une querelle violente et une vive querelle; une douleur violente et une vive douleur; passions violentes et passions vives. Racine commune, vis, force.

Ce qui est violent, vim olens, est plein de force, au point que cette force se répand autour de lui, ainsi que l'odeur s'exhale d'une chose qui en est imprégnée; ce qui est vif possède la force activement, et une grande disposition à la développer.

Le premier de ces adjectifs qualifie extensivement | C'est-à-dire qu'ils sont bien en effet à base noet le second intensivement: l'un marque dans le minale. De là leur ressemblance avec les adjecsujet l'existence d'une grande quantité de force tifs en eux, sauf l'idée de plénitude, et de là qui transpire et se répand à l'extérieur; l'autre l'existence en latin de synonymes en osus et en fait connaître dans le sujet une grande irritabilité idus fumosus, fumidus; herbosus, herbidus. et une grande activité, mais solitaires et non relatives. Violent enchérit donc en un sens sur vif. TERMINAISONS IDE ET ABLE. « Un sentiment vif et violent. » D'AL. « Cette påValide, valable. ture, loin de calmer la faim du lion, la rend plus vive et plus violente. » MASS. « Il faut des passions dans les comédies, il en faut de vives et de violentes. NIC.

α

On est violent pour les autres, ou tout au moins extrinsèquement, en largeur, pour ainsi dire; on est vif en soi et pour soi. On sent vivement, et non violemment; on combat vivement; mais dire, combattre violemment, serait faire un pleonasme. Violent, ayant la terminaison d'un participe, doit, par cela seul, et quel que soit le verbe d'où il dérive, signifier l'exercice de la force et son effet au dehors; vif n'a aucun caractère verbal, il exprime uniquement dans le sujet une propriété active. Donc l'homme violent est enclin à sortir de lui-même, à commettre des excès, à faire essuyer de mauvais traitements, à rompre toutes les digues; l'homme vif est prompt à prendre feu, à entrer en émoi, à s'animer, il se porte aux choses avec ardeur. << Le style de J. B. Rousseau est plus violent que vif, et tient, si j'ose m'exprimer ainsi, de la bile qui le dévore.» VOLT.

VALIDE, VALABLE. Qui a les conditions requises par la loi pour produire son effet : un contrat fait par un mineur n'est pas valide ou valable.

Ce qui est valide, a telle qualité, la valeur; ce qui est valable, est devant avoir tel effet, celui de valoir. A un acte valide, il n'y a rien à ajouter pour qu'il ait toute sa force; un acte valable sera reçu, accepté; à cet égard, il n'y a rien à craindre. De sorte que valide fait considérer la chose en elle-même, comme étant revêtue de toutes les formalités nécessaires, et valable la représente hors d'elle-même, en rapport avec l'avenir et l'effet qui s'ensuivra, celui d'être admise. L'un est de droit, l'autre de fait au futur. Ce qui est valide est bon, il a toutes les qualités qu'il faut; ce qui est valable est bon, il ne manquera pas d'avoir son effet.

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Valide convient mieux quand il s'agit d'une chose qui a une valeur absolue, essentielle, qui doit être reconnue sans condition, partout et toujours. Depuis que J. C. a fait du mariage un Une querelle violente suppose du trouble, du sacrement, et qu'il lui en a donné la vertu, ce tumulte, de fortes oppositions, des cris, des in- sacrement porte avec soi un caractère d'immutajures, et quelquefois des coups donnés et reçus;bilité. Est-il une fois reconnu valide, c'est pour une vive querelle ne suppose que du feu, de l'ac- toujours. » Bourd. · Valable, au contraire, est tion, et un grand intérêt pris de part et d'autre propre à attribuer une valeur de fait, relative, à ce qui en est le sujet. Une douleur violente a admissible seulement dans certains cas, par rapplus d'ampleur et apporte dans l'âme plus d'agi-port à certaines choses ou à certaines personnes. tation; une douleur vive se distingue plutôt par l'intensité; si elle s'étend moins, elle pénètre da vantage, elle est plus aiguë, plus piquante. Les passions violentes sont d'un homme violent, fougueux, emporté; et les passions vives sont d'un homme vif, qui se passionne aisément.

TERMINAISON IDE.

En latin idus, a, um. Les adjectifs ainsi terminés sont à base nominale. La chose au nom de laquelle ils s'ajoutent, ils la désignent comme ayant la qualité marquée par leur radical humide, qui a de l'humeur; sapide, qui a de la saveur; rigide, qui a de la rigueur; lucide, qui a de la clarté, latin lux, ucis; et ainsi des autres. Ils sont placés entre deux substantifs, l'un concret, d'ordinaire en eur, latin or, qui sert à les former, l'autre abstrait en té, latin tas, qu'ils servent à former, et qui a une signification semblable à la leur. Par exemple, en latin, acor, acidus, aciditas; timor, timidus, timiditas; stupor, stupidus, stupiditas. Ce qu'il faut surtout remarquer, c'est qu'ils ne sont point entés sur le verbe qui leur correspond quelquefois quant à l'origine, et que leur sens n'en dépend en aucune sorte tels sont timidus, stupidus, lucidus, à l'égard de timere, stupere, lucere.

« Lorsque le père n'instituait ni exhérédait son fils, le testament était rompu; mais il était valable, quoiqu'il n'exhérédât ni instituât sa fille. » MONTESQ. « Quelques ecclésiastiques indignes de leur profession, supposèrent de faux titres; ils tirèrent de la poussière de vieux testaments, nuls selon les anciennes lois, mais valables selon les nouvelles. » VOLT. Une chose est valide ou ne l'est pas; une chose est valable devant Dieu ou devant les hommes, devant tel ou tel tribunal. « Puis-je présumer alors que votre pénitence ait eu cette bonne foi, cette sincérité qui la doit rendre valable devant Dieu ? » BOURD.

Valide, latin validus, est un terme de jurisprudence qui ne se dit guère que des contrats ou autres actes; hors de là, il s'emploie surtout dans le langage de l'Eglise en parlant des sacrements. Mais valable appartient à la langue commune. Cette pureté ne vous peut être d'ellemême un titre valable pour ne pas communier souvent. » BOURD. « Si les oraisons des saints pour nous étaient valables par elles-mêmes. quelle serait notre hardiesse de demander qu'elles fussent reçues ! » Boss. Valable, et non valide, sert à qualifier des choses qui n'ont aucun rapport au droit ni à la liturgie, telles que des raisons, des excuses, des conclusions. « De tant d'assertions il n'y en a point dont on puisse tirer

contre mon sentiment quelque conclusion vala- | le superlatif, puis le bas ou le fond, puis une ble. J. J.

TERMINAISON IME.

Terminaison imitée de la latine, imus, a, um, et destinée à marquer le superlatif : illustrissime, richissime, c'est-à-dire très-illustre, trèsriche. Dans notre langue, tout analytique, où la plupart des rapports sont représentés par de petits mots séparés, et non par des modifications ou des flexions du mot principal, nous exprimons, presque tous les superlatifs latins, en imus, par l'adjectif simple, précédé de très, fort, bien. Il y a toutefois des exceptions, minime, infime, uprême, et autres. En lui-même, imus, a, um, est un adjectif ayant une acception propre; il signifie ce qu'il y a dans une chose de plus proFond ou de plus élevé, son extrémité haute ou basse : imum mare, le fond de la mer.

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INTIME, INTÉRIEUR. On se sert de ces deux nots en parlant des parties d'une chose, qui sont en dedans, intra, par opposition à celles qui sont en dehors, extra: on étudie ou on connaît la nature intime et la nature intérieure de 'homme; le sens intime, le sentiment intérieur. Mais si intime est un superlatif et signifie, le lus en dedans, intérieur n'est qu'un comparatif, et signifie, plus en dedans qu'une certaine autre hose, cette coutume des Latins, de terminer es comparatifs en or, venant sans doute de la oblesse inhérente chez eux à cette désinence. Nature intime de l'homme, revient donc à, naure de l'homme jusque dans ses profondeurs, es replis et ses recoins; la nature intérieure est implement opposée à la nature extérieure, au orps. Sans de profondes observations, Molière t Labruyère ne seraient pas parvenus à connaîre la nature intime de l'homme la psychologie pour objet l'étude de notre nature intérieure; t l'anatomie, celle de notre nature extérieure. En appelant la conscience, sens intime, on eut faire entendre combien cette manière de senir s'éloigne de l'extérieure, de celle qui s'opère u moyen des organes, on veut spiritualiser le not sens; mais, comme celui de sentiment exrime dėjà par lui-même quelque chose de spiriuel, il n'est pas besoin de l'accompagner d'une pithète aussi rigoureuse, et on se contente de "adjectif intérieur,

TERMINAISONS IME (ITIME) ET AL.
Légitime, légal.

LÉGITIME, LÉGAL. Conforme aux lois. Raine, lex, egis, loi.

La terminaison de légitime, comme celle de maritime et de finitimus en latin, est exactement même que la précédente ime, devant laquelle na mis, par euphonie apparemment, la syllabe t. Or ime vient du latin imus, a, um, qui sinifie le haut, et par conséquent à la fin des mots

SYN. FRANG.

extrémité quelconque, le bout ou le bord. De sorte que légitime veut dire, qui est au bout, au bord ou le long de la loi, qui y touche, qui ne s'en écarte pas; maritime, qui se trouve tout à côté ou au bord de la mer; finitimus, qui se trouve tout à fait sur les confins, fines, qui est voisin, mitrophe.

Une chose est légitime, qui se tient tout près de la loi, et ce rapport avec la loi est essentiel: une chose est légale, suivant la force de la terminaison, quand elle n'a avec la loi qu'un rapport éloigné, un rapport de forme.

« C'est le droit qui rend la chose légitime; c'est la forme qui rend la chose légale. Une puissance est illegitime si elle exerce la force san: droit, contre notre droit; une élection est illégale, si l'on n'y observe pas toutes les condition', requises par la loi. La disposition de vos biens, quoique légitime et conforme à la loi de la propriété, n'est pourtant valide qu'autant qu'elle est faite d'une manière légale. Une condamnation bien légale n'est pourtant pas légitime, si elle tombe sur un innocent. L'intérêt légitime de l'argent est celui qu'on est en droit de prendre selon les principes de la morale ou de la justice; l'in térêt légal est le taux établi par la loi. » ROUB. On peut avoir contre quelqu'un de légitimes sujets de plainte sans avoir le moyen d'intenter une action légale contre lui.

<< Gabriel dit à Daniel que le libérateur amènerait la justice éternelle, non la légale, mais l'éternelle. » PASC. A la place d'éternelle, légitime produirait la même opposition. Car non-seulement légitime a plus de rapport à l'essence de la loi, et légal à sa forme, mais encore légitime marque plutôt conformité avec la loi naturelle, l'équité, la raison, et légal conformité avec la loi positive: désir légitime, incapacité légale.

TERMINAISON IN.

En latin, inus, a, um, qui paraît différer fort peu de la désinence anus, a, um. De sorte que, dans notre langue, in, ain, an et ien désignent à peu près le même rapport, celui d'origine, d'extraction ou d'habitation: Girondin, Poitevin, Périgourdin; de même qu'en latin, Alexandrinus, Parisinus. Cependant la terminaison in a cela de particulier, ce semble, relativement à ses analogues, ain, an, ien, qu'elle sert à former des substantifs signifiant les lieux dans lesquels s'exercent des actions d'arts ou métiers : moulin, magasin, usine, cuisine, saline.

TERMINAISONS IN ET IME ITIME).

Marin, maritime.

MARIN, MARITIME. Latin, marinus, maritimus. Relatif à la navigation sur mer. Cartes, aiguilles, montres marines; bâtiment ou canot marin: commerce, entreprises, puissance, service, forces, législation, maritimes.

Primitivement, marin veut dire qui a rapport à la mer, comme en venant ou comme l'habitant, y exerçant son état : monstre, sel, marins; con

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