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ou peu noble, ce mot se trouve naturellement in- | bâti des murs, et cela seulement dans les endroits Les murs forment diquer quelque chose de plus imparfait sous le qui étaient ouverts. >> ROLL. rapport des ornements et des proportions. C'est une enceinte : tel édifice est dans les murs ou hors de toutes manières un terme commun: pilier de des murs d'une ville, les murs d'une ville sont cabaret, de café, de cuisine, etc. baignés par telle ou telle rivière. Les murailles d'une ville en sont les fortifications. « Les Sarrasins pillent la riche église de Saint-Pierre hors des murs.... Le pape Léon IV avait employé les richesses de l'Eglise à réparer les murailles, , à élever des tours. » VOLT.

TERMINAISON AILLE.

Mur, muraille.

Si, d'un autre côté, sans chercher à déterminer la valeur de la terminaison de muraille, on ob serve simplement qu'elle est significative, celle de mur ne l'étant pas, il en résulte une autre différence, qui consiste en ce que le mot de muraille se prend dans un sens relatif, et qui a été mise dans tout son jour par Condillac.

Désinence collective, comme le témoignent les mots bataille, ensemble de gens qui se battent, et partant grande batterie; futaille, quantité de fûts réunis; volaille, ensemble de volatiles, d'oiseaux, qu'on nourrit d'ordinaire dans une bassecour. A cette idée s'en joint généralement une autre, celle du peu de valeur des choses assemblées ou considérées collectivement et du mépris « Dans les cas suivants, dit-il, muraille doit être qu'on a pour elles exemples, pierraille, fer- préféré. Il n'a laissé que les quatre murailles. La raille, tripaille, valetaille, gueusaille, mar-muraille de la Chine. Enfermer quelqu'un entre maille. Il y a de même des verbes et des qualificatifs dépréciatifs, les uns en ailler, les autres en ailleur tels sont, chamailler, brailler, criailler, encanailler, ferrailler; brailleur, criailleur, fer

railleur.

MUR, MURAILLE. Constructions en pierres, en moellons, en briques, élevées sur des fonde

ments.

La muraille est un ensemble ou une suite de murs, ou le mur étendu dans ses différentes dimensions; c'est une sorte d'édifice. Mur est le latin murus; muraille équivaut à muri. On dit les murs d'un jardin, et les murailles d'une ville. « Les murailles de Babylone étaient d'une grandeur prodigieuse.... Ces murailles étaient entourées d'un vaste fossé... On avait laissé une grande distance entre les maisons et les murs de la ville.» ROLL. « L'escalade consiste à appliquer contre le mur un grand nombre d'échelles pour y faire monter plusieurs files de soldats. Pour la rendre inutile, on y opposa la hauteur des murailles.» ID.

Comme toutes les choses représentées par des substantifs à radicaux purs, le mur ne reçoit que des qualifications intrinsèques : relativement à sa matière, il est de pierre, de terre, de briques, d'airain (au figuré); relativement à sa construction, il est de face, en décharge, en allée, en ailes, double, triple, etc.; relativement à sa destination, c'est un mur de clôture, de refend, de séparation, mitoyen. La muraille se qualifie extrinsèquement et toujours sous le point de vue de sa grandeur et de sa force, indiquées par sa terminaison. «Il y avait autour de Syringe double retranchement, et au delà une forte muraille. La ville de Jérusalem était renfermée par un triple

mur. ROLL.

Le mur n'a d'autre destination que celle que marque le radical (peipsobat, partager, ou potpay, arrêter); il sépare, il arrête, il ferme. L'idée propre de muraille dépend de celle qui lui vient de sa terminaison : c'est de couvrir, de défendre, de fortifier, ou de servir de rempart, de boulevart. « Sparte avait été longtemps sans murailles, et n'avait point voulu avoir d'autre fortification que le courage de ses citoyens. Ce n'était que depuis que les tyrans y dominaient qu'on y avait

quatre murailles. Si on disait le mur de la Chine, il semblerait qu'on voudrait parler d'un mur qui enferme la Chine, comme on parlerait du mur d'une ville, et on ne saurait pas ce que cela voudrait dire. Mais quand on dit, la muraille de la Chine, aussitôt on se représente ce mur fameux qui sépare la Chine de la Tartarie. Quand on dit renfermer quelqu'un entre quatre murailles, on ne se représente pas seulement quatre murs, mais on se représente encore quelqu'un qui a été privé de sa liberté. De même, il n'a laissé que les quatre murailles, est un tour relatif aux meubles et signifie qu'il n'en est point resté. Ce mot a donc différents accessoires suivant les cas. » C'est de la muraille (ROLL.), et non du mur, que Balthazar, au milieu d'un repas, vit sortir une main qui écrivait des caractères qu'aucun de ses devins ne put ni expliquer ni lire.

TERMINAISONS AILLEUR ET EUR.

Rimailleur, rimeur.

RIMAILLEUR, RIMEUR. Termes de mépris qui se disent en parlant d'un mauvais poëte.

Le rimeur fait métier ou profession de rimer: le rimailleur fait un tas de mauvaises rimes. Rimeur qualifie un poëte qui ne s'occupe que de la rime, partie la moins, importante de son art; rimailleur qualifie celui qui n'a pas même le talent de rimer, qui rime beaucoup et mal. Rimailleur enchèrit donc sur rimeur; celui-ci désigne un simple versificateur, celui-là un plat versificateur.

Le rimeur n'est pas un bon poëte. On dit : nos jeunes rimeurs (LAH.), la foule ou la multitude des rimeurs (ID.). Voltaire appelle J. B. Rousseau un rimeur, et le poëte Roy un obscur rimeur. Il dit de lui-même : «< Je suis un vieux radoteur, moitié rimeur, moitié penseur. » Le peuple rimeur est, dans Lafontaine, une périphrase pour les poetes. - Le rimailleur est un misérable poëte: on dira donc le dernier, le plus mince des rimailleurs (LAH.): Pradon, ce rimailleur (ID.); de vils, de misérables rimailleurs (D'AL.). « Avez-vous la tragédie de Mirame, de Richelieu? C'était un détestable rimailleur que ce grand homme. » VOLT.

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FINASSERIE, FINESSE. Tour d'esprit ou d'adresse qui consiste à trouver des expédients.

Par sa dernière partie, la terminaison composée asserie est diminutivé et familière; par la première, elle est pejorative, c'est-à-dire qu'elle signifie quelque chose de mauvais, comme le prouvent les mots arocasser. paperasse, putasserie, révasser, hommasse. Finasserie est donc, suivant la définition de Condillac, un terme familier qui exprime une finesse petite, mauvaise, et tout au plus propre à tirer les affaires en lon

gueur.

TERMINAISONS ASSIER et AILLEUR.

Écrivassier, écrivailleur.

ÉCRIVASSIER, ÉCRIVAILLEUR. Terines familiers servant à désigner un mauvais écrivain. L'écrivassier et l'écrivailleur écrivent beaucoup et mal. Mais l'écrirassier traite des sujets vulgaires et bas, et, de plus, on considère davantage en lui la manie ou la démangeaison d'écrire; ce double caractère résulte de la fin de sa terminaison ier, laquelle est en même temps commune et significative d'un défaut relatif à de petites choses.

Du reste, écrirassier est d'un usage très-rare. Il ne se rencontre point dans nos auteurs antérieurement au XIXe siècle. On en trouve un exemple dans les Mélanges de morale, d'économie et de politique de Franklin : « Un des derniers des écritassiers qui ont noirci contre nous leur plume.... » — Mais écrivailleur, quoiqu'il ne figure pas plus qu'écrivassier dans le Dictionnaire de l'Academie avant 1835, appartient néanmoins à notre langue depuis fort longtemps. « Jean Bodin est accompaigné de beaucoup plus de jugement que la tourbe des escrivailleurs de son siècle. » MONTAIGN. Quelques polissons d'écrivailleurs français. VOLT. La maison de Fréron était le rendez-vous de tous les écrivailleurs. » LAH.

e

TERMINAISON ANT.

Cours, courant. Reste, restant. Excès, excédant.

Il n'y a de noms de cette désinence que des participes présents pris substantivement, et les synonymes que quelques-uns d'entre eux se trouvent avoir manquent tous de terminaison signi

SYN. FRANÇ.

ficative. Quelle peut donc être la différence qui distingue des substantifs, originairement participes présents, d'avec des substantifs à radicaux purs?

Les substantifs à radicaux purs sont absolus et abstraits; ils représentent les actions ou les choses en elles-mêmes, indépendamment de tout rapport, de toute modification reçue. Mais, en passant par le verbe pour donner ensuite naissance à un substantif de même désinence que le participe présent, un radical prend des caractères tout à fait opposés : il devient relatif et concret, il exprime l'action ou la chose comme étant telle ou telle, comme ayant lieu dans telle circonstance particulière. Parmi tous les substantifs à base verbale, cette observation s'applique surtout à ceux qui tirent leur origine du participe présent, puisque le participe présent désigne quelqu'un ou quelque chose comme étant présentement en action, dans un cas tout particulier.

COURS, COURANT. Ils se disent des eaux qui coulent par opposition aux eaux stagnantes.

Courant rappelle l'action du verbe courir, au propre, et il est concret; il signifie les eaux en altérer dans le courant, et non dans le cours. mouvement: l'agneau de Lafontaine va se désCours est bien plus abstrait : d'ordinaire il se rapporte à l'espace parcouru et à la direction, sans donner l'idée d'aucun mouvement: le cours d'un fleuve s'étend de sa source à son embouchure; il est droit ou sinueux; on le suit comme on suit une route. Le courant, c'est l'eau courante, l'eau même en mouvement: aussi, comme on dit, dans ce sens, un courant d'eau pour désigner un ruisseau, on dit un courant d'air, un courant électrique.

Remonter le cours d'un fleuve, c'est retourner vers sa source; en remonter le courant, c'est faire la même chose, mais cette dernière expression représente la résistance qu'on éprouve de la part de l'eau courante. « Figurez-vous un homme qui, remontant une rivière, en combat le courant par de continuels efforts de rames et de bras. » Boss. Si on dit d'un fleuve que le cours en est rapide, impétueux, c'est d'une manière tout abstraite; on a égard seulement à sa vitesse, et on ne songe pas aux effets que produit ce fleuve en courant, à la difficulté de le remonter et au risque d'être entraîné par lui.

L'idée propre du courant est si bien celle du mouvement exprimé par le verbe courir, que, suivant Condillac : « Le cours d'un fleuve se dit de la direction de toute la masse d'eau, et le courant de la direction de la partie la plus rapide. » Les obstacles établis sur les rivières augmentent la vitesse du courant entre les piles et causent peu de retardement à la vitesse totale du cours de l'eau (BUFF.).

« Ces mots, ajoute Condillac, conservent cette différence au figuré. Suivre le cours des affaires, être entraîné par le courant des affaires : un Lon politique suit le cours des affaires, et ne se laisse jamais entraîner au courant. On peut suivre le cours des plaisirs, mais il ne faut pas se laisser entraîner au courant.» « Un ministre n'a

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le temps d'écouter ni instructions ni conseils, le tement conforme, du reste, au sens de la termicourant des affaires l'emporte. » VOLT. naison simple, té.

RESTE, RESTANT. Ce qui reste d'un tout. Restant ne se dit absolument que de choses matérielles, que de ce qui reste d'une quantité ou d'une somme concrète; reste s'emploie au moral et dans le sens abstrait, comme au propre. Le propriétaire d'une maison en loue deux étages, et garde pour lui le restant; mais en arithmétique, on soustrait un nombre d'un autre, afin d'obtenir un reste et non pas un restant.

EXCÈS, EXCÉDANT. Ce qui va au delà de la

mesure.

MALICE, MALIGNITĖ. Dispositions à nuire, à faire du mal, non pas ouvertement, mais d'une manière cachée; ce qui suppose dans ceux qui les ont de l'esprit et de la faiblesse.

La malice n'est qu'un trait ou un défaut qui n'est qu'à la superficie; elle se considère moins dans le caractère que dans la conduite. La malignité, au contraire, se prend subjectivement pour une qualité inhérente à l'âme, concentrée, profonde. La malice tient presque uniquement à l'esprit; il y a en elle de la facilité, de la finesse et de la ruse, une sorte d'enjouement, quelque chose de badin, de capricieux et de léger. La malignité est inhérente aux personnes ou aux choses qui ont pour propriété, pour effet naturel, de nuire. Ce qui frappe en elle, ce n'est plus l'esprit et l'adresse employés dans la manifestation, dans le moyen, c'est la puissance nuisible et son effet: et ce n'est plus par caprice et par accès qu'elle agit, mais avec réflexion et suite.

La différence est la même, mais plus sensible encore, entre ces deux mots qu'entre les deux précédents. L'un n'est d'usage qu'en parlant de choses abstraites, et l'autre qu'en parlant de choses concrètes. En arithmétique, on dit excès, comme on dit reste; il en est de même au moral, quand on veut exprimer ce qui excède les bornes de la raison, de la justice, de la bienséance. Mais, s'agit-il de quantités concrètes, on ne peut se servir que du mot excédant. « Il doit être permis de vendre à ses voisins l'excédant de son blé.» VOLT. Henri IV avait pour principe qu'on n'a droit d'exiger des cultivateurs que l'excédant de leurs besoins (MARM.). « Lorsque les nations ont une monnaie, et qu'elles procèdent par vente et par achat, celles qui prennent plus de marchandises se soldent, ou payent l'excédant avec de l'ar-lomnie, à la dissimulation et à l'intrigue. gent.» MONTESQ.

TERMINAISON ICE.

Cette désinence correspond à celle des Latins en itia et itium : justice, justitia; avarice, avaritia; vice, vitium. Les noms qu'elle termine ap-¦ partiennent la plupart à la classe des substantifs abstraits. Parmi ceux qui, comme les précédents, expriment des qualités de l'âme, il en est qui sont également propres à exprimer les traits ou les faits qui en émanent; l'homme injuste fait des injustices; le malicieux fait des malices; le capricieux a des caprices.

TERMINAISONS ICE ET GNITÉ.

Malice, malignité.

Un homme sans malice est simple, innocent. bonhomme; un homme sans malignité est bénin. droit, bienveillant. Les femmes et les enfants n'ayant pas la force, y suppléent par la malice; la malignité se trouve souvent dans l'âme des envieux ou des malveillants qui, n'osant ou ne pouvant attaquer de front, ont recours à la ca

Les paysans sont ordinairement fins et malicieux (LES.); la malice naturelle aux hommes est le principe de la comédie (VOLT.); une plaisanterie est bonne s'il y a de la malice (MARM.); il n'est permis aux femmes de se montrer malicieuses qu'avec l'air d'un badinage innocent et léger (ID.); on dit une malice innocente (VERT.). Mais on dit le poison ou le venin de la malignité (BOURD.), une malignité noire (Mass.), profonde (Boss.), envieuse (P. R.).

Sur un nouveau venu le courtisan perfide
Avec malignité jette un regard avide,
Pénètre ses défauts, et dès le premier jour,
Sans pitié le condamne, et même sans retour.
Craignez de ces messieurs la malice profonde.
VOLT.

Boileau dit de lui-même en s'adressant à ses

vers:

TERMINAISON FICE.

Déposez hardiment qu'au fond cet homme horrible, Gnité est une désinence composée, presque Ce censeur qu'ils ont peint si noir et si terrible, particulière à deux mots d'origine latine, beni-Fut un esprit doux, simple, ami de l'équité, Qui, cherchant dans ses vers la seule vérité, gnité et malignité, et ce n'est qu'en analysant Fit, sans être malin, ses plus grandes malices. ceux-ci qu'on peut parvenir à déterminer sa valeur. De l'aveu de tous les étymologistes, bénignité, benignitas, vient de bene genitus, bien né, né pour faire le bien, avec un caractère de bonté ; malignité, malignitas, de male genitus', mal né, né pour le mal, avec un caractère enclin à la méchanceté. D'où il résulte que les deux mots terminés ainsi expriment des qualités abstraites, naturelles, et considérées plutôt comme inhérentes au sujet que comme se manifestant par des tours ou des traits particuliers; caractère parfai

4. C'est ainsi que abiegnus, de sapin, est l'abréviation d'abie genitus, comme en grec veovos, récemment né, vient de éos, nouveau, et de yeyovás, né.

Art, artifice.

Fice, latin ficium, vient de facere, faire, et marque l'effet de l'action, une chose faite; par exemple, dans les mots, ædificium, édifice; orificium, orifice, ouverture; sacrificium, sacrifice; beneficium, bénéfice; opificium, travail. Comparé avec un substantif à terminaison insignifiante, un substantif de cette désinence doit présenter relativement et dans un cas particulier ce que son synonyme présente en général et d'une ma| nière absolue.

ART, ARTIFICE. Ces deux mots donnent l'idée des procédés et moyens employés pour opérer ou exécuter avec plus ou moins d'habileté certaines choses; dans un sens plus particulier, ils signifient ruse. Considérons-les d'abord suivant la première acception.

a

à l'église. » GIR. « Quand vous serez à la porte, faites-le connaître par quelque signal, et l'on vous introduira dans la maison. Eh bien ! lui disje, il faut convenir du signe que je donnerai: je sais contrefaire le chat à ravir; je miaulerai. » LES. Buffon dit des oiseaux qu'il appelle oiseaux du tropique: « Leur apparition est regardée comme

ailleurs, au sujet des pluviers, quand ils sont à terre « Plusieurs font sentinelle, et au moindre danger ils jettent un cri aigu, qui est le signal de la fuite. »

D

L'art consiste dans la connaissance des moyens et dans la méthode dont l'artifice présente l'ap-un signe de la proximité de quelque terre. » Et plication. « L'artifice, dit judicieusement Condillac, est l'art qui se montre dans une machine. >> Ainsi, l'art a plus de généralité, c'est le talent; il touche à la théorie et se résout en préceptes; l'artifice (ars facta), c'est l'art fait, employé dans un cas particulier, et le mot exprime les soins, l'industrie, la dextérité de l'exécuteur. Vous direz d'une montre, venant d'un horloger qui travaille avec art, qu'elle est faite avec un merveil-perfectionné, ou que leurs signaux sont devenus leux artifice. Nous ne pouvons nier qu'il n'y ait de l'art dans la nature (Boss.). « Tout est ménagé dans le corps humain avec un artifice merveilleux. » ID.

Pris dans le sens de ruse, le mot d'art conserve son même caractère de généralité, et celui d'artifice demeure toujours particulier et propre à exprimer un tour, un trait, une action artificieuse. « L'art du courtisan ne consiste pas moins dans l'art de voiler ses artifices que dans celui de savoir bien s'en servir. LEROY. « Les hommes ont besoin d'art pour se faire écouter des femmes. » J. J.

Mais des bras d'une mère il fallait l'arracher.
Quel funeste artifice il me fallut chercher!

(Agamemnon parlant d'Iphigénie.) RAC.
Mais d'où vient que ton cœur,
En partageant mes feux, différait mon bonheur?...
Serait-ce un artifice? épargne-toi ce soin;
L'art n'est pas fait pour toi, tu n'en as pas besoin. VOLT.
Enfin, et dans les deux acceptions, la termi-
naison fice venant de facere, faire, imprime au mot
artifice l'idée de plus d'invention et d'industrie
de la part de l'agent qui y met plus du sien; et
c'est pourquoi artifice se prend plus ordinaire-

ment dans le sens de ruse.

Les sages quelquefois, ainsi que l'écrevisse,
Marchent à reculons, tournent le dos au port.
C'est l'art des matelots: c'est aussi l'artifice
De ceux qui, pour couvrir quelque puissant effort,
Envisagent un point directement contraire,
Et font vers ce lieu-là courir leur adversaire. LAF.

TERMINAISON AL.

Signe, signal.

Cependant, avec leur manière toute conventionnelle de s'exprimer, les sourds-muets passent pour parler par signes: c'est que leur langage n'est au fond que le langage naturel des gestes

constants comme les signes naturels. Dieu choisit l'arc-en-ciel, afin qu'il fût aux hommes un agréable signal pour leur ôter toute crainte. Depuis ce temps l'arc-en-ciel a été un signe de la clémence de Dieu.» Boss.

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Ille est une terminaison diminutive, de même que celle des Latins, illus, illa, illum, qui lui a donné naissance. C'est en effet le sens qu'elle a évidemment dans les mots, faucille, flottille, croustille, mantille, comme c'est celui de la désinence iller dans les verbes, frétiller, sémiller, sautiller, fourmiller. En latin, lapillus, de lapis, pierre, veut dire petite pierre; turturilla, de turtur, tourterelle, petite tourterelle; tigillum, de tignum, solive, petite solive, soliveau.

CHARMOIE, CHARMILLE. Ces deux termes ont la propriété commune de désigner une plantation ou une certaine quantité de charmes assemblés dans un même terrain.

La charmoie est un lieu planté de charmes, comme l'ormoie est un lieu planté d'ormes. La charmille est d'abord un petit charme, comme

SIGNE, SIGNAL. Ce à l'aide de quoi on connaît l'ormille un petit orme, mais, par suite, une quelque chose.

Al est une terminaison adjective dont le sens est, qui a la qualité exprimée par le radical, qui se rapporte à une chose, qui tient de cette chose, qui lui est semblable. Le signe est généralement tel par nature; il fait connaître ce qui est, a été u sera. Le signal tient du signe, a la qualité du =igne; il est tel par convention ou arbitrairement, et sert à faire connaître ce qu'on veut indiquer comme devant avoir lieu, à avertir. « Les mouvenents qui paraissent dans le visage sont ordiairement les signes de ce qui se passe dans le ur; le coup de cloche est le signal qui appelle

réunion de petits charmes sur un même terrain, un plant de jeunes charmes. La charmoie forme un bois, ou bien une pépinière de charmes destinés à rester arbustes, ou à devenir arbres; la charmille se compose toujours de petits charmes, d'arbustes, et forme une haie, une palissade, une allée.

TERMINAISON ER.

Roc, rocher, roche.

ROC., ROCHER, ROCHE. Masse de pierre dure et fixée dans le sol.

Il ne nous paraît pas possible de déterminer la | Port-Mahon est partout un roc uni; elle est imvaleur générale de la désinence masculine er pénétrable au canon (VOLT.). Le rocher ne peut dans les substantifs, bûcher, plancher, rocher, être ébranlé: ferme comme un rocher. On dit dur et autres semblables. Mais un autre moyen se comme le roc, tailler dans le roc; on dit le somprésente pour distinguer rocher de ses synony-met, la cime, la tête d'un rocher, se précipiter mes, et ces deux derniers entre eux.

Le roc et le rocher, par cela seul que leurs noms sont masculins, doivent avoir des caractères spéciaux qui les déterminent relativement à la

roche.

En effet, d'une part, roc étant le radical pur, exprime particulièrement la nature de la chose, c'est-à-dire ici la dureté de la pierre et la fermeté avec laquelle elle tient au sol. a Roc désigne proprement, dit Roubaud, la nature de la pierre, la qualité de la matière dont il est formé cette pierre est très-dure; il est difficile de tailler dans le roc vif.» « Le mot roc, dit Condillac, marque plus la dureté et la stabilité de la pierre.» Sous ce rapport, roc est bien plus déterminé que roche; car la roche, suivant le dernier auteur, est moins dure et s'en va par écailles on taille des roches pour en faire du pavé. — D'autre part, rocher, dans l'usage, signifie incontestablement une roche très-élevée, très-haute, très escarpée, scabreuse, roide, hérissée de pointes et terminée "en pointes, soit que ce sens résulte de son genre seul, soit qu'il lui vienne de sa terminaison, comme le prétend Roubaud, sans le démontrer. La roche est quelquefois plate et toujours moins escarpée on monte sur une roche, on grimpe sur un rocher; dans un port, il y a des roches, et non des rochers sous l'eau.

Ainsi, le roc et le rocher se définissent par la roche l'un est la roche très-dure et fortement enracinée, l'autre une roche très-élevée. Non pas que la roche répugne à ces accessoires, mais elle ne les comporte pas spécialement, nécessairement, ni au même degré. En minéralogie, où l'on traite de toutes les espèces de roches sans avoir égard ni à la dureté ni à l'élévation, on se sert exclusivement du mot roche, à cause de son indétermination même. C'est encore parce qu'il ne marque ni une grande dureté, ni une grande élévation, que ce mot se dit bien des blocs et des fragments détachés dont on se sert pour paver ou pour bâtir. Polyphème détache de la montagne une roche qu'il jette jusqu'au-devant du vaisseau d'Ulysse (FÉN.); les héros d'Homère lancent aussi des roches des rocs, ils n'auraient pu les arracher; des rochers, ils sont énormes. Le genre de roche est si peu indifférent que c'est aussi à cause de cette circonstance que les roches sont regardées comme des sources, des réservoirs, des mines, des laboratoires dans lesquels la nature forme différentes sortes de productions utiles et curieuses eau de roche, cristal de roche, etc.; dans le creux d'une roche (VOLT.); Moïse tira de l'eau d'une roche (Boss.).

Quant à la différence précise du roc au rocher, elle n'est ni obscure ni douteuse. On dit bâtir sur le roc, par opposition à bâtir sur le sable. Ce qui est bâti sur le roc ou sur un roc a des fondements solides; ce qui est bâti sur un rocher se trouve haut placé et plus ou moins inaccessible. Le roc ne peut être entamé: la citadelle de

du haut d'un rocher: La grotte de Calypso était taillée dans le roc; là on n'entendait jamais que le chant des oiseaux, ou le bruit d'un ruisseau qui se précipitait du haut d'un rocher (FÉN.). L'idée d'élévation au-dessus du sol fait que rocher se prend souvent pour un écueil contre lequel on se brise, pour un rempart, une défense, un asile; on s'y retire, on s'y retranche. « C'est faire des saints autant de dieux, parce que c'est en faire des remparts et des rochers où on a une retraite assurée, et que l'Écriture donne ces noms à Dieu. » Boss. « Je vous aimerai, mon Seigneur, ma force, ma retraite, mon refuge, mon appui, et en un mot, selon l'original, mon rocher. » ID.

2° ADJECTIFS.

TERMINAISON ANT.

Fécond, fécondant. Infâme, infamant. Tous les adjectifs de cette désinence ont pour base un verbe. Ce sont, à vrai dire, des participes présents devenus adjectifs et proprement appelés adjectifs verbaux. Pour les distinguer des autres adjectifs avec lesquels ils peuvent avoir des rapports de synonymie, il est besoin et il sufat de se rappeler leur double nature; comme participes, ils tiennent de l'adjectif et du verbe. Ea tant qu'ils tiennent de l'adjectif, ils marquent une qualité inhérente à un sujet, une propriété d'où émane un certain effet; en tant qu'ils tiennent du verbe, ils représentent cette propriété, non pas comme virtuelle ou potentielle, comme une disposition plus ou moins éloignée, mais comme actuelle, comme effective. Or, c'est tantôt à leur nature verbale, et tantôt à leur nature adjective, que le synonymiste doit avoir principalement égard, suivant que les mots avec lesquel on pourrait les confondre sont de purs adjectifs ou que l'idée de l'action exprimée par le verb radical est en eux prédominante. En mettant l'ad jectif verbal en comparaison avec un adjectif terminaison indifférente, les exemples suivant feront comprendre combien le premier adjectif à cause de son rapport avec le verbe, differe & second.

FÉCOND, FÉCONDANT. L'Académie définit fë cond, pris dans une de ses acceptions particu lières, par fécondant, qui fertilise; et fécondan par, qui féconde. Pour exemples elle donne pluies, chaleurs fécondes et fécondantes. La st nonymie des deux mots n'est donc pas doi teuse; leur différence ne l'est pas davantage.

Ce qui est fécond a ou possède la propriété féconder; ce qui est fécondant l'a et la développ Ce qui est fécond a de la fécondité; ce qui est condant opère la fécondation. Des pluies et d chaleurs fécondes sont considérées dans leur o ture; des pluies et des chaleurs fécondantes sont dans leur action. C'est-à-dire, en deux mo

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