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nonymes, ce qui est impossible. Voyons toutefois si, dans le fait, notre langue ne serait pas, sous ce rapport, coupable d'inconséquence.

Ne pourrait-on pas d'abord alléguer irascible et irritable, qui s'irrite facilement ou se met facilement en colère? L'exemple serait mal choisi: quoique ces deux mots aient le même radical au fond, ira, colère, ils le reçoivent de deux verbes différents, l'un déponent, irasci, l'autre fréquentatif, irritare, et c'est de la considération de cette circonstance uniquement, que peuvent résulter les différences des deux adjectifs.

Exemples: flexible, de flectere, flexum, et pliable de plier; contemptible de contemnere, contemptum, et méprisable de mépriser. Ainsi, able, affectant les bases verbales françaises, est une terminaison plus commune que la désinence ible. De la vient qu'on dit apercevable et inapercevable, perceptible et imperceptible. Dans apercerable et inapercevable, able se trouve joint à un élément verbal tout français, apercevoir; dans perceptible et imperceptible, au contraire, ible a été ajouté à un radical latin, percipere, perceptum. En conséquence, apercevable est un mot qu'on emploie communément en parlant des objets grossiers, sensibles, qui s'aperçoivent sans

Il en est de même d'immobile et d'immuable, qui empruntent leur base commune, le premier au verbe latin movere, le second au verbe fran-peine et au premier coup d'œil; perceptible est çais muer; sans compter que de l'un à l'autre la synonymie est tout au moins contestable.

Il n'existe en ce genre qu'une seule anomalie: c'est vitrescible et vitrifiable, qui peut être changé en verre; encore leur radical vitrum, verre, passe-t-il, comme celui des synonymes vrais ou prétendus qui précèdent, par deux verbes, le premier, verbe latin hypothétique, vitrescere, rendre verre, changer en verre; l'autre français, vitrifier. De là dépend leur différence; car il faut bien qu'ils en aient une puisqu'ils existent tous les deux.

un terme plus recherché qui sert à qualifier les choses fines, subtiles ou même abstraites et morales; car il se prend très-bien et seul dans le sens figure.

TERMINAISON ARD.

Gueux, gueusard.

Par la rudesse de ses deux consonnes, cette terminaison annonce déjà une origine barbare, ou gauloise ou germanique. Un autre indice non Vitrescible est plutôt un terme de science que moins certain, c'est qu'elle se trouve à la fin nous a légué l'alchimie, et vitrifiable appartient d'un grand nombre de noms propres, à radicaux plutôt au langage commun. Quand Buffon parle non fournis par la langue savante et polie des Roen chimiste de la nature des matières qu'on peut mains. Exemples: Lombard, Guiscard, Édouard, réduire en verre, il emploie de préférence le mot Gaspard, Gérard ou Girard, Bernard, Hébrard, vitrescible. « Le verre paraît être la véritable Evrard, Blanchard, Richard, Mallard, Colard, terre élémentaire; les métaux, les minéraux, les et une foule d'autres. A quoi on peut ajouter ensels, etc., ne sont qu'une terre vitrescible.... Les core que, parmi les noms communs, elle affecte couches du globe sont de matières analogues au surtout ceux qui se rapportent à la guerre : Souverre, en ont les propriétés les plus essentielles dard, hussard, poignard, cuissard, brassard, et toutes sont vitrescibles.... La seule différence | étendard, boulevard, couard, fuyard, traînard. entre les matières calcaires et les matières vitres- Quand elle se joint à un élément, soit nominal cibles, c'est que celles-ci sont immédiatement vi- soit verbal, pour former un qualificatif, celui-ci trifiées par la violente action du feu, au lieu que doit, par toutes ces raisons, appartenir au lanles matières calcaires passent par l'état de calcina-gage commun et familier. D'où il suit, pour ce tion avant de se vitrifier. » Mais il s'en tient au mot commun vitrifiable quand il parle de ces mêmes matières en simple observateur. « Le roc vif, le sable vitrifiable, les argiles sont disposés par couches parallèles.... Les fentes sont obliques et irrégulièrement posées dans les matières vitrifiables.... Les montagnes des Vosges sont composées de matières vitrifiables et cristallisées, granits, porphyres, etc. Les collines qui en dérivent sont de sable vitrifiable. »

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qui regarde le fond, qu'elle doit servir à exprimer des qualités peu estimables, peu nobles, basses, comme campagnard, musard, mouchard, | bâtard, gueulard, pendard, paillard, poissard. L'analogie conduit, de plus, à considérer les adjectifs en ard comme fréquentatifs, comme marquant la réitération de l'action, l'habitude et l'accumulation de la qualité. D'eux dérivent des substantifs féminins abstraits qui, pour en reproduire fidèlement l'idée, doivent s'adjoindre des désinences qui ne l'altèrent point, c'est-àdire équivalentes ou à peu près, pour le sens, à la terminaison ard. Or, ces désinences sont toujours erie et ise: Cafard, cafarderie ou cafardise; bavard, bavarderie; cagnard, cagnarderie; goguenard, goguenarderie; gaillard, gaillardise; bâtard, bâtardise; couard, couardise; paillard, paillardise; mignard, mignardise. Et ces désinences indiquent des habitudes mauvaises et relatives à de petites choses, des défauts ou des manies qui font qu'on se porte fréquemment aux actes constitutifs de ces défauts.

GUEUX, GUEUSARD. Coquin, fripon.

Gueusard renchérit sur son synonyme. Le

gueusard est le gueur déhonté, celui qui gueu- | comme qualité dans le sujet, et par rapport à la saille, qui a l'habitude de gueuser, celui chez fréquente répétition. Eur est plus relatif à l'acqui c'est un besoin, une manie et un métier de tion, à l'éclat, et qualifie en conséquence; il anse livrer aux actes du gueux. - En même temps, nonce qu'on fait profession d'une chose, qu'on le mot gueusard est beaucoup plus familier et s'y porte ouvertement. plus dédaigneux.

TERMINAISONS ARD ET IF.

Fuyard, fugitif.

FUYARD, FUGITIF. Qui est en fuite. Ils se forment en ajoutant, d'un côté, if à un radical latin, fugere, itum; de l'autre, ard au même radical francisé, fuir.

Tous deux s'emploient d'abord comme substantifs des ou les fuyards, des ou les fugitifs; auquel cas ils different en ce que fugitif n'est pas un terme de guerre comme fuyard : dans une bataille le vainqueur poursuit les fuyards. Une autre différence bien essentielle, c'est que les fuyards fuient actuellement, au lieu que les fugitifs ont fui, sont dans l'état de gens qui ont pris la fuite, ou du moins les fugitifs ne sont pas appelés ainsi en raison de l'action de fuir, mais en raison du caractère que cette action leur donne. Les Romains furent d'abord un peuple composé de fugitifs, d'esclaves et de brigands (MONTESQ.). La désinence if ne marque pas, comme la désinence ard, la réalisation actuelle de la qualité.

Ces mots se prennent aussi adjectivement l'un et l'autre : des animaux fuyards ou fugitifs. Mais fuyard signifie qui ne fait que fuir, et fugitif, qui a fui, ou qui ne peut se tenir de fuir: l'un exprime quelque chose d'effectif, l'habitude, l'autre quelque chose de postérieur à l'effet, une fuite passée, ou quelque chose d'antérieur, l'in clination à fuir. « Je trouvais à M. Lebrun les yeux un peu fuyards, la parole allongée, et la voix incertaine. » BEAUM. « Le petit nombre des castors échappés aux chasseurs se disperse; ils deviennent fuyards. » BUFF. Dans ces exemples fuyard n'a point du tout le sens qu'on peut reconnaître à fugitif dans les suivants. « Tout chrétien, disait Gonzale, est, de droit divin, le juge et le bourreau d'un infidèle fugitif.» MARM. « Des œufs de canards sauvages, donnés à couver à une poule, ont d'abord produit des individus sauvages, fugitifs et sans cesse inquiets de trouver, leur séjour de liberté.» BUFF.

TERMINAISONS ARD ET EUR.

Criard, crieur; braillard, brailleur; pleurard, pleureur. Fétillard, vétilleur. Pillard, pilleur. Trainard, traineur.

Ces deux terminaisons se construisent quelquefois avec une même base verbale, de manière à former deux expressions à peu près équivalentes, car elles marquent l'une et l'autre que le sujet à la propriété active de faire telle ou telle chose signifiée par le radical commun, et qu'il la manifeste actuellement. La différence alors ne peut être trouvée, à moins de déterminer comparativement la valeur des désinences.

Ard indique plus spécialement l'habitude, et

Ensuite, ard, plus propre au langage commun et familier, est par lui-même significatif d'un défaut, et d'un défaut qui se fait sentir à chaque instant pour et dans les moindres choses.

CRIARD, CRIEUR; BRAILLARD, BRAILLEUR; PLEURARD, PLEUREUR. Ils servent à qualifier celui qui crie, braille ou pleure.

L'accessoire des trois adjectifs en ard est l'habitude, la fréquente répétition, le besoin et comme la manie de crier, de brailler et de pleurer à tout propos. Ce qui distingue les trois autres, c'est le bruit, la manifestation actuelle du défaut. Un braillard ennuie, parce qu'il revient sans cesse à la charge, parce qu'il ne fait que brailler; un brailleur importune, étourdit par son ramage du moment. Dans le prologue de la Princesse d'Élide de Molière, le valet Lyciscas réveillé par d'autres valets les qualifie d'une manière générale de braillards: « Par la morbleu! vous êtes de grands braillards, vous autres. » Ensuite, tourmenté de nouveau par leurs cris, il s'emporte contre ces brailleurs, contre ces maudits importuns qui braillent présentement autour de lui: « Diable soient les brailleurs ! Je voudrais que vous eussiez la gueule pleine de bouillie bien chaude. »

D'ailleurs, criard, braillard et pleurard sont des termes familiers qui ne se disent guère qu'en parlant des enfants, et pour marquer un défaut plus petit, plus vilain, plus chétif, d'un ordre tout à fait inférieur.

VÉTILLARD, VÉTILLEUR. Qui s'amuse à des vétilles ou à de petites difficultés.

Le premier montre le défaut sous le rapport de sa continuité et dans ce qu'il a de petit, de mesquin; le second le fait voir agissant et produisant présentement son effet. Le vétillard est toujours prêt à vétiller, et il se prend aux plus petites choses; on le dirait incessamment tourmenté du besoin de trouver à exercer sa manie. « J'ai lu les critiques de mon aîné d'Olivet sur Racine; mon aîné est un peu vétillard.» VOLT. Vous direz d'un homme qui vétille dans une affaire: Laissez là ce vétilleur.

PILLARD, PILLEUR. Qui pille et aime à pilier. Le premier se prend bien adjectivement et présente toujours l'habitude dans le sujet : cet s'emploie que comme substantif pour exprimer homme est d'humeur pillarde. Le second ne un sujet d'action, en tant qu'il fait ou a fait cette action, celle de piller. Un grand pillard éprouve continuellement le besoin de piller et s'y sent comme entraîné; un grand pilleur a pillé ou pille beaucoup. - Ensuite, c'est aux pilleries que s'adonne le pillard, et le pillage qu'exerce le pilleur; l'un fait en petit ce que l'autre fait en grand.

TRAÎNARD, TRAÎNEUR. Soldat qui reste en arrière de la troupe avec laquelle il doit marcher. Trainard porte un air de dédain qui annonce un faux semblant de manque de force, et l'habi

tude, la volonté de se soustraire ainsi à la fati- | petit. Ils qualifient des choses qui plaisent par gue commune. Ce mot qualifie donc eu égard au leur petitesse et leur délicatesse. sentiment, à la disposition du sujet, si bien Le mignon est tel, le mignard se fait tel. « Le même que, par extension, trainard se dit d'un mignon plaît, et il plaît par sa petitesse même. homme lent, négligent. Traîneur qualifie en rai- Le mignard montre l'intention de plaire; et il son du fait. Le traînard aime à traîner, a l'habi- | plaît, s'il est naturel, par quelque chose d'affectude mauvaise, basse, méprisable, de traîner; tueux et de flatteur. » ROUB. « La marguerite, le traîneur traîne effectivement. Tout régiment a cette fleur si petite et si mignonne. » J. J. « Quand ses traînards que les officiers doivent gourman-les Parisiennes ouvrent la bouche, ce n'est point der, en même temps qu'ils doivent avoir des égards pour les traîneurs.

TRMINAISON ON.

à

et

Considérée dans les qualificatifs qu'elle sert former, cette terminaison toute française, partant familière, semble avoir plus de rapport avec l'état qu'avec l'action. D'abord elle a plus d'affinité pour les bases nominales que pour les bases verbales; et les verbes qui correspondent aux adjectifs en on, au lieu de leur être antérieurs et d'entrer dans leur composition, en dé

rivent, au contraire, assez souvent de macon on a fait maçonner; de maquignon, maquignonner; de fripon, friponner; de grison, grisonner; de polisson, polissonner. Qu'on compare cette désinence à une désinence vraiment active, on sentira aussitôt la différence.

Dans contrefaction, exhalation, inclination, coction, par exemple, se trouve un caractère non équivoque d'activité qui disparaît dans contrefaçon, exhalaison, inclinaison, cuisson, ces derniers mots exprimant le résultat ou l'effet de l'action marquée par les premiers. Et cette passivité ou cette objectivité des substantifs en on est commune à la plupart de ceux qui ne sont pas des diminutifs, comme moisson, boisson, lecon, foison, toison, maison, rancon. Il en est de même des qualificatifs qui ont cette terminaison. Le nourrisson est nourri, reçoit la nourriture; le rejeton, c'est ce qui est rejeté, produit par une plante et à côté d'une plante: l'homme que vous qualifiez de grison, a été fait, est devenu gris: c'est là sa qualité et comme sa façon.

Toutefois, un fait semble démentir cette conjecture, c'est que plusieurs qualificatifs ainsi terminés désignent certains hommes relativement à leurs occupations habituelles: maçon, charron, forgeron, marmiton, champion, espion. Mais ils les désignent, en faisant connaître leur état plutôt que leur profession ou le genre d'actions auxquelles ils se livrent d'ordinaire; et c'est pourquoi ils sont aussi souvent à base nominale qu'à base verbale. Le maçon, le charron ont été faits tels, ainsi que le compagnon; ils appartiennent dans la société à telle classe; ils ont reçu telle forme, telle manière d'être.

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la voix douce et mignarde de nos Vaudoises : c'est un certain accent dur, aigre, interrogatif, impérieux. » ID.

Mais le mignard, se faisant ou s'efforçant d'être ce qu'est naturellement le mignon, l'adjectif mignard marque presque toujours de l'affectation. de l'afféterie, de la fadeur; aussi à mignard seul correspond un substantif abstrait (mignardise), qui signifie une manière par laquelle on affecte la

délicatesse.

Par qui vous débauchez ainsi les jeunes cœurs? Moz. L'honneur vous apprend-il ces mignardes douceurs POUPON, POUPARD. Jeune enfant au maillot

de la grandeur d'une poupée.

Poupon, formé effectivement de poupée, dont nombre de diminutifs semblables: il marque la on a changé le genre, a le caractère d'un grand grosseur dans la petitesse, un petit gros. C'est un jeune enfant qui a le visage plein et potelé, comme le dit fort bien l'Académie. Mais le poupon est dans un état d'inertie, au lieu que le poupard remue davantage, commence à rire, a une figure qui veut être expressive, bouffonne et gaillarde.

Poupon semble indiquer un gros enfant, tout court, tout rembourré, peu mobile, et dont les yeux disparaissent presque, tant il est joufflu et bouffi; on dirait une boule de chair. Tout commence à intéresser dans le poupard, son petit geste, son petit rire gai et quelquefois grotesque, les mouvements de son corps qui toujours sautille et s'efforce d'échapper aux langes qui l'emfant, en disant, voilà le poupon; comme qui prisonnent. La nourrice apporte et présente l'enl'a fait; c'est une chose, un produit, un rejeton. dirait, le voilà tel qu'il est, telle que la nature Regardez le poupard conviendra mieux quand on voudra attirer l'attention sur les petites manières du poupon.

Du reste, poupard est un terme extrêmement vulgaire qui ne se trouve dans aucun de nos écrivains, même les plus familiers.

TERMINAISONS ON, ARD ET EUR. Grognon, grognard, grogneur. GROGNON, GROGNARD, GROGNEUR. Qui gro

gne.

Le grognon est tel, est ainsi fait, a tel défaut, et ce défaut chez lui se considère en lui-même. Le grognard et le grogneur ont la qualité d'agir de telle manière, de produire tel effet sur les autres; c'est-à-dire que grognard et grogneur, au lieu de qualifier le sujet eu égard ce qu'il est, le qualifient eu égard à ce qu'il fait. Le grognon est un esprit mal fait, un esprit de travers qu'on plaint et qu'on laisse à l'écart; le grognard et le grogneur sont des importuns qui as

somment par leurs murmures. Pour corriger le | et la durée, doivent devenir représentatifs du rang grognon, il faudrait le changer totalement, le abstrait, de l'ordre social, de la dignité. C'est ce refaire, en quelque sorte; il ne s'agit pas de cor- qu'attestent de nombreux exemples: Impérial, riger le grognard et le grogneur, mais de leur seigneurial, épiscopal, presbytéral, sacerdotal, échapper. royal, municipal, syndical, ducal, électoral, Reste à distinguer grognard et grogneur. Le doctoral, rectoral, magistral, féodal, vassal, grogneur grogne; le grognard ne fait que gro-décemviral, papal, patriarcal, pastoral, pontigner, grogne à tout propos, pour les plus petits fical, capital, principal. sujets. Ce qui déplaît dans l'un, c'est le fait de grogner, et dans l'autre, c'est la fréquente répétition de ce fait. Le grogneur peut ne grogner que rarement, ou même n'avoir grogné qu'une fois, et pour un sujet assez sérieux; le grognard a la manie de grogner, grogne à chaque instant et à propos de rien.

TERMINAISON AL.

Ami, amical. Brute, brutal (subst.); brut, brutal (adj.).

Ces adjectifs ne font point connaître ce qu'est la chose en elle-même, dans sa composition, mais seulement avec quel lieu, avec quel temps, avec quel rang ou dignité elle a du rapport; ils sont significatifs de qualifications extrinsèques. Quelquefois même, et l'analogie mène aisément de l'un à l'autre, ils déterminent avec quelle forme ou avec la forme de quel objet cette même chose a du rapport, convient. Tels sont, monumental, colossal, pyramidal. Et, ce qui est vrai dans le sens concret l'est bien davantage encore dans le sens abstrait, c'est-à-dire que beaucoup d'adjectifs en al servent à caractériser des formes, des ex

proverbial, trivial, grammatical, littéral, ou bien indiquent avec quelle chose le sujet a du rapport quant à sa forme, à son extérieur, comme brutal, glacial, sentimental, théâtral, légal, sépulcral, infernal, bestial, arbitral, testimonial, paradoxal. De sorte que ces adjectifs ou se disent de choses qui ne peuvent être considérées que quant à la forme, ou s'appliquent à des choses en tant qu'on en considère la forme.

Cette désinence correspond exactement à la dé-pressions, des façons de parler, comme adverbial, sinence latine alis, et dans les deux langues elle a pour l'ordinaire une base nominale. Regalis, royal; orientalis, oriental; muralis, mural; moralis, moral; lateralis, latéral; municipalis, municipal; sepulcralis, sépulcral; legalis, légal; generalis, général. Les adjectifs, ainsi terminés, expriment que l'idée de leur radical convient à la chose, au nom de laquelle ils se joignent. Oriental, dans pays oriental, marque qu'il y a rapport, relation, convenance, entre l'idée de l'Orient et celle du pays en question. Mais en quoi consiste précisément ce rapport?

Une autre idée, mais toujours extrinsèque, attachée aux adjectifs en al, est celle de fin; c'està-dire que plusieurs se joignent au nom des choses pour exprimer leur destination. Exemples: baptismal, causal, lustral, thermal, triomphal, lacrymal; idée qui domine aussi dans les substantifs analogues, arsenal, bocal, canal, fanal, piédestal.

Beaucoup d'adjectifs de cette désinence signifient un rapport de position dans l'espace, et c'est là sans doute ce qu'elle est primitivement destinée à marquer. Tels sont, local, central, départemental, latéral, longitudinal, marginal, vertical, horizontal, diametral, oriental, septentrional, Ainsi, en résumé, tel est le sens de la termitrilatéral, cardinal, orthogonal, rhomboïdal,naison al: elle indique un rapport, une convediagonal, mural, transversal, terminal. Pour nance entre l'idée du sujet et celle qui est reindiquer les différentes parties du corps par le présentée par le radical de l'adjectif. C'est une lieu qu'elles occupent, l'anatomie les désigne terminaison de qualificatifs extrinsèques et fortoujours à l'aide d'adjectifs en al: occipital, om- mels qui déterminent la chose en faisant conbilical, rénal, spinal, dorsal, temporal, tibial, naître sa position dans l'espace ou dans le temps, vertébral, viscéral, intestinal, labial; os coro- ou bien à quelle autre chose elle convient quant nal, frontal, cubital, etc. Ensuite, l'analogie à sa forme ou à sa fin, c'est-à-dire, en un mot, qui existe entre l'espace et le temps a conduit à une relation éloignée qui ne concerne que le exprimer aussi par la terminaison al une relation dehors et non l'essence, le fond de la chose. de durée. Exemples: annal, décennal, quinquennal, septennal, triennal, vicennal, quadragési-al en comparaison avec leurs synonymes à termimal, diurnal, matinal, immémorial, hivernal, vernal, estival, équinoxial, solstitial. Mais la désinence adjective el, simple variété de la désinence at, se trouve plus particulièrement encore chargée de marquer cette seconde relation, comme on le voit par éternel, menstruel, annuel, perpétuel, accidentel, éventuel, occasionnel, circonstanciel, actuel, continuel, ponctuel. Quelquefois Mais il a un sens plein, absolu, auquel ne peut les adjectifs en al sont également propres à déter-atteindre amical. Celui-ci, en vertu de sa termiminer, en même temps, ce qu'est la chose sousnaison, signifie qui a du rapport, qui convient le rapport de l'espace et sous celui de la durée : tels sont natal (lieu et jour), final, total. - Naturellement les adjectifs en al, d'abord représentatifs du rang et de la disposition dans l'espace

Mais, avant de mettre les adjectifs finissant par

naisons déjà examinées précédemment, il faut les rapprocher de leurs synonymes sans terminaison significative, lesquels peuvent en même temps tre considérés comme leurs bases.

AMI, AMICAL. Ami se prend quelquefois adjectivement dans le sens d'amical: langage ami, visage ami.

avec ce qui est ami. Parler un langage ami, c'est parler en ami; parler un langage amical, c'est parler avec quelque chose d'ami, approchant comme le ferait un ami; sans compter qu'amical

s'arrête plus à l'expression, à la forme. Dieu nous | tout à fait brutes. » Boss. « Le peuple est livré en distribue les biens et les châtiments d'une main naissant à un naturel brut et inculte. » MASS.

amie (Boss., MASS.); regarder quelqu'un d'un air amical (J. J.), parler à quelqu'un d'un ton amical (BEAUM.), avec une liberté amicale (MARM.).

« Les soldats de la garde de Pilate traitèrent Jésus d'une manière également brutale et impie: brutale, sans aucun sentiment d'humanité. » BOURD. << Vauban avait un extérieur rustre et grossier, pour ne pas dire brutal et féroce. » S. S. « La crapule endurcit le cœur, rend ceux qui s'y livrent impudents, grossiers, brutaux, cruels. » J.J. TERMINAISONS AL ET IF.

De même en latin, parilis, pareil, à peu près égal, est un diminutif de par, égal; il signifie un peu plus que similis, semblable. C'est aussi la différence qui existe entre regius, adjectif dont la désinence n'a pas de valeur propre, et regalis : animus regius veut dire le courage ou les sentiments d'un roi; animus regalis, des sentiments de roi ou dignes d'un roi. On distinguera de la CAUSAL, CAUSATIF. Termes de grammaire, même façon gracilus, malade, et gracilis, mala- | applicables aux mots et aux conjonctions qu'on dif. Amicus fidus est un ami sûr; amicus fidelis, emploie pour arriver à rendre raison de ce qui a un ami qui est comme sûr, en raison de ses été dit : car, parce que, sont des conjonctions bonnes qualités, de sa constance, chose d'où dé-causales ou causatives.

pend cette sûreté relative.

Causal, causatif.

Causal, relatif à la cause, ayant rapport à la BRUTE, BRUTAL. Il y a quelque synonymie cause; causatif, qui a la faculté de marquer la entre ces deux mots quand ils s'emploient sub-cause. Il y a dans la première désignation plus stantivement, pour qualifier une personne très- de mollesse et de vague; que d'autres choses peudéfavorablement, et de manière à la ranger plu- vent aussi se rapporter à la cause et de combien tôt parmi les êtres privés de raison que parmi les de manières ! La seconde annonce précisément hommes: c'est une brute; c'est un brutal. un terme de grammaire, un terme technique, et détermine dans quel rapport est la conjonction à l'égard de la cause qu'elle a la vertu d'exprimer. En logique on distingue des propositions causales (MARM.), et non pas causatives: j'existe, puisque

Brute reproduit pleinement le sens primitif du mot; brutal l'affaiblit; le brutal est celui qui participe de la brute, dont un des attributs est une manière d'être de brute.

Mais, en outre, brute, n'ayant pas de terminai-je pense. son significative, est absolu, et brutal est relatif, par la raison contraire : c'est pour soi qu'on est brute, c'est-à-dire sans raison, sans esprit, ou sans modération dans la satisfaction de ses appétits; c'est envers les autres qu'on est brutal, c'est-à-dire grossier, rude et violent; d'autant plus que la terminaison de brutal lui donne un rapport particulier à la forme, aux manières, aux procédés. Pareillement en latin, æquus est opposé à varius, qui change, et signifie égal à soi-même; æqualis est opposé à diversus, qui diffère, et signifie égal à un autre.

« Le jeune Caton, durant son enfance, semblait un imbécile.... S'il ne fût point entré dans l'antichambre de Sylla, peut-être eût-il passé pour une brute jusqu'à l'âge de raison. » J. J. Voltaire dit en parlant de la théologie : « Nous avons été plus loin que les Grecs et les Romains dans plusieurs arts; et nous sommes des brutes en cette partie. • Ce sont des brutaux (les Parisiens), ennemis de la gentillesse et du mérite des autres villes.» MOL. Le même écrivain dit de certains maris que ce sont

De ces brutaux fieffés qui, sans raison ni suite, De leurs femmes en tout contrôlent la conduite. Même différence entre les adjectifs brut et bru. tal: ce qui est brut n'est nullement dégrossi, est tout à fait brutal, mais d'une brutalité absolue, dont les autres n'ont pas à souffrir; ce qui est brutal a quelque chose de brut, des manières d'agir qui sentent la brutalité. « Toutes les habitudes du buffle sont grossières et brutes. » BUFF. « Le monde pensant s'améliore un peu, mais le monde brut sera longtemps un composé d'ours et de singes. VOLT. L'idée de vie immortelle se trouve dans toutes les nations qui ne sont pas

α

TERMINAISONS AL ET EUX.
Matinal, matineux.

MATINAL, MATINEUX. Ils qualifient quelqu'un par rapport à l'heure de son lever.

Mais la qualité est exprimée par matineux avec plénitude; c'est-à-dire comme habituelle; car c'est là le sens que donne au radical commun la terminaison complétive eux.

Je ne vois nulle part ma belle matineuse;
Quel caprice aujourd'hui la rend si paresseuse?
DEST.

L'âne d'un jardinier se plaignait au Destin
De ce qu'on le faisait lever devant l'aurore.
Les coqs, lui disait-il, ont beau chanter matin,
Je suis plus matineux encore. LAF.
De son côté, matinal marque avec le matin un
simple rapport, et un rapport passager, acciden-
tel; en sorte que ce mot se dit de quelqu'un qui
s'est levé matin, à qui il est arrivé un jour de se
lever matin. « Mon réveil fut ce jour-là aussi ma-
tinal que celui de l'aurore. » MARM. « J'étais de-
puis six jours dans cet état violent, lorsqu'une
bonne femme, aussi matinale, mais moins belle
que l'aurore, me fit éveiller pour me dire de la
suivre. » LES.

La langue latine offre des exemples d'oppositions semblables. Exitialis, funeste, qui pourrait bien mener la chose à sa ruine; exitiosus, plein de danger, amenant sûrement la ruine. Nivalis, de neige; nivalis dies, jour où il neige; nivosus, abondant en neige; nivosa Scythia, nivosa hiems. Nemoralis, de forêt; antrum nemorale, antre placé dans une forêt. nemorosus, couvert de forêts, nemorosi montes, montagnes dont des fo

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