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nières de parler qui prouvent que la destinée a un cours, et qu'elle résulte d'une somme d'évé

nements. »

D'autre part, la volée, en conséquence de la terminaison du mot, est ce qui est contenu dans un vol, ce qu'un oiseau peut parcourir d'espace Second caractère, saisi avec non moins de sa- en volant une seule fois : les hirondelles, dit-on, gacité par le même synonymiste. « Destin emporte traversent la Méditerranée tout d'une volée. une idée de fatalité, de nécessité, de prédestina- Enfin, vol est énonciatif et exprime ou attribue tion absolue, de force invincible; destinée rap-quelque chose d'ordinaire ; volée est descriptif, et pelle idée d'une vocation, d'une destination on s'en sert quand on veut signaler quelque partiparticulière, d'une sorte de prédestination par la- cularité remarquable: un oiseau a le vol vif, fort, quelle nous sommes appelés à un tel genre de vie lent ou rapide; mais il fait craquer son bec ou proou de sort. » L'emploi de destin est bien quelque- duit beaucoup de bruit avec ses ailes en prenant sa fois relatif, mais non pas au même degré; on volée (BUFF.). dira difficilement le destin d'un seul homme, mais plutôt, le destin des grands hommes, le destin des empires, le destin des combats.

Un troisième caractère, également signalé par Roubaud, et dont le premier dérive, c'est que destin exprime plutôt la cause, et destinée l'effet: le destin est ce qui destine ou prédestine, et destinée la chose ou la suite des choses qui est destinée ou prédestinée. Le destin veut, et ce qu'il veut est notre destinée. Nous accusons le destin, et nous subissons notre destinée. Le destin est contraire ou propice, la destinée heureuse ou malheureuse. Le sage se soumet au destin, et remplit sa destinée. On dit également, mon destin, et ma destinée; mais la première expression signifie le génie ou le sort qui me persécute ou me favorise; et, la seconde, la série réglée. préordonnée de ce qui doit m'arriver, ou bien, l'une, le tissu total et synthétique des événe ments de ma vie, l'autre, ces mêmes événements détaillés, considérés dans leurs éléments et dans leur durée. « Le pêcheur marcha en remerciant son destin, et Zadig courut en accusant toujours le sien. » VOLT.

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La volée est encore un vol singulier, en ce que, le plus souvent, c'est un vol pour s'échapper; aussi, donner la volée à un oiseau, c'est lui donner la liberté (BUFF.), et, au figuré, prendre sa volée, c'est de bonne heure s'affranchir de tutelle ou de surveillance. S'envoler, c'est prendre sa volée, et non pas son vol, comme les dictionnaires le disent à tort. Lorsque la perdrix, qui a fait la blessée pour attirer le chasseur et sauver ses petits, voit ceux-ci hors de danger, Elle lui dit adieu, prend sa volée, et rit De l'homme qui, confus, des yeux en vain la suit. LAF. « Le moindre mouvement inquiète le faisan; l'ombre d'une branche agitée suffit pour lui faire prendre sa volée. » BUFF. Buffon parle d'une alouette prise avec ses petits, et qui leur était tellement attachée, « qu'elle ne songea jamais à prendre sa volée, comme elle l'aurait pu cent fois. » - Un oiseau prend son vol toutes les fois qu'il se met à voler.

TOUR, TOURNÉE. On va faire un tour, un tour de jardin, un tour de promenade, ou une tournée.

« Le mot tour, dit Roubaud, n'exprime que le chemin, le circuit qu'on fait pour revenir au lieu d'où l'on est parti; et le mot tournée fait allusion à des particularités du voyage ou de la course, à une suite de lieux qu'on a parcourus, à différentes opérations qu'on a faites dans ce tour. » Cela est si vrai que le tour se fait par désœuvrement, dans les moments de loisir; au lieu que la tournée signifie le plus souvent la course d'un fonctionnaire public ou d'un commis voyageur, ayant pour but de remplir certaines missions. D'ailleurs, on dit bien pendant une tournée, non pendant un tour: « J'ai perdu dans mes fréquentes tournées les trois quarts de mes paperasses. » VOLT. « Le roi de Prusse alla voir l'armée de l'empereur : tandis qu'il faisait cette tournée.... » ID.

J'ai vécu, j'ai rempli ma triste destinée. ID. RENOM, RENOMMÉE. Très-grande réputation. | On dit d'une manière abstraite et absolue un homme de renom ou sans renom, c'est-à-dire dont on parle ou dont on ne parle pas beaucoup. On dit d'une manière concrète et relative, la renommée d'un homme, attaquer la renommée d'un homme (Boss.), c'est-à-dire ce qu'on en publie de bon ou de glorieux. Une sultane de renom (LAF) est une personne d'un grand nom; on trouve que la beauté d'une chose passe sa renom-et mée (VOLT.), c'est-à-dire ce qu'en rapporte la voix publique. On augmente le renom, on ajoute à la renommée: l'un se considère comme quelque chose d'idéal et d'indivisible, l'autre comme un tout composé de parties. « Quelques-uns, pour étendre leur renommée, entassent sur leurs personnes des pairies, des colliers d'ordre, la pourpre, etc. » LABR.

Un grand renom l'est par le bruit, par l'éclat : aussi dit-on bien un vain renom (BEAUM.): une grande renommée l'est par le nombre et la nature des choses qui en font le sujet.

VOL, VOLÉE. Mouvement ou allure des oiseaux au moyen de leurs ailes.

Vol est absolu, et volée relatif : un oiseau a le rol bas ou élevé, et non la volée basse ou élevée. Un oiseau a le vol tel ou tel, et il prend sa volée : le rol est la chose commune à tous les oiseaux; la volée est essentiellement relative à une espèce.

RIS, RISÉE. Action de rire.

Risée, comme veillée, marque un tout, un ensemble: c'est le ris de plusieurs personnes; et ce mot se qualifie par rapport à ses éléments, une grande risée, une risée universelle; au lieu que ris se qualifie par rapport à sa nature, un ris agréable, dédaigneux, forcé, amer.

Ensuite, ris se prend d'une manière abstraite et absolue pour l'action de rire, et n'en détermine en aucune sorte le sujet et le contenu: c'est, au contraire, ce que fait risée, qui signifie un ris par moquerie, ou une moquerie, ou même quelquefois la personne dont on rit, tant ce dernier mot est concret, tant il est propre à marquer ce qui compose le ris. sa matière. Troubler les sacrés

mystères par des ris immodestes et par des éclats | l'orage. » Ce qui distingne le nuage, c'est l'effet

(BOURD.). Dieu en son jugement se rira des pécheurs, il leur insultera par des reproches mêlés de dérision et de raillerie il les immolera à la risée de tout l'univers (Boss.).

TERMINAISONS ÉE ET ION.

Destinée, destination.

DESTINÉE, DESTINATION. Ils signifient tous deux le sort d'une personne, sa condition arrêtée, fixée, déterminée.

Destinée est passif et marque proprement dans toute son étendue, dans toute sa durée, ce qui est ordonné, réglé; destination est actif, il marque l'action de destiner et le résultat de cette action toujours passagère. La destinée d'un homme s'étend à toute sa vie, et ce mot est même quelquefois synonyme d'existence, comme, par exemple, dans l'expression, finir sa destinée. La destination d'un homme, c'est l'emploi qui en est fait pour un usage unique et bien determine. Chacun a sa destinée, c'est-à-dire son sort; chacun peut recevoir en sa vie une foule de destinations, c'est-à-dire de missions ou d'emplois.

Destinée est passif : la destinée est la somme des événements par lesquels il doit passer pour son bonheur ou son malheur; et remplir sa destinée, c'est épuiser la série des biens et des maux qu'on devait éprouver. Destination est actif; en sorte que la destination d'un homme est sa fin, ce qu'il doit faire, sa vocation, et remplir sa destination, c'est accomplir sa tâ che: Dieu a donné à chaque être les moyens de remplir sa destination. « La doctrine de l'impiété borne la destinée de l'homme à un petit nombre de jours rapides, inquiets, douloureux, et ne lui donne ni fin, ni destination, ni espérance. » MASS.

TERMINAISONS EE ET AGE.

Nuée, nuage. Feuillée, feuillage. Lignée, lignage.

Ces deux terminaisons se ressemblent en ce que toutes deux désignent le résultat d'une action, et par suite un ensemble ou un asssemblage, comme dans les mots nuée et nuage, feuillée et feuillage, ou bien ce qui résulte, ce qui provient d'un homme, d'un chef de famille, comme dans lignée et lignage.

Mais la terminaison ée marque proprement ce qui est contenu dans les choses, les éléments qui les constituent, ce qui les remplit; age exprime simplement l'ensemble. L'une se rapporte plutôt à la quantité, l'autre à la qualité ou à l'effet qui résulte de l'assemblage ou du tout.

NUÉE, NUAGE. Amas de vapeurs élevées dans l'air.

Ce qui distingue la nuée, c'est son contenu, c'est qu'elle est grosse de pluie : « L'idée de nuée, dit Beauzée, fait penser à la quantité et à l'orage; ce mot désigne mieux une grande quantité de vapeurs étendues dans l'air et promettant de

qui résulte de la réunion même des vapeurs dans l'air, c'est-à-dire l'opacité et l'obscurité. Une nuée de poussière ou de flèches indique une grande quantité de poussière ou de flèches; un nuage de poussière ou de flèches obscurcit l'air. Voy., pour les exemples: Nue, nuage, et Nue, nuée.

FEUILLÉE, FEUILLAGE. Amas de branches d'arbres avec leurs feuilles.

Feuillée est relatif à la quantité des feuilles, et il la suppose assez grande pour pouvoir donner une ombre épaisse : on danse sous la feuillée; les chasseurs se cachent dans ou sous la feuillée : « Le chasseur cabané sous une feuillée épaisse, attend les bécasses à la chute. » BUFF.

Le feuillage n'emporte point cette idée, et l'effet qu'il produit, au lieu de résulter du nombre ou de la multitude des feuilles, résulte de leur ensemble ou de leur arrangement: on orne une porte de feuillage, on fait des arcs de triomphe de feuillage.

A tout prendre, d'ailleurs, feuillée, avec sa terminaison de participe passé, exprime plutôt quelque chose de factice, un assemblage fait de main d'homme; c'est pour cela qu'on appelle de ce nom (BUFF., S. S.) une cabane formée de branchages coupés et entrelacés, où vont se poster les chasseurs. Feuillée signifie même un lit de feuilles. « Le plus agréable de tous les spectacles pour les soldats romains, c'est un général mangeant avec eux du pain bis, couché sur des feuillées. » ROLL. Feuillage, au contraire, veut dire le plus souvent une reunion naturelle de feuilles avec les branches qui en sont garnies.

Il fait chaud, mais un feuillage sombre Loin du bruit nous fournira quelque ombre, Où nous ferons parmi les violettes Mépris de l'ambre et de ses cassolettes. MALB. Ami, reposons-nous sur ce siége sauvage, Sous ce dais qu'ont formé la mousse et le feuillage, La nature nous l'offre; etc. VOLT. LIGNÉE, LIGNAGE. Descendance, suite de personnes qui viennent d'une même souche.

Lignée est un terme concret qui exprime les membres plus ou moins nombreux de la famille. Avoir lignée (REGN.); avoir une nombreuse lignée (ACAD.); ce prince est mort sans laisser de lignée (ID.) Ephraïm fut presque aussi abondant que dix lignées entières qui composaient tout un royaume. » PASC. « Toute la lignée des Guise fut audacieuse et téméraire. » VOLT.

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TERMINAISON ERIE.

Fourbe, fourberie. Rêve, réverie. Brouille, brouil- | lerie. Chicane, chicanerie. Pointille, pointillerie. Tracas, tracasserie. Lésine, lésinerie. Caquet, Caqueterie. Vol, volerie. Tapis, tapisserie. Hôtel, hôtellerie.

les noms en erie, au contraire, la présentent comme un trait ou un tour, une action particulière, un cas spécial, ou ils l'expriment d'une manière affaiblie et approximative. De sorte que sous ce rapport les noms en erie peuvent être considérés comme la menue monnaie de leurs synonymes sans terminaisons significatives. Et s'il était besoin de prouver que les uns sont relaLa terminaison erie est toute française, et tifs et les autres absolus, il suffirait de remarquer quand elle s'ajoute à une base verbale, ce qui que les uns s'emploient plus volontiers avec l'ararrive presque toujours, elle marque l'action de ticle indéfini, un, une, et que les autres s'emfaire ce qui est signifié par le verbe, ou le résul- ploient également bien avec l'article défini le, la: tat de cette action. Elle est d'un emploi continuel une volerie, une lésinerie, une chicanerie; le vol, dans les arts où elle désigne le métier, la profes- | la lésine, la chicane. - Ensuite, les noms à tersion peu noble, peu importante, les opérations minaison indifférente sont abstraits et passifs, et mécaniques de certains petits artisans, dont le leurs synonymes en erie concrets, représentatifs nom se termine d'ordinaire en ier ou en er, et actifs; ceux-ci rappellent un agent et son opébien leurs ouvrages, ou bien le lieu où ils tra- ration. vaillent. C'est ce qu'elle désigne dans les mots. bijouterie, horlogerie, bonneterie, chaudronnerie, coutellerie, draperie, joaillerie, menuiserie, papeterie, serrurerie, vannerie, vitrerie, auxquels correspondent les noms de bijoutier, d'horloger, etc. Dans le sens moral, dans celui où principalement les noms de cette désinence trouvent des synonymes, erie exprime un exercice répété, un défaut dont on a l'habitude, dont on fait profession, comme la baxarderie, la bigoterie, la fanfaronnerie; en un mot, cette désinence est fréquentative.

ou

FOURBE, FOURBERIE. Action de tromper ou disposition à tromper d'une manière subtile ou basse et odieuse.

La fourberie est moins importante, elle a des conséquences moins graves. Mais ce qui la distingue par-dessus tout, c'est qu'elle est particulière et relative; elle est particulière, c'est-àdire qu'elle exprime un tour, un trait, une action particulière du fourbe; elle est relative, c'est-à-dire qu'elle ne concentre pas en elle toute l'intensité, toute la force du vice, et c'est pourquoi l'Académie la définit avec raison, une tromperie qui

gade et de marécage par rapport à leurs radicaux bourg et marais; ils expriment l'idée commune d'une manière approximative, comparative et indéterminée, au lieu que cette idée se trouve compacte, concentrée et nette dans les radicaux Ordinairement la fourbe est le caractère dominant et invariable du fourbe consommé; et les fourberies sont ses tours, ses manières de tromper.

Ensuite, les choses, actions ou habitudes, si-tient de la fourbe. Il en est de même de bourgnifiées par les noms en erie, ont un caractère évident de petitesse et ne sont représentées que d'une manière affaiblie, si bien que cette terminaison est diminutive ou atténuative, en même temps que fréquentative. Une pierrerie est une pierre, ou plutôt une espèce de pierre très-petite: nous disons, une espèce de pierre, parce que la pierrerie n'est pas proprement une pierre, elle tient seulement de la pierre, elle ressemble à la pierre. Ce double caractère convient tellement à la désinence erie, qu'elle termine beaucoup de radicaux déjà par eux-mêmes fréquentatifs et diminutifs à la fois. Exemples: cachoterie, chucho terie, picoterie, verroterie, marqueterie, criaillerie, piaillerie, tiraillerie, pointillerie.

Quand les deux mots signifient la disposition à tromper, la fourbe marque le produit essentiel du caractère, et la fourberie l'état habituel de celui qui en fait métier, c'est-à-dire un défaut qui est moins concentré, moins odieux, qui consiste plus dans les actes, et qui tient seulement de la fourbe. La fourbe est noire et détestable. Mathan a été nourri dans la fourbe et dans la trahison (RAC.).

Celui

Des malheurs qui sont sortis
De la boite de Pandore,

qu'à meilleur titre tout l'univers abhorre,
C'est la fourbe à mon avis.

LAF.

La fourberie est ingénieuse et malicieuse : c'est, suivant Labruyère, la réunion du mensonge et de la finesse ou de la malice: c'est, par exemple, l'industrie coupable de certains valets fripons qui savent attraper de l'argent à leurs maîtres.

Enfin, les substantifs terminés de cette façon sont généralement familiers, leurs synonymes ne l'étant pas; ou ils le sont, tout au moins plus que ces derniers volerie, chicanerie, pillerie, badinerie présentent ce caractère, dont leurs synonymes tol, chicane, pillage, badinage, ne sont pas revêtus. « La terminaison erie, dit Roubaud, est souvent renvoyée au style familier, pour désigner quelque chose de commun, de petit, de léger, de futile, de frivole, de ridicule. » Comparés à des synonymes à terminaisons indifferentes, les substantifs en erie doivent marquer quelque chose de plus petit, de plus faible, de moins important et de plus familier. - Mais. Quand les deux mots se disent d'une action paren outre, ils doivent en différer à peu près comme ticulière, fourbe s'emploie plutôt en matière grave. tous les substantifs dans lesquels la terminaison « Le mage Smerdis régna quelque temps sous le modifie le sens. Les noms sans terminaisons signi nom de Smerdis, frère de Cambyse: mais sa ficatives sont dépositaires de l'idée prise absolu- fourbe fut bientôt découverte. » Boss. Ensuite la ment, ils la représentent tout entière, sans par-fourbe est profonde, impénétrable, et quelquefois ticularisation, sans indétermination, directement: atroce. « Néron donne ordre d'empoisonner Bri

Qui peut en fourberie être aussi fort que toi ? dit Lisette à Crispin dans le Légataire.

titude de rêves qui se succèdent, on dit qu'il tombe en rêveries. Ce mot se prend donc pour une multitude de réves, ou pour l'état où l'on est, quand on en fait beaucoup. >>

tannicus; mais avec quel sang-froid odieux et quelle fourbe réfléchie !» LAH. « La réunion de la fourbe la plus profonde et de la scélératesse la plus noire forme le caractère d'Atrée. » ID. Mais la fourberie est plus légère et plus innocente; Enfin, quoique réverie soit plus propre à marfourberie est un terme comique plutôt que tragi- quer un défaut et la faute qu'il fait commettre, que. On dit une petite fourberie (REGN.). « Cris-rêve signifie aussi quelquefois une chimère. Mais pin rival de son maître, pièce de Regnard, n'est alors le rêve est plus considérable, plus suivi, qu'une fourberie de valet déguisé, qui veut es- moins indéterminé, moins l'œuvre de la pure croquer une dot. » LAH. Dans le caractère des fantaisie: le rêve du bonheur; le rêve de l'imRomains on remarquait « un éloignement déclaré mortalité; le rêve de Charles-Quint était la modes petites ruses, des déguisements, des fourbe-narchie universelle. De sorte qu'ici encore la ries. » ROLL. « Les plus grandes affaires de l'Etat, rêverie n'est qu'une espèce de rêve, un petit rève, à Rome, ne se décidaient qu'en conséquence des un rêve affaibli, incomplet, vague, de peu d'imauspices et des augures, où il entrait mille frau-portance; sans compter que dans ce sens rêverie des et mille fourberies. » ID. Sans doute les four-ne s'emploie guère qu'au pluriel, pour signifier beries de Scapin, ne sont pas seulement, comme sans précision une foule d'idées étranges ou exil les appelle, des gentillesses d'esprit et des ga-travagantes: les rêveries des astrologues; livre lanteries ingénieuses; mais enfin elles ne sont plein de rêveries; débiter des rêveries pour des pas aussi criminelles que les fourbes. vérités.

Ajoutez que la fourbe se considère en elle-même, et la fourberie par rapport à l'agent, et à sa manière d'agir. « Il n'y a jamais eu d'homme que l'on pût accuser de fourberie avec moins de raison que Moïse. » MAL.

Outre cela, le rêve se considère en lui-même, et la rêverie par rapport à l'esprit qui la conçoit.

BROUILLE, BROUILLERIE. L'idée commune à ces deux mots est celle de désaccord, de mésintelligence, de dissension.

La brouille marque la chose d'une manière absolue, comme étant; la brouillerie la marque d'une manière relative, comme survenant; l'une exprime plutôt l'état, l'autre l'événement qui l'amène : il y a de la brouille dans un ménage, et il s'élève une brouillerie entre deux personnes.

La brouillerie a ensuite moins de durée et des motifs d'une moins grande importance; elle suppose qu'on s'est brouillé pour un rien, que la haine est très-peu forte, et qu'on se raccommodera facilement. << Sophie est mal à son aise: c'est sa première brouillerie; et une brouillerie d'une heure est une si grande affaire!» J. J. « On a admiré dans le Dépit amoureux la scène de la brouillerie et du raccommodement d'Eraste et de Lucile. » VOLT.

RÊVE, REVERIE. Action ou état de celui qui rêve, qui abandonne son imagination à elle-même. La rêverie est une espèce de rêve, tient du rêve, mais n'est pas tout à fait rêve. Le rêve a lieu pendant la nuit, et dans le rêve on renonce absolument à la direction de ses pensées: la rêverie se passe pendant la veille, et dans la rêverie nous exerçons encore sur notre esprit quelque influence; ce n'est qu'un rêve relatif, incomplet, passager. « Rêverie, suivant Condillac, se dit de ces pensées sans ordre auxquelles l'esprit se livre quelquefois par amusement, par délassement, ou parce qu'il est occupé de quelque passion qui l'inquiète.» « On rêve également, dit Rivarol, et quand on dort et pendant la veille; ce dernier état est celui d'un homme qui, selon l'expression vulgaire, bat la campagne. Ces deux époques de la vie, l'une de rêve pendant le sommeil, et l'autre d'aberration dans la veille ont cela de semblable, qu'il y a interruption totale de commerce avec La chicanerie est une misérable petite chicane; les objets extérieurs : mais à la moindre sensa-elle porte sur des choses moins importantes, sur tion, on revient d'abord à soi. Notre langue indique la relation de ces deux états, par le rapport et la différence de rêve à rêverie. »

CHICANE, CHICANERIE. Mauvaises difficultés soulevées dans une affaire, dans une querelle, dans un procès.

des minuties, sur des mots. La chicane a encore
quelque fondement : « Que dit-on pour autoriser
la supposition du Pentateuque? Rien de suivi,
rien de positif, rien d'important; des chicanes
sur des nombres, sur des lieux ou sur des noms.>
Boss. La chicanerie n'en a aucun,
elle se prend

De plus, le rêve est passif, et la rêverie active: on a un rêve, on raconte son rêve; et on se livre à ses rêveries. « L'un, dit Laveaux, a rapport à l'objet, l'autre à l'esprit qui s'en occupe; l'un à des vétilles. « M. de Cambrai est toujours prêt frappe l'esprit sans qu'il le veuille, l'autre occupe à pointiller sur des mots qui ne disent rien. Où l'esprit de son consentement. » L'un est le fait est la bonne foi parmi les hommes, si de telles d'un homme qui rêve; l'autre est le fait d'un ré-chicaneries (la vérité m'arrache ce mot) sont veur, d'un homme qui a la mauvaise habitude des préjugés, et encore des préjugés décisifs? » de ne pas gouverner sa pensée pendant la veille, Boss. Pascal appelle une pure chicanerie la disde se repaître de ses imaginations. L'idée de dé-pute de la Sorbonne sur le pouvoir prochain. faut s'attache plutôt à la rêverie, parce qu'elle Quant à la difficulté proposée par les ministres dépend de nous en partie, parce qu'on se com- (protestants), ce ne peut être qu'une chicanerie plaît dans ses illusions, et parce que la terminai-frivole. » P. R.-La chicanerie est d'un chicanier; son fréquentative du mot désigne une habitude. la chicane d'un chicaneur. Ce caractère de fréquence et de multiplicité a été bien saisi par Condillac: «Quand le moment. dit-il, arrive, qu'un malade est livré à une mul

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La chicane, d'ailleurs, désigne plutôt en euxmêmes le goût et l'art, tandis qu'on appelle chicaneries les manifestations particulières de ce

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goût et de cet art, ses tours, ses ruses. «La chi- | il est de peu de conséquence et sans circonstancanerie, dit Condillac, est une action, un pro- ces odieuses, est une volerie (Boss., SÉv.). cédé, qui est l'effet du goût pour la chicane. » La chicane emploie des chicaneries, et ce dernier mot a rapport à la manière dont agit celui qui chicane. Des reproches de passion, d'aveuglement, de chicanerie dans les matières contestées.»

P. R.

D'ailleurs, volerie emporte une idée de fréquence, et s'emploie le plus souvent au pluriel et familièrement pour représenter une suite ou une répétition de petits vols. « Les Arabes du désert furent presque toujours des voleurs républicains.... Je ne veux point discuter avec vous les prépuces de Sichem et les voleries des Arabes. >> VOLT.

POINTILLE et POINTILLERIE diffèrent de même. La pointillerie est une mauvaise petite pointille. Du reste, pointille est français, quoique l'AcaTAPIS, TAPISSERIE. Tenture, tissu de laine ou démie ait cessé de l'admettre depuis 1762. « On de soie qui sert à couvrir l'intérieur des appartene peut fonder d'objections sur de telles pointilments. les. » DESC. << Les calvinistes reviennent toujours à des pointilles du raisonnement humain. » Boss. « M. de Cambrai met la perfection et la pratique de la piété dans des pointilles. » ID.

D

Tapis est le mot primitif, il signifie la chose en elle-même; tapisserie est un mot dérivé, il signifie quelque chose qui ressemble au tapis, qui tient du tapis. Ce n'est pas qu'il manque à la tapisserie quelque chose pour être tapis, elle a pour cela plus qu'il ne faut. La tapisserie est une espèce de tapis, qui rappelle spécialement l'action de l'ou

Pourquoi n'emploierait-on pas aussi vétillerie concurremment avec vétille, à l'exemple de Rollin? Agesilas savait qu'il y a une exactitude et une sévérité qui, pour être poussée trop loin,vrier, le travail de l'art, la fabrication et les quadégénère en petitesse et en rétillerie, et qui, par trop d'affectation de vertu, devient un vice réel et dangereux. »

TRACAS, TRACASSERIE. Ces deux mots ont pour idée commune celle de contrariétés et d'embarras éprouvés ou causés.

Tracas exprime la chose en elle-même, d'une manière passive et sans rapport à un agent la tracasserie est un tracas produit volontairement et avec dessein de nuire. On fait une tracasserie, et non un tracas à quelqu'un. Tracas ne se trouve guère qu'avec l'article défini, le: le tracas des affaires, du ménage, du commerce, du monde.

LÉSINE, LÉSINERIE. Basse avarice.

L'un est le vice, l'autre l'action vicieuse : la lésine, une lésinerie: une lésinerie est une action inspirée par la lésine.

Toutefois lésinerie se dit aussi, comme lésine, en parlant du caractère la lésinerie. Mais alors ce mot exprime moins le vice que l'habitude vicieuse; il fait moins considérer le défaut par rap port à l'âme que par rapport à la conduite, à l'exercice, à la pratique, qui en résultent.

Réciproquement on dit aussi d'une manière relative, une lésine, comme une lésinerie; mais une lésinerie est plus petite, plus mesquine; elle porte sur des misères, c'est une économie de bouts de chandelles, elle est moins honteuse, elle tourne au comique.

CAQUET, CAQUETERIE. Ces deux mots ont en commun l'idée qu'exprime le verbe caqueter.

Mais, « la caqueterie, suivant Condillac, se dit plus particulièrement de l'action d'un caqueteur, et le caquet de la multitude de ses propos inutiles. » C'est-à-dire que l'un est relatif, actif, concret; l'autre absolu, passif, abstrait. Mais, alors que caqueterie se prend objectivement et au pluriel, pour une pluralité ou une suite de caquets, ce mot a rapport au bruit, à la manifestation; il ne cesse pas d'être concret et représentatif. VOL, VOLERIE. Action de s'emparer injustement de ce qui appartient à autrui.

Volerie est un diminutif de vol. Une tricherie, c'est-à-dire un vol commis au jeu, surtout quand

lités de la main-d'œuvre, et qui sert spécialement à la décoration, ainsi que la balustrade, par exemple. De là vient que le tapis, simplement utile par lui-même, est destiné à couvrir les tables, le carreau ou le parquet d'une chambre, tandis que la tapisserie, généralement travaillée avec plus d'art, pare en même temps qu'elle couvre les murailles seulement. « Les lits étaient couverts de tapis et garnis de coussins pour les convives. » ROLL. « Pyrrhus ordonna de tenir un éléphant derrière une tapisserie pour le faire paraître quand il l'ordonnerait. » ID.

C'est parce que tapis, à la différence de tapisserie, n'a aucun rapport au travail, à la façon, à l'industrie, que de ces deux mots il est le seul qui soit applicable à des objets naturels : tapis de gazon, de mousse, etc. « Voyez ces riches tapis dont la terre commence à se couvrir dans le printemps. » Boss.

HOTEL, HÔTELLERIE. Maison où l'on reçoit les voyageurs et les étrangers.

Hôtel est le mot primitif; il exprime absolument l'idée que le mot dérivé hôtellerie désigne en l'affaiblissant. L'hôtellerie a moins de grandeur et d'importance que l'hôtel; elle reçoit les personnages les plus vulgaires; c'est une auberge. « Un fils de Masinissa, nommé Misagène, ayant été porté par une tempête à Brunduse, où il était resté malade, on lui envoya le questeur L. Stertinus, qui fut chargé de lui louer un hôtel dans cette ville, de lui fournir abondamment tous les secours dont il aurait besoin, et de lui préparer des vaisseaux pour le conduire sûrement en Afrique. » ROLL. « Le long de ce canal, Pompée fit bâtir des hôtelleries dans les endroits où les traites le demandaient, afin que les passagers y pussent trouver le couvert et les commodités nécessaires pour eux et pour leurs bètes. » ID.

Ensuite, on descend à l'hôtellerie, et on loge à l'hôtel : l'une est un pied à terre, l'autre un séjour habituel; dans l'une entrent des voyageurs qui ne demeurent que quelques jours, dans l'autre on reçoit des étudiants et toutes sortes de gens sans ménage. « Là demeurait Cogollos, dans un fort bel hôtel. » LES. « Tout ce que j'ai broché

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