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TERMINAISONS AMINI ET MENT. Brouillamini, brouillement. Embrouillamini,

embrouillement.

certaine manière. Les uns tiennent plus de l'adjectif et expriment l'objet tel qu'il est, sa nature; les autres tiennent plus du verbe et représentent l'objet tel qu'il a été fait, tel qu'il paraît, l'effet

BROUILLAMINI, BROUILLEMENT.-EMBROUIL- qu'il produit; ils sont plus concrets, ils font plus LAMINI, EMBROUILLEMENT. Mélange confus.

La terminaison de brouillement est active, elle marque l'accomplissement actuel de l'action signifiée par le verbe radical; celle de brouillamini est plutôt passive et paraît équivaloir à la terminaison is; aussi, a-t-on dit autrefois brouillis (MONTAIGN., AMYOT), au lieu de brouillamini qui est usité à présent. Brouillement exprime donc en action et comme se faisant, ce que brouillamini représente en résultat et comme étant fait; le brouillement est le fait par lequel la chose s'effectue, et brouillamini l'état de la chose effectuée. Quel brouillement faites-vous là? Voilà un beau, un singulier brouillamini.

Ensuite, brouillement est de tous les styles; au lieu que brouillamini, dont la désinence a sans doute une origine burlesque, n'appartient qu'au style familier, très-familier, et au comique. Molière, Regnard et Destouches se sont servis de ce dernier mot, et encore n'est-ce que dans celles de leurs pièces qui touchent à la farce.. Un avocat devant des juges parlera du brouillement ou de l'embrouillement de l'affaire: hors du palais et dans une conversation avec ses amis, il dira que c'est un horrible brouillamini.

D'autre part, brouillamini, dans son genre, indique une confusion plus grande, plus extraordinaire, plus inextricable, une sorte d'entortillement ou de galimatias.

Il est à remarquer enfin que brouillement ne figure que dans les dictionnaires; aucun auteur, à notre connaissance du moins, ne l'a employé. Aussi Trévoux dit-il avec raison: ce mot n'est point reçu. Il en est de même d'embrouillamini, malgré l'autorité de Voltaire. Restent donc brouillamini et embrouillement entre lesquels doivent être mises, non-seulement les différences de brouillamini à brouillement ci-dessus indiquées, mais encore celles de brouiller à embrouiller. (Voy. p. 148.)

TERMINAISON ADE.

Galop, galopade. Rebut, rebuffade. Embûche, embuscade. Face, façade. Balustre, balustrade. Taille, taillade. Bourg, bourgade. Etc.

Quoique l'origine en soit controversée, la terminaison ade est incontestablement active. C'est pourquoi la plupart des noms qu'elle sert à former ont une base verbale et ne trouvent de synonymes à radicaux communs que parmi les substantifs en ment. Mais ce n'est pas déterminer assez précisément le sens qu'elle imprime aux mots à la fin desquels elle se place. Les noms à terminaisons insignifiantes, qui sont ou semblent des radicaux nus, présentent simplement l'idée commune et ia caractérisent d'une manière absolue, intrinsèquement, en elle-même; les noms en ade y ajoutent des circonstances qui résultent d'une action et qui modifient l'idée commune d'une

image. Caractère commun à tous les noms ayant une terminaison active par rapport aux noms à terminaisons insignifiantes.

Maintenant, la modification particulière, imprimée au radical par la terminaison active ade, consiste dans une sorte d'étendue ou de compréhension; elle marque une action répétée, ou accompagnée de circonstances particulières, ou bien, s'il s'agit d'un objet, quelque chose qui se distingue par sa grandeur, par sa complication, par les ornements qui le décorent. Ce caractère est celui-là même que donne aux substantifs le genre féminin; et tous les noms français en ade. au nombre de près de deux cents, sont effectivement de ce genre.

GALOP, GALOPADE. Une des allures du cheval, qui est proprement une suite de sauts en avant.

Le galop est une chose qu'on qualifie comme toutes les autres; c'est l'espèce de mouvement, le mode de courir, distinct de tout autre, le trot. le pas ordinaire, etc., indépendamment de toutes circonstances de temps et d'espace parcouru. La galopade est un fait, l'exécution itérative du galop; ce mot est concret, et il marque, avec la réalisation du galop, la continuité, la durée et l'espace parcouru. On dira : tel cheval a le galop fatigant; et, cette galopade m'a fatigué; or, la fatigue résulte, dans le premier cas, de la manière de sauter du cheval, et, dans le second, elle aura résulté de la durée des galops et de l'espace parcouru. Le galop est le pas du cheval: la galopade est la course qu'il a faite en galopant.

REBUT, REBUFFADE. Action de rebuter quelqu'un. On essuie des rebuts ou des rebuffades, quand on est mal accueilli ou rejeté avec dureté, avec rudesse.

Mais rebuffade est un mot concret, qui présente le fait, non pas simplement, comme rebut, mais accompagné de circonstances aggravantes, de gestes, de reproches violents, de paroles injurieuses, de manières dédaigneuses, même de mauvais traitements. En un mot, le rebut est le mauvais accueil ou le refus d'accueillir; rebuffade modifie cette idée en y ajoutant des circonstances qui l'étendent et la rendent plus forte. C'est dans ce sens à peu près que Condillac a dit: « Les rebuts sont des obstacles qu'on nous oppose, parce qu'on ne fait pas de cas de nous; ils nous mortifient. Les rebuffades sont des refus qu'on nous fait avec mépris; elles nous humilient. Un vrai courtisan ne craint pas les rebuts, et affronte les rebuffades. »>

Au reste, rebut étant un terme abstrait, qui énonce la chose sans la dépeindre, convient au style noble; au lieu que rebuffade rappelant les circonstances réelles du fait, lesquelles n'offrent rien que de grossier et de bas, appartient au style familier. Bourdaloue et Massillon parlent des rebuts qu'on a à essuyer de la part des grands; on reçoit des rebuffades d'un valet (VOLT., J. J.). « Ce

D

mendiant ne recut d'autres fruits de ses lamenta- | Bélus était entourée d'une balustrade de marbre tions que des rebuffades et des injures. » LES. EMBÜCHE, EMBUSCADE. Piége qu'on tend pour y faire tomber un ennemi.

Embûche exprime cette idée en elle-même, d'une manière abstraite; embuscade est un terme concret, il ajoute à cette idée des circonstances qui la font voir réalisée et présentent la réunion effective de tout ce dont on se sert, les hommes, les armes, le lieu favorable, pour opérer le stratagème. Des courtisans (LABR.), des négociateurs (S.S.) se dressent des embûches les uns aux autres; l'embuscade est l'embûche effectivement et matériellement montée ou arrangée dans un certain lieu, dans un certain temps et avec certains moyens. Tomber dans des embûches, c'est se laisser surprendre, au figuré; tomber dans une embuscade, c'est tomber au milieu de gens armés qui ont été placés tout exprès dans un lieu où l'on ne peut se défendre.

Ajoutez que l'embûche est la chose, le piége; et l'embuscade, l'action de la dresser. « Le héron n'a que l'embuscade pour tout moyen d'industrie.» BUFF. « A cette époque on prend beaucoup de canards, soit à la quête du jour ou à l'embuscade du soir.» ID.

FACE, FAÇADE. Côté apparent d'un édifice. Face n'exprime pas davantage, et il empêche seulement de confondre ce côté avec un autre. Façade ajoute à l'idée commune celle d'ornement, de décoration. La façade est la face qui paraît davantage, qu'ont embellie l'architecture et la sculpture, qui présente des colonnes, des frontons, des portiques, des balustrades; et c'est pourquoi un édifice n'a ordinairement qu'une façade, quoiqu'il ait plusieurs faces: « Elle considéra quelque temps les diverses faces de l'édifice.» LAF.

La façade est à la face ce que la bordure est au bord. De plus, façade ne se dit qu'en parlant d'un édifice considerable; on n'appellera jamais de ce nom la face ou le devant d'une petite maison. BALUSTRE, BALUSTRADE. Assemblage de petits piliers façonnés pour servir de clôture. On appelle primitivement balustres ces petits piliers eux-mêmes, qui entrent dans la composition de la balustrade. Mais, en prenant la partie pour le tout, on a fait de balustre le synonyme de balustrade. Toutefois, la différence des deux mots est facile à apercevoir.

blanc de cinquante pieds de hauteur qui portait des statues colossales. >> VOLT.

Le balustre peut être remarquable par la richesse de sa matière: un balustre d'or (BOIL.): la balustrade l'est par sa grandeur ou par sa forme: une balustrade immense (VOLT.), ornée de petits amours très-bien sculptés (ID.).

Même différence entre palis et palissade. « Palis, clôture de pieux, dit l'Académie (1594); palissade, clôture de gros pieux plantés pour se défendre. » De là vient que palissade se dit surtout en termes de fortification. En outre, palis n'emporte aucune idée d'ornement. « Les cerfs, lorsqu'ils sont poursuivis, franchissent aisément une haie, et même un palis d'une toise de hauteur. » BUFF. Mais dans une de ses acceptions le mot palissade signifie quelque chose d'élégant et de pittoresque, un mur de verdure. « Un lieu sauvage paraît hideux et insupportable aux gens du monde : il leur faut des parterres bien dressés, des palissades bien taillées, des allées bien droites. » NIC.

TAILLE, TAILLADE. Ces deux mots, peu synonymes, rappellent l'idée du verbe tailler, et signifient coupure.

Taille indique la manière intrinsèquement bonne ou mauvaise dont certaines choses, les arbres, les pierres précieuses, les habits, les plumes pour écrire, sont coupées ou taillées; de sorte que la taille se considère en elle-même, et non dans son apparence.

Taillade, au contraire, est un terme concret, qui signifie une coupure longue, étendue, apparente, faite dans les chairs, c'est-à-dire une balafre, ou dans les étoffes et les habits, soit que cette coupure les gâte ou leur donne un nouvel ornement on portait autrefois des pourpoints a taillades. Eschine reproche à Démosthène de s'être fait des taillades à la tête pour intenter à ses ennemis, à ce sujet, des accusations lucratives (MARM.).

BOURG et BOURGADE, PEUPLE et PEUPLADE, semblent contredire la règle ci-dessus proposée. Bourgade et peuplade devraient signifier quelque chose de plus étendu que bourg et peuple, dont ils ne sont pourtant que des diminutifs.

Mais c'est seulement sous le rapport numérique que la bourgade et la peuplade sont plus petites que le bourg et le peuple. Sous le rapport de l'étendue proprement dite, la bourgade est plus grande que le bourg, elle est moins resserrée, elle occupe un plus grand espace, les maisons en sont plus disséminées; et de même la peuplade n'est pas réunie et fixée en un lieu comme le peuple, elle se meut, elle erre sur un plus vaste terrain.

Le balustre est plus petit, plus simple, moins compliqué, moins employé à la décoration que la balustrade. On appelle spécialement balustre une petite balustrade qui sert de clôture dans une église ou dans une chambre. « Dans cette église, un balustre de marbre ferme le maître-autel. » REGN. < Le roi le fit entrer dans le balustre de son lit.» S.S. Du reste, une autre différence qu'il ne faut pas « Nous reposons, tandis que le roi, retiré dans son oublier, sépare la bourgade du bourg et la peubalustre, veille seul sur nous et sur tout l'Etat. »plade du peuple. La bourgade et la peuplade sont LABR. On appelle balustrade un grand balustre servant d'ornement aussi bien que de clôture. « Le roi ne faisait qu'aller et venir le long de la balus-cement, une ébauche, quelque chose qui pourra trade de l'Orangerie (à Versailles). » S. S. « Je vois d'ici votre belle terrasse, et votre clocher que Vous avez paré d'une balustrade qui doit faire un très-bel eflet. » SÉv. « La plate-forme du palais de

relativement au bourg et au peuple comme la corporation relativement au corps, un commen

devenir un bourg et un peuple, une manière de bourg et de peuple. La Suisse n'est encore qu'une grande peuplade, qui s'agite et fait effort pour devenir un peuple (LAMARTINe).

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SCARR.

Force dehors, force grimace, Embrassade dans la bonace; Mais le vent vient-il à changer..., Adieu la tendresse et l'ami. L'embrassement, au contraire, est réellement affectueux et témoigne une véritable tendresse. « Mourir dans les embrassements de ses enfants. >> VOLT. « Goûter la douceur des embrassements de sa mère. » LES. «< En vain Monsieur, en vain le roi même tenait Madame serrée par de si étroits embrassements..., la princesse leur échappait parmi des embrassements si tendres. » Boss. Au lieu de convenir surtout au style comique, embrassement est quelquefois employé dans la haute poésie. La Henriade en offre un exemple et peutêtre plusieurs :

Trois fois il tend les bras à cette ombre sacrée ;
Trois fois son père échappe à ses embrassements,
Tel qu'un léger nuage emporté par les vents.

J. J. Rousseau dit à la fin d'une de ses lettres « Recevez les embrassements de votre ami. » Et madame de Sévigné : « Jetez mes amitiés, mes compliments, mes embrassades, comme vous le jugerez à propos. »

GLISSADE, GLISSEMENT. Action de glisser. Glissade est un glissement assez long fait par une personne ou par un animal: pendant l'hiver les enfants font des glissades sur des glissoires; << Son cheval avait fait une grande glissade. » S. S. Ce mot, d'ailleurs, est concret, pittoresque, représentatif. On ne dirait pas en physique que les corps ne sont liquides que par la glissade conti- |

nuelle, mais bien par le glissement continuel de leurs parties les unes sur les autres.

RECULADE, RECULEMENT. Action des voitures qui reculent.

Reculement se dit toujours en parlant d'une seule voiture, et reculade ordinairement en parlant de plusieurs. Ce dernier mot fait image et emporte une idée d'embarras et de confusion qui est étrangère au premier. « Le reculement d'un carrosse, d'une charrette. » ACAD. « C'était le plus grand embarras du monde : c'étaient des reculades de deux mille carrosses en trois files, des cris de deux ou trois cent mille hommes, des ivrognes, des combats à coups de poing. VOLT.-De son côté, reculement n'étant point représentatif se dit seul au figuré : « Le reculement des frontières par la conquête de nouvelles provinces. » LABR.

On dit de même étouffement en parlant d'une seule personne, et étouffade pour l'étouffement de plusieurs personnes dans une presse : « Les massacres et les étouffades du feu de la ville. » DUDEFF.

TERMINAISON OIR..

TERMINAISONS OIR ET ADE.
Promenoir, promenade.

PROMENOIR, PROMENADE. Lieu où l'on se promène.

La terminaison ade marque l'action de faire une chose, et par suite le lieu où elle se fait, mais un lieu vaste et fréquenté par beaucoup de personnes, car aux noms en ade s'attache toujours une idée de grandeur, d'étendue, de com. préhension. « La terminaison oir ou oire, dit Roubaud, marque la destination propre des choses, le lieu disposé, un moyen préparé, un instrument fabriqué, etc., pour telle opération, tel dessein, tel objet. » Ainsi dortoir, réfectoire, observatoire, signifient des lieux disposés et où l'on se rend pour dormir, pour manger ou pour observer. Mouchoir est un linge pour se moucher; baignoire, une cuve à se baigner; ratissoire, écumoire, couloir, pressoir, armoire, sont des instruments pour ratisser, écumer, couler, presser, renfermer des armes et ensuite des effets.

En conséquence, il n'y a de promenoir, comme dit encore Roubaud, que le lieu destiné, arrangė, disposé exprès pour qu'on s'y promène, et tout lieu où l'on se promène est promenade. Bossuet dit en parlant des palais de Salomon: « Tout était grand dans ces édifices; les salles, les vestibules, les galeries, les promenoirs. » « J'ai encore acheté plusieurs terres, à qui j'ai dit: Je vous fais pare. De sorte que j'ai étendu mes promenoirs sans qu'il m'en ait coûté beaucoup. » SÉV.

Mais le sens propre de la terminaison ade fournit une seconde distinction tout aussi essentielle. Les promenoirs ont moins d'étendue et admettent moins de monde que les promenades: on en fait, on en ménage dans les jardins, dans les parcs, dans les châteaux, dans les maisons particulières, dans les hospices; et ils ne sont destinés que pour les personnes. de la maison, ou celles qu'on y re

Dans les substantifs en ée la chose semble plus compréhensive, sans l'être réellement; c'est qu'elle y apparaît mieux dans tous ses détails, dans toutes ses parties, dans toute l'étendue qu'elle a en effet.

La plupart des synonymes de cette classe se rapportent au temps. Nous les examinerons d'a

çoit. Le jardin des Tuileries et les Champs-Elysées sont des lieux spécialement destinés et disposés pour qu'on s'y promène; on ne les appelle pourtant pas des promenoirs, mais bien des promenades, parce qu'ils sont d'une grande étendue. Lucullus avait près de Tuscule une maison de campagne située en belle vue, bien percée pour recevoir et le jour et l'air, et avec des promena-bord, et tous ensemble. Ce sont : an, année, des très-étendues. ROLL. D'un autre côté, on n'appellera pas promenade un petit jardin clos qui se trouve devant un pavillon; c'est une petite promenade, c'est-à-dire un promenoir. Montaigne dit que, sans le soin que cela lui demanderait, il pourrait coudre à chaque côté de sa bibliothèque une galerie de cent pas de long et de douze de large. « Tout lieu retiré, ajoute-t-il, requiert un promenoir. »

TERMINAISON ÉE.

An, année; jour, journée; matin, matinée; soir, soirée; après-diner, après-dînée; après-souper, après-soupée. Veille, veillée. Rang, rangée Nue, nuée. Hymen, hyménée. Destin, destinée. Renom, renommée. Vol, volée. Tour, tournée. Ris, risée.

temps que la terre met à faire une révolution entière dans son orbite; jour, journée, temps que la terre met à faire son mouvement entier de rotation sur elle-même; matin, matinée, la première partie du jour jusqu'à midi; soir, soirée, la seconde partie du jour, à partir de midi; aprèsdiner, après-dinée, l'espace de temps qui s'écoule après le dîner; après-souper, après-soupée, espace de temps qui s'écoule après le souper.

L'an est à l'année, le jour à la journée, etc.. comme la bouche à la bouchée, le four à la fournée, le poing à la poignée, etc. Jour, matin, etc., expriment des portions de la durée, comme des contenants, dont les substantifs en ée qui leur correspondent expriment le contenu. Les uns font considérer ces espaces de temps en eux-mêmes, comme des éléments ou des étendues indivisibles, et l'on ne s'en sert que pour compter ou marquer une époque. Les autres les font considérer comme Les substantifs en ée représentent relativement remplis par une succession d'événements, comme et subjectivement les choses ou les actions, que divisibles en plusieurs parties; et les qualifications leurs synonymes de même radical et sans termi- nombreuses qu'ils reçoivent sont tirées de ce qui naisons significatives expriment d'une manière s'y fait ou de ce qui s'y passe. De sorte que année, absolue et objective. Ces derniers sont des termes journée, matinée, etc., marquent la durée déabstraits qui comportent un petit nombre de qua- terminée et divisible de l'an, du jour, du matin, lifications; les premiers, au contraire, sont con- ou la série des événements qui les remplissent. crets, et susceptibles d'une multitude de qualifi- Mais l'an, le jour, etc., sont en dehors des évécations diverses, qui modifient l'idée commune nements; ils les embrassent sans rien leur dedans les cas particuliers. Mais en cela les substan- voir de leur manière d'être. Un événement a eu tifs en ée ressemblent à tous les substantifs à lieu l'an 1830, tel jour, un matin, un soir; l'anterminaisons significatives, comparés à leurs sy-née se divise en 365 jours, la journée en soir et nonymes de même radical et dont la terminaison matin, la soirée et la matinée en 12 heures. L'anest indifférente. Voici maintenant ce qui les dis-née, la journée, etc., sont belles, pluvieuses, tingue spécialement. froides, et heureuses ou malheureuses, agréables ou tristes, à raison des événements qui s'y passent. On travaille toute l'année, toute la journée, toute la soirée; etc. On paye à un ouvrier sa journée. On célèbre l'anniversaire des trois journées. On souhaite une bonne et heureuse année. Des

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quelqu'un les soirées, les après-soupées, c'est-àdire qu'on demeure avec lui le temps du soir et de l'après-souper pour y faire telle ou telle chose. Je lui écrirai cet après- diner, exprime simplement l'époque; j'emploierai l'après-dinée à lui écrire, montre cette époque dans son étendue. « L'aprèsdinée m'a semblé fort longue.» MOL. « Je fus avec madame de Maintenon une bonne partie d'une après-dînée. » Rac.

La terminaison ée s'ajoute souvent à une base verbale, et sa forme est tout à fait celle des participes passés passifs dans notre langue; à tel point qu'on peut considérer comme des participes de ce genre, au féminin, la plupart des noms en ée. tels que destinée, renommée, rangée, tournée:années de sécheresse, d'abondance. On passe avec remarque suffisante pour conduire à déterminer précisément la valeur de cette désinence. Elle désigne le détail de choses faites ou d'événements passés, que les noms sans terminaisons significatives expriment en masse et synthétiquement, auxquels même ils ne font souvent aucune allusion. Les substantifs en ée sont explicatifs ou descriptifs; au lieu de montrer la chose dans ses contours, dans sa totalité, comme une, simple, indivisible, ainsi que leurs synonymes ici considérés, ils la représentent comme composée de parties dans lesquelles elle est décomposable; ils la montrent dans son contenu, dans toute sa variété, dans les éléments qui la composent; ils la font voir comme formée d'une suite, d'une continuité ou succes-jour, mon soir, etc. L'an est le même pour tout sion de choses, de faits ou d'événements; ils en expriment les circonstances, la durée, l'étendue. Un dernier caractère tient à celui qui précède.

Et d'un autre côté, quoi de plus absolu que les mots, an, jour, soir, etc.; de plus relatif que les mots, année, journée, soirée, etc.? Vous dites, j'ai passé mon année, ma journée, ma soirée, etc., de telle façon; et non, mon an, mon

le monde; mais on distingue une année scolaire, une année théâtrale, c'est-à-dire l'espace d'un an employé aux études ou aux représentations du

théâtre, et pris arbitrairement de tel mois à tel autre. La journée est tellement relative aux personnes et à leurs occupations, qu'elle se mesure du moment où l'on se lève au moment où l'on se couche, et qu'elle comprend quelquefois le temps seulement que l'on peut y voir pour travailler. La journée d'un ouvrier ne commence et ne finit jamais en même temps que le jour. Marcher à petites journées, c'est ne marcher qu'une partie du jour. Vous direz absolument, le soleil se lève le matin et se couche le soir; et relativement, une matinée fraîche, une belle soirée: matin et soir sont trop absolus ou trop abstraits pour recevoir de ces sortes de qualifications.

VEILLE, VEILLÉE. Ces deux mots se rapportent aussi au temps, et signifient celui qui est destiné au sommeil et qu'on passe néanmoins sans dormir.

Mais la différence, quoique la même au fond, n'apparaît pas avec autant de clarté. La veille était prise chez les Romains pour unité de temps, de même que l'an et le jour : ils divisaient la nuit en quatre veilles. Ce mot exprime dans tous les cas purement et simplement l'état d'une personne qui ne dort point, quand elle pourrait ou devrait dormir. Veillée a rapport à ce qui se fait pendant la veille, outre qu'il indique une veille faite à plusieurs. Les veilles sont pénibles, fatigantes, absolument, en elles-mêmes, en tant que veilles; les veillées sont pénibles, fatigantes, à raison de ce qu'on y fait. La littérature possède les veillées du

Tasse.

RANG, RANGÉE. Suite de choses mises sur une même ligne.

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Nue exprime la chose en elle-même, et seulement par rapport à son élévation (voy. Nue, nuage); nuée l'exprime par rapport à son contenu. Les synonymistes, Roubaud, Beauzée et Condillac, s'accordent sur ce point. La nuée] est grosse, chargée, orageuse, prête à crever. « Le tonnerre rompt la nuée et fait couler la pluie. » Boss. « La nuée se résout en pluie. » VOLT. « Dans les temps de nuées et d'orages. » BUFF. « On entendait le même bruit que font deux nuées grosses de foudres et de tempêtes en se choquant avec fracas. » LES. « Nuées sans eau, docteurs sans doctrine. » Boss. « Les nuées ont enfin enfanté le juste.» MASS. Les nuées, suivant Fénelon, sont des espèces de mers suspendues pour tempérer l'air, et pour arroser la terre quand elle est trop sèche.

Au figuré, comme au propre, nuée emporte une idée d'abondance ou de quantité : une nuée de coups de bâton, une nuée de témoins, d'écrits, d'oiseaux, d'insectes.

HYMEN, HYMÉNÉE. Divinité païenne qui présidait au mariage, et poétiquement, par extension, le mariage lui-même.

L'hymen est le fait, et l'hyménée l'état du mariage. La terminaison d'hyménée le rend propre à signifier le cours, la durée, les circonstances et toute l'étendue de la chose exprimée synthétiquement par hymen. L'hymen joint les deux époux, et ils vivent unis par les noeuds de l'hyménée ou sous les lois de l'hyménée. » Puisque avec Calphurnie un paisible hyménée Par des liens sacrés tient son âme (de César)enchalnée. CORN. On célèbre, on conclut, on achève un hymen. De leur hymen fatal troublons l'événement. RAC. Un hymen qu'on souhaite Entre gens comme nous est chose bientôt faite. MoL. << Le moment fixé pour l'hymen arriva. » MONTESQ.

En un mot hymen regarde ou désigne seulement les noces et leur célébration. Mais l'hyménée s'étend à tout le temps de l'union et à ce qui résulte de cette union.

Ces deux mots d'abord diffèrent à peu près comme ordre et ordonnance, et par la même raison, savoir que l'un n'a pas, tandis que l'autre a une terminaison significative. Rang est absolu et abstrait: il indique une disposition essentielle, telle qu'elle doit être; rangée est relatif et concret il exprime une disposition de fait. C'est précisément la distinction de Condillac : « Il me semble, dit-il, que dans le rang les choses sont disposées suivant la place qu'elles méritent, et BOIL.. que dans la rangée elles sont seulement sur une Aussi dit-on sous l'hyménée comme on dit sous le même ligne. » Rangée, et non pas rang, repré-joug, sous une loi. sente comme ayant eu lieu l'action de ranger; de Et vivre en frère et sœur sous un saint hyménée. là vient qu'on ne dit pas une rangée, mais un rang de dents (ACAD) ou de collines (BOIL.).

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L'hyménée est un joug.

CORN. Et j'aime mieux la voir sous un autre hyménée, De plus, rang peut être considéré comme un Que si, contre son gré, sa main m'était donnée. MOL. contenant, dont rangée marque le contenu. Le Souhaitez à votre reine les douceurs d'un règne premier fait abstraction des choses qui compo- florissant et d'un heureux hyménée. » LES. « L'hysent la ligne; tandis que le second signifie pro-ménée fait prospérer le lit nuptial dans la faprement ces choses, c'est-à-dire la suite des per-mille. » MARM. « Il est temps, dit le hibou, que sonnes et des objets qui remplissent ou forment le blond hyménée me donne des enfants gracieux le rang. On dit un rang, deux rangs, trois rangs, comme moi. » FÉN. « Je fus le seul fruit de cet le rang ne pouvant guère être qualifié que sous hyménée. » LES. le rapport du nombre. Mais on dit une belle rangée d'arbres, par exemple, pour une rangée de beaux arbres.

Rang s'emploie seul et absolument : le premier, le second rang, se mettre en rang; à rangée il faut toujours joindre les noms des choses qui sont en rang rangée d'hommes, d'arbres, de voitures.

NUE, NUÉE. Amas de vapeurs élevées dans l'air.

DESTIN, DESTINÉE. Ces mots désignent une chose stable, arrêtée, fixée, ordonnée, statuée, déterminée d'avance.

Roubaud les a parfaitement distingués. « Par la terminaison du mot, dit-il, la destinée annonce particulièrement la chaîne, la succession, la série des événements qui remplissent le destin. On dit, unir ses destinées, s'attacher à la destinée de quelqu'un, suivre ou finir sa destinée; toutes ma

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