Page images
PDF
EPUB

que l'adjectif verbal a pour caractère distinctif un rapport au verbe qui lui sert de base; et de là vient qu'il montre comme appliquée, comme effective et phénoménale la qualité que son synonyme représente comme inhérente à un sujet. Le pistil est l'organe par lequel la fleur reçoit l'intromission fécondante de la poussière féconde appelée pollen (J. J.).

INFÂME, INFAMANT. Avilissant, qui déshonore. « La morale législative examine si on doit infliger des peines infamantes aux actions qui ne sont pas infâmes en elles-mêmes. » D'AL.

Mais infâme se dit des choses qui déshonorent absolument, en elles-mêmes; et infamant des choses qui déshonorent par convention, que les hommes ont établies pour produire le déshonneur. Ce qui est infâme rend infâme de sa nature; les hommes ont attaché l'infamie à ce qui est infamant. Trahison infâme; condamnation infa

mante.

TERMINAISON IF.

Halade, maladif.

tifs, des propriétés, et, en tant que verbaux, des effets qui en émanent. En s'ajoutant à un même radical, elles forment deux adjectifs qui ont à peu près le même sens, puisqu'ils expriment tous deux la propriété de produire le même effet marqué par le radical commun. Tels sont, par exemple, actif et agissant, vif et vivant, nutritif et nourrissant, constitutif et constituant, justificatif et justifiant, consolatif et consolant, attractif et attirant, significatif et signifiant, intellectif et intelligent, cognitif et connaissant, etc. Ces adjectifs synonymes, pris deux à deux, ayant le même radical, expriment la propriété de produire le même effet, mais leurs terminaisons étant différentes, ils doivent la présenter sous des faces différentes. C'est effectivement ce qui a lieu.

La terminaison if vient de vis, propriété; elle est relative à la propriété naturelle d'où provient l'effet la terminaison ant est celle du participe présent; elle est relative à l'effet marqué par le verbe auquel correspondent les deux adjectifs. L'une fait considérer la qualité en elle-même, comme inhérente à la chose, comme faisant parCette désinence vient du latin ivus, dont le tie de sa nature, et c'est pourquoi les adjectifs en sens est le mème: actif, ive, activus; captif, ive, if s'emploient surtout avec les mots, puissance, captivus. Ivus se compose de i qui tient au radi- faculté, propriété; l'autre la fait considérer hors cal, et de vus qui est pour vis, car on dit égale- de la chose, dans sa manifestation, par rapport ment en latin, par exemple, proclivus et proclivis. à l'effet. En d'autres termes encore, les adjectifs Or, vis signifie puissance, propriété d'agir et en if sont à priori, et ceux en ant à posteriori, quelquefois de souffrir, active ou passive; on dit par rapport à l'effet; c'est-à-dire que les uns bien en latin, vis inertiæ, force d'inertie; Cicé-marquent une qualité d'où devra provenir un ron a employé l'expression vis sentiens, propriété sensitive, et en français la terminaison if se trouve à la fin d'adjectifs qui marquent repos, comme oisif. En conséquence, if désigne la propriété de, et ordinairement la propriété plus ou moins intensive de faire quelque chose, propriété non essentiellement et actuellement effective. En un mot, c'est une terminaison potentielle, et le plus souvent facultative active. Quoique presque toujours elle termine des qualificatifs verbaux, et s'ajoute à un supin latin, elle est à base nominale ou adjective dans l'exemple suivant, où elle conserve néanmoins en partie sa valeur. MALADE, MALADIF. Ils qualifient un homme qui ne jouit pas d'une bonne santé.

Malade se dit de celui qui possède actuellement la qualité signifiée par le radical, le mal ou la maladie. Le maladif n'a que des dispositions à cette qualité, il ne la possède qu'en puissance; il a en lui-même un principe actif de maladie qui ne se développe pas, mais peut se développer; il est sujet à être malade, comme dit fort bien l'Aca

démie.

TERMINAISONS IF ET ANT.

Actif, agissant. Vif, vivant. Nutritif, nourrissant. Constitutif, constituant. Justificatif, justifiant. Consolatif, consolant. Attractif, attirant. Significatif, signifiant. Intellectif, intelligent. Cognitif, connaissant. Perceptif, percevant. Etc.

effet, et les autres la même qualité d'où on a vu provenir le même effet. On juge qu'un objet a la qualité marquée par if, parce qu'on sait que cette qualité s'y trouve en puissance de devenir effective; on juge qu'il a celle marquée par ant, parce que cette qualité s'y est déjà montrée effective. La qualité est donc connue par la cause dans un cas, et par l'effet dans l'autre.

C'est pourquoi les adjectifs en ant sont du langage commun et expriment la qualité d'une maniere plus grossière, plus visible, plus commune; tandis que les autres sont plutôt du langage scientifique et expriment la qualité d'une manière plus didactique, plus spéculative, plus abtraite'. La médecine, par exemple, possède quantité d'adjectifs en if: confortatif, dormitif, abstersif, détersif, purgatif, dissolutif, sédatif, etc.

ACTIF, AGISSANT. Ils expriment l'un et l'autre la propriété d'agir, la disposition à l'action.

Mais l'être actif est seulement propre à agir, quoique n'agissant pas encore, ou quoiqu'on ne le considère pas comme agissant actuellement; l'activité est en lui une qualité essentielle, une manière d'être conçue indépendamment de toute manifestation. « Ceux qui mettent dans le corps des vertus actives, ou des actions véritables,

n'en ont aucune idée distincte. » Boss. « Le feu

1. Une autre raison, toute grammaticale, de cette différence de noblesse, consiste en ce que l'adjectif en ant se forme du verbe français ou francisé, au lieu que l'adjectif en if prend toujours pour base le supin latin nourrissant, de nourrir; nutritif, de nutrire, Ces deux désinences terminent des adjectifs nutritum; de même, justifiant et justificatif, signiverbaux, lesquels désignent, en tant qu'adjec-fiant et significatif, desséchant et dessiccatif, etc.

actif, ou plutôt actuellement en exercice sur les matières combustibles, est le seul agent qui puisse altérer la nature de l'air.» BUFF. « Clarke n'ose pas dire qu'il ait été longtemps impossible à l'être éternellement actif de déployer son action. >> VOLT.-L'être agissant, au contraire, n'est pas seulement propre à agir, il agit effectivement, il produit des effets qui indiquent visiblement son activité. Il s'est montré dans les plus grands embarras autant paisible, autant dégagé, qu'agissant et infatigable. » Boss. « Si on compare l'homme et la femme, l'homme est le plus agissant, le plus allant, celui qui voit le plus d'objets. » J. J. « La cause universelle est nécessairement agissante, puisqu'elle agit, puisque l'action est son attribut. » VOLT.

En disant d'un homme qu'il est actif, vous le dépeignez en lui-même comme ayant tel goût, comme ennemi du repos. « On est vif, actif, entreprenant, ennemi du repos. » MASS. « Qu'elles sont difficiles à guérir, ces vapeurs, quand le remède est de s'hébéter, de ne point penser, d'être dans l'inaction! C'est un martyre pour une personne aussi vive et aussi active que vous. » SÉv. -Quand on dit d'un homme qu'il est agissant, on le représente comme menant une vie agissante, on rappelle l'idée des mouvements qu'il se donne. «< Notre maître Simon, le courtier, homme agissant et plein de zèle, dit qu'il a fait rage pour vous. » MOL. « La charité toujours agissante sait trouver des emplois. Boss. « Je ne manque pas d'occupation. Il faut que j'aille chez le traiteur, de là chez l'agent de change; de chez l'agent de change au logis, et puis il faudra que je revienne ici. Cela s'appelle une vie assez agis

sante. » LES.

Actif annonce plutôt une activité intérieure, et agissant une activité qui se produit au dehors et se manifeste par des mouvements ou des résultats apparents. « L'inquiétude est l'impatience d'une humeur active et remuante. » Boss. « Une foi agissante et féconde en bonnes œuvres. » ID.

On dit, dans un sens particulier, d'un remède ou d'un poison, qu'il est très-actif ou très-agissant, c'est-à-dire très-fort, très-énergique; la différence alors est encore la même l'activité de l'un est considérée dans l'objet sans égard à l'effet, comme étant la propriété naturelle, essentielle de l'objet: celle de l'autre est manifestée et s'estime par l'effet.

VIF, VIVANT. Qui a vie, qui n'est pas mort. Ce qui est vif est doué de vie, ce qui est vivant vit. Vif s'applique à une foule de choses dont on peut dire figurément qu'elles ont de la vie, un principe d'activité, de développement, mais non pas qu'elles vivent chair vive, chaux vive, eau vive, foi vive.

En parlant des hommes, vif exprime une qualité, vivant un fait; et c'est pourquoi on a raison de dire, livrer un proscrit mort ou vif, et, de ses fils cinq sont encore vivants. Vif est une épithète qui fait connaître une manière d'être du sujet qu'elle accompagne; vivant est un attribut indiquant que le sujet existe. On est pris vif, brûlé vif, écorché vif, enterré vif; quelqu'un est encore ou n'est plus vivant. « Les brachmanes

font gloire de prévenir leur dernière heure et de » ROLL. Hélas! mon se faire brûler tout vifs. frère serait encore vivant, s'il n'avait jamais eu de quoi contenter ses désirs. » FÉN.

Ensuite, vif dénote la faculté de continuer à vivre, tandis que vivant est restreint au présent. Ce qui est vif n'est pas mort, en ce sens qu'ï: renferme toutes les qualités des êtres destinés à vivre: tel est le bois vif. Ce qui est vivant n'est pas mort, en ce sens qu'il vit encore présentement, que l'événement de la mort ne l'a point encore frappé : Dieu viendra juger les vivants et les morts. On tient à prendre vif un ennemi dans certaines vues ultérieures, afin de le livrer à quelqu'un, afin de pouvoir lui faire subir tel ou tel sort, le mener en triomphe, le mettre à la torture, ou l'échanger contre un prisonnier considérable (Boss.); tous les prisonniers de guerre sont pris vivants (ROLL.) eu égard à ceux de leurs compagnons qui ont péri sur le champ de bataille.

NUTRITIF, NOURRISSANT. Propre à nourrir.

Nutritif est un terme de science, abstrait, et signifie, qui a la vertu de nourrir; nourrissant est un mot du langage commun dont le sens est, qui a pour effet de nourrir.

La qualité de ce qui est nutritif se considère dans la chose qui en est douée, comme lui étant inhérente, comme une puissance, indépendamment de toute manifestation. Buffon suppose qu'il y a dans la nature une matière qui sert à la nutrition et au développement de tout ce qui vit et végète; il l'appelle matière nutritive. « L'aviditė avec laquelle la plupart des animaux recherchent et avalent l'ambre gris semble indiquer que ce bitume contient une grande quantité de matière gélatineuse et nutritive.» BUFF.- La qualité de ce qui est nourrissant est, non pas virtuelle, mais actuelle, effective, déployée et connue par le développement: on juge que tel pain, tel fruit, tel végétal ou légume, tel lait, tel fromage est nourrissant en voyant l'effet qu'il a produit dans ceux qui en ont usé. « Le manoeuvre anglais boit d'une bière aussi nourrissante que dégoûtante, qui l'engraisse.» VOLT.

On pourrait faire voir qu'un aliment nouveau est nutritif et nourrissant: nutritif, en faisant connaître, avant toute expérience, ses propriétés chimiques et médicinales; nourrissant, en montrant ou en citant des personnes qui se trouvent fort bien d'en prendre.

CONSTITUTIF, CONSTITUANT. Qui a la propriété de constituer.

La chose constitutive a la propriété de constituer, car elle est essentielle à la constitution; la chose constituante a la propriété de constituer, car elle constitue. Sans ses parties constitutives, un objet ne pourrait pas être; sans ses parties constituantes, il ne serait pas. Constitutif est pour l'idée; il se dit de l'objet idéal, possible, abstrait: la divisibilité est une propriété constitutive de l'étendue, c'est-à-dire que l'étendue ne serait pas possible ou concevable sans la divisibilité. Constituant est pour le fait; il se dit des objets réels: les parties constituantes dont un corps est composé (VOLT.).

JUSTIFICATIF, JUSTIFIANT. Qui a le pouvoir de justifier.

Justificatif, qui a force de justification, qui sert à justifier, qui est tel qu'il doit justifier: on met à la fin d'un livre les pièces justificatives, pour convaincre, s'il y a lieu, ceux qui par hasard mettraient en doute ce qui est contenu dans ce livre. Justifiant ne s'emploie que dans les deux expressions, grâce ou foi justifiante, c'est-à-dire qui a le pouvoir de justifier, parce qu'elle justifie réellement.

CONSOLATIF, CONSOLANT. Qui a la propriété de consoler.

Des paroles consolatives appellent toute l'attention sur la vertu, sur le charme des paroles qui consolent; des paroles consolantes font penser à l'effet, à la joie qu'elles répandent. Une nouvelle consolative, à priori, abstraction faite d'expériences antérieures, doit consoler; une nouvelle consolante, à en juger par le passé, console, car déjà dans d'autres circonstances on l'a vue produire cet effet.

TERMINAISON EUR.

Patelin, patelineur. Escroc, escroqueur. Emule, émulateur. Chantre, chanteur. Docte, docteur.

La terminaison eur, dans les mots où nous l'examinons ici, vient du latin, or, tor, ator, finales qui peuvent être considérées comme des abréviations de actor, auteur, agent. Les mots qu'elle sert à composer sont proprement des substantifs, représentant des sujets d'action, et revêtus à peu près des mêmes caractères parmi les qualificatifs que parmi les noms abstraits les substantifs en ion, auxquels ils correspondent exactement, comme nous l'avons déjà remarqué ailleurs. Employés ensuite adjectivement, ces sortes de qualificatifs conservent toujours l'idée de l'action marquée par leur verbe radical. Il nous semble indifférent, pour faire ressortir la valeur de cette désinence, de la considérer dans ses applications substantives ou adjectives. C'est pourquoi nous commencerons par placer ici des substantifs qua

ATTRACTIF, ATTIRANT. Qui a la propriété d'at-lificatifs en eur, que nous comparerons avec des

tirer.

Attractif est purement didactique et ne se dit qu'en physique des corps qui ont la propriété naturelle d'en attirer d'autres. Attirant ne se dit qu'au figuré des personnes adroites par calcul, par habitude, plutôt que par nature; d'ailleurs, le mot est toujours relatif à l'effet, et non point à la nature, à l'essence.

SIGNIFICATIF, SIGNIFIANT. Propre à signifier, qui signifie bien.

Une expression significative signifie bien, eu égard à la vertu qui est en elle, c'est-à-dire d'une manière forte, énergique. Une expression signifiante signifie bien, eu égard à l'effet, à la chose signifiée : elle la signifie comme il faut.

INTELLECTIF et INTELLIGENT, COGNITIF et CONNAISSANT, PERCEPTIF et PERCEVANT. On dit faculté intellective, cognitive et perceptive, c'est-à-dire faculté considérée comme vertu du sujet intelligent, connaissant et percevant, comme une force qui lui est naturelle et du nombre de celles qui le constituent, quand on considère cette force uniquement en soi, abstraction faite des résultats. Mais quand on veut distinguer l'âme par les propriétés que certains effets ont forcé de reconnaître en elle, quand on veut la distinguer de la matière, on lui donne le nom de sujet intelligent, connaissant, percevant. Comme intelligent est relatif aux effets, aux résultats, qui sont choses appréciables, on dit qu'un homme est plus ou moins intelligent, mais non plus ou moins intellectif.

substantifs qualificatifs de même radical, mais sans terminaison significative.

Les qualificatifs en eur peuvent être dits verbaux tout comme les qualificatifs en ant, car ils tiennent, ainsi qu'eux, du verbe qu'ils rappellent par leur radical. Ils doivent donc différer à peu près de même des qualificatifs sans terminaison significative, unis à eux par des liens de synonymie. Tandis que ces derniers représentent les choses comme des sujets d'inhérence, c'est-à-dire comme douées ou en possession de certaines qualités, les mots en eur les représentent comme des sujets d'action, c'est-à-dire comme réalisant, comme mettant en exercice cette même qualité. En d'autres termes, les qualificatifs sans terminaison qualifient le sujet par rapport à ce qu'il est, à sa nature; les qualificatifs en eur le qualifient par rapport à ce qu'il fait, à ce qu'il a l'habitude de faire, ils le montrent à l'œuvre.

PATELIN, PATELINEUR. Ils se disent également pour caractériser un homme souple et artificieux qui gagne les autres en les trompant, qui les fait consentir à ce qu'il veut.

Mais le patelin est l'homme souple et artificieux qui fait venir les autres à ses fins, et le patelineur est celui qui, par des manières souples et artificieuses, travaille à faire venir les autres à ses fins. « Patelin, ajoute Roubaud, marque la qualité, le défaut, le vice; patelineur marque l'action de faire le patelin, l'habitude du patelinage. On est patelin par caractère, et par un caractère souple et artificieux; on est patelineur On distinguera de même les synonymes inter-par le fait et par les manières propres du patelin.» rogatif et interrogant, répressif et réprimant, négatif et niant (une proposition copulative niante, P. R.), instructif et instruisant (toute religion qui ne rend pas raison de ce que Dieu est caché, n'est pas instruisante (PASc.), corrosif et corrodant, dessiccatif et desséchant, excitatif et excitant, dissolutif et dissolvant, désobstructif et désobstruant, corroboratif et corroborant, confortatif et confortant, agglutinatif et aggluti

nant.

ESCROC, ESCROQUEUR. Fripon, voleur qui emploie, au lieu de la force, la fourbe et l'artifice. La distinction est absolument la même.

Escroc et escroqueur présentent la qualité, l'un comme appartenant au sujet, l'autre comme étant exercée par lui. Le sujet apparaît, dans le premier, comme il est; et dans le second, comme il agit. L'escroc est fin et artificieux; en cela il se distingue du brigand: l'escroqueur se conduit avec finesse et artifice; il n'agit pas comme le

brigand. Escroc sert à former le verbe escroquer, loin de lui devoir son origine, comme escroqueur, et ce dernier rappelle si bien l'action de son verbe radical, qu'il est tout relatif et ne s'emploie guère qu'avec un complément : escroqueur de livres.

ÉMULE, ÉMULATEUR. Ces deux mots correspondent parfaitement aux mots latins, æmulus et æmulator, d'où ils sont tirés. Ils qualifient une personne par rapport à une autre, dont le mérite, le rang ou la gloire sont pour la première un objet d'envie et excitent son activité et ses efforts.

Mais le chantre se considère comme ayant telle qualité, comme occupant telle place; le chanteur, comme faisant telle action, comme exerçant tel métier.

On ne dit chantre que pour le chant d'église, parce que ceux qui chantent dans l'église sont chargés par état de le faire. « Les cloches réveillent les chantres et les enfants de choeur. » LAER. « Celui qui vous rendra cette lettre est le chantre de mon église.» Boss. « Sous Néhémias, les chantres sacrés, et tous les autres ministres, qui avaient été contraints d'abandonner le service, faute d'avoir reçu leur juste salaire, furent rappelés. » ID. « Les anges rebelles avaient été des chantres divins, qui par une mélodie éternelle devaient célébrer les louanges de Dieu.» VOLT.

Mais, comme le patelin et l'escroc ont positivement, absolument, sans restriction, la qualité exprimée par leur radical, au lieu que le patelineur et l'escroqueur ne l'ont que relativement, On dit chanteur de tous ceux qui font l'action c'est-à-dire en raison d'actions plus ou moins de clranter, même par habitude ou par métier, nombreuses, et plus ou moins marquées du ca- mais qui ne peuvent être regardés comme ayant ractère du patelinage et de l'escroquerie, de une qualité ou une fonction qui les oblige à chanmême l'émule est absolument ce que l'émulateur ter: tels sont les chanteurs des rues (ACAD., J. J.); est relativement, ou plutôt, l'un est ce que l'au- tels sont aussi, dans certaines réunions d'amis, tre cherche à être ou est en train de devenir. En ceux d'entre eux qui ont coutume de chanter. Si employant le mot d'émule, vous qualifiez quel-on appelle chanteurs, et non pas chantres, ceux qu'un par rapport à ce qu'il est; en employant qui chantent à l'Opéra, c'est qu'ils exercent un celui d'émulateur, vous le qualifiez par rapport | état temporaire, car ils sont à gages, et qu'on à ce qu'il fait, et ce qu'il fait le montre bien en arrière de l'émule dans la voie suivie par tous les deux. L'émule est un concurrent; l'émulateur, un imitateur. L'un a des émules, l'autre des modèles.

« On est émule de ses pairs, dit Roubaud; on est émulateur de quelque personnage distingué. Votre émule marche en concurrence avec vous; votre émulateur marche sur vos traces. Votre émulateur voudrait acquérir un mérite égal, ou même supérieur au vôtre; votre émule a un mérite pareil au vôtre, et tâche d'acquérir un mérite supérieur.» Colbert était l'émule de Louvois (S. S.); Euripide était celui de Sophocle (BARTH.). « Dans son Télémaque, Fénelon, heureux ému lateur des anciens, s'est rapproché en même temps de la richesse d'Homère et de la sagesse de Virgile.» LAH. « Jacques II d'Angleterre a été un prince catholique et dévot, le plus édifiant émulateur des héros monastiques. » D'AL.

considère en eux plutôt la manière dont ils chantent, que leur qualité, leur état, leur rang. « Lulli a dû proportionner les accents de ses chanteurs et de ses chanteuses à leurs récits et à leurs vers.» Boss. « La musique en France demande des acteurs; en Italie il ne faut que des chanteurs. » VOLT. « Cette hardiesse (dramatique) aurait un grand succès, si on avait à l'Opéra des acteurs comme on a des chanteurs. » ID.

Les chantres d'une paroisse sont plus ou moins nombreux, reçoivent des appointements plus ou moins forts, sont en fonction depuis tant d'années; parmi les chanteurs de l'Opéra on distingue des hautes-contre, des ténors et des basses-tailles: on dit même en parlant d'un acteur d'Opéra, c'est un chanteur, c'est-à-dire un acteur qui chante bien, tant le mot chanteur est relatif à l'action et à la manière de chanter. C'est, au contraire, parce qu'il est dépourvu de cette nuance, que le mot chantre se prend, dans un sens large et vague, pour désigner figurément et poétiquement un poëte le chantre de la Thrace, Orphée : le chantre d'Ilion, Homère.

Une autre différence, particulière à ces deux mots, consiste en ce qu'émule se dit dans tout genre de travail et de concurrence, tandis qu'émulateur ne se dit que dans le grand ou dans un En parlant des oiseaux, chantre indique ce ordre de choses distingué; soit qu'en latin la qu'ils sont: le coq est le chantre du jour (VOLT.); terminaison ator fût plus noble que la terminai-le rossignol le chantre des forêts (BUFF.); chanson us, soit parce qu'en français émulateur res-teur exprime ce qu'ils font et la manière dont ils semble plus au latin æmulator, qu'émule au latin le font: « On donne au chardonneret le second æmulus, dont il ne reproduit en aucune sorte la rang parmi les oiseaux chanteurs. » BUFF. désinence. Des écoliers, des ouvriers, des hommes de lettres, ont des émules: « Si j'étais maître à danser, je ferais de mon élève l'émule d'un chevreuil. J. J. Thésée fut l'émulateur d'Hercule, Lycurgue celui de Minos; Charles XII l'a été d'Alexandre. De même en latin, suivant Gardin Dumesnil, administer signifie un serviteur subalterne, et administrator un serviteur d'un rang élevé.

CHANTRE, CHANTEUR. Ils qualifient celui qui chante.

DOCTE, DOCTEUR. Qui a de la science et de l'habileté.

Le docte est savant et habile intrinsèquement, en soi; le docteur fait profession de science et d'habileté. Le premier est instruit, le second est instruit et applique son instruction. Docteur se dit d'un savant qui, promu dans une faculté au grade le plus élevé, a acquis le droit d'exercer une profession savante ou d'enseigner sa science: par extension, il signifie un homme docte, mais qui donne, et en tant qu'il donne des preuves de

sa science ou de son savoir-faire. Ou plutôt, le | disent surtout des personnes; docteur n'est pas nécessairement docte; la profession et la livrée du savoir n'en supposent pas toujours la réalité, comme l'observe très-bien Labruyère. « Des médecins qui connaissent la nature, de vrais doctes quoique docteurs. » VOLT. « Si je dis que quelque docteur n'est pas docte, je sépare docte de quelque docteur. » P. R.

TERMINAISONS EUR ET ANT.

Conciliateur, conciliant. Séducteur, séduisant. Consolateur, consolant. Contradicteur, contredisant. Moteur, mouvant. Dominateur, domi

nant. Fabricateur, fabricant. Argumentateur, argumentant. Auditeurs, écoutants; spectateurs, regardants.

En s'ajoutant à un même radical verbal, ces désinences font naître deux qualificatifs verbaux presque entièrement semblables pour le sens. Tels sont, conciliateur et conciliant, séducteur et séduisant, consolateur et consolant, dans les expressions synonymiques, esprit conciliateur et conciliant, discours ou ton séducteur et séduisant, espoir consolateur et espoir consolant. On peut y joindre contradicteur et contredisant, moteur et mouvant, dominateur et dominant, fabricateur et fabricant, argumentateur et argumentant, et enfin, quoique ces derniers semblent ne pas différer seulement par la terminaison, auditeurs et écoutants, spectateurs et regardants.

Les qualificatifs en eur n'ont de rapport qu'avec le verbe. Les qualificatifs en ant tirant leur origine du participe présent, ont deux faces, savoir, outre la face verbale, une face adjective. De là la différence des uns aux autres. Les premiers ne marquent point un état, la possession passive d'une capacité ou d'une qualité naturelle, mais la mise en exercice d'une faculté, l'action, et cela dans des circonstances particulières déterminées; les seconds expriment un état habituel, une disposition durable, la présence constante d'une capacité ou d'une qualité dans un sujet'.

La désinence eur est une terminaison de substantifs, et, ceux-ci, comme on sait, signifient les sujets qui agissent, qui font Faction, qui jouent un rôle dans des cas d'ordinaire indiqués; la désinence ant est une véritable terminaison d'adjectifs, et les adjectifs désignent les propriétés qui appartiennent, qui sont inhérentes naturellement et toujours aux sujets. En effet, conciliateur, séducteur, etc., sont primitivement, et aujourd'hui encore dans la plupart des cas. employés substantivement; conciliant, séduisant, etc., sont de vrais adjectifs, et, s'il en est quelques-uns de terminés ainsi, qui se prennent substantivement, c'est par exception : les uns se

1. Cicéron trouve la même différence entre amator et amans, qu'entre ebrius et ebriosus, qui signifient, celui-là ivre, et celui-ci ivrogne.

,

2. Triomphateur est purement substantif, et triomphant purement adjectif : il n'y a entre l'un et l'autre aucune synonymie, parce qu'ils ne peuvent se prendre ni triomphateur dans le sens adjectif, comme conciliateur, séducteur, dominateur, ni triomphant dans le sens substantif, comme argumentant, fabricant, écoutant.

les autres, presque

toujours, se disent seulement des choses. Entrons dans les détails, et partout nous trouverons, dans les mots terminés en eur un déploiement actuel d'une activité propre au sujet, mais un déploiement passager et dans des circonstances déterminées; et, au contraire, dans ceux en ant un état constant, une disposition innée, reçue, potentielle plutôt qu'actuelle, ou du moins qui est marquée d'un caractère d'activité plus faible, et sans indication des temps, des lieux où elle se manifeste.

CONCILIATEUR, CONCILIANT.

il y détermine, il prend l'initiative, il fait les dé L'esprit conciliateur pousse à la conciliation, marches, il est acteur, fait effort, se donne du mouvement et se met volontairement à l'œuvre; l'esprit conciliant est un esprit continuellement disposé à la conciliation, un esprit de tranquillité, de douceur, accommodant, qui écoute vo lontiers les propositions de paix, naturellement porté à ne point résister aux démarches faites près de lui à l'effet d'amener un accord. En conséquence on dit une éloquence persuasive et conciliatrice (MARM.), et une humeur douce et conciliante (ID.); nommer des commissaires conciliateurs pour accommoder un différend, et être doué d'un caractère doux et d'un esprit conciliant (ID.).

Mais, au lieu que, la conciliation une fois opérée, l'esprit n'est plus conciliateur, à moins de nouvelles querelles à terminer, l'esprit conciliant reste toujours tel. Un esprit fort peu conciliant peut avoir été conciliateur dans une certaine circonstance. D'un autre côté, il se peut qu'un esprit conciliant n'ait jamais été esprit conciliateur, soit faute d'énergie, soit faute d'occasion 3.

SÉDUCTEUR, SÉDUISANT.

Ce qui est séducteur, l'est par adresse, par artifice, et ce mot entraîne l'idée d'un effort pour séduire. Ce qui est séduisant, l'est sans art, naturellement, sans qu'on veuille qu'il le soit, sans qu'on agisse pour le rendre tel. Les attraits d'une femme ne sont séducteurs qu'autant qu'elle s'est appliquée à les rendre tels; ils sont séduisants, sans qu'elle le veuille, quelquefois même sans qu'elle le sache.

Un livre peut contenir quelque chose de séducteur, que l'auteur y a,mis afin de séduire : les éditeurs ont donné à ce livre un titre séducteur (VOLT.), les attraits séducteurs de la poésie (J. J.); et il peut s'y trouver quelque chose de séduisant des défauts, par exemple, que l'auteur aura laissé échapper: « Fontenelle est dangereux pour les jeunes auteurs par les défauts séduisants de son style. » D'AL. Le sophisme est un argument séducteur, étant fait et employé pour tromper; le paralogisme est un argument séduisant, car de

α

3. L'esprit de conciliation est constant ou habituel, comme l'esprit conciliant, mais porté à un plus haut degré, et, en outre, il est actif, comme l'esprit coneiliateur, il réunit les deux qualités. « M. de Vauréal présida vingt-six ans aux états de Bretagne, où il fit usage plus d'une fois de son talent pour la parole, et de son esprit de conciliation. » D'AL.

« PreviousContinue »